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Décisions | Sommaires

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C/10231/2024

ACJC/1648/2024 du 19.12.2024 sur OTPI/486/2024 ( SP ) , CONFIRME

Normes : cpc.261
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10231/2024 ACJC/1648/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 19 DECEMBRE 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant contre un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 7 août 2024, représenté par Me Christine RAPTIS, avocate, rue de la Gare 16, case postale 345,
1110 Morges,

et

SI B______ SA, sise ______, intimée, représentée par Me Pascal PETROZ, avocat,
De Boccard Associés SA, rue du Mont-Blanc 3, 1201 Genève.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance du 7 août 2024, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles, a fait interdiction à A______ et C______ de pénétrer dans l'arcade commerciale sise sur la parcelle n° 1______ de la commune de Genève-E______ (ch. 1 du dispositif), ordonné à A______ et C______ de restituer à SI B______ SA toutes les clés permettant l'accès à cette arcade (ch. 2), fait interdiction à SI B______ SA ainsi qu'à son représentant d'afficher l'ordonnance du 6 mai 2024 (ch. 3), prononcé ces injonctions sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP dont la teneur était rappelée (ch. 4), rejeté les conclusions prises par A______ et SI B______ SA pour le surplus (ch. 5), dit que son ordonnance déploierait ses effets jusqu'à droit jugé au fond ou accord entre les parties (ch. 6) et imparti à SI B______ SA ainsi qu'à A______ un délai de trente jours pour déposer leur action au fond (ch. 7).

Le Tribunal a arrêté les frais judiciaires à 1'600 fr., les a mis à charge de A______ et C______ à hauteur de 1'400 fr. et à charge de SI B______ SA à hauteur de 200 fr. et les a compensés avec les avances de frais fournies par SI B______ SA et A______ (ch. 8), condamné A______ et C______, conjointement et solidairement, à verser à SI B______ SA la somme de 1'000 fr. à titre de restitution de l'avance de frais (ch. 9) ainsi que la somme de 2'000 fr. à titre de dépens (ch. 10) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 11).

B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 19 août 2024, A______ a formé appel contre cette ordonnance. Il a conclu, principalement, à son annulation, subsidiairement, à l'annulation des ch. 1, 2 et 5 à 11 de son dispositif et, plus subsidiairement, à ce qu'il soit dit qu'il est autorisé à pénétrer dans l'arcade commerciale sise sur la parcelle n° 1______ de la commune de Genève-E______ afin de continuer l'exploitation de son commerce et que les clefs de ladite arcade doivent rester en ses mains.

Il a produit deux pièces nouvelles.

b. SI B______ SA a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais.

Elle a produit des pièces nouvelles.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

A______ a produit des pièces nouvelles.

d. Les parties ont été informées par la Cour le 11 novembre 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

e. Le 14 novembre 2024, A______ a produit une pièce nouvelle, dont il soutient qu'elle ne l'est pas mais "s'inscrit dans la continuité de la pièce 32" qu'il avait produite à l'appui de sa réplique.

SI B______ SA s'est déterminée à cet égard, considérant cette pièce irrecevable.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. SI B______ SA est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de Genève-E______, sur laquelle est bâti un immeuble contenant une arcade commerciale, sis rue 2______ no. ______ à Genève.

b. Le 23 avril 2021, SI B______ SA et A______ ont conclu un contrat de bail portant sur cette arcade.

Le 22 février 2022, A______ a résilié ce contrat de bail pour le 28 février 2022.

c. Le 21 mars 2022, SI B______ SA et D______ SARL ont conclu un contrat de bail portant sur l'arcade.

Par jugement JTBL/328/2023 du 27 avril 2023, le Tribunal des baux et loyers a condamné D______ SARL à évacuer immédiatement l'arcade. Ce Tribunal a en particulier retenu que D______ SARL ne disposait d'aucun titre l'autorisant à rester dans les locaux, le contrat ayant été valablement résilié le 25 octobre 2022 pour le 30 novembre 2022 pour défaut de paiement.

d. Par courriel du 30 mai 2023, [la régie immobilière] F______ a indiqué à A______ et C______ que la signature du bail de C______ sur l'arcade sise rue 2______ no. ______ aurait lieu le lendemain. Les arriérés de loyer de D______ SARL devaient impérativement être payés avant ou lors du rendez-vous. G______ – mère de A______ selon ce dernier – et H______ étaient garantes de ce bail.

Le contrat de bail du 1er juin 2023 a été signé par SI B______ SA, G______ et H______.

e. Le 17 octobre 2023, F______ a reçu 10'000 fr. de C______ à titre de "loyer retard".

f. Le 19 octobre 2023, SI B______ SA a résilié le contrat de bail du 1er juin 2023 avec effet au 30 novembre 2023 en raison du défaut de paiement du loyer.

g. Le 30 janvier 2024, SI B______ SA a déposé une requête en évacuation à l'encontre de C______ (C/3______/2024).

h. Le 2 février 2024, A______ a déposé une demande en paiement par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers. Il a conclu, sur la base de l'art. 260a CO, au paiement de la somme de 1'200'000 fr., correspondant à la plus-value découlant selon lui des travaux réalisés dans l'arcade.

Il a soutenu que ces travaux permettaient à la propriétaire de mettre le bien en vente à un prix supérieur à son acquisition et de tirer profit d'un loyer important.

i. Lors de l'audience de débats du 28 mars 2024 tenue dans la cause C/3______/2024, C______ a déclaré ne jamais avoir signé de contrat de bail. Il était l'intermédiaire entre la régie et l'ancien locataire, à savoir D______ SARL. La requête en contestation du congé avait été rédigée et signée par A______. Il acceptait que SI B______ SA change les cylindres de l'arcade, étant donné qu'il n'était pas concerné.

j. Par jugement JTBL/382/2024 du 28 mars 2024 rendu dans la cause C/3______/2024, le Tribunal des baux et loyers a déclaré la requête en évacuation irrecevable au motif que le cas n’était pas clair, la question de savoir si le bail avait été conclu avec C______ ou non nécessitant de plus profondes investigations.

SI B______ SA n'a pas formé recours contre ce jugement.

k. Le 17 avril 2024, SI B______ SA a entrepris de changer les serrures, sur la base des déclarations de C______ du 28 mars 2024. A cette occasion, A______ et un ami se sont présentés sur les lieux. Il a alors été décidé de laisser, en l'état, les clés à A______, ce dernier ayant menacé de s'enchaîner dans l'arcade.

Un récépissé daté du même jour indique que les clés sont laissées en possession de A______, les parties n'ayant pas pu les remettre à C______.

l. Le 6 mai 2024, SI B______ SA a déposé une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles à l'encontre de A______ et C______ concluant, sous suite de frais, à ce que le Tribunal fasse interdiction à ces derniers de pénétrer dans l'arcade commerciale et leur ordonne de lui restituer les neuf clés permettant l'accès à cette arcade, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP.

SI B______ SA a en particulier allégué que A______ détenait les clés de l'arcade sans aucun titre, dans la mesure où il n'était plus locataire.

m. Par ordonnance du 6 mai 2024, le Tribunal, statuant sur mesures superprovisionnelles, a fait interdiction à A______ et C______ de pénétrer dans l'arcade commerciale sise rue 2______ no. ______ à Genève, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP; la requête a été rejetée pour le surplus.

n. Le 17 mai 2024, A______ a déposé une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, concluant à ce qu'il soit fait interdiction à SI B______ SA ainsi qu'à son représentant, à savoir F______, de "pénétrer l'endroit", à ce que SI B______ SA soit condamnée à lui restituer les clés, y compris celles des nouveaux cylindres, ces deux injonctions étant prononcées sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP, à ce qu'il soit autorisé à changer les serrures, garder les clés jusqu'à droit connu et faire appel à la force publique pour obtenir la restitution des clés, et à ce qu'il soit ordonné à SI B______ SA et à F______ de se conformer à l'ordonnance du 6 mai 2024.

Il a allégué que le 15 mai 2024, SI B______ SA avait fait modifier les serrures de l'arcade et accédé au local. Par la suite, la police avait dû intervenir car un four était allumé. SI B______ SA était ensuite revenue dans les locaux et avait à nouveau changé les serrures.

o. Par ordonnance du 21 mai 2024, le Tribunal a rejeté la requête à titre superprovisionnel.

p. Le 21 mai 2024, A______ a déposé une nouvelle requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles. Il a pris les mêmes conclusions que dans sa requête du 17 mai 2024, concluant en sus à ce qu'il soit fait interdiction à SI B______ SA et à son représentant de changer les cylindres et d'afficher l'ordonnance du 6 mai 2024, à ce qu'il soit fait interdiction à SI B______ SA et son représentant de garder les clés jusqu'à "droit connu lors de l'audience du 24 juin 2024" et à ce qu'il soit dit que les clés étaient maintenues en ses mains jusqu'à ce même moment.

Il a présenté le même état de fait que dans sa requête précédente, exposant en sus que D______ SARL, qu'il détenait pour moitié, était locataire de l'arcade. En effet, cette société était sujette à un jugement d'expulsion qui n'avait jamais été exécuté et était donc "périmé". D______ SARL continuait d'exploiter l'arcade, au su de F______. Un exemplaire de l'ordonnance du 6 mai 2024 avait été affichée dans l'arcade, ce qui n'était pas acceptable.

q. Par ordonnance du 21 mai 2024, le Tribunal a fait interdiction à SI B______ SA, ainsi qu'à son représentant, d'afficher l'ordonnance du 6 mai 2024, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP et rejeté la requête pour le surplus.

r. Par courrier du 28 mai 2024, SI B______ SA a avisé le Tribunal de ce que les cylindres avaient été à nouveau changés, de sorte qu'elle ne pouvait accéder à l'intérieur de l'arcade pour retirer l'affiche.

s. Dans ses déterminations du 7 juin 2024, A______ n'a pris aucune conclusion.

Il a exposé avoir investi plus de 500'000 fr. afin de rénover l'arcade, auparavant laissée à l'abandon. Le bail avait ensuite été transféré à D______ SARL, car I______, qui disposait de la signature collective à deux, était titulaire d'une autorisation d'exploiter. Dans la mesure où il n'avait pas pu faire construire un fumoir, il avait été confronté à des difficultés pour payer le loyer. SI B______ SA avait obtenu son évacuation, en refusant de négocier au sujet de la plus-value qu'il avait apportée aux locaux. Il avait alors demandé à un ami, à savoir C______, de reprendre le bail. En parallèle, il avait contracté un emprunt pour payer les arriérés de loyer de D______ SARL. C______ n'avait pas signé le bail. Le but de l'intervention de ce dernier était de sauvegarder les meubles se trouvant dans l'arcade pour qu'il ne perde pas son investissement. Il avait, à cette époque, procédé à un paiement de 10'000 fr. pour le loyer. SI B______ SA et F______ savaient qu'il exploitait en réalité les locaux.

A______ a produit un échange de messages WhatsApp non daté entre, selon lui, un représentant de la régie et C______, ce dernier indiquant que "A______" [prénom] était sur place. Il a également produit une attestation de C______ datée du 7 juin 2024 indiquant être le locataire "officiel", mais ne pas avoir signé le bail car le loyer devait être revu à la baisse et les propriétaires lui revenir à ce sujet. Il avait été convenu que D______ SARL resterait la locataire "officieuse". Il voulait "qu'ils remboursent" à A______ son investissement et qu'il n'était "pas logique" que ce dernier soit expulsé sans que soit déterminé "qui doit de l'argent à qui".

Selon A______, le dommage qu'il subirait faute de prononcé des mesures provisionnelles requises découlait de la possibilité, pour "d'autres personnes", d'accéder au local dans lequel se trouvaient ses biens. SI B______ SA cherchait à l'expulser pour vendre le local contenant ses biens et/ou en tirer profit par le biais d'une location.

Il a aussi exposé, en un seul allégué, avec pour offre de preuve l'extrait du registre du commerce de la société J______ SARL, dont il est associé gérant, que cette société, dont l'adresse est la même que celle de l'arcade, était sous-locataire.

t. Lors de l’audience du 24 juin 2024 devant le Tribunal, C______ n'a pas comparu.

A______ a conclu à ce que le Tribunal se déclare incompétent au vu des rapports de bail liant les parties.

Il a par ailleurs déclaré ne plus payer de loyer pour les locaux depuis que le bail n'était plus à son nom. Il a par la suite indiqué que les loyers payés par D______ SARL et C______ avaient en réalité été payés par lui-même. En revanche, aucun paiement n'était intervenu depuis le mois d'octobre 2023.

SI B______ SA a allégué que le Tribunal était compétent et a persisté dans ses conclusions.

La cause a été gardée à juger à l’issue de l’audience.

u. Dans son ordonnance du 7 août 2024, le Tribunal a considéré, concernant sa compétence, que le seul but de l'intervention de C______ envers SI B______ SA était de protéger l'investissement de A______, ce que ce dernier avait confirmé dans ses écritures. Il ne pouvait dès lors être retenu, dans le cadre de la présente procédure de mesures provisionnelles, que C______ et SI B______ SA étaient liées par un contrat de bail, C______ n'ayant pas la volonté de conclure le bail du 1er juin 2023. En outre, s'il y avait lieu d'examiner l'existence de rapports de bail, c’était entre D______ SARL et SI B______ SA uniquement, étant néanmoins précisé que le jugement d'évacuation du 27 avril 2023, qui ne se "périmait" pas, était définitif et exécutoire, et qu'aucun loyer n'avait été payé depuis le mois d'octobre 2023, de sorte qu'il apparaissait peu probable qu'un contrat de bail, par hypothèse tacite, demeure. Il apparaissait donc, sous l'angle de la vraisemblance et sur la base des pièces produites dans le cadre de la présente procédure, que ni C______ ni A______ n’étaient titulaires d'un contrat de bail avec SI B______ SA. Il était donc compétent pour connaître de la requête à raison de la matière.

C______ et A______ ne disposaient pas, sous l'angle de la vraisemblance, de titre, en particulier d’un contrat de bail, les autorisant à demeurer dans l'arcade commerciale litigieuse, propriété de SI B______ SA. Dans la mesure où ils souhaitaient continuer à y pénétrer et étaient susceptibles de prendre des mesures afin de faire changer les cylindres, l'atteinte au droit de propriété de SI B______ SA, ainsi que le dommage qu'elle subirait faute de prononcé des mesures, s'agissant d'un droit absolu, étaient rendus suffisamment vraisemblables. Il y avait urgence à statuer, compte tenu notamment du vif conflit opposant les parties.

Les mesures requises seraient donc admises, et ce sans préjudice, le cas échéant, des droits de A______ fondés sur l'art. 260a CO. Il serait ainsi fait interdiction à A______ et C______ de pénétrer dans l'arcade commerciale sise sur la parcelle n° 1______ de la commune de Genève-E______ et ordonné à ces derniers de restituer à SI B______ SA les clés permettant l'accès à cette arcade, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP. Les conclusions de A______ ayant la même teneur, soit en substance récupérer la possession de l'arcade, devaient par conséquent être rejetées, étant précisé que l'atteinte à ses droits invoquée n'était pas suffisamment rendue vraisemblable, aucun élément ne permettant de retenir en l'état que ses biens demeurant dans l'arcade étaient susceptibles de subir une détérioration quelconque.

Il n’y avait pas non plus lieu d'ordonner à SI B______ SA de se conformer à l'ordonnance du 6 mai 2024, le Tribunal ignorant le fondement de cette conclusion. En revanche, il serait fait interdiction à SI B______ SA, ainsi qu'à son représentant, d'afficher ladite ordonnance, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP, cet affichage étant de nature à porter atteinte à la personnalité de A______ et particulièrement à son honneur.

EN DROIT

1. 1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC), lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

1.2 L'appel a été introduit en temps utile, selon la forme prescrite par la loi (art. 311 al. 1 CPC) et porte sur des conclusions vraisemblablement supérieures à 10'000 fr. Il est donc recevable.

1.3
1.3.1
Aux termes de l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux sont admissibles en appel pour autant qu'ils soient invoqués ou produits sans retard (let. a) et avec la diligence requise (let. b).

1.3.2 En l'espèce, les pièces produites par les parties ont été établies après que la cause a été gardée à juger par le Tribunal et elles sont donc, dans cette mesure, recevables. La pièce nouvelle produite le 14 novembre 2024, après que la cause a été gardée à juger par la Cour, est en revanche irrecevable. Elle n'apporte en tout état de cause aucun élément utile pour l'issue du litige.

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. d CPC), la cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (ATF 131 III 473 consid. 2.3; 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_293/2019 du 29 août 2019 consid. 4.2).

2. L'appelant invoque une violation de son droit d'être entendu. Le Tribunal n'aurait pas pris en considération plusieurs preuves démontrant l'existence d'un lien contractuel entre les parties.

2.1 Conformément à l'art. 29 al. 2 Cst. - repris par l'art. 53 CPC et dont la portée est la même - et à l'art. 6 par. 1 CEDH, les parties ont le droit d'être entendues. La jurisprudence déduit de ce droit celui des parties d'être informées et de s'exprimer sur les éléments pertinents du litige avant qu'une décision touchant leur situation juridique ne soit prise, d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1, 167 consid. 4.1; 135 II 286 consid. 5.1; 133 I 270 consid. 3.1; 132 II 485 consid. 3.2; 127 I 54 consid. 2b).

La jurisprudence déduit également du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 145 IV 407 consid. 3.4.1; 143 III 65 consid. 5.2; 142 III 433 consid. 4.3.2). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_915/2019 du 18 mars 2020 consid. 4.2).

2.2 En l'espèce, l'appelant se plaint du fait que le Tribunal aurait omis des preuves cruciales démontrant un lien contractuel entre les parties, de sorte que l'ordonnance attaquée, manifestement partiale et à la lecture unilatérale, soulevait de sérieuses interrogations.

Il ressort toutefois de l'ordonnance attaquée que le Tribunal a examiné de manière détaillée la question de l'existence d'un contrat de bail et, par conséquent, de sa compétence. Il a rendu une décision motivée, qui respecte le droit d'être entendu de l'appelant sous cet angle.

En outre, si les faits ont été constatés de manière inexacte, parce que des preuves ont été omises, ou si la décision rendue n'est pas conforme au droit, la garantie procédurale invoquée n'est pas pour autant violée. La décision pourra en revanche être corrigée, si nécessaire, par l'autorité d'appel qui revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit.

Le grief de violation du droit d'être entendu de l'appelant sera donc rejeté.

3. L'appelant conteste la compétence du Tribunal. Il soutient que l'intimée cherche à contourner le jugement du 28 mars 2024 qui a déclaré sa requête en évacuation irrecevable. Il était "directement lié" à D______ SARL" et la procédure visait à son évacuation par une voie détournée. Le Tribunal avait imparti un délai pour déposer une action au fond, mais les questions à traiter relevaient de la compétence du Tribunal des baux et loyers. Il invoque également l'art. 33 CPC.

3.1 Un tribunal n’entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l’action, soit notamment qu'il est compétent à raison de la matière et du lieu (art. 59 al. 2 let. b CPC).

La compétence ratione materiae de la juridiction des baux et loyers est définie à l'art. 89 LOJ. Selon cette disposition, le Tribunal des baux et loyers est compétent pour statuer sur tout litige relatif au contrat de bail à loyer (art. 253 à 273c CO) ou au contrat de bail à ferme non agricole (art. 275 à 304 CO), portant sur une chose immobilière dans le canton de Genève (ACJC/1422/2013 du 2 décembre 2013 consid. 4.1).

Le Tribunal de première instance est compétent pour tous les actes de la juridiction civile contentieuse ou non contentieuse que la loi n'attribue pas à une autre autorité judiciaire ou administrative (art. 86 al. 1 LOJ).

De longue date, la Chambre des baux et loyers de la Cour a considéré que sa compétence s'étendait à tout état de fait pouvant tomber sous le coup du droit du bail selon les titres VIII et VIIIbis du Code des obligations (arrêt du Tribunal fédéral 4P_155/2005 du 21 septembre 2005 consid. 3.3; arrêt de la Cour de justice du 8 novembre 2004 rendu dans la cause C/30121/02 consid. 2.1; ACJC/1309/2007 du 5 novembre 2007 consid. 3.1). Elle a ainsi jugé qu'elle était compétente pour statuer sur un litige entre un bailleur principal et un sous-locataire, à l'exclusion d'un squatteur, d'un occupant non titulaire d'un contrat de bail de sous-location ou d'un occupant à titre gratuit titulaire d'un contrat de prêt à usage, cas où la compétence de la juridiction ordinaire demeure (ACJC/646/2019 du 6 mai 2019 consid. 2.1.7).

3.2 En l'espèce, le contrat de bail qui liait l'appelant à l'intimée a été résilié pour le 28 février 2022. Un bail a ensuite été conclu par l'intimée en mars 2022 avec la société D______ SARL, lequel a été résilié pour défaut de paiement du loyer, et le Tribunal des baux et loyers a condamné D______ SARL à évacuer immédiatement l'arcade par jugement du 27 avril 2023. Enfin, un contrat de bail a été signé le 1er juin 2023 entre l'intimée et G______ et H______, lequel a été résilié pour défaut de paiement avec effet au 30 novembre 2023.

Il apparaît donc que le contrat de bail conclu entre les parties est résilié depuis plus de deux ans. Des contrats ont été conclus par la suite sur les locaux concernés mais l'appelant n'y est pas partie et ils ont en tout état de cause également été résiliés. L'appelant a certes pu être associé aux discussions liées à la reprise des locaux, mais celles-ci ne se sont vraisemblablement pas traduites par la création d'un lien juridique avec l'appelant. Le fait qu'il serait actionnaire de la société D______ SARL ou que l'intimée lui aurait adressé un courriel afin de mettre en œuvre le jugement d'évacuation rendu à l'encontre de cette société ne permet pas de considérer qu'il disposerait vraisemblablement, à titre personnel, d'un droit sur les locaux. Le Tribunal des baux et loyers a certes déclaré irrecevable la requête en évacuation formée par l'intimée par jugement du 28 mars 2024, mais ladite requête était dirigée contre un tiers, et non l'appelant. Enfin, l'art. 33 CPC a trait à la compétence ratione loci dans les affaires de bail à loyer, de sorte que l'appelant ne peut en tirer aucun argument quant à la prétendue compétence ratione materiae du Tribunal de baux et loyers.

Au vu de ce qui précède, l'appelant n'a pas rendu vraisemblable qu'il serait lié à l'intimée par une relation quelconque, y compris un bail tacite, pouvant relever de la juridiction du Tribunal des baux et loyers. Le grief soulevé à cet égard n'est dès lors pas fondé.

4. L'appelant soutient qu'une pesée des intérêts démontre que le préjudice difficilement réparable qu'il est susceptible de subir serait plus important que celui de l'intimée dans la mesure où il serait privé de la possibilité d'exploiter les locaux dans lesquels il a investi une somme considérable dont l'intimée peut tirer profit.

4.1 Selon l’art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu’un droit dont il se prétend titulaire est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être (let. a), et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let. b). Ces conditions sont cumulatives (Bohnet, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 3 ad art. 261 CPC).

Le requérant doit ainsi, notamment, rendre vraisemblable l'existence d'un préjudice difficilement réparable, qui peut être de nature patrimoniale ou immatérielle (Message relatif au CPC, FF 2006 p. 6961; Bohnet, op. cit., n. 11 et 12 ad art. 261 CPC; Huber, ZPO, 3ème éd., 2016, n. 20 ad art. 261 CPC). Le requérant doit rendre vraisemblable qu'il s'expose, en raison de la durée nécessaire pour rendre une décision définitive, à un préjudice qui ne pourrait pas être entièrement supprimé même si le jugement à intervenir devait lui donner gain de cause.

La mesure ordonnée doit cependant respecter le principe de proportionnalité, ce qui signifie qu'elle doit être à la fois apte à atteindre le but visé, nécessaire, en ce sens que toute autre mesure se révèlerait inapte à sauvegarder les intérêts de la partie requérante, et proportionnée, en ce sens qu'il ne doit pas exister d'alternatives moins incisives (ATF 131 III 473 consid. 2.3; Bohnet, op. cit. n. 17 ad art. 261 CPC).

4.2 En l'espèce, il a été retenu que l'appelant ne dispose vraisemblablement d'aucun droit sur les locaux litigieux, qu'il ne peut dès lors pas prétendre exploiter. Il n'a ainsi vraisemblablement pas la possibilité d'en tirer profit et, donc, de perdre d'éventuels revenus qu'il serait empêché de réaliser. Il se prévaut des investissements auxquels il aurait procédé dans les locaux pour prétendre qu'il pourrait subir un préjudice difficilement réparable s'il n'y avait plus accès. Il relève toutefois lui-même qu'il a formé une demande en paiement fondée sur l'art. 260a CO par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers tendant à ce que l'intimée lui verser une somme de 1'200'000 fr. Son investissement sera dès lors protégé, le cas échéant, par ce biais, s'il devait être fait droit à sa demande.

La mesure ordonnée n'a par ailleurs pas de caractère définitif puisque l'appelant aura toujours la possibilité, le cas échéant, de réintégrer les locaux si l'intimée devait être déboutée dans le cadre de l'action au fond qui suivra la présente procédure de mesures provisionnelles et il pourra dans cette hypothèse, s'il s'y estime fondé, réclamer le remboursement du dommage qu'il aurait subi du fait qu'il n'a pas pu exploiter l'arcade commerciale litigieuse.

Il ne peut dès lors être retenu qu'une pesée des intérêts en présence justifierait le maintien de l'appelant dans les locaux, celui-ci n'ayant qui n'a pas rendu vraisemblable qu'il serait susceptible de subir un préjudice difficilement réparable.

5. L'appelant invoque l'arbitraire de la décision attaquée au regard de l'art. 6 CEDH.

Le fait d'empêcher l'appelant de pénétrer dans les locaux et de les utiliser alors qu'il ne dispose vraisemblablement pas de droit sur lesdits locaux ne peut être qualifié d'arbitraire.

6. L'appel n'étant pas fondé, les frais de la procédure seront mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judicaires seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 26 et 37 RTFMC) et compensés avec l'avance fournie par l'appelant, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

L'appelant sera condamné à verser à l'intimée la somme de 1'000 fr., TVA et débours compris, à titre de dépens d'appel (art. 84, 85, 88 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 19 août 2024 par A______ contre l'ordonnance OTPI/486/2024 rendue le 7 août 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/10231/2024–20 SP.

Au fond :

Confirme l'ordonnance attaquée.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 1'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à SI B______ SA la somme de 1'000 à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.