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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2095/2005

ATA/707/2005 du 25.10.2005 ( JPT ) , REJETE

Descripteurs : CAFE; RESTAURANT; AUTORISATION D'EXPLOITER; SUSPENSION
Normes : LRDBH.5 al.1 litt.d; LRDBH.5 al.1 litt.f; LRDBH.8 al.1; LRDBH.8 al.2
Résumé : Confirmation d'une décision de constatation de la caducité de l'autorisation d'exploiter un établissement public. Le recourant ne remplissait pas la condition d'honorabilité vu la production lors de la requête en délivrance de l'autorisation d'un contrat de travail signé par son épouse en lieu et place de l'employeur. L'accord du bailleur faisait également défaut.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2095/2005-JPT ATA/707/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 25 octobre 2005

 

dans la cause

 

 

Monsieur F._______
représenté par Me Alain Droz, avocat

 

contre

 

DÉPARTEMENT DE JUSTICE, POLICE ET SÉCURITÉ


 


1. Monsieur F._______, né le 1947, est titulaire du certificat de capacité de cafetier depuis le 11 mai 1987.

2. Le 1er juin 2004, M. F._______ a sollicité du département de justice, police et sécurité (ci-après : le département) l’autorisation d’exploiter le café-restaurant « T._______ & V.___ » à _____à Genève dont M. S.___ – le fils de Madame F._______ – était le gérant libre et M. Z.______ le propriétaire. A l’appui de sa requête, contresignée par M. Z.______, M. F._______ a notamment produit un contrat de travail conclu le 1er juin 2004 avec M. S.___ confirmant son engagement en qualité d’exploitant responsable. Etait joint également un contrat de gérance libre, assorti d’une promesse de cession de bail et de rachat d’équipements, contrat conclu entre M. Z.______ et M. S.___ le 4 septembre 2003 avec effet au 1er septembre 2003 pour une durée d’un an, moyennant le versement d’une redevance mensuelle de CHF 5'200.-.

Il est apparu au cours de l’enquête que le contrat de travail précité, signé le 1er juin 2004 n’avait en réalité pas été signé par M. S.___ mais par Mme F._______, l’autre signature étant celle de M. F._______.

3. Par arrêté du 8 novembre 2004, le département a autorisé M. F._______ à exploiter le café-restaurant « T.______ & V.___ ».

4. Le 1er février 2005, M. Z.______ a déposé plainte auprès de la gendarmerie contre M. F._______ qui n’aurait jamais dû obtenir l’autorisation d’exploiter précitée, la demande ayant été faite sans son propre accord car M. Z.______ niait avoir cosigné la requête.

Par ailleurs, M. S.___ a déposé plainte contre sa mère et son beau-père en raison de l’imitation de sa signature sur le contrat de travail.

5. Par courrier recommandé du 2 mai 2005, le département a informé M. F._______ qu’il envisageait de constater la caducité de l’autorisation d’exploiter qui lui avait été délivrée et d’ordonner la cessation d’exploitation de l’établissement « T._______ & V.___ », raison pour laquelle il était prié de donner des explications écrites d’ici le 17 mai 2005.

6. M. F._______ ne s’est pas manifesté dans le délai imparti.

7. Par lettre-signature du 31 mai 2005, le département a signifié à M. F._______ la caducité de l’autorisation d’exploiter dont il était titulaire et il a ordonné la cessation immédiate de l’exploitation de l’établissement. Si celui-ci n’était pas fermé dans les 48 heures, sa fermeture avec apposition de scellés serait ordonnée. La réouverture de l’établissement était expressément subordonnée au dépôt d’une requête en bonne et due forme d’un nouvel exploitant, titulaire du certificat de capacité désigné par le propriétaire et susceptible de reprendre l’exploitation du café-restaurant avec l’accord du département.

Cette décision a été déclarée exécutoire nonobstant recours.

8. Le 1er juin 2005, des inspecteurs du service des autorisations et patentes se sont rendus dans l’établissement pour signifier à M. F._______ la fermeture de celui-ci. M. F._______ a refusé de signer cet acte prétendant vouloir réfléchir.

9. Le 2 juin 2005, l’avocat de M. F._______ a fait part de son étonnement au département quant au non respect de l’élection de domicile faite en son étude, telle qu’elle résultait du courrier qu’il avait envoyé pour se constituer le 13 mai 2005.

La décision de cessation de l’exploitation était prématurée puisque M. F._______ n’avait pu faire valoir ses arguments.

10. Par lettre-signature du 6 juin 2005, le département a signifié au conseil de M. F._______ que celui-ci avait en tout état reconnu devant la gendarmerie le 8 mars 2005 que le contrat de travail avait été signé par Mme F._______, laquelle avait imité la signature de son fils, M. S.___.

En conséquence, la décision était maintenue.

11. Le 9 juin 2005, un commissaire de police a procédé à la fermeture de l’établissement avec apposition de scellés. Cet ordre a été notifié à M. F._______ qui se trouvait sur place.

12. Par acte posté le 15 juin 2005, M. F._______ a recouru contre la décision du 31 mai 2005 en priant le Tribunal administratif d’ordonner la restitution de l’effet suspensif, d’annuler la décision entreprise et de lui allouer un émolument valant participation aux honoraires d’avocat.

Il n’était pas encore titulaire d’une autorisation de séjour valable lorsqu’avaient débuté les formalités relatives à l’octroi de l’autorisation d’exploiter l’établissement concerné. Il n’avait reçu cette autorisation de séjour que le 27 février 2004 suite à son mariage avec Mme F._______, née_____. C’était la raison pour laquelle M. S.___ apparaissait sur la requête en tant que responsable et qu’un contrat de travail avait été établi entre eux. Mme F._______ avait admis avoir signé le contrat en lieu et place de M. S.___, celui-ci n’étant jamais disponible quand des démarches devaient être effectuées mais il savait dès le début que cet établissement public serait exploité exclusivement par M. F._______.

13. Le 21 juin 2005, le département s’est opposé à la demande de restitution d’effet suspensif de même qu’à l’octroi de toute mesure provisionnelle en se prévalant de l’intérêt public, un tenancier d’établissement public devant adopter un comportement compatible avec l’honorabilité requise par la loi.

14. Par décision du 29 juin 2005, le président du Tribunal administratif a rejeté la demande d’effet suspensif et réservé le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

15. Le 11 juillet 2005, le département a conclu au rejet du recours, M. F._______ ne remplissant plus la condition d’honorabilité puisqu’il avait produit à l’appui de sa requête un faux, ainsi que cela avait été établi.

16. Par pli daté du 29 juillet et réceptionné le 2 août 2005, M. F._______ a sollicité la reconsidération de la décision sur effet suspensif car le 19 juillet 2005, M. S.___ s’était adressé au Corps de police en faisant part de sa volonté de retirer sa plainte contre sa mère, respectivement contre son beau-père. Ce retrait de plainte apportait un éclairage nouveau sur les circonstances dans lesquelles le contrat de travail entre M. F._______ et son beau-fils avait été signé, de sorte que la décision sur effet suspensif devait être réexaminée.

17. Le 16 août 2005, le département a réitéré ses conclusions du 11 juillet 2005, estimant que le retrait de plainte de M. S.___ ne changeait rien au fait que M. F._______ et son épouse avaient délibérément pris le risque de produire un faux pour obtenir une autorisation à laquelle ils n’avaient pas droit. Si M. F._______ souhaitait pouvoir à nouveau exploiter le café-restaurant « T._______ & V.___ », il lui appartenait de déposer une nouvelle requête, dûment contresignée par M. Z.______, et de produire les pièces nécessaires à son examen.

18. Le 13 septembre 2005, le département a transmis au juge délégué copie d’une correspondance qu’il avait échangée avec le conseil de M. Z.______. Il apparaissait de ce courrier et des pièces produites que le 9 août 2005, le Tribunal des baux et loyers avait prononcé l’évacuation immédiatede M. S.___ du café-restaurant « T._______ & V.___ » à la requête de M. Z.______, ni M. S.___ ni M. F._______ ne s’étant acquittés régulièrement du loyer de sorte qu’au 24 mars 2004, l’arriéré s’élevait à CHF 26'410.-.

M. Z.______ était toutefois débouté de ses conclusions contre M. F._______, celui-ci n’étant pas partie au contrat de fermage.

MM. S.___ et F._______ n’ayant pas comparu, le jugement prononcé par défaut était devenu exécutoire dix jours après sa notification.

19. Le 22 septembre 2005, le conseil de M. F._______ a prié le juge délégué de bien vouloir statuer sur la demande de reconsidération de la décision sur effet suspensif afin que son client puisse savoir quelles dispositions il devait prendre pour l’avenir de son établissement public.

20. Le 30 septembre 2005, le département a transmis au juge délégué copie du courrier qu’il avait adressé le 28 septembre 2005 au conseil de M. F._______ en le priant de lui faire savoir d’ici le 7 octobre si ce dernier s’opposait ou non à la levée définitive des scellés.

21. Par courrier du 6 octobre 2005, le conseil de M. F._______ a fait savoir au département que le recourant s’opposait à la levée des scellés.

Si M. Z.______ entendait obtenir son évacuation, il devrait introduire une action possessoire devant le Tribunal de première instance, le Tribunal des baux et loyers n’étant pas compétent pour ce faire.

Il appartenait au Tribunal administratif de statuer sur le fond du litige.

22. Par décision présidentielle du 13 octobre 2005, la demande en révision de la décision sur effet suspensif du 29 juin 2005 a été rejetée, et la demande en reconsidération ou réexamen de celle-ci déclarée irrecevable.

23. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. l litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

2. Comme M. F._______ s’oppose maintenant à la levée des scellés, contrairement à ses conclusions initiales, il convient de statuer sur le fond du litige.

3. Il est établi et non contesté qu’à l’appui de sa demande d’autorisation d’exploiter, M. F._______ a produit un contrat de travail signé par son épouse, en lieu et place de M. S.___, ce que M. F._______ ne pouvait ignorer. Il a ainsi sciemment trompé le département dans le seul but d’obtenir plus rapidement l’autorisation sollicitée.

Que M. S.___ ait retiré depuis la plainte qu’il avait déposée en raison de l’imitation de sa signature n’y change rien.

Ces faits suffisent à démontrer que M. F._______ ne remplit pas la condition d’honorabilité exigée de tout exploitant à teneur de l’article 5 alinéa premier lettres d et f, par renvoi de l’article 8 alinéa premier lettre c de la loi sur la restauration, le débit de boissons et l’hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH – I – 2 21) et de la jurisprudence (ATA/205/2005 du 12 avril 2005).

4. De plus, il est apparu au cours de cette procédure qu’un jugement d’évacuation, définitif et exécutoire, avait été prononcé par défaut le 9 août 2005 par le Tribunal des baux et loyers sur requête de M. Z.______, jugement dont le recourant s’est gardé de faire état, préférant solliciter le 2 août et encore le 22 septembre 2005 la reconsidération de la décision sur effet suspensif.

Certes, ce jugement n’ordonne que l’évacuation de M. S.___ et M. Z.______ devrait introduire une action possessoire contre M. F._______ devant le Tribunal de première instance (J. BLANC in SJ 2005 II 105, La sous-location en pratique), action dont rien n’indique qu’elle aurait été déposée.

Il n’en demeure pas moins que M. F._______ ne peut se prévaloir de l’accord du bailleur, alors qu’un tel accord constitue également une condition nécessaire de l’autorisation d’exploiter au sens de l’article 5 alinéa premier lettre c LRDBH.

Cette condition n’étant pas satisfaite non plus, le département était fondé à constater la caducité de l’autorisation (art. 8 al. 2 LRDBH), de sorte que cette décision sera confirmée, par substitution de motifs.

5. En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

6. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de M. F._______. Il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 juin 2005 par Monsieur F._______ contre la décision du département de justice, police et sécurité du 31 mai 2005 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

communique le présent arrêt à Me Alain Droz, avocat du recourant ainsi qu'au département de justice, police et sécurité.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la secrétaire-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastinelli

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :