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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/8932/2025

ACPR/919/2025 du 07.11.2025 sur OTMC/3191/2025 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : RISQUE DE FUITE;RISQUE DE COLLUSION
Normes : CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8932/2025 ACPR/919/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 7 novembre 2025

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l’ordonnance de prolongation de la détention provisoire rendue le 13 octobre 2025 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 24 octobre 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 13 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a prolongé sa détention provisoire jusqu’au 14 décembre 2025.

Le recourant conclut à l’annulation de cette décision et à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement sous les mesures de substitution qu’il énumère, et encore plus subsidiairement, à ce que la prolongation de sa détention provisoire n’excède pas une durée de trois semaines.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.        A______ a été interpellé le 14 avril 2025 et sa mise en détention provisoire, ordonnée par le TMC le surlendemain, a été prolongée par la suite, la dernière fois jusqu’au 14 octobre 2025.

b. Il est prévenu de trafic qualifié de stupéfiants (art. 19 al. 1 et 2 LSup) pour avoir participé, depuis une date que les enquêtes devront déterminer, à Genève, de concert avec C______, D______, « E______ » et F______ notamment, à un important trafic de stupéfiants, soit de haschich et de marijuana, notamment depuis la maison sise au chemin 1______ no. ______, à G______ [GE], laquelle était utilisée comme lieu de stockage, de préparation et de conditionnement des stupéfiants notamment, étant précisé qu'ont été saisis par la police dans ladite maison, le 14 avril 2025 :

- 305.926 kilos bruts de haschich;

- 72.94 kilos bruts de marijuana;

- 20 kilos bruts de produit de coupage;

- une presse pour fabriquer des plaquettes de haschich;

- CHF 13'800.-;

- une machine à compter les billets.

c. A______ a contesté toute infraction. Il ignorait ce qui se passait dans cette maison.

d. Dans ses ordonnances de mise en détention provisoire du 16 avril 2025 et de prolongation de la détention provisoire du 15 juillet 2025 – non contestées par le prévenu –, le TMC a considéré que les charges étaient suffisantes et graves pour justifier la détention provisoire de l’intéressé, eu égard « 1) aux observations policières dont il ressort que le prévenu s'est rendu, à plusieurs reprises durant les derniers jours, dans la maison sis chemin 1______ no. ______ à G______, 2) des importantes quantités de stupéfiants, du matériel servant au conditionnement des stupéfiants et de l'argent liquide saisi dans cette maison, 3) du comportement du prévenu au moment de son interpellation, consistant à tenter de se débarrasser de la clé permettant d'ouvrir une porte de ladite maison – ce qui ne fait pas de sens si le prévenu ignorait ce qu'il s'y passait –, 4) des déclarations de ses co-prévenus C______ et D______ qui le mettent en cause pour les avoir recrutés, amenés dans la maison et leur avoir donné des instructions s'agissant de la préparation de la drogue, 5) de la présence d'étiquettes pour des plaquettes de haschich retrouvées dans son téléphone portable au format .pdf, et 6) des déclarations de F______, propriétaire de la maison, qui a confirmé oralement à la police savoir que trois personnes s'adonnaient à la confection de haschich et marijuana dans sa maison, nonobstant les déclarations du prévenu qui conteste les faits et soutient s'être rendu dans cette maison uniquement pour fournir de la nourriture à ses occupants et ce, sur demande de "E______", colocataire du propriétaire "F______", ignorant tout du trafic qui s'y déroulait ».

Dans sa seconde ordonnance, il a précisé que les charges ne s’étaient pas amoindries par les déclarations de H______, compagne de F______, à la police le 27 mai 2025, laquelle avait notamment déclaré que le prévenu, alias « A______ », avait une clé du sous-sol et qu'il y déposait des affaires. Ces charges étaient également suffisantes sous l’angle de l'infraction qualifiée reprochée, compte tenu des espèces saisies (CHF 13'800.-), excédant le montant de CHF 10'000.- fixé par la jurisprudence rappelée par le prévenu, mais également des quantités particulièrement importantes de stupéfiants saisis, susceptibles de générer des gains importants, le Tribunal ne retrouvant au demeurant pas trace d'une revendication d'une partie de la somme susmentionnée par H______ lors de son audition.

e.a. À l’audience du 31 juillet 2025, F______, également prévenu de trafic de stupéfiants, a déclaré avoir rencontré le prévenu, appelé « A______ », par le biais d’amis. De fil en aiguille, celui-ci, qui avait vu sa maison, lui avait demandé s’il pouvait y stocker du matériel, soit du haschich, ce qu’il avait accepté. Lui-même avait accès au bureau où se trouvait le matériel et prenait des « pains », un, deux ou trois, cela dépendant des mois, pour les vendre à ses amis au prix de CHF 300.- à CHF 600.- les 100 grammes en fonction de la qualité. Le 5 avril 2025, « A______ » lui avait dit que des gens allaient venir pour transformer le haschich « pourri ». Il les avait installés en bas pour dormir et leur avait dit qu’ils pouvaient utiliser les toilettes au rez-de-chaussée, voire la douche au 2ème. La somme de CHF 13'800.- retrouvée dans la chambre du 1er étage était à lui et provenait de la revente de haschich à ses amis. Le haschich retrouvé dans la maison était également à lui. Il l’avait pris pour avoir une petite réserve à vendre.

e.b. L’instruction a alors été étendue en ce sens qu’il était reproché à A______ d’avoir participé au trafic de stupéfiants depuis le domicile de F______ depuis à tout le moins 2021.

À cette même audience, A______ a en outre été mis en prévention de traite d’êtres humains (art. 182 CP) et de séquestration (art. 183 CP voire 184 CP) pour avoir exploité la force de travail de C______ et de D______ en les recrutant, en les conduisant à la maison [du chemin] 1______, en les y enfermant et en les contraignant à préparer des plaquettes de haschich durant environ 12 jours entre début avril et le 15 avril 2025 et ce, sans les rémunérer, sans leur fournir de la nourriture en suffisance et alors qu'ils logeaient au sous-sol, sans lumière naturelle et sans toilettes ni moyen de se laver et dormaient sur des matelas à même le sol.

e.c. A______ a maintenu n’avoir pas stocké de haschich chez F______ ni y avoir ramené la drogue saisie par la police. Selon lui, F______ avait peur de dire la vérité car il craignait « E______ », un maghrébin qui était derrière tout ça.

C’était « E______ » qui lui avait demandé de conduire C______ et D______ dans la maison [du chemin] 1______. Il les avait installés, avait payé leurs courses et leur avait amené à manger.

F______ a, sur question de la Procureure qui lui demandait s’il connaissait ce « E______ » et si celui-ci existait, répondu « non, pas du tout ».

C______ a déclaré que A______ était venu le chercher, lui et D______, et, après leur avoir acheté à manger, les avait amenés dans le sous-sol de la maison. Le précité leur amenait à manger et, une fois, il les avait emmenés faire des courses au supermarché. Lui-même travaillait en ce lieu de 9h jusqu’à la nuit, s’arrêtant seulement pour manger. Il devait toucher un salaire d’EUR 3'000.- pour environ dix jours de travail.

D______, pour sa part, a indiqué n’avoir travaillé que 2h par jour. A______ leur avait dit qu’ils devraient faire du jardinage mais ce n’était pas ce travail qui les avait attendus. Il a confirmé que A______ les avait emmenés chez I______ [commerce] faire des courses.

Tant C______ que D______ ont déclaré n’avoir jamais entendu le nom de « E______ ».

D______ a ajouté avoir entendu un homme parler français avec C______ en descendant les escaliers. Il venait du Maghreb arabe et ne portait pas de barbe. Il parlait bien français. Il avait entendu une fois A______ parler avec lui en haut.

C______ a réfuté ces déclarations, maintenant n’avoir vu personne d’autre dans la maison.

F______ a enfin déclaré, sur question, avoir reçu une visite à son domicile d’une personne qui voulait lui parler de « A______ », mais il avait refusé. Même s’il n’y avait rien eu de plus, cela lui avait « fou[tu] la trouille ». Sa compagne avait également été contactée par une femme depuis un raccordement espagnol pour lui parler de l’affaire, mais elle avait refusé.

f. À teneur du rapport d’analyses ADN du 25 août 2025 du Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : CURML), le profil d’ADN du prévenu était incompatible avec les traces retrouvées sur « les 3 sachets intérieurs GELATO 33 250g n° 1-2-3 du sac poubelle n° 1 », sur « les 4 sachets intérieurs GRANITA A 500 g et GRANITA 50g n° 1-2-3 du sac poubelle n° 2 », sur « les plaquettes contenues dans le sachet n° 1 et dans le minigrip » et « à l’intérieur des sachets n° 1 et n° 2 et sur les plaquettes ». L’analyse des autres traces d’ADN sur du matériel saisi a révélé soit l’absence de profil d’ADN, soit un profil non interprétable (sur sept traces transmises), soit encore un profil de mélange de personnes.

g. À l’audience du 3 octobre 2025, le Ministère public a procédé à l’audition du caporal L______, l’un des auteurs du rapport d’arrestation, comme témoin. Celui-ci a confirmé avoir observé la semaine avant l’interpellation, des allers-retours de A______ dans la maison [du chemin] 1______. Il n’avait vu personne d’autre entrer ou sortir de la maison. Il a également confirmé que l’intéressé avait tenté, après son interpellation, de se débarrasser de la clé correspondant à la serrure de la porte par laquelle ils l’avaient vu entrer dans la maison.

Le caporal M______ et le sergent-chef N______ ont, quant à eux, notamment déclaré n’avoir pas eu le sentiment, à leur arrivée dans la maison, que C______ et D______ n’arrivaient pas à ouvrir la porte, étant précisé que ce dernier venait de prendre une douche au 1er étage.

D______ a quant à lui indiqué que C______ lui avait dit de ne pas monter au 1er étage de la maison et qu’il ne pouvait pas sortir de celle-ci. Toutefois, il lui était possible de sortir de la maison, ce que C______ a contesté. D______ a ajouté que F______ était venu leur apporter un grand frigo.

F______ a encore précisé, sur question, que la personne qui lui avait présenté A______, soit un dénommé « O______ » (cf. ses déclarations à la police du 16 avril 2025), pouvait tout aussi bien s’appeler « P______ ». Il avait dit « O______ » comme ça.

h. A______ est de nationalités marocaine et espagnole. Il vit à Q______, en France voisine, dans un logement social, avec son épouse et leur fils de 3 ans. Cette dernière travaille comme experte comptable dans une société de la place dont il ignore le nom, pour un salaire de CHF 2'312.- par mois. Ses parents vivent en Espagne, où réside également sa sœur. Il a dit se rendre trois à quatre fois par an dans ce pays pour leur rendre visite. Il était né au Maroc puis avait vécu en Espagne avec ses parents jusqu’à ses 19 ans avant de venir vivre en France voisine. Il avait une cousine en Suisse. Il a indiqué être associé dans une entreprise de transport, R______ Sàrl, domiciliée à S______ [VS], avec un dénommé T______ « qui vit en Valais », leur activité consistant à réparer des véhicules légèrement accidentés pour les envoyer ensuite au Maroc. Il se déclare sans revenu.

Il n’a pas d’antécédent judiciaire connu en Suisse.

i.          Dans ses déterminations du 10 octobre 2025 au TMC, il a notamment produit :

- un contrat de bail au nom de T______ à U______ [VD] ainsi qu’une promesse d’hébergement de V______, résidant à W______ [VD] (pièces 2) ;

- des courriers de proches (sœur, beau-frère, amis notamment) attestant avoir principalement donné différentes sommes d’argent à son épouse, X______, cette dernière s’engageant à verser pour sa part à titre de caution EUR 9'500.- provenant de ses économies (pièces 4).

C. Dans son ordonnance querellée, le TMC renvoie, s’agissant des charges suffisantes et graves, à son ordonnance de prolongation de la détention provisoire du 15 juillet 2025, précisant que le seul trafic de stupéfiants reproché constituait déjà des charges graves suffisantes, de sorte qu’il n’y avait pas lieu d'examiner si les faits pour lesquels le prévenu avait été mis en prévention complémentaire (traite d'êtres humains et séquestration) constituaient en soi des charges suffisantes. Aucun élément n’était intervenu depuis lors dans la procédure justifiant une reconsidération en faveur du prévenu de l'appréciation de la suffisance des charges. Au contraire. L’instruction avait fait apparaître les éléments suivants :

- il ressortait de l’analyse des échanges extraits par la police entre le prévenu (enregistré sous « Y______ ») et C______ qu’il semblait avoir effectivement organisé la venue de ce dernier et de D______ en Suisse en vue du trafic de stupéfiants, même s’il indiquait qu’il aurait uniquement servi de traducteur pour « E______ » (demeuré non identifié et dont personne d'autre n'avait entendu parler) qui serait derrière ces messages;

- F______, confronté au prévenu, avait confirmé ses déclarations selon lesquelles le prévenu, alias « A______ », avait stocké du haschich dans le sous-sol de sa maison depuis fin 2021 ou début 2022, tout en indiquant qu'il obtenait régulièrement de la drogue de la part du prévenu, pour la vendre, et que ce dernier avait fait venir deux individus dans son sous-sol pour « transformer » le haschich. Il avait en outre indiqué que le dénommé « E______ » mentionné par le prévenu n'existait pas;

- C______ avait confirmé ses déclarations en contradictoire;

- plusieurs policiers avaient été entendus par le Ministère public et avaient confirmé le rapport d'arrestation, notamment les observations policières.

Il appartiendrait pour le surplus au juge du fond, et non au juge de la détention, d'apprécier si la circonstance aggravante de l'art. 19 al. 2 LStup devait être retenue – ce qui n'apparaissait pas d'emblée exclu au vu de l'argent et de l'importante quantité de stupéfiants saisis – et de déterminer la période pénale à retenir, étant relevé que les fiches de salaires produites par le prévenu pour les mois d'octobre 2021 à juin 2022 n'apparaissaient pas incompatibles avec les déclarations de F______.

Partant, les charges étaient en tout état suffisantes à ce stade pour justifier la prolongation de la détention provisoire du prévenu.

L'instruction se poursuivait, le Ministère public indiquant devoir recevoir les analyses de stupéfiants avant d’annoncer la prochaine clôture de l’instruction, d’effectuer les actes éventuellement sollicités par les parties et de renvoyer les prévenus en jugement.

Il existait un risque de fuite, comme déjà retenu dans sa dernière ordonnance et aucun élément allant dans le sens d'une diminution de ce risque n'était intervenu depuis lors dans la procédure. Une éventuelle expulsion n’apparaissait en outre pas d’emblée exclue au vu des faits reprochés au prévenu.

Le risque de collusion demeurait en outre tangible vis-à-vis du dénommé « E______ », qui n'avait pas été identifié, et le prévenu ne devait pas pouvoir le contacter et l'informer des investigations en cours. Ce risque perdurait également à l'égard de C______, de D______ et de F______, nonobstant les confrontations intervenues, au vu de leurs déclarations partiellement contradictoires. Il convenait ainsi d'éviter que le prévenu ne fît pression sur eux ou ne tentât d'influencer leurs futures déclarations au vu des enjeux de la procédure pour lui. Ce risque n’était pas annihilé par ses déclarations selon lesquelles il ne disposerait d’aucun moyen de contacter « E______ », ce qui n'était nullement établi, étant rappelé que le prévenu connaissait l'adresse de F______. Le fait que F______ n'eût pour sa part pas été placé en détention n'avait aucun impact sur le risque de collusion, étant relevé que ce dernier avait admis les faits, mis en cause le prévenu et que l'appréciation des risques à son égard ne serait pas identique à celle du prévenu.

Les mesures de substitution proposées par le prévenu, soit : déposer ses papiers d’identités espagnol et marocain en mains de la direction de la procédure; se présenter régulièrement à un poste de police suisse; produire le contrat de bail du logeur, la promesse de logement et la promesse d’embauche auprès de la société R______ Sàrl; déposer une caution d’un montant de CHF 40'000.- auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire; porter un bracelet électronique; interdiction de venir à Genève, à l’exception des convocations de la direction de la procédure; interdiction de sortir du domicile de 19h00 à 7h00 et les week-ends; interdiction de sortir d’un périmètre à définir autour du domicile et du lieu de travail; ordonner la surveillance de sa ligne téléphonique; toutes autres mesures de substitution jugées utiles par le Tribunal de céans, n’étaient pas aptes à pallier le risque de collusion, dont l'intensité restait élevée. L'interdiction qui serait faite au prévenu de s'entretenir avec les susvisés était insuffisante, tout comme les interdictions de périmètres et de sortie proposées, lesquelles n’étaient pas à même d'empêcher l’intéressé de communiquer, par tout moyen électronique disponible (smartphone, téléphone fixe, e-mail, SMS, WhatsApp ou autre, y compris grâce à un appareil clandestin ou par l'intermédiaire de tiers), avec ses coprévenus, l'engagement de celui-ci en ce sens ne présentant pas de garantie particulière et le respect de cette mesure ne pouvant pas être concrètement vérifié. S’agissant du risque de fuite, la caution proposée, augmentée désormais à CHF 40'000.-, n'était toujours pas documentée, de sorte qu'il restait impossible de vérifier l'identité des personnes qui seraient prêtes à verser cette somme, leur situation patrimoniale ou encore l'origine des fonds proposés – étant rappelé que le prévenu était mis en cause dans le cadre d'un trafic de stupéfiants – et, partant, de s'assurer de l'adéquation de ce montant au risque de fuite à pallier. Sans le dépôt de sûretés suffisantes, ce risque n'était pas suffisamment contenu par les autres mesures proposées par le prévenu (non étayées par pièces), lesquelles ne permettraient que de constater sa fuite après coup.

Enfin, la durée de la prolongation de la détention provisoire de A______, qui devait permettre au Ministère public d'accomplir les actes d'instruction susmentionnés, respectait le principe de la proportionnalité au vu des faits reprochés au prévenu et de la peine concrètement encourue en cas de condamnation.

D. a. À l’appui de son recours, A______ excipe que de nouveaux éléments à décharge étaient apparus. Ainsi, selon le rapport d’analyse ADN du 25 août 2025 du CURML, son profil d’ADN apparaissait comme « incompatible avec l’ensemble du matériel saisi », ce qui démontrait qu’il n’avait pas participé au transport, au déchargement et au conditionnement de la marchandise prohibée et encore moins à sa revente, étant encore précisé que F______ avait reconnu que la somme de CHF 13'800.- saisie lui appartenait. Il contestait ensuite l’interprétation du TMC au sujet des déclarations de F______, celui-ci n’ayant jamais déclaré que « E______ » n’existait pas mais seulement qu’il ne le connaissait pas. Dès lors, que « E______ » se nommât « O______ » ou « P______ » ne signifiait pas encore qu’une tierce personne n’existait pas. Quant aux infractions de séquestration et de traite d’êtres humains, elles n’étaient pas réalisées, D______ et C______ ayant notamment déclaré être sortis « à plusieurs reprises » pour faire les courses. En outre, aucun des policiers interrogés à l’audience du 3 octobre 2025 n’avait déclaré que les deux précités étaient enfermés dans le sous-sol ou qu’ils avaient montré des signes de détresse à leur arrivée. Il en résultait que les charges s’étaient amenuisées.

Il contestait le risque de fuite. Il avait collaboré depuis le début de la procédure et avait toujours été « consistant » dans ses déclarations. Rien n’indiquait ainsi qu’il ne défèrerait pas aux convocations de la justice ou ne se conformerait pas à toutes les mesures de substitution qui pourraient être ordonnées. Ainsi, la caution proposée, à verser par ses proches, était suffisamment documentée. Elle constituait en outre un frein suffisant pour écarter tout risque de fuite en tant qu’il s’agissait de prêts qu’il devrait rembourser, ce qui constituerait un effort particulier pour lui compte tenu des revenus de son couple (environ EUR 24'000.- pour l’année 2023).

Enfin, le risque de collusion était inexistant, toutes les audiences et les actes d’instruction ayant été accomplis. « E______ » avait par ailleurs très vraisemblablement été mis au courant des évènements par les médias ou par l’intermédiaire de F______. Le cas échéant, il se soumettrait aux mesures de substitution qui seraient ordonnées, notamment les interdictions de sortie et de périmètres mais également la mise sous surveillance de sa ligne téléphonique.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais. Il n’appartenait pas au juge de la détention de procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge, ni d’apprécier la crédibilité des personnes entendues. Les messages versés à la procédure confirmaient par ailleurs l’existence de manœuvres visant à accorder les versions des prévenus et des déclarations de F______, lequel avait subi des tentatives d’approches par des tiers.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans autre remarque.

d. A______ réplique et persiste dans ses conclusions.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant considère que les charges se sont amoindries depuis la dernière ordonnance de prolongation de la détention provisoire rendue par le TMC. À tort.

Le rapport d’analyse ADN du CURML du 25 août 2025 n’est pas de nature à disculper l’intéressé, au motif que son ADN ne serait pas compatible avec certaines traces retrouvées sur du matériel saisi, d’autres traces d’ADN n’ayant notamment pas pu être exploitées car non interprétables.

Que la somme de CHF 13'800.- retrouvée par la police dans la maison [du chemin] 1______ appartînt à F______, selon ses dires, n’est pas non plus de nature à affaiblir les charges contre le recourant, F______, coprévenu, ayant déclaré prendre des « pains » de haschish dans le stock entreposé dans sa maison pour les revendre à des amis.

F______ n’a en outre pas uniquement déclaré ne pas connaître « E______ ». À la question du Ministère public de savoir s’il connaissait ce « E______ » et si celui-ci existait, il a répondu « non, pas du tout ». À aucun moment non plus F______ a laissé entendre que « E______ » serait « O______ » ou « P______ », soit la personne qui l’avait mise en contact avec le recourant. Partant, à ce stade, rien ne permet d’affirmer que le dénommé « E______ » qui, selon le recourant lui aurait demandé de conduire C______ et D______ dans le sous-sol de la maison [du chemin] 1______, et qui n’a à ce jour pas été identifié, existerait vraiment.

Il en résulte qu’en l’état, les charges de participation à un trafic de stupéfiants aggravé – déjà constatées par le TMC dans ses précédentes ordonnances – demeurent suffisantes pour maintenir le recourant en détention provisoire, étant rappelé qu’il n’appartient pas à la Chambre de céans de procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu, celle-ci devant uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2), ce qui apparaît être le cas ici. Comme relevé à juste titre par le TMC, point n’est dès lors besoin d’examiner ce qu’il en est des charges de traite d’êtres humains et séquestration, à la lumière des dernières déclarations de C______, de D______, de F______ et des policiers interrogés à l’audience du 3 octobre 2025.

3.             Le recourant conteste le risque de fuite.

3.1.       Conformément à l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention provisoire peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite. Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères, tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier le placement ou le maintien en détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 145 IV 503 consid. 2.2; 143 IV 160 consid. 4.3).

3.2.       En l’espèce, le recourant est de nationalités marocaine et espagnole et réside en France voisine avec son épouse et leur fils. Il n’a pas d’attaches familiales en Suisse, ses parents et sa sœur vivant en Espagne, pays où il admet se rendre plusieurs fois par an pour leur rendre visite.

Le risque de fuite est, partant, concret, compte tenu de la peine menace concrètement encourue en cas de condamnation.

L’intéressé conteste principalement tout trafic de stupéfiants et on peine à voir en quoi il aurait bien collaboré avec la justice en tant qu’il réfute la mise en cause de F______ et les autres indices probants au dossier.

Les mesures de substitution qu’il propose pour pallier le risque de fuite sont insuffisantes, voire incontrôlables, et, le cas échéant, n’empêcheraient pas sa fuite mais permettraient seulement de la constater a posteriori.

Plus particulièrement, la promesse de logement produite émanerait tantôt de son associé dans R______ Sàrl, qui vit à U______ [VD] et non en Valais, comme l’affirme le recourant, tantôt d’un dénommé V______ à W______ [VD]. Quant à la réalité de la promesse d’embauche auprès de R______ Sàrl, elle est insuffisante en tant qu’elle émane de son associé.

Reste la caution de CHF 40'000.- proposée. Or, si le recourant a produit devant le TMC des attestations de membres de sa famille et de proches déclarant principalement donner des sommes d’argent qui, cumulées, ascenderaient au montant précité, on ignore tout de leur situation patrimoniale ou de l’origine des fonds et si le versement de seulement quelques milliers de francs par tête constituerait pour le recourant un frein suffisant à toute velléité de fuite, s’agissant au demeurant de donations que l’intéressé n’aurait pas à rembourser. Le recourant étant soupçonné d’un trafic de stupéfiants aggravé, on ignore également si la somme proposée serait en adéquation avec un tel risque, eu égard aux revenus qu’un tel trafic aurait pu générer pour lui.

4.             Le recourant conteste le risque de collusion.

4.1.       Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

4.2.       En l’occurrence, si, comme l’affirme le recourant, le dénommé « E______ » – qui n’a pas été identifié – existe bel et bien, alors un important risque de collusion subsiste encore avec lui, voire avec l’individu qui venait du Maghreb arabe et se serait entretenu en français avec lui ainsi qu’avec C______ dans la maison, étant relevé que l’hypothèse selon laquelle « E______ » aurait déjà été mis au courant des évènements par les médias ou F______ n’est que pure conjecture, F______ ayant pour sa part déclaré ignorer même son existence.

Quand bien même les coprévenus du recourant ont été entendus et confrontés à lui, il demeure un risque que ce dernier, compte tenu de la gravité des faits qui lui sont reprochés, cherche à user de pressions sur eux pour les amener à modifier leurs versions des faits en sa faveur, eu égard à leur déclarations contradictoires, et principalement sur F______, qui n’est pas en détention. À cet égard, ce dernier a déclaré, à l’audience du 31 juillet 2025, avoir été approché à son domicile par une personne qui voulait lui parler du recourant, ce qui l’avait effrayé, étant précisé que sa compagne avait également été contactée par une personne depuis l’Espagne, qui voulait lui parler de l’affaire. Ces éléments sont ainsi de nature à rendre le risque de collusion tout à fait concret.

La surveillance de sa ligne téléphonique, qu’il propose à titre de mesure de substitution apparaît, à cette aune, insuffisante, pour pallier ce risque et toute autre interdiction de contact serait vaine en tant que le risque pourrait se concrétiser par personne interposée. Les autres mesures de substitution proposées, inadéquates, n’entrent pas en ligne de compte.

5.             La durée de la détention provisoire à ce jour et jusqu’à l’échéance ordonnée demeure proportionnée à la peine menace et concrète encourue si le prévenu devait être reconnu coupable des faits graves qui lui sont reprochés, étant précisé que l’instruction se poursuit avec l’attente des analyses de stupéfiants (cf. demande de prolongation du 6 octobre 2025) et la prochaine clôture de l’instruction avant le renvoi du recourant en jugement.

6.             Le recours s'avère ainsi infondé et sera rejeté.

7.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 1’000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

8.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

8.1.       Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

8.2.       En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Admet l’assistance judiciaire pour le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 1’000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Catherine GAVIN et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/8932/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'000.00

 

 

Total

CHF

1'085.00