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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2175/2023

ATA/921/2023 du 29.08.2023 ( FORMA ) , REJETE

Recours TF déposé le 11.10.2023, rendu le 17.01.2024, IRRECEVABLE, 2C_568/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2175/2023-FORMA ATA/921/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 août 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

INSTITUT DE HAUTES ÉTUDES INTERNATIONALES ET DU DÉVELOPPEMENT intimé



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : le doctorant), né le ______ 1992, domicilié en Chine, a commencé un doctorat en droit international à l’Institut de hautes études internationales et du développement (ci‑après : l’institut ou IHEID) en septembre 2019. La directrice de thèse était la Professeure B______ et le second lecteur de son mémoire préliminaire de thèse (ci-après : MPT) le Professeur C______.

b. Le MPT devait être remis le 11 janvier 2021. Au vu des restrictions en lien avec la pandémie et des problèmes de santé du doctorant, le délai a été prolongé au 30 juin, puis au 2 août 2021. Le MPT a été déposé le 31 juillet 2021. Le doctorant était supposé le soutenir le 30 septembre 2021, repoussé au 3 décembre 2021 en raison de problèmes de santé de ce dernier.

La note de 3.5 ayant été attribuée, une seconde et dernière tentative a été accordée à A______ pour retravailler son MPT sur la base des rapports remis par les évaluateurs. Un délai au 3 juin 2022 lui était imparti. Après plusieurs prolongations, la version remaniée du MPT a été déposée le 10 octobre 2022. La soutenance, initialement prévue le 1er décembre 2022, a eu lieu le 27 février 2023 en raison de problèmes de santé et de visas de l’intéressé.

c. La note de 3 lui ayant été attribuée, A______ a été éliminé du programme de doctorat par décision du 7 mars 2023 prise par la directrice de l’institut.

B. a. Le doctorant a formé opposition contre la décision précitée.

b. Le 10 mai 2023, la commission des oppositions de l’institut a préavisé défavorablement. La décision du 7 mars 2023 devait être confirmée.

La commission avait entendu la Prof. B______ le 25 avril 2023. Copie du procès-verbal de son audition était joint.

Le doctorant considérait que la note était arbitraire et inéquitable pour trois motifs : 1) le contenu de la dissertation ne permettrait pas de justifier la note en question et la dissertation n’avait pas fait l’objet d’une lecture impartiale ; 2) une supervision inadéquate avait été effectuée par sa superviseure ; 3) le fait que le MPT ait été écrit dans des circonstances particulièrement difficiles, compte tenu de la pandémie, n’avait pas été pris en compte.

Or, les Prof. B______ et C______ avaient rendu des rapports détaillés et avaient soulevé avec clarté les lacunes des deux versions du MPT afin d’expliquer, de manière objective et raisonnée, l’insuffisance du travail du doctorant. Les courriels de professeurs d’autres universités, produits par le doctorant, sur son travail n’étaient pas recevables et ne sauraient discréditer l’expertise des deux professeurs en charge du MPT. La Prof. B______ avait expliqué avoir régulièrement rencontré le doctorant et donné un retour régulier, ce qui était attesté par les pièces versées au dossier. Il convenait de ne tenir compte que de quatre semestres et non de la période de quatre ans incluant les nombreuses prolongations obtenues par l’intéressé. Ce dernier n’avait d’ailleurs pas contacté le ou la responsable de son département ou la direction des études afin d’exposer la situation et de trouver une solution acceptable comme le préconisaient les directives d’application du règlement d’études des programmes de doctorat (ci‑après : DA). Enfin, toutes les prolongations sollicitées avaient été accordées, afin de tenir compte de la situation sanitaire en Chine et des difficultés personnelles du doctorant. Il avait même été parfois renoncé à l’exigence de la remise de certificats médicaux. L’intéressé avait bénéficié des aménagements d’études nécessaires à la poursuite de son travail, en conformité avec les dispositions applicables et les besoins exprimés.

c. Par décision du 16 mai 2023, la directrice de l’institut a rejeté l’opposition, se référant au préavis de la commission.

C. a. Par acte du 29 juin 2023, posté à Genève, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée. Il a conclu à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’institut de « l’accréditer à nouveau en tant que doctorant et de le laisser terminer sa thèse de doctorat. »

Ses arguments seront repris dans la partie en droit du présent arrêt.

b. L’institut a conclu au rejet du recours, persistant dans ses arguments.

c. Dans sa réplique, le doctorant a persisté dans ses conclusions. Il respectait le fait que l’institution s’appuie sur des dispositions légales et sur la jurisprudence pour étayer sa position. Il demandait toutefois instamment à l’institution de prendre en considération les principes plus larges d’équité, de transparence et d’impartialité.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 22 du règlement interne relatif à la procédure d’opposition au sein de l’IHEID du 27 mai 2016 [ci-après : RIO-IHEID] et 15 du règlement d’études du programme de doctorat [ci-après : RE] de l’IHEID, adopté le 1er septembre 2022).

2.             Le litige porte sur la décision de la directrice de l’IHEID du 16 mai 2023, rejetant l’opposition faite par le doctorant à l’encontre de son élimination du programme de doctorat du 7 mars 2023.

3.             Pour obtenir le doctorat, chaque étudiant doit, notamment, faire accepter un MPT et soutenir avec succès une thèse et effectuer son dépôt conformément aux dispositions et dans les délais fixés par le RE (art. 4 RE).

3.1 L’art. 7 RE détaille le MPT.

Dans les conditions et délais fixés par les règlements et plans d'études applicables, l’étudiant soumet un MPT répondant aux exigences du département concerné (al. 1). Le MPT, qui doit être déposé dans le programme informatique de l’institut et assorti d’un résumé de 500 caractères, est examiné par un jury au cours d'une soutenance (al. 2). Le jury se compose, en principe, de deux enseignants de l'institut, désignés par la direction des études (al. 3). Les membres du jury disposent de trois semaines pour lire le texte qui leur est soumis. Passé ce délai, ils déposent dans le programme informatique de l’institut un rapport présentant les qualités et les défauts du mémoire préliminaire de thèse. L’étudiant peut prendre connaissance du rapport dans les délais fixés par la direction des études (al. 4). La soutenance du MPT donne lieu à une note (al. 5). Si la note décernée par le jury au MPT est inférieure à 4, l’étudiant dispose d'une seconde et dernière tentative. Il soumet une version remaniée selon les demandes du jury, et doit la faire accepter lors d'une nouvelle soutenance (voir aussi l'art. 12 al. 3). Si, lors de la seconde tentative, la note décernée par le jury au MPT est inférieure à 4, l’étudiant est définitivement éliminé de l'institut conformément à l'art. 14 (al. 6). Si la note décernée par le jury au mémoire préliminaire de thèse est supérieure ou égale à 4, l’étudiant obtient 30 crédits ECTS. Le sujet de thèse et le nom du directeur ou de la directrice de thèse sont alors approuvés, sur proposition de la direction des études, par le comité académique (al. 7). Après avoir soutenu avec succès le MPT, les candidats admis au doctorat conformément à l'art. 2 al. 3 (filière rapide), reçoivent le master de l'institut dans leur spécialisation disciplinaire (ou à défaut, le master auquel ils étaient inscrits à l’origine - art. 7 al. 8 RE).

3.2 Les étudiants doivent avoir réussi le MPT au plus tard avant la fin du troisième semestre qui suit leur inscription au doctorat. En cas d'échec, la seconde et dernière soutenance doit avoir lieu dans les six mois qui suivent la première soutenance
(art. 12 al. 3 RE).

3.3 Est définitivement éliminé de l'institut l’étudiant qui, notamment, ne satisfait pas aux conditions de réussite énumérées aux art. 4 à 8 (art. 14 al. 1 let b RE). L'élimination est prononcée par le directeur ou la directrice de l'institut, qui tient compte des situations exceptionnelles (art. 14 al. 2 RE).

3.4 En l’espèce, le recourant a obtenu, à sa deuxième et dernière tentative, la note de 3, insuffisante, à son MPT. Son élimination est fondée, en application des art. 7 al. 6 et 14 al. 1 let. b RE.

4.             Dans un premier grief, le recourant se plaint d’une notation « arbitraire et injuste ». La commission n’avait pas pris en compte les nombreuses preuves, y compris les avis d’experts externes, qui le démontraient. La commission avait explicitement déclaré qu’elle n’examinerait pas la grande majorité des objections, ce qui impliquait que les arguments de fond n’avaient pas été analysés.

4.1 En matière d'examens, le pouvoir de l'autorité de recours est extrêmement restreint, sauf pour les griefs de nature formelle, qu'elle peut revoir avec un plein pouvoir d'examen. En effet, selon la jurisprudence, l'évaluation des résultats d'examens entre tout particulièrement dans la sphère des décisions pour lesquelles l'administration ou les examinatrices et examinateurs disposent d'un très large pouvoir d'appréciation et ne peut faire l'objet que d'un contrôle judiciaire limité (ATA/354/2019 du 2 avril 2019 consid. 5a). Cette retenue est en conformité avec la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui admet que l'autorité judiciaire précédente fasse preuve d'une certaine retenue (« gewisse Zurückhaltung »), voire d'une retenue particulière (« besondere Zurückhaltung »), lorsqu'elle est amenée à vérifier le bien-fondé d'une note d'examen (ATF 136 I 229 consid. 5.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_54/2014 du 23 janvier 2015 consid. 5.6 ; 2C_632/2013 du 8 juillet 2014 consid. 3.2 ; 2D_6/2013 du 19 juin 2013 consid. 3.2.2).

La chambre administrative ne revoit l'évaluation des résultats d'un examen qu'avec une retenue particulière, dès lors qu'une telle évaluation repose non seulement sur des connaissances spécifiques mais également sur une composante subjective propre aux personnes expertes ou examinatrices, ainsi que sur une comparaison des candidates et candidats. En outre, à l'instar du Tribunal fédéral (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; 131 I 467 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_38/2011 du 9 novembre 2011 consid. 4.1), et par souci d'égalité de traitement, la chambre de céans s'impose cette retenue même lorsqu'elle possède les connaissances spécifiques requises qui lui permettraient de procéder à un examen plus approfondi de la question, comme c'est le cas en matière d'examens d'avocats ou de notaires (ATA/354/2019 du 2 avril 2019 consid. 5b). En principe, elle n'annule donc le prononcé attaqué que si l'autorité intimée s'est laissée guider par des motifs sans rapport avec l'examen ou d'une autre manière manifestement insoutenable(ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; 131 I 467 consid. 3.1 ; ATA/354/2019 précité).

4.2 Lorsque la décision porte sur le résultat d'un examen et que l'appréciation des expertes et experts est contestée, l'autorité satisfait aux exigences de l'art. 29
al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
(Cst. - RS 101) si elle indique à la personne candidate, de façon même succincte, les défauts qui entachent ses réponses et la solution qui était attendue d'elle et qui eût été tenue pour correcte. De même, l'art. 29 al. 2 Cst. ne permet pas à une personne candidate d'exiger des corrigés-types et des barèmes (ATA/1745/2019 du 3 décembre 2019 consid. 4a). En matière d'examens, la jurisprudence admet que la non-remise de documents internes, comme les grilles de corrections, l'échelle des notes ou les notes personnelles des examinatrices et examinateurs lors des examens oraux, ne viole pas le droit d'être entendu des personnes candidates, à condition qu'elles aient été en mesure de comprendre l'évaluation faite de leur travail. À ce sujet, le droit d'être entendu n'impose aucune obligation de tenir un procès-verbal d'une épreuve orale ou de l'enregistrer sur un support audio ou vidéo. Cependant, l'autorité doit pouvoir exposer brièvement, même oralement, quelles étaient les attentes et dans quelle mesure les réponses de la personne candidate ne les satisfaisaient pas pour remplir son obligation de motivation (arrêts du Tribunal fédéral 2D_54/2014 du 23 janvier 2015 consid. 5.3 ; 2D_17/2013 du 21 août 2013 consid. 2.1 ; ATA/1745/2019 précité consid. 4a ; ATA/476/2016 du 7 juin 2016 consid. 4).

4.2.1 Le recourant conteste, premièrement, que les chapitres de son MPT « sautent d’une question à l’autre sans suivre une analyse claire et articulée et étaient rédigés de manière très confuse ». Il détaille la logique de son analyse, exposée dans le premier chapitre.

4.2.2 Deuxièmement, il conteste que les deux chapitres soumis dans son MPT « contiennent également de graves erreurs et imprécisions dans la présentation du cadre juridique pertinent ». La nature de ses erreurs n’était pas précisée dans le rapport des superviseurs. Or, une grande partie, voire la plus grande partie, des preuves utilisées par les professeurs pour fonder leur note finale n’avait pas correctement pris en compte son travail et pourrait être considérée comme arbitraire. Il illustrait son propos par plusieurs exemples. Ainsi, s’il était exact que sa référence à l’art. 36 de la Convention sur certaines armes classiques (ci-après : CCAC) était erronée, ladite disposition n’existant pas, il était aisé de comprendre, comme il l’avait expliqué ultérieurement dans ses lettres, qu’il s’agissait d’une référence à l’art. 36 de la « CCCW ». Il ne s’agissait pas d’une erreur grave, celle‑ci pouvant facilement être corrigée en supprimant « trois mots superflus ». De même, les remarques du Prof. C______ qualifiant d’erreurs « considérables » plusieurs points en lien avec des citations d’un manuel de l’armée américaine, étaient exagérées, celles-ci étant des fautes de frappe ou de grammaire, mineures. Ainsi : « le droit international humanitaire chevauche souvent le droit humanitaire » devait se lire comme « le droit international humanitaire chevauche souvent le droit des droits de l’homme ». Il s’agissait certes d’erreurs, mais de nature superficielle, facilement identifiées comme telles par un lecteur désireux d’apporter une critique constructive. Il citait plusieurs autres exemples d’erreurs qu’il qualifiait de mineures, ainsi que sept exemples d’erreurs dans les commentaires du jury prouvant que son texte n’avait pas été correctement lu.

4.2.3 Troisièmement, le recourant conteste les qualifications de « obscur » accolées à côté de nombreux paragraphes ainsi que la remarque globale selon laquelle le régime de responsabilité pris en compte dans le projet de doctorat n’était pas clair. Il détaille les endroits, dans son MPT, où il traitait la question.

4.2.4 Quatrièmement, le rapport du jury retenait que « contrairement à ce qui avait été convenu avec le directeur de thèse, la question de recherche avait changé ». Il ne le contestait pas. Cette remarque ne tenait toutefois pas compte du fait que cette évolution était le résultat de sa propre analyse. Il avait vite compris que la démarche initiale ne serait pas fructueuse et « la ligne d’enquête qu’il avait choisie pour sa deuxième thèse préliminaire n’était donc pas contraire à ce qui avait été convenu, mais l’évolution naturelle de la conversation scientifique concernant l’application de la théorie du contrôle humain significatif ».

4.2.5 Cinquièmement, le rapport du jury indiquait qu’il ne maîtrisait pas suffisamment les principes de base du droit pénal international ou du droit humanitaire international pour mener à bien son doctorat. Il le contestait. Le rapport ne fournissait que peu de preuves à l’appui de cette affirmation. La conclusion était incohérente et erronée à plusieurs égards.

4.3 Ainsi, le recourant ne conteste pas avoir commis un certain nombre d’erreurs « de frappe » qu’il qualifie de superficielles. Il ne peut être suivi sur ce point. Évoquer l’art. 36 d’une convention alors qu’il n’existe pas ou l’incohérence d’une phrase telle que « le droit international humanitaire chevauche souvent le droit humanitaire » dans un travail de niveau du doctorat ne représente pas des fautes bénignes. La structure des chapitres et la cohérence du raisonnement relèvent de l’appréciation du jury et non de la chambre de céans à l’instar des sept points relevés comme étant la preuve que son travail aurait été lu de façon inattentive et qui abordent le fond de sa thèse. Le recourant se plaint notamment que le jury aurait mal compris plusieurs de ses phrases, à l’instar de son affirmation selon laquelle « lorsque la machine utilisée pour infliger de la violence à distance devient suffisamment compliquée, nous oublions qu’il s’agit d’une machine ». Il s’agit là du contenu du travail, à propos duquel le pouvoir de l'autorité de recours est extrêmement restreint.

5.             Dans un deuxième grief, le recourant se plaint d’un « manque d’orientation et de supervision appropriées ». Son travail avait fait l’objet de préjugés, la Prof. B______ lui ayant précisé immédiatement qu’il n’était pas capable de mener à bien son doctorat. Au cours des quatre années, il n’avait eu que six réunions de supervision, chacune d’environ 30 à 40 minutes. À quatre reprises au moins, ses demandes de réunion ou de contact téléphonique avaient été refusées. Elle avait sèchement décliné ses invitations à se joindre à des événements diplomatiques ou extrascolaires auxquels il participait. Elle n’avait fait montre d’aucune reconnaissance de son travail pour impliquer un public plus large et la communauté diplomatique dans ses travaux. Il n’avait jamais été invité dans les groupes de recherches de troisième cycle de l’institut, ce qui limitait les contacts qu’il avait pu avoir avec ses pairs, en particulier en raison de son isolement géographique en Chine. Il n’avait pas eu de preuve que sa directrice de thèse ait tenu compte de ses maladies. Il mentionnait l’avis d’examinateurs externes, contredisant l’évaluation du jury. Ainsi, un juge islandais, réputé, avait trouvé son travail d’un niveau élevé, témoignant d’une très bonne maîtrise des questions et de la littérature. Sa précision méthodologique avait été relevée par un professeur de l’université de Sao Paulo et la qualité de sa discussion et de son cadre théorique mis en avant par d’autres experts.

Il ressort toutefois des DA, lesquels précisent, sur un certain nombre de points, les procédures que les étudiants ont à suivre dans l’application du RE, qu’en cas de différend ou de désaccord entre le directeur ou la directrice de thèse et l’étudiant (par exemple, divergences dans les attentes de chacun, déficit de communication, conflits de personnalité ou de valeurs, etc.), le doctorant doit contacter le responsable de son département afin de lui exposer sa situation et trouver une solution acceptable pour tous (p. 4 DA).

Outre que les allégations du recourant sur l’absence de suivi sont contredites par la directrice de thèse, celui-là n’a pas respecté les DA.

Par ailleurs, le RE ne prévoit pas d’évaluation par des experts externes. L’évaluation du MPT a fait l’objet d’un examen fouillé et conforme au RE. Le travail, de 65 pages, contient de très nombreuses appréciations et commentaires du jury, ce qui témoigne de l’attention portée au document. Par ailleurs, le recourant ne se détermine pas sur l’allégation de l’institut selon laquelle il n’avait jamais transmis un projet de MPT préalablement à la date de son dépôt, ce qui aurait permis à la superviseure de formuler des commentaires. Il n’avait demandé à celle-ci de discuter de ses recherches qu’une fois le MPT remis, alors même que les modifications ne pouvaient pas être introduites à ce stade. L’évaluation du MPT ayant été effectuée avec rigueur et conformément au RE et aucune disposition règlementaire n’autorisant la prise en compte d’avis d’experts externes, le grief du recourant sera rejeté.

6.             Dans un troisième grief, le recourant se prévaut de « circonstances atténuantes », devant rédiger son MPT dans des conditions difficiles imposées par les mesures de santé publique prises en Chine, coïncidant avec des périodes de santé fragile le concernant. Au cours des deux dernières années, il avait été gêné par une grave rougeole, qui avait affecté son dos, et avait été diagnostiqué comme souffrant d’une dépression modérée. En mai 2021, un zona lui avait été diagnostiqué. En avril 2022, une dépression modérée l’avait atteint. Sa capacité de travail avait été entravée par de sévères restrictions de quarantaine en Chine, ce qui avait également eu un impact sur sa santé mentale. Il avait dû rester enfermé dans un appartement pendant 68 jours alors qu’il rédigeait les parties essentielles de son MPT. Il n’avait pas pu accéder aux ressources physiquement disponibles à l’institut, y compris aux bibliothèques, aux groupes de pairs, aux autres universitaires, aux diplomates et aux organisations non-gouvernementales travaillant dans des domaines apparentés à Genève.

6.1 Les candidats qui ne se sentent pas aptes, pour des raisons de santé, à se présenter à un examen doivent l’annoncer avant le début de celui-ci. À défaut, l’étudiant accepte le risque de se présenter dans un état déficient qui ne peut justifier par la suite l’annulation des résultats obtenus (ATA/906/2016 du 25 octobre 2016 ; ATA/712/2016 du 23 août 2016 ; ATA/424/2011 du 28 juin 2011).

Un motif d’empêchement ne peut, en principe, être invoqué par le candidat qu’avant ou pendant l’examen (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] B‑6593/2013 du 7 août 2014 consid. 4.2 ; ATA/906/2016 précité ; ATA/712/2016 du 23 août 2016 ; ATA/721/2014 du 9 septembre 2014 consid. 17 et la référence citée).

Des exceptions au principe évoqué ci-dessus permettant de prendre en compte un certificat médical présenté après que l’examen a été passé ne peuvent être admises que si cinq conditions sont cumulativement remplies : la maladie n’apparaît qu’au moment de l’examen, sans qu’il ait été constaté de symptômes auparavant, le candidat à l’examen acceptant, dans le cas contraire, un risque de se présenter dans un état déficient, ce qui ne saurait justifier après coup l’annulation des résultats d’examens ; aucun symptôme n’est visible durant l’examen ; le candidat consulte un médecin immédiatement après l’examen ; le médecin constate immédiatement une maladie grave et soudaine qui, malgré l’absence de symptômes visibles, permet à l’évidence de conclure à l’existence d’un rapport de causalité avec l’échec à l’examen ; l’échec doit avoir une influence sur la réussite ou non de la session d’examens dans son ensemble (arrêt du TAF B‑6593/2013 du 7 août 2014 ; ATA/121/2018 précité ; ATA/1242/2017 du 29 août 2017 ; ATA/906/2016 précité).

6.2 En l’espèce, le recourant mentionne plusieurs problèmes de santé s’étalant sur quatre années. Il ne remet pas en cause le fait que l’institut lui ait accordé les prolongations de délais qu’il avait sollicités pour tenir compte de la situation sanitaire en Chine et de son état de santé. Il ne conteste pas non plus que l’institut n’a pas systématiquement exigé la production de certificats médicaux. L’intéressé s’est toutefois présenté aux deux soutenances orales et a dès lors, conformément à la jurisprudence précitée, accepté le risque de se présenter dans un état déficient, qui ne peut justifier par la suite l’annulation des résultats obtenus.

Les faits allégués par le recourant ne remplissent pas les conditions de circonstances exceptionnelles.

7.             Le recourant relève encore qu’il n’a pas pu assister à l’audition de la Prof. B______ ni pu lui poser de questions.

7.1 À teneur de l’art. 15 du RIO-IHEID, les oppositions sont instruites par une commission instituée à cet effet par l'institut (al. 1). Cette commission est désignée conformément au règlement d'organisation de l'institut (al. 2). Cette commission réunit tous les renseignements pertinents, elle procède à toutes les enquêtes et à tout acte d’instruction nécessaire pour établir son préavis. Ces compétences peuvent être déléguées à un ou plusieurs membres de la commission par son président ; celui-ci peut également assurer seul l’instruction du dossier (al. 3). Elle peut inviter toute personne ayant participé à l'élaboration de la décision litigieuse à se prononcer sur l'opposition, à moins que cette dernière ne soit manifestement irrecevable ou infondée (al. 4). L’opposant peut demander à être entendu par la commission. Il ne dispose cependant pas d’un droit à une audition si la commission estime qu’elle dispose des renseignements nécessaires pour établir son préavis et que l’opposition est suffisamment claire et motivée (al. 5) . À la fin de son instruction, la commission émet un préavis à l’intention de l'autorité qui a pris la décision litigieuse (al. 6).

7.2 À plusieurs reprises, la chambre de céans a retenu que le droit d'être entendu d'un étudiant pouvait être violé lorsque le préavis de la commission d'opposition ne revêtait pas la forme écrite (ATA/693/2013 du 15 octobre 2013 ; ATA/460/2012 du 30 juillet 2012 ; ATA/417/2012 du 3 juillet 2012).

Elle a cependant retenu que ce vice était réparable dans le cadre de la procédure de recours lorsque la commission n'avait procédé à aucun autre acte d'instruction que de prendre connaissance du dossier administratif de l'opposant (ATA/863/2015 du 25 août 2015 consid. 4c ; ATA/983/2014 du 9 décembre 2014 consid. 6).

Si l'absence de communication, voire l'absence d'établissement par écrit du préavis de la commission, devait constituer une violation du droit d'être entendu de la recourante, conformément à la jurisprudence précitée, la chambre administrative retiendrait que ce vice aurait été réparé (ATA/833/2023 du 9 août 2023 consid. 3.3).

7.3 En l'occurrence, le recourant a eu accès au procès-verbal de l’audition de la Prof. B______ et a pu s’exprimer sur son contenu.

La procédure s’est déroulée en conformité avec les règlements applicables. Le droit d’être entendu de l’intéressé a été respecté.

8.             Le recourant invoque que le même jury a procédé aux deux évaluations de son MPT. Il s’agirait d’un conflit d’intérêts potentiels.

Cette critique n’est pas fondée, le RE ne prévoyant pas que le jury procédant à la seconde évaluation doive être différent de celui ayant procédé à la première (art.  7 al. 3 à 6 RE).

9.             Dans un ultime grief, le recourant invoque des « injustices de procédure » sous deux formes : un manque de transparence et une inégalité de traitement.

Il contestait plusieurs propos de sa directrice de thèse, protocolés dans le
procès-verbal de son audition du 25 avril 2023. Son absence avait nui à la transparence de la procédure, alors qu’il avait expressément sollicité d’être présent.

Les courriels et avis obtenus auprès d’experts externes ne devaient pas être jugés irrecevables, mais considérés comme une contribution supplémentaire à un examen complet, équitable et transparent de ses progrès en matière de recherche.

Ces deux critiques ont été analysées dans les considérants qui précèdent. Il n’y a pas lieu d’y revenir.

En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

10.         Un émolument de CHF 400.- est mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Il n’est pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 juin 2023 par A______ contre la décision sur opposition de la directrice de l’Institut des hautes études internationales et du développement du 16 mai 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Institut de hautes études internationales et du développement.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF et Valérie LAUBER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. BALZLI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :