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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19455/2025

ACPR/854/2025 du 16.10.2025 sur OPMP/6194/2025 ( MP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : INTÉRÊT JURIDIQUEMENT PROTÉGÉ;PREUVE ILLICITE
Normes : CPP.382

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19455/2025 ACPR/854/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 16 octobre 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat, 

recourant,

contre la décision rendue le 29 août 2025 par le Ministère public,

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 9 septembre 2025, A______ recourt contre la décision du 29 août 2025, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé de retirer de la procédure les pièces découlant de son arrestation.

Le recourant conclut, préalablement, à être mis au bénéfice de l'assistance juridique pour la procédure de recours; au fond, à ce que son contrôle d'identité soit reconnu illicite et que toutes les pièces de la procédure en découlant soient déclarées inexploitables et écartées du dossier, avec suite de frais et dépens en CHF 756.70.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, de nationalité nigériane, a été interpellé le samedi 5 juillet 2025 à 20h15 au quai du Seujet en compagnie de deux autres compatriotes. Le rapport d'arrestation du lendemain indique que ces interpellations ont eu lieu dans le cadre d'une opération de police visant à lutter contre le trafic de stupéfiant principalement opéré, au quai du Seujet, par des hommes nigérians. L'attention des policiers avait en l'espèce été attirée par quatre individus assis, dont A______, lequel était démuni de documents d'identité. Par ailleurs, quatre cycles, dont trois avaient le cadre griffé [soit sans numéro de cadre identifiable] se trouvaient à proximité des intéressés.

Entendu par la police le 6 juillet 2025, A______ a expliqué qu'il "traversait" Genève, étant arrivé en Suisse, pour acheter des chaussures, le jour même vers 19h. Comme le magasin était fermé, il s'était dirigé, au moment de son interpellation, en direction de l'arrêt du bus n° 80 pour retourner en France.

b. Par ordonnance pénale du 6 juillet 2025, le Ministère public a déclaré A______ coupable d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) pour avoir, à Genève, à tout le moins le 5 juillet 2025, jour de son interpellation par la police, pénétré sur le territoire suisse, alors qu'il n'était pas au bénéfice des autorisations nécessaires, d'un document d'identité reconnu et de moyens de subsistance légaux.

c. L'intéressé ayant formé opposition à cette ordonnance, une audience sur opposition s'est tenue le 6 août 2025 devant le Ministère public, au cours de laquelle A______ a affirmé ne pas comprendre les raisons de son arrestation, intervenue alors qu'il était en train de marcher en direction de l'arrêt du bus qu'il voulait prendre pour rentrer chez lui. Il avait fait l'objet d'un profilage racial et donc d'une interpellation illégale. Il a sollicité qu'une décision formelle soit prise concernant l'inexploitabilité des pièces découlant de son arrestation.

d. Par ordonnance sur opposition du 29 août 2025, le Ministère public a maintenu son ordonnance pénale et renvoyé la cause au Tribunal de police, lequel a joint la procédure à la procédure P/9189/2025 déjà pendante devant lui.

e. Le Tribunal de police, devant lequel A______ avait conclu préalablement à l’inexploitabilité des preuves recueillies, subsidiairement à son acquittement, a rendu un jugement le 2 octobre 2025, déclarant l'intéressé coupable d’entrée illégale.

L'intéressé a annoncé former appel de ce jugement, de sorte que le jugement, notifié sous forme de dispositif, est en cours de motivation.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public a retenu que le quai du Seujet était un lieu notoirement connu pour le trafic de stupéfiants, où les vendeurs se livrant à ce type de trafic étaient principalement d'origine nigériane. Il existait dès lors un soupçon suffisant que A______ se livrait à un tel trafic, ce qui autorisait la police à procéder au contrôle de son identité, à l'appréhender et à l'emmener au poste de police pour procéder à sa fouille. Les mesures de contrainte exécutées étaient ainsi conformes au droit et l'interpellation de l'intéressé n'était pas illégale. Partant, les pièces découlant de son arrestation étaient exploitables.

D. a. Dans son recours, A______ relève que l'interdiction de la recherche générale et indéterminée de moyens de preuve justifiait une interdiction absolue d'exploiter ces moyens de preuve. La CourEDH avait quant à elle condamné la Suisse pour un contrôle d'identité qu'elle avait considéré comme discriminatoire, en l'absence de motif valable, posant alors le principe de la présomption réfragable de discrimination raciale lorsque l'interpellation était opérée sans suspicion préalable de commission d'une infraction.

Tel était précisément le cas en l'espèce, puisque la police avait procédé spécifiquement au contrôle "des hommes nigérians", c’est-à-dire sur la base de la couleur de leur peau et de leurs traits physiques, alors même que lui et les trois autres personnes interpellées ne s'adonnaient à aucune activité propre à soulever des soupçons.

Son contrôle était, partant, illégal.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             2.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir.

2.2. Se pose en revanche la question de savoir si le recourant a toujours un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP), en tant que cet intérêt doit être actuel et pratique. En effet, les tribunaux doivent trancher uniquement des questions concrètes et non prendre des décisions à caractère théorique, ce qui répond à un souci d'économie de procédure (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1; 140 IV 74 consid. 1.3.1; 136 I 274 consid. 1.3).

Cet intérêt doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est rendu (ATF 137 I 296 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_766/2016 du 4 avril 2017 consid. 1.2), sous peine d'irrecevabilité (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1; 137 I 296 consid. 4.2; 137 II 40 consid. 2.1; ACPR/541/2023 du 18 juillet 2023 consid. 2.1).

2.3. Or, en l'espèce, la cause du recourant a déjà été soumise au juge du fond, devant lequel il a plaidé les griefs soulevés dans son recours, ce dont il n'a pas pris la peine d'informer la Chambre de céans.

Ainsi, dans la mesure où le jugement rendu a tranché la question de l'illicéité alléguée de l'interpellation du recourant, ainsi que, partant, de l'exploitabilité des pièces du dossier, et que le recourant a annoncé vouloir contester ce jugement en appel, il n'a plus d'intérêt juridique actuel à faire examiner cette question par la Chambre de céans.

Dès lors, son recours est irrecevable.

3.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés, en totalité, à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du
8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

4.             Le recours étant manifestement voué à l'échec, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur l'indemnisatoin du conseil d'office du recourant, qui plaide au fond au bénéfice d'une défense d'office (art. 29 al. 3 Cst.; arrêt du Tribunal fédéral 7B_84/2025 du 28 mars 2025 consid 6.1. et références citées), l'État n'ayant pas à rémunérer une telle démarche.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours irrecevable.

Met à charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Le communique pour information au Tribunal de police.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Catherine GAVIN, Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/19455/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00