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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2066/2014

ATA/1161/2015 du 27.10.2015 ( EXPLOI ) , ADMIS

Descripteurs : RESTAURANT ; EXPLOITANT ; AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL) ; HONNEUR
Normes : LRDDBH.5.al1.letd
Résumé : Admission du recours dirigé contre une décision du Scom, selon laquelle le requérant d'une autorisation d'exploiter un café-restaurant ne présentait pas les garanties suffisantes d'honorabilité pour que ladite autorisation lui soit octroyée. À teneur de la jurisprudence constante en la matière, la situation du recourant ne s'apparente pas à celles dans lesquelles le critère d'honorabilité n'était pas rempli, au vu des infractions commises et des sanctions infligées.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2066/2014-EXPLOI ATA/1161/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 octobre 2015

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Jacques Roulet, avocat

contre

SERVICE DU COMMERCE



EN FAIT

1) Monsieur A______ est associé et gérant de la société A______ Sàrl, inscrite au registre du commerce du Bas-Valais, laquelle est propriétaire du café-restaurant « B______ », sis rue C______ ______ à Genève, depuis 2013.

2) Le 30 septembre 2013, il a sollicité auprès du service du commerce (ci-après : SCom) une autorisation d'exploiter le café-restaurant « B______ » suite au changement de propriétaire du fonds de commerce.

Il indiquait joindre à son dossier « non pas un bail à loyer, mais une convention entre l'ancien propriétaire [de l'immeuble], le nouveau propriétaire (…) et [lui]-même », précisant que « le nouveau bail à loyer [serait] prêt fin octobre 2013 et (…) remis dès que possible ».

3) Le 7 octobre 2013, M. A______ a confirmé au SCom, suite au passage de l'un de ses inspecteurs le 3 octobre 2013, que le café-restaurant « B______ » allait être fermé durant six mois, soit du 1er novembre 2013 au 30 avril 2014, pour cause de travaux de rénovation mandatés par le propriétaire de l'immeuble.

4) Le 12 décembre 2013, le SCom a requis de l'intéressé la production du contrat de bail à loyer de l'établissement, cette pièce manquant au dépôt du dossier.

5) Le 24 mars 2014, M. A______ a transmis au SCom les pièces requises, notamment le contrat de bail à loyer dûment signé par le propriétaire de l'immeuble et lui-même, sollicitant l'autorisation d'exploitation de l'établissement dès le début du mois de mai 2014.

6) Par courrier de son conseil du 27 mai 2014, M. A______ a invité le SCom à tout mettre en œuvre pour que l'autorisation d'exploiter lui soit délivrée dans les plus brefs délais. Bien que toutes les pièces utiles aient été produites, il se trouvait depuis de nombreux mois dans l'attente d'une décision, sans laquelle il était dans l'impossibilité de rouvrir le café-restaurant « B______ » après les travaux qui étaient pourtant terminés depuis le début du mois de mai 2014. Cette situation n'était pas tolérable et lui causait un préjudice important ; si elle perdurait, il n'aurait d'autre choix que d'en faire part au chef du département de tutelle du SCom, le cas échéant de faire valoir la responsabilité de l'État de Genève pour réclamer un dédommagement.

7) Le 30 mai 2014, le SCom a répondu que les pièces produites avaient nécessité un examen particulièrement attentif et qu'une décision allait être rendue prochainement.

8) Par décision du 10 juin 2014, le SCom a rejeté la requête en exploitation de M. A______, considérant que celui-ci ne présentait pas le critère d'honorabilité exigé par la loi pour être mis au bénéfice de l'autorisation sollicitée.

Sur la base de l'extrait du centre d'information et de documentation concernant l'intéressé, transmis par les services de police conformément à la procédure applicable, il retenait que celui-ci avait fait l'objet d'une dizaine de rapports de dénonciation établis par les services précités, principalement pour des infractions à la loi sur la restauration, le débit de boissons et l’hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH - I 2 21) :

-                 le 9 janvier 2010, des boissons alcooliques avaient été servies à un client en état d'ébriété et il n'avait pas été veillé au maintien de l'ordre dans l'établissement, en infraction aux art. 22 et 49 al. 1 let. b LRDBH ;

-                 le 11 janvier 2010, l'établissement avait été exploité au-delà des heures légales de fermeture, en infraction à l'art. 23 LRDBH ;

-                 le 29 août 2010, l'établissement avait été exploité de manière à engendrer des inconvénients graves pour le voisinage, en infraction à l'art. 22 al. 2 LRDBH ;

-                 le 7 novembre 2010, aucun remplaçant compétent et instruit sur ses devoirs n'assumait l'exploitation de l'établissement en l'absence de M. A______, l'établissement avait été exploité au-delà des heures légales de fermeture et le registre du personnel n'avait pas pu être présenté, en infraction aux art. 21 al. 2, 23 et 25 LRDBH ;

-                 le 4 mars 2011, l'établissement avait été exploité de manière à engendrer des inconvénients graves pour le voisinage, en infraction à l'art. 22 al. 2 LRDBH ;

-                 le 24 novembre 2012, l'établissement avait été exploité de manière à engendrer des inconvénients graves pour le voisinage et des boissons alcooliques avaient été servies à des clients en état d'ébriété, en infraction aux art. 22 al. 2 et 49 al. 1 let. b LRDBH ;

-                 le 9 février 2013, aucun remplaçant compétent et instruit sur ses devoirs n'assumait l'exploitation de l'établissement en l'absence de M. A______, l'établissement avait été exploité de manière à engendrer des inconvénients graves pour le voisinage, le registre du personnel n'avait pas pu être présenté et l'établissement comportait une double enseigne, en infraction aux art. 21 al. 2, 22 al. 2, 25, 27 et 32 al. 3 LRDBH ;

-                 le 25 octobre 2013, l'établissement n'avait pas respecté les conditions posées à la prolongation de l'horaire d'exploitation, aucun remplaçant compétent et instruit sur ses devoirs n'assumait l'exploitation de l'établissement en l'absence de M. A______, l'établissement avait été exploité de manière à engendrer des inconvénients graves pour le voisinage, il comportait une double enseigne et une animation avait été organisée sans autorisation préalable du département compétent, en infraction aux art. 18A, 21 al. 2, 22 al. 2, 27, 32 et 62 LRDBH.

