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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/18822/2025

ACPR/848/2025 du 16.10.2025 sur ONMMP/3969/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;VIOLATION DU SECRET PROFESSIONNEL(DROIT PÉNAL);ACCÈS INDU À UN SYSTÈME INFORMATIQUE;INFRACTIONS CONTRE LE DOMAINE SECRET;SOUSTRACTION DE DONNÉES(ART. 143 CP);QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR
Normes : CPP.382; CPP.310; CP.321; CP.179; CP.143bis; CP.143

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18822/2025 ACPR/848/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 16 octobre 2025

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], agissant en personne,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 25 août 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 4 septembre 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 25 août 2025, notifiée le 27 suivant, aux termes de laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 5 précédent contre B______.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée, au renvoi de la cause au Ministère public pour ouverture d'une instruction contre la précitée des chefs de "violation du secret des télécommunications (art. 179bis CP)", soustraction de données (art. 143 CP), accès indu à un système informatique (art. 143bis CP), ainsi que violation du secret professionnel (art. 321 CP), et à la mise en œuvre de divers actes d'enquête qu'elle énumère.

b. La recourante, qui sollicite l'assistance judiciaire gratuite, a versé les sûretés en CHF 900.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 5 août 2025, A______ s'est présentée au poste de police afin d'y déposer plainte contre B______, cheffe assistante médicale au sein du centre C______ Genève (ci-après, C______).

En substance, elle a exposé avoir, le 9 janvier 2024, accompagné son ancien compagnon, alors souffrant de problèmes de santé, au centre médical précité, où ce dernier devait être examiné par le Dr D______, spécialiste en cardiologie. Ce centre était également celui où elle effectuait des séances de physiothérapie auprès d'une autre praticienne. En raison de ses visites régulières dans cet établissement, une relation sentimentale s'était nouée entre elle et le cardiologue, laquelle avait duré d'août à novembre 2024. Elle y avait mis un terme après avoir appris que l'intéