Décisions | Sommaires
ACJC/246/2023 du 14.02.2023 sur SQ/475/2022 ( SQP ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/11664/2022 ACJC/246/2023 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile du MARDI 14 FEVRIER 2023 |
Entre
A______ SA, sise ______, LUXEMBOURG, recourante contre une ordonnance rendue par le Tribunal de première instance de ce canton le 17 juin 2022, comparant par Me Olivier FRANCIOLI, avocat, Etude THEVOZ AVOCATS SARL, Rue Etraz 4, Case postale, 1002 Lausanne, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,
et
Madame B______ et Monsieur C______, domiciliés ______, FRANCE, intimés, comparant par Me Céline GAUTIER, avocate, Borel & Barbey, Rue de Jargonnant 2, Case postale 6045, 1211 Genève 6, en l'Étude de laquelle ils font élection de domicile.
A.
a. Le 17 juin 2022, le Tribunal de première instance (ci-après, le Tribunal) a prononcé, à la requête de B______ et C______, un séquestre n° 2______, C/11664/2022, à l'encontre de A______ SA, à concurrence de 2'266'738 fr. et de 4'533'476 fr., montants dus "en vertu de la Tranche 2 du Share Sale and Purchase Agreement", la procédure pendante enrôlée sous n° C/5______/2021 valant action en validation du séquestre. Les frais judiciaires et les dépens ont été respectivement arrêtés à 2'000 fr. et 10'000 fr., et mis à la charge de A______ SA. ![endif]>![if>
Les objets à séquestrer étaient les suivants:
"a. Créance de A______ SA, en sa qualité d'associée contre D______ Sàrl dont le siège social est route 1______ no. ______, [code postal] E______ [GE], relative à l'émission des 150 parts sociales de cette dernière;
b. Créances de A______ SA, en sa qualité d'associée contre D______ Sàrl dont le siège social est route 1______ no. ______, [code postal] E______, relatives aux dividendes et intérêts dont A______ SA est titulaire;
c. Créances de A______ SA, en sa qualité d'associée contre D______ Sàrl dont le siège social est route 1______ no. ______, [code postal] E______, relatives au compte courant créditeur de celle-ci;
d. Créances de A______ SA, en sa qualité d'associée contre D______ Sàrl dont le siège social est route 1______ no. ______, [code postal] E______, relatives aux prêts octroyés à cette dernière."
b. Le 3 août 2022, B______ et C______ ont requis un nouveau séquestre à l'encontre de A______ SA, pour la même créance que celle visée par le séquestre du 17 juin 2022, mais portant partiellement sur d'autres biens. Ils ont sollicité la jonction de la cause avec celle n° C/11664/2022. Le Tribunal a fait droit à la requête, prononcé le séquestre n° 3______, C/4______/2022, et mis les frais judiciaires et dépens, arrêtés respectivement à 2'000 fr. et 10'000 fr., à la charge de A______ SA. ![endif]>![if>
Les objets à séquestrer étaient les suivants:
"a. les 150 parts sociales de A______ SA, en mains de D______ Sàrl dont le siège social est route 1______ no. ______, [code postal] E______, tiers séquestré, de manière à empêcher leur aliénation;
b. Toute créance (y compris non exigible) découlant de la qualité d'associée de A______ SA en mains de D______ Sàrl dont le siège social est route 1______ no. ______, [code postal] E______."
c. Le procès-verbal de séquestre n° 2______, a été notifié à A______ SA par pli recommandé de l'Office cantonal des poursuites (ci-après, l'Office) du 13 septembre 2022, reçu le 19 septembre 2022, et celui du séquestre n° 3______, par pli du 20 septembre 2022, reçu le 23 septembre 2022.![endif]>![if>
Sous "observations" du procès-verbal de séquestre n° 2______ relatives au séquestre de la créance litigieuse, il est fait mention d'un courrier de D______ SàRL du 8 juillet 2022 à l'Office, relevant notamment, que l'associé d'une Sàrl ne dispose d'aucune prétention à l'émission de ses parts et qu'en conséquence A______ SA ne dispose d'aucune créance relative à l'émission des 150 parts sociales dont elle était titulaire, et de la réponse du mandataire des créanciers du 12 août 2022, maintenant que la créance existe et doit demeurer séquestrée, la chiffrant à hauteur de 8'614'234 fr.
d. Le 28 septembre 2022, B______ et C______ ont informé l'Office de ce qu'ils retiraient le séquestre n° 2______ déposé le 17 juin 2022, motif pris de l'obtention du séquestre n° 3______, d'une portée plus large que le précédent.![endif]>![if>
e. Par acte expédié à la Cour de justice le 29 septembre 2022, A______ SA forme recours contre de l'ordonnance de séquestre, n° 2______, reçue le 19 septembre 2022, concluant à ce que les frais dudit séquestre soient mis à la charge de B______ et C______ et à ce qu'il ne soit pas alloué de dépens, sous suite de frais et dépens de recours.![endif]>![if>
Elle produit des pièces.
f. Par réponse du 31 octobre 2022, B______ et C______ ont conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.![endif]>![if>
g. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.![endif]>![if>
h. Elles ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 12 décembre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.![endif]>![if>
1. 1.1.1 Celui dont les droits sont touchés par un séquestre peut former opposition auprès du juge dans les 10 jours à compter de celui où il en a eu connaissance (art. 278 al. 1 LP). L'opposition et le recours n'empêchent pas le séquestre de produire ses effets.
La décision sur les frais ne peut être attaquée séparément que par un recours (art. 110 CPC).
La décision sur les frais judiciaires et dépens du séquestre peut être revue dans le cadre de la procédure d'opposition; dans ce cas, l'art. 110 CPC ne trouve pas application, car cette disposition vise le cas où un plaideur entend attaquer uniquement la décision sur les frais, sans remettre en cause les autres aspects de celle-ci (cf. Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019).
1.1.2 Une transaction, un acquiescement ou un désistement d’action a les effets d’une décision entrée en force. Le tribunal raye l’affaire du rôle (art. 241 al. 2 et 3 CPC).
Si la procédure prend fin pour d’autres raisons, sans avoir fait l’objet d’une décision, elle est rayée du rôle (art. 242 CPC).
Les raisons qui conduisent à la fin de la procédure doivent se réaliser après la litispendance au sens des art. 62 ss CPC.
La procédure devient sans objet lorsque l’intérêt digne de protection disparaît en cours de procédure. Outre la perte de l’intérêt digne de protection, la doctrine évoque régulièrement la disparition de l’objet litigieux comme motif au sens de l’art. 242 CPC.
Lorsque le tribunal prend connaissance de l’une de ces raisons, il raye d’office l’affaire du rôle. L’art. 242 CPC n’exige pas que les parties formulent une conclusion expresse tendant à la radiation du rôle.
Les parties doivent pouvoir se prononcer sur le sort des frais (ATF 142 III 284, consid. 4.2 et les réf. cit.). Cette jurisprudence doit être généralisée en ce sens que le tribunal doit toujours entendre les parties avant de rayer la cause du rôle, comme le prévoit d’ailleurs explicitement l’art. 72 PCF (Heinzmann/Braidi Petit Commentaire CPC, n. 2, 6, 10 et 11 ad art. 242 et les références citées).
1.1.3 Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).
Il peut être tenu compte d'éléments nouveaux qui rendent sans objet le recours (ATF 137 III 614 c. 3.2.1; récemment: arrêts du Tribunal fédéral 8C_123/2019 du 10 mai 2019 consid. 2.3; 5A_866/2018 du 8 mars 2019 consid.. 3.3; 5A_396/2018 du 29 juin 2018 consid. 2.3); ce principe vaut également en instance de recours cantonale (ATF 145 III 422).
Les faits notoires ou notoirement connus du tribunal et les règles d’expérience généralement reconnues ne doivent pas être prouvés (art. 151 CPC).
Même le Tribunal fédéral peut les prendre d'office en considération; dans cette mesure, les faits notoires sont soustraits à l'interdiction des nova (arrêt du Tribunal fédéral 5A_719/2018 du 12 avril 2019 consid. 3.2.1 et 3.2.3).
Il s’agit des faits et des circonstances connus du tribunal de par son activité officielle (Message CPC [2006], 6922). Ainsi, les faits qui ressortent d’une autre procédure entre les mêmes parties peuvent être pris en considération même en l’absence d’allégation ou d’offre de preuve correspondante (arrêt du Tribunal fédéral 5A_774/2017 du 12 février 2018, consid. 4.1.1; 5A_610/2016 du 3 mai 2017, consid. 3.1 et réf. cit.), du moment que c’est la même Cour qui traite des procédures en question (arrêt du Tribunal fédéral 5D_37/2018 du 8 juin 2018 consid. 5).
1.2 En l'espèce, le recours, dirigé essentiellement contre les frais et dépens arrêtés par le Tribunal, a été interjeté dans la forme et le délai prescrits, de sorte qu'il est recevable.
Les pièces produites par l'appelante concernent la présente procédure ainsi que la procédure connexe (séquestre n° 3______, C/4______/2022), pendante entre les mêmes parties. Le courrier des intimés à l'Office du 28 septembre 2022 rend la présente procédure sans objet. Ces pièces sont recevables, au regard des principes énoncés ci-dessus.
Le séquestre, exécuté suite à l'ordonnance objet du recours, a été levé par l'Office à la demande des intimés. Ceux-ci n'ont pas avisé le juge du retrait de leur requête, pas plus que la Cour.
Il n'en reste pas moins que la procédure est devenue sans objet, après que le Tribunal avait statué, ce qui sera dès lors constaté.
La cause sera rayée du rôle. Reste à statuer sur les frais et dépens. Les parties ont pu s'exprimer sur ce point dans le cadre du présent recours.
2. La recourante soutient que les frais devraient être mis à la charge des intimés, qui se sont désistés et qu'il ne devrait pas leur être alloué de dépens.
Les intimés soutiennent que la procédure de séquestre serait devenue sans objet "par la position défendue" par le recourante, qui les a contraints à déposer une nouvelle requête comportant une formulation plus large des objets à séquestrer.
2.1 Les frais sont mis à la charge de la partie succombante. La partie succombante est le demandeur lorsque le tribunal n’entre pas en matière et en cas de désistement d’action; elle est le défendeur en cas d’acquiescement (art. 106 al. 1 CPC).
Le tribunal peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation lorsque la procédure est devenue sans objet et que la loi n'en dispose pas autrement (art. 107 al. 1 let. e CPC).
Au moment de procéder à la répartition, le tribunal doit tenir compte de la partie qui a donné motif à l’action, de l’issue probable de la procédure et des circonstances qui l’ont rendue sans objet. Il est cependant exclu que le juge apprécie des preuves et analyse des questions juridiques à la seule fin de répartir les frais judiciaires après que la contestation a perdu son objet (stoudmann, Petit commentaire CPC, n. 24 ad art. 107 CPC).
2.2 En l'espèce, les intimés ont requis un premier séquestre, auquel ils ont renoncé après en avoir requis un second, portant sur la même créance, mais visant partiellement des biens différents, suite au courrier de D______ Sàrl à l'Office, laissant entendre que le premier séquestre n'avait pas porté.
Contrairement à ce que tentent de soutenir les intimés, et après un examen sommaire du dossier, il apparaît que le second séquestre vient corriger le premier, sans que cela ne soit imputable à la faute de la recourante. Dès lors, les frais du premier séquestre, retiré par les intimés auprès de l'Office, seront laissés à la charge ce ceux-ci, auxquels il ne sera pas alloué de dépens.
La quotité des frais arrêtés par le Tribunal n'est pas remise en cause et sera confirmée en ce qu'elle est conforme à la loi.
Le recours est ainsi fondé. L'ordonnance entreprise, en ce qu'elle statue sur les frais et dépens sera annulée et il sera statué à nouveau dans le sens de ce qui précède (art. 327 al. 3 let. b CPC).
3. Les frais de recours, arrêtés à 500 fr., seront mis à la charge conjointe et solidaire des intimés qui succombent (art. 106 al. 1 CPC), compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève 8art. 111 al. 1 CPC). Ils seront condamnés à rembourser ce montant à la recourante. Ils seront en outre condamnés à verser à la recourante la somme de 2'000 fr. à titre de dépens de recours.
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 29 septembre 2022 par A______ SA contre l'ordonnance de séquestre n° 2______ rendue le 17 juin 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11664/2022.
Au fond :
Constate que la cause n'a plus d'objet.
Cela fait, annule l'ordonnance entreprise en ce qu'elle met les frais et dépens, arrêtés à respectivement 2'000 fr. et 10'000 fr. à charge de A______ SA.
Statuant à nouveau sur ce point:
Arrête les frais judiciaires du séquestre à 2'000 fr. et les met à la charge de B______ et C______, conjointement et solidairement.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.
Sur les frais de recours :
Arrête les frais du recours à 500 fr., les met à la charge de B______ et C______, conjointement et solidairement, et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.
Condamne en conséquence B______ et C______, conjointement et solidairement, à rembourser à A______ SA la somme de 500 fr.
Les condamne au surplus à verser à A______ SA 2'000 fr. à titre de dépens de recours.
Siégeant :
Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Laura SESSA, greffière.
La présidente : Pauline ERARD |
| La greffière : Laura SESSA |
Indication des voies de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.