Ces infractions avaient donné lieu à sept amendes administratives, chacune d'un montant oscillant entre CHF 100.- et CHF 2'950.-.

Par ailleurs, lors d'un contrôle effectué le 28 septembre 2012, le secteur inspectorat du SCom avait constaté que la société D______SA, propriétaire du café-restaurant « B______ », avait été déclarée en faillite le 20 septembre 2006 et qu'elle avait été reprise par la société E______SA. En violation des art. 20 et 27 LRDBH, respectivement des art. 30 et 37 du règlement d’exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons et l’hébergement du 31 août 1988 (RRDBH – I 2 21.01), ce changement n'avait pas été annoncé par écrit, ni par D______SA, ni par M. A______. L'exploitation de l'établissement avait de plus été poursuivie, en infraction à l'art. 4 LRDBH.

Les faits précités étaient pleinement liés à l'activité que l'intéressé entendait exercer et avaient eu lieu au sein même de l'établissement faisant l'objet de la requête en autorisation. Hormis l'infraction liée à la double enseigne, les infractions constatées s'avéraient particulièrement graves et étaient susceptibles de conduire aux sanctions les plus lourdes. Elles étaient d'autant plus graves qu'elles avaient été réitérées en dépit des amendes infligées. Le comportement de M. A______ ne relevait dès lors pas d'une simple négligence, mais d'un mépris des prescriptions publiques en matière de restauration et de débit de boissons.

9) Par acte du 10 juillet 2014, M. A______ a recouru en personne contre la décision précitée auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à son annulation et à ce qu'il soit accédé à sa requête en exploitation du café-restaurant « B______ ».

Le SCom omettait de tenir compte du fait qu'il avait recouru auprès de la chambre administrative contre les amendes qui lui avaient été infligées pour les infractions mentionnées dans la décision attaquée :

-                 pour les infractions des 29 août et 7 novembre 2010, le recours avait été partiellement admis, donnant lieu à une amende réduite (ATA/777/2011 du 20 décembre 2011) ;

-                 pour l'infraction du 4 mars 2011, le recours avait été admis et l'amende annulée (ATA/274/2013 du 30 avril 2013) ;

-                 pour les infractions des 24 novembre 2012 et 9 février 2013, la procédure était pendante et la cause était gardée à juger (cause A/80/2014).

Il ignorait le contenu de « l'amende du 25 octobre 2013 », dans la mesure où il ne l'avait jamais reçue.

Si plusieurs sociétés successives avaient été propriétaires du café-restaurant « B______ » avant A______ Sàrl, l'ancien propriétaire du fonds de commerce lié à l'établissement, à savoir feu Monsieur F______, administrateur desdites sociétés, avait toujours été le même. En outre, il avait exploité lui-même l'établissement pour le compte du précité pendant plusieurs années.

Il avait joint à sa demande du 30 septembre 2013 toutes les pièces requises, notamment, en remplacement du contrat de bail, une convention rédigée par un avocat et signée par l'ancien propriétaire de l'immeuble, le nouveau propriétaire de l'immeuble et lui-même, lui attribuant les droits requis.

Pour lui dénier toute honorabilité, le SCom se fondait sur des arrêts de l'ancien Tribunal administratif, mais portant sur des cas dans lesquels le refus d'autoriser l'exploitation était lié à des condamnations pénales pour notamment trafic de drogue, abus de confiance, vol ou encore actes d'ordre sexuel avec des enfants. Le fait que sa situation soit assimilée à celles décrites dans cette jurisprudence était grotesque, insultant et l'attristait profondément.

La décision du SCom du 12 décembre 2013 lui infligeant une amende de CHF 2'950.-, suite aux infractions constatées les 24 novembre 2012 et 9 février 2013, n'avait pas été accompagnée d'une des sanctions prévues par la loi (fermeture de l'établissement ou suspension de l'autorisation d'exploiter), pas plus que d'un avertissement. Or, sa requête en exploitation avait été rejetée, ce plus de huit mois après le dépôt des pièces requises.

10) Le 14 juillet 2014, le SCom a délivré à Monsieur G______, employé de M. A______, une autorisation d'exploiter le café-restaurant « B______ », afin que celui-ci ne se retrouve pas sans exploitant du fait du refus.

11) Le 15 août 2014, sous la plume de son avocat, M. A______ a complété son recours, la chambre de céans lui ayant accordé un délai pour ce faire, persistant dans son argumentation et dans ses conclusions en annulation de la décision litigieuse et visant à être autorisé d'exploiter le café-restaurant « B______ ». Il concluait en outre notamment à ce que l'État soit condamné aux dépens et frais de la procédure.

L'autorisation d'exploiter l'établissement avait été accordée à M. F______ jusqu'à son décès au mois de juin 2012. Lui-même détenait depuis 1996, pour le compte du café-restaurant « B______ », le certificat de capacité et en assurait la gérance depuis le 28 septembre 2010. Il souhaitait désormais reprendre l'exploitation de l'établissement ; or, le SCom lui avait refusé le renouvellement de l'autorisation d'exploiter à son nom.

Bien qu'il ait remis au SCom toutes les pièces requises avec sa demande du 30 septembre 2013, ce dernier lui avait, de manière surprenante et trois mois plus tard, réclamé la production du contrat de bail à loyer, alors qu'il figurait déjà au dossier, indiquant que la requête ne pouvait pas être traitée en l'absence de ce document.

Le café-restaurant « B______ » avait été fermé pendant la durée des travaux de transformation, soit jusqu'au début du mois de mai 2014. La fermeture avait été encore prolongée par l'attente démesurée du prononcé de la décision du SCom, ce qui avait engendré un dommage conséquent pour M. A______. Afin de pouvoir exploiter l'établissement malgré tout, celui-ci avait engagé M. G______ en qualité de directeur et responsable administratif titulaire du certificat de capacité, ce qui avait permis la réouverture mi-juillet 2014.

Le SCom avait ainsi manqué de diligence dans la gestion du dossier, et avait rendu une décision vidée de toute substance, se fondant sur des faits aussi infondés que non définitivement établis.

Le défaut d'annonce du changement de propriétaire lui était reproché alors que cela datait du temps où M. F______ était encore propriétaire de l'établissement ; il ne faisait nul doute qu'il était aujourd'hui « victime des actes de l'ancien propriétaire, lequel gérait négligemment ses affaires, tant à l'égard de son gérant qu'était [M. A______] qu'à l'égard des autorités ».

En conséquence, les seuls faits qui pouvaient lui être reprochés depuis 1996, soit sur une période de quatorze ans, étaient les suivants :

-                 le 9 janvier 2010, des boissons alcooliques avaient été servies à un client en état d'ébriété et il n'avait pas été veillé au maintien de l'ordre dans l'établissement ;

-                 le 11 janvier 2010, l'établissement avait été exploité au-delà des heures légales de fermeture ;

-                 le 25 octobre 2012 (recte 2013), l'établissement n'avait pas respecté les conditions posées à la prolongation de l'horaire d'exploitation, aucun remplaçant compétent et instruit sur ses devoirs n'assumait l'exploitation de l'établissement en son absence, l'établissement avait été exploité de manière à engendrer des inconvénients graves pour le voisinage, il comportait une double enseigne et une animation avait été organisée sans autorisation préalable du département compétent ;

-                 le changement de propriétaire n'avait pas été annoncé par écrit au SCom par D______SA et lui-même.

S'agissant des faits constatés le 25 octobre 2012 (recte 2013), son droit d'être entendu avait été violé, dès lors que ces faits et la suite donnée ne lui avaient pas été communiqués par le SCom.

Les manquements précités ne permettaient pas de justifier le refus d'autorisation d'exploiter ; le SCom faisait preuve de légèreté en tentant de comparer de menues infractions (exploitation au-delà des heures de fermeture ou absence d'un remplaçant compétent et instruit) à des crimes et délits punis en droit pénal (trafic de drogue ou abus de confiance) pour fonder son refus et retenir que le critère d'honorabilité ferait défaut.

Dans la mesure où il avait déjà exploité de nombreuses années le café-restaurant « B______ » en sa qualité de détenteur du certificat de capacité, la décision attaquée équivalait de facto à une décision de fermeture de l'établissement ou de non renouvellement de l'autorisation précédemment octroyée. Eu égard au respect du principe de la proportionnalité, les motifs liés aux contraventions précitées ne pouvaient pas justifier la fermeture d'un établissement existant depuis de nombreuses années.

Enfin, le café-restaurant « B______ » se situait dans un quartier très animé dans lequel il était en général difficile, même pour la police, de faire régner le calme. Il était ainsi malvenu de prétendre que M. A______ était censé prévenir tout conflit et maîtriser les débordements se produisant sur la voie publique devant l'établissement.

12) Le 26 septembre 2014, le SCom a conclu au rejet du recours.

Il ne ressortait pas des extraits du registre du commerce relatifs aux sociétés D______SA et E______SA, y compris dans leurs versions avec radiations, que M. F______ en aurait été l'administrateur. Par ailleurs, ce dernier n'avait jamais été titulaire d'une autorisation d'exploiter le café-restaurant « B______ » ; depuis sa création en 1995, l'établissement n'avait connu que trois exploitants successifs, soit Monsieur H______, puis MM. A______ et G______.

Par ses allégués, le recourant admettait expressément avoir servi de prête-nom pour l'exploitation de l'établissement entre le 18 mai 1998, date de délivrance de son autorisation d'exploiter, et le mois de septembre 2013, date à laquelle il indiquait avoir « repris » l'exploitation, ce à l'insu du SCom. Il s'agissait d'une infraction lourde à la LRDBH, s'inscrivant sur une durée de plus de quinze ans, qui pouvait justifier à elle seule le refus d'octroyer l'autorisation sollicitée.

La requête en autorisation du 30 septembre 2013 que le recourant avait fait parvenir au SCom était incomplète et indiquait expressément que ce n'était pas un contrat de bail qui était joint, mais une convention entre l'ancien et le nouveau propriétaire de l'immeuble et lui-même, ce qui démontrait qu'il savait que cette pièce était indispensable à l'instruction de sa demande. Il ne pouvait donc pas s'attendre à ce qu'une autorisation lui soit accordée avant que sa requête ne soit complétée et que tous les documents nécessaires à son examen ne soient produits. Lorsqu'il avait transmis le contrat de bail le 24 mars 2014, soit six mois après le dépôt de sa requête, il avait précisé qu'il ne sollicitait l'autorisation d'exploiter que pour le début du mois de mai 2014. Le SCom n'avait ainsi pas mis huit mois à statuer sur la demande de M. A______, mais environ deux mois, soit un délai raisonnable vu la complexité du dossier ; sachant qu'il faisait l'objet de nombreux rapports de police, ce dernier pouvait s'attendre à ce que l'instruction de sa demande s'en trouve retardée.

Le préjudice allégué par le recourant n'était pas si conséquent qu'il le prétendait, dans la mesure où il avait pu désigner un tiers pour l'exploitation de l'établissement, étant précisé que le SCom avait instruit et délivré l'autorisation y relative avec célérité pour permettre la réouverture dans les meilleurs délais.

L'amende infligée à M. A______ pour les infractions constatées le 29 août 2010 n'avait été remise en cause que dans sa quotité et non dans son principe, raison pour laquelle il se justifiait d'en tenir compte dans l'appréciation du critère d'honorabilité. L'amende relative aux infractions constatées le 4 mars 2011 n'avait en revanche pas été prise en considération puisqu'elle avait été annulée par la chambre administrative ; elle avait ainsi été mentionnée par erreur dans la décision entreprise, ce qui ne remettait toutefois pas en cause le bien-fondé de cette dernière. Par ailleurs, l'annulation de ladite amende ne reposait que sur des motifs procéduraux.

S'agissant des faits constatés les 24 novembre 2012, 9 février et 25 octobre 2013, le SCom ne pouvait pas ignorer les infractions qui lui avaient été signalées par la police au motif qu'elles reposaient sur des rapports qui n'avaient pas encore donné lieu à des amendes ou qui avaient fait l'objet de sanctions non encore entrées en force. Le recourant ne pouvait dès lors pas reprocher au SCom de ne pas avoir attendu que lesdites infractions fassent l'objet de sanctions définitives et exécutoires, tout en s'attendant à ce que sa requête soit instruite dans un délai raisonnable. En effet, si le SCom avait voulu attendre l'entrée en force de ces décisions, il aurait dû suspendre l'instruction de la demande d'autorisation, ce qui aurait aussi empêché M. A______ d'exploiter l'établissement.

Les services de police avaient procédé à un nouveau contrôle du café-restaurant « B______ » le 21 août 2014 et avaient relevé, dans un rapport du 10 septembre 2014, que l'établissement, à peine rouvert, était exploité par M. A______ qui s'était présenté comme remplaçant responsable en l'absence de M. G______. Il avait par ailleurs été constaté qu'une « musique assourdissante » était diffusée au sous-sol, pendant que des clients dansaient, alors que l'exploitant n'était au bénéfice d'aucune autorisation pour l'animation musicale ou la danse.

Dans le cadre de l'instruction du recours contre la décision du 12 décembre 2013 (cause A/80/2014), deux agents de police avaient été auditionnés le 10 septembre 2014. Le témoignage de l'un d'eux avait remis en cause la qualification juridique des faits constatés le 9 février 2013 ; il était en effet apparu que l'établissement n'était pas exploité sous une double enseigne, mais que ses locaux abritaient deux établissements distincts appartenant vraisemblablement à deux catégories différentes, ce qui était susceptible d'alourdir le montant de l'amende.

Sans tenir compte des rapports antérieurs à 2010, ni des rapports ayant donné lieu à des décisions de classement ou à l'annulation d'amendes, M. A______ avait fait l'objet de sept rapports de dénonciations recensant dix-sept infractions à la LRDBH, figurant parmi les plus graves de la loi.

Contrairement à ce que soutenait le recourant, les infractions à la LRDBH étaient particulièrement relevantes pour apprécier l'honorabilité d'un requérant, puisqu'elles témoignaient de son aptitude à gérer un établissement public dans le respect de la loi. Or, M. A______ avait commis les infractions les plus graves, à plusieurs reprises, malgré les sanctions infligées. Ce comportement dénotait un mépris total des prescriptions légales applicables. Le fait qu'il qualifie ses agissements de « menues infractions » démontrait qu'il n'avait pas conscience de la gravité de ses actes et qu'il n'était pas déterminé à modifier son comportement, ce qui mettait en doute sa capacité à gérer l'établissement en respectant la loi. Il ne présentait ainsi pas les garanties d'honorabilité suffisantes pour être mis au bénéfice de l'autorisation sollicitée.

13) Le 12 novembre 2014, le SCom, considérant que le sort de la décision attaquée dépendait de l'issue de la procédure A/80/2014, a sollicité la suspension de la présente procédure jusqu'à droit connu dans la cause précitée.

14) Le 14 novembre 2014, M. A______ a indiqué ne pas s'opposer à la suspension de la présente procédure.

15) Par décision du 17 novembre 2014, la chambre administrative a prononcé la suspension de la présente procédure, vu l'accord des parties.

16) Par arrêt du 16 décembre 2014 (ATA/1027/2014) rendu dans la cause A/80/2014, la chambre de céans a partiellement admis le recours interjeté le 10 janvier 2014 par M. A______ contre la décision du SCom du 12 décembre 2013, réduisant à CHF 2'000.- (au lieu de CHF 2'950.-) l'amende administrative infligée.

Le bruit constaté par les services de police les 24 novembre 2012 et 9 février 2013 avait effectivement été de nature à engendrer des inconvénients graves pour le voisinage, vu notamment l'heure tardive, de sorte que ces infractions devaient être retenues. Il devait également être retenu que, le 9 février 2013, aucun remplaçant compétent et instruit sur ses devoirs n'assumait l'exploitation de l'établissement en l'absence de M. A______ et que le registre du personnel n'avait pas pu être présenté.

En revanche, ni l'infraction de service, le 24 novembre 2012, de boissons alcooliques à des clients en état d'ébriété, ni une infraction liée à une double enseigne de l'établissement ne pouvaient être retenues. Si le recourant avait informé le SCom, par courriel du 23 juillet 2014, que l'enseigne complète de l'établissement était « Restaurant B______ - I______ », modification que l'intimé avait acceptée, les faits pertinents étaient ceux qui existaient lorsque la décision du 12 décembre 2013 avait été rendue.

De même, une infraction à l'art. 34 LRDBH – dont s'était prévalu le SCom dans ses observations après enquêtes en soulevant l'interdiction, pour un établissement, de comporter une salle ne présentant pas les caractéristiques de la catégorie à laquelle il appartenait, ou pour deux établissements de même catégorie ou non de comporter des accès intérieurs pour la clientèle – ne pouvait pas être retenue.

17) Le 11 février 2015, le juge délégué, à la demande du SCom le 4 février 2015, a ordonné la reprise de la présente procédure.

18) Le 30 mars 2015, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties, lesquelles ont maintenu leur position et persisté dans leurs conclusions.

a. M. A______ a produit le contrat de bail le liant au nouveau propriétaire de l'immeuble. Il a expliqué qu'en 1995, le fonds de commerce était propriété de la société B______ SA, à disposition de laquelle il avait mis sa patente dès 1997. Il était alors directeur de l'établissement et exploitant désigné vis-à-vis du SCom. La société précitée avait racheté le fonds de commerce via M. F______. Elle avait été remplacée successivement par D______SA et E______SA, M. F______ étant l'administrateur de cette dernière, dont il était lui-même resté employé et directeur. Il avait été décidé en 2010 qu'il deviendrait sous-locataire, par un contrat de gérance ; il devait par ce biais racheter le fonds de commerce en quatre ans environ. M. F______ s'était opposé aux travaux envisagés dans le bâtiment. Un certain temps s'était écoulé après son décès, en raison notamment de la liquidation de la succession. Au final, un règlement global était intervenu entre l'ancien et le nouveau propriétaire de l'immeuble et lui-même pour régler l'ensemble du contentieux lié aux autorisations de construire, reconnaître l'existence de ses droits sur le fonds de commerce, ainsi que le contrat de bail. Il devait verser CHF 600'000.- pour le rachat du fonds de commerce sur plusieurs années, conformément au contrat de gérance. Au décès de M. F______, il avait déjà payé environ CHF 200'000.-, puis avait continué à verser chaque mois un certain montant à la veuve du précité. Le règlement du solde encore dû avait finalement été pris en charge par l'ancien propriétaire de l'immeuble.

Il n'avait à l'époque pas effectué de démarches auprès du SCom pour annoncer qu'il reprenait la gérance de l'établissement car, selon lui, cela ne changeait pas grand-chose ; il restait directeur avec la patente et M. F______ restait propriétaire des lieux via la société E______SA.

Il contestait l'existence d'un dancing dans l'établissement ; le « I______ » était le bar du restaurant.

Il maintenait son désir de n'exploiter qu'un seul établissement, avec une seule enseigne. En 2004, l'établissement comportait les enseignes « B______ » et « I______ » ; sur intervention du SCom, il avait toutefois dû supprimer la seconde référence, qui donnait l'impression de l'existence de deux établissements. Après les travaux récents, il s'était renseigné sur ce qu'il devait faire concernant l'enseigne, car la police lui avait reproché d'avoir inscrit sur la porte d'entrée « Restaurant B______ - I______ ». Il avait ainsi demandé au SCom l'autorisation de modifier l'enseigne, ce qui avait été accepté.

Il était l'exploitant personnel des locaux et l'exploitant désigné était M. G______, au bénéfice d'une autorisation du SCom, lequel était présent sur place le soir, du lundi au vendredi. Le restaurant était ouvert de 12h à 14h et de 18h à 24h, tandis que le bar était ouvert de 18h à 1h en semaine, 2h le samedi. Il était possible de manger la même cuisine dans les deux endroits, la carte du bar étant cependant réduite. Les prix étaient les mêmes pour les mets servis dans les deux lieux. Le prix des boissons était différent, car il s'agissait d'un bar à cocktails. Par exemple, les bières mexicaines étaient moins chères au bar qu'au restaurant jusqu'à 21h ; elles devenaient ensuite plus chères. Les cocktails étaient servis essentiellement au bar. Les employés travaillaient indistinctement au restaurant et au bar. Il ne sous-louait pas l'exploitation des deux parties de l'établissement à une tierce personne, ni n'en déléguait l'exploitation d'une autre façon.

Il ressortait de fiches de contrôles du SCom ayant eu lieu après mars 2014, qu'il produisait, qu'il ne se trouvait pas en infraction à la LRDBH.

b. La représentante du SCom a relevé qu'il y avait eu un changement de bailleur du fait du contrat de bail signé par le recourant, lequel aurait dû être annoncé à l'intimé. Il ressortait également de ce contrat que M. A______ s'était engagé à demander deux autorisations distinctes pour l'exploitation du restaurant et du bar.

La seule question litigieuse qui se posait au moment où le SCom avait pris sa décision de refus d'octroyer l'autorisation d'exploiter, soit le 10 juin 2014, était liée au critère d'honorabilité du requérant au sens de la LRDBH. Or, à l'heure actuelle, un second problème se posait, lequel était apparu dans le cadre de la procédure A/80/2014, lié à l'existence de deux établissements publics différents, à savoir un restaurant et un second établissement que le SCom considérait comme un dancing, pour lesquels une seule autorisation d'exploiter un café-restaurant avait été requise, alors que deux autorisations étaient vraisemblablement nécessaires, ce qui ne serait pas possible vu l'art. 34 LRDBH. Le SCom ignorait jusque-là l'existence de ces deux établissements.

L'intimé persistait à considérer que M. A______ ne satisfaisait pas aux critères d'honorabilité requis par la loi au vu des sanctions qu'il avait encourues et des autres infractions mentionnées dans la décision attaquée. À la connaissance de sa représentante, il n'y avait pas eu de nouvelles infractions constatées après celles relevées dans ladite décision. Les infractions administratives, et non uniquement pénales, étaient prises en considération pour autant qu'elles soient liées à l'activité.

La LRDBH allait être modifiée dans les mois à venir, pour devenir la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement (LRDBHD) ; elle ignorait cependant si ce nouveau texte était susceptible de modifier le traitement du cas d'espèce.

c. Le juge délégué a noté à l'intention des parties que seule la question du critère de l'honorabilité requise était litigieuse, et que l'instruction porterait sur ce point.

À l'issue de l'audience, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le présent litige porte sur la décision du 10 juin 2014, à teneur de laquelle le SCom refuse au recourant l'octroi d'une autorisation d'exploiter le café-restaurant « B______ » au motif que celui-ci ne satisferait pas aux exigences légales en matière d'honorabilité, compte tenu des infractions successives à la LRDBH retenues à son encontre.

Seule s'avère ainsi litigieuse la question du caractère honorable du recourant, à l'exclusion des questions soulevées par l'intimé au cours de la présente procédure liées à l'existence d'un ou de plusieurs établissements au sein des locaux concernés, celles-ci étant exorbitantes aux motifs fondant la décision attaquée puisqu'elles n'ont pas été mentionnées dans la procédure antérieure ayant conduit à ladite décision. De même et pour les mêmes motifs, les suspicions relevées par le SCom dans ses observations quant au fait que le recourant aurait servi de prête-nom pour l'exploitation de l'établissement durant plusieurs années seront écartées.

3) a. La LRDBH a pour but d’assurer qu’aucun établissement qui lui est soumis ne soit susceptible de troubler l’ordre public, en particulier la tranquillité, la santé et la moralité publiques, du fait de son propriétaire ou de son exploitant, ainsi qu’en raison de sa construction, de son aménagement, de son implantation (art. 2 al. 1 LRDBH). Toute autorisation prévue par cette loi ne peut être délivrée que si ce but est susceptible d’être atteint (art. 2 al. 2 LRDBH).

b.  Selon l'art. 4 LRDBH, l'exploitation de tout établissement régi par la loi est soumise à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter délivrée par le département compétent (al. 1). Cette autorisation doit être requise lors de chaque création, changement de catégorie, agrandissement et transformation d'établissement, changement d'exploitant ou de propriétaire de l'établissement, ou modification des conditions de l'autorisation antérieure (al. 2).

Le SCom reçoit et instruit les requêtes et délivre les autorisations prévues par la loi. Il prononce les mesures et les sanctions administratives prévues par la loi (art. 1 al. 2 RRDBH).

c. À teneur de l'art. 5 al. 1 let. d LRDBH, l'autorisation d'exploiter est délivrée à condition notamment que l'exploitant offre, par ses antécédents et son comportement, toute garantie que l’établissement soit exploité conformément aux dispositions de la présente loi et aux prescriptions en matière de police des étrangers, de sécurité sociale et de droit du travail.

4) a. Dans un premier grief, le recourant reproche au SCom d'avoir manqué de diligence et de célérité dans le cadre de l'instruction de sa requête.

b. Selon l'art. 5 al. 1 let. c RRDBH, à toute demande d’autorisation d’exploiter, le requérant doit joindre le contrat de bail relatif aux locaux, s’il n’en est lui-même propriétaire (art. 5 al. 1 let. g LRDBH).

Aux termes de l'art. 14 al. 1 LRDBH, le département, soit pour lui le SCom, procède à l’examen de la requête dans le délai de deux mois à compter du jour où toutes les pièces requises lui ont été fournies.

Conformément à la procédure prévue aux art. 6 à 8 RRDBH, le SCom procède au contrôle des pièces ainsi qu'à d'autres vérifications en lien avec la personne du requérant, et sollicite une enquête de police pour s'assurer que celui-ci réponde aux conditions notamment de l'art. 5 al. 1 let. d LRDBH.

c. En l'espèce, le recourant a déposé sa requête en autorisation d'exploiter le 30 septembre 2013, accompagnée d'un courrier à teneur duquel il joignait « non pas un bail à loyer, mais une convention entre l'ancien propriétaire [de l'immeuble], le nouveau propriétaire (…) et [lui]-même », précisant que « le nouveau bail à loyer [serait] prêt fin octobre 2013 et (…) remis dès que possible ». Il en découle qu'il avait alors conscience que ce document devait impérativement être joint à sa demande, conformément aux dispositions précitées. Il a par ailleurs confirmé le 7 octobre 2013 que l'établissement serait fermé pour cause de travaux jusqu'à la fin du mois d'avril 2014. Le SCom l'a invité, par courrier du 12 décembre 2013, à produire le contrat de bail manquant toujours au dossier. Le recourant s'est exécuté le 24 mars 2014, soit six mois après le dépôt de sa demande, précisant qu'il souhaitait obtenir l'autorisation sollicitée pour le début du mois de mai 2014. Après avoir été relancé par le recourant en date du 27 mai 2014, le SCom a rendu sa décision le 10 juin 2014, soit deux mois et demi après avoir été en possession de toutes les pièces utiles pour instruire la demande.

Dans ces circonstances, s'il est regrettable que l'intimé n'aie pas pu faire en sorte de rendre sa décision dans le délai de deux mois prévu par l'art. 14 al. 1 LRDBH, il ne peut pas lui être reproché d'avoir manqué de diligence ou de célérité dans l'instruction de la demande du recourant, dès lors qu'il a respecté la procédure applicable et que sa décision est finalement intervenue moins de trois mois après que le contrat de bail lui ait été remis.

Partant, ce grief sera écarté.

5) Le recourant conteste ne pas répondre à l'exigence légale d'honorabilité lui permettant d'exploiter un établissent public.

6) Saisie d'un recours, la chambre administrative examine en règle générale si, dans le cadre de la liberté d’appréciation qui lui revient, le SCom a fait bon usage des éléments qu'il a recueillis dans le cadre de son instruction pour déterminer si le requérant remplissait la condition d’honorabilité exigée par la LRDBH pour exploiter un établissement public.

7) La chambre de céans s’est prononcée à plusieurs reprises sur la condition d’honorabilité telle qu’elle figure à l’art. 5 al. 1 let. d LRDBH.

a. Par arrêt du 6 juin 2000, le Tribunal administratif, devenu entretemps la chambre administrative, a confirmé un refus d’autorisation d’exploiter à une personne qui avait été condamnée à une peine d’emprisonnement d’une durée de trois mois, avec sursis pendant trois ans, pour des actes d’ordre sexuel qui s’étaient déroulés dans le propre établissement public alors exploité par l’intéressé, et qui remontaient à 1998 (ATA/377/2000 du 6 juin 2000).

b. Dans un autre cas, le Tribunal administratif a confirmé un refus d’autorisation d’exploiter à une personne qui s’était vu reprocher le développement d’un trafic de produits stupéfiants dans lequel l’intéressée avait servi d’intermédiaire. Le tribunal a estimé que ces faits ne permettaient pas de poser un pronostic favorable à sa capacité de diriger de manière conforme à la loi un établissement public (ATA/294/2001 du 8 mai 2001).

c. Dans un autre arrêt, le Tribunal administratif a considéré que l’exploitant, condamné pour deux escroqueries à une assurance sociale à la peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis pendant cinq ans, ne présentait plus le caractère d’honorabilité imposé par la loi (ATA/369/2001 du 29 mai 2001).

d. Le Tribunal administratif a également statué sur le cas d’une personne ayant été condamnée à deux mois d’emprisonnement avec sursis pendant deux ans pour avoir vendu un véhicule automobile qui ne lui appartenait pas. Tout en ayant confirmé le refus de l’autorisation d’exploiter, le tribunal a estimé qu’il y avait lieu de tenir compte de l’écoulement du temps, et il a précisé que, pour autant que l’intéressée ne commette pas de nouvelle infraction, elle devrait être autorisée à exploiter un établissement public si elle déposait une nouvelle demande au début de l’année 2005, soit deux ans après sa condamnation pénale (ATA/272/2004 du 30 mars 2004).

e. Dans un cas où le recourant avait fait l’objet de nombreuses plaintes et dénonciations pénales depuis 1989 et avait été condamné à cinq reprises, une plainte pénale étant encore en cours d’instruction, le Tribunal administratif a considéré que le recourant n’était pas à même d’exploiter un établissement public dans le respect du cadre fixé par la LRDBH, puisqu’il avait fait l’objet de quatorze rapports de dénonciation pendant l’été 2000, puis de deux amendes administratives d’un montant très élevé, et enfin de la suspension de son certificat de cafetier pour avoir servi de prête-nom. Il ne remplissait donc pas la condition d’honorabilité (ATA/552/2004 du 15 juin 2004).

f. Le Tribunal administratif a confirmé qu’une requérante ayant été condamnée, deux ans avant le dépôt de sa requête, à deux mois d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans pour abus de confiance, vol au préjudice de son employeur et d’une collègue et induction de la justice en erreur, ne présentait pas le caractère d’honorabilité exigé par la loi (ATA/733/2004 du 21 septembre 2004).

g. Une personne ayant été condamnée par le passé à une amende de CHF 1'000.- pour lésions corporelles simples et ayant fait l’objet de deux plaintes à la suite de bagarre, sans que ces procédures n’aboutissent à des condamnations, répondait encore aux exigences d’honorabilité lui permettant d’obtenir l’autorisation sollicitée (ATA/205/2005 du 12 avril 2005).

h. Le Tribunal administratif a considéré que le requérant ne remplissait pas la condition d'honorabilité dans un cas où l’intéressé avait produit, lors de la requête en délivrance de l'autorisation, un contrat de travail signé par son épouse en lieu et place de l'employeur (ATA/707/2005 du 25 octobre 2005).

i. Dans des arrêts du 29 juillet 2014, la chambre administrative a confirmé des refus d’autorisation d’exploiter opposés à un même exploitant pour deux cafés-restaurants différents (ATA/600/2014 et ATA/599/2014 du 29 juillet 2014). La condition d’honorabilité n’était pas remplie, le requérant ayant été condamné à deux reprises : une première fois à une peine pécuniaire de vingt-trois jours-amende à CHF 60.-, avec sursis à l’exécution de la peine et délai d’épreuve de trois ans, ainsi qu’à une amende de CHF 300.- pour avoir violé les règles de la circulation routière en qualité de conducteur dans l’incapacité de conduire un véhicule automobile avec un taux d’alcool qualifié ; une seconde fois, à une peine pécuniaire de deux cents jours-amende à CHF 50.- avec sursis à l’exécution de la peine et un délai d’épreuve de trois ans ainsi qu’à une amende de CHF 2'500.-, pour complicité de faux dans les titres.

8) Dans un cas où la gendarmerie avait constaté à trois reprises, fin 2010 et début 2011, que la personne intéressée avait vendu des boissons alcoolisées dans son commerce au-delà des heures autorisées – infractions ayant été sanctionnées par deux décisions de fermeture, de respectivement quatre jours et un mois, sans avoir été précédées d’un avertissement préalable – la chambre administrative a considéré que lesdites infractions ne constituaient pas des antécédents suffisamment graves pour admettre que l’intéressée ne remplissait plus la condition d’honorabilité exigée par l’art. 6 let. c de la loi sur la vente à l'emporter des boissons alcooliques du 22 janvier 2004 (LVEBA - I 2 24 ; ATA/291/2012 du 8 mai 2012).

9) La chambre administrative a également eu l’occasion de se prononcer sur la condition d’honorabilité en lien avec l’application de la loi sur la prostitution du 17 décembre 2009 (LProst - I 2 49 ; ATA/747/2012 du 30 octobre 2012).

a. Il ressort des travaux préparatoires liés au projet de loi sur la prostitution que la « garantie d'honorabilité concernant la sphère d'activité envisagée (…) implique une appréciation nuancée au vu de la production d'un extrait du casier judiciaire et des renseignements de police, aux fins de vérifier l'honorabilité de la personne visée, et cela même en l'absence de condamnation pénale ou de condamnation radiée, à l'instar d'autres clauses d'honorabilité prévues par la législation » (MGC 2008-2009/VII A 8667 ; ATA/747/2012 précité).

b. Précisant la notion d'honorabilité, le Conseil d'État s’est référé dans l’exposé des motifs précités (MGC 2008-2009/VII A 8667) à l'art. 5 al. 1 let. d LRDBH, cet article fixant les conditions relatives à l'obtention de l'autorisation d'exploiter un établissement destiné à la restauration ou à l'hébergement (ATA/747/2012 précité).

c. Le gouvernement fait également référence à l'art. 8 al. 1 let. d de la loi concernant le concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 (CES - I 2 14 ; MGC 2008-2009/VII A 8667). Cette disposition exige, s'agissant de l'autorisation d'exploiter une entreprise de sécurité, que l'exploitant offre, par ses antécédents, par son caractère et son comportement, toute garantie d'honorabilité concernant la sphère d'activité envisagée (ATA/747/2012 précité).

d. Dans la définition de la notion d'honorabilité, il s'agit avant tout de déterminer si le comportement de l'exploitant est compatible avec l'activité envisagée. De jurisprudence constante, dans des cas d'autorisation d'exploiter une entreprise de sécurité, la chambre de céans a considéré qu'il faut tenir compte dans l'examen du comportement de « l’importance des infractions commises, cas échéant des actes litigieux, de la nature de l’atteinte portée et de la sphère d’intérêts touchée. En règle générale, le fait de commettre des actes de violence justifie le refus d’autorisation de travailler en qualité d’agent de sécurité privée ou le retrait de l’autorisation déjà délivrée. Seules des circonstances particulières, comme une activité professionnelle sans reproche pendant de nombreuses années, peuvent permettre de s’écarter de cette règle. L’analyse de la jurisprudence du Tribunal administratif montre aussi qu’il a tenu compte de la répétition éventuelle des faits reprochés à l’intéressé » (ATA/747/2012 précité ; ATA/419/2006 du 26 juillet 2006 ; ATA/68/2006 du 7 février 2006 ; ATA/972/2004 du 14 décembre 2004).

10) En l'espèce, le SCom a considéré que le recourant ne remplissait pas la condition de l'honorabilité découlant de l'art. 5 al. 1 let. d LRDBH pour refuser de lui délivrer l'autorisation d'exploiter sollicitée, celui-ci ayant fait l'objet, entre 2010 et 2013, de plusieurs rapports de police établis suite à des contrôles de l'établissement et ayant donné lieu à des sanctions pour infractions à la LRDBH.

Il ressort toutefois du dossier et de l'instruction de la présente procédure que, parmi les infractions dont a tenu compte le SCom pour fonder sa décision litigieuse, seuls peuvent être retenus à l'encontre du recourant certains des manquements datant des 9 et 11 janvier 2010, 7 novembre 2010, 28 septembre 2012 – étant précisé que l'infraction constatée à cette date n'est pas exclusivement imputable au recourant, l'ancien propriétaire étant également soumis à l'obligation d'annoncer un changement de propriétaire –, 24 novembre 2012 et 9 février 2013.

En revanche, il apparaît que les infractions constatées les 29 août 2010 et 4 mars 2011 n'ont finalement pas été retenues (ATA/247/2013 du 20 avril 2013 et ATA/777/2011 du 20 décembre 2011) ce que l’intimé ne pouvait ignorer et dont il devait tenir compte, de même que plusieurs des infractions constatées les 24 novembre 2012 et 9 février 2013 (ATA/1027/2014 du 16 décembre 2014).

En définitive, les infractions retenues précitées – à l'exception de celle du 28 septembre 2012, dès lors qu'il ne ressort pas du dossier qu'elle aurait conduit à une sanction – ont donné lieu à des amendes administratives, la plus élevée se montant à CHF 2'000.-.

11) a. S'agissant des faits constatés le 25 octobre 2013 – à savoir que l'établissement n'a pas respecté les conditions posées à la prolongation de l'horaire d'exploitation, qu'aucun remplaçant compétent et instruit sur ses devoirs n'assumait l'exploitation de l'établissement en l'absence de M. A______, que l'établissement a été exploité de manière à engendrer des inconvénients graves pour le voisinage, qu'il comportait une double enseigne et qu'une animation a été organisée sans autorisation préalable du département compétent, en infraction aux art. 18A, 21 al. 2, 22 al. 2, 27, 32 et 62 LRDBH – il s'avère qu'au moment où la décision litigieuse a été rendue le 10 juin 2014, le recourant n'avait pas eu connaissance des suites que le SCom y avait données, en particulier du prononcé d'une amende ou d'une autre sanction.

b. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 138 II 252 consid. 2.2 p. 255 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_866/2010 du 12 mars 2012 consid. 4.1.1 ; 8C_643/2011 du 9 mars 2012 consid. 4.3 et les références ; 1C_161/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 5A_150/2010 du 20 mai 2010 consid. 4.3 ; ATA/276/2012 du 8 mai 2012 consid. 2 et les arrêts cités).

c. En l'occurrence, dans la mesure où le recourant n'a pas eu l'occasion de se déterminer, ni de faire valoir ses droits quant aux infractions du 25 octobre 2013 qui lui sont reprochées avant que la décision litigieuse ne soit prise, puisqu'il ignorait la suite que le SCom entendait donner à la dénonciation, l'intimé ne pouvait pas prendre en considération lesdites infractions pour fonder sa décision du 10 juin 2014.

Cependant, même à considérer qu'il conviendrait de retenir ces infractions, elles n'auraient pas d'incidence sur l'appréciation du caractère honorable du recourant, vu ce qui suit.

12) Dans le cas présent, il apparaît dès lors que le recourant a fait, en l'espace de trois ans, l'objet de six rapports, regroupant onze infractions, soit à une reprise le service de boissons alcooliques à un client en état d'ébriété (art. 49 al. 1 let. b LRDBH), à une reprise le défaut d'attention au maintien de l'ordre de l'établissement (art. 22 al. 1 LRDBH), à une reprise le défaut d'annonce d'un changement de propriétaire (art. 4, 20 et 27 LRDBH et 30 et 37 RRDBH), à deux reprises l'exploitation au-delà des heures légales de fermeture (art. 23 LRDBH), à deux reprises le défaut de présentation du registre du personnel (art. 25 LRDBH), à deux reprises le défaut d'un remplaçant compétent et instruit sur ses devoirs (art. 21 al. 2 LRDBH) et à deux reprises l'exploitation engendrant des inconvénients graves pour le voisinage (art. 22 al. 2 LRDBH).

Or, s'il est exact que des infractions administratives doivent aussi être prises en considération par l'intimé pour déterminer l'honorabilité d'un individu, dans la mesure où elles sont en lien avec l'activité exercée, il découle de la jurisprudence constante susmentionnée que le critère d'honorabilité d'un requérant en autorisation d'exploiter a été dénié dans des cas où les infractions commises, la plupart du temps pénales, étaient particulièrement graves et les sanctions relativement lourdes. Dans le cas présent, force est de constater que si le comportement du recourant n'est pas exempt de tous reproches, sa situation ne s'avère de loin pas comparable à celles décrites dans les cas où l'autorisation sollicitée a été refusée, dès lors que les infractions retenues à son encontre ne revêtent pas une gravité particulière, qu'elles n'ont pas donné lieu à des sanctions pouvant être qualifiées de lourdes et qu'il ne ressort pas du dossier qu'elles seraient réitérées de manière systématique. En effet, si le SCom mentionne dans ses observations un contrôle du 21 août 2014, lors duquel des manquements auraient été constatés, il apparaît, à la lecture de la dizaine de fiches de contrôle produite par le recourant, qu'aucune autre infraction n'a été constatée lors desdits contrôles effectués entre le 26 juillet et le 16 septembre 2014.

Partant, le SCom a mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le recourant ne présentait pas les garanties suffisantes en matière d'honorabilité pour que l'autorisation d'exploiter l'établissement concerné lui soit délivrée.

13) Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans renoncera à examiner le grief du recourant en lien avec une violation du principe de la proportionnalité.

14) En conséquence, le recours sera admis et la décision litigieuse annulée. Le dossier sera retourné à l'intimé, afin qu’il délivre au recourant l’autorisation sollicitée, sous réserve de la réalisation des autres conditions légales.

 

 

Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant, à la charge de l'État de Genève, pour l’activité déployée par son avocat en fin de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 juillet 2014 par Monsieur A______ contre la décision du service du commerce du 10 juin 2014 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision du service du commerce du 10 juin 2014 ;

retourne le dossier au service du commerce afin qu’il délivre à Monsieur A______ l’autorisation sollicitée ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Monsieur A______ indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques Roulet, avocat du recourant ainsi qu'au service du commerce.

Siégeants : Mme Junod, présidente, M. Thélin, M. Dumartheray, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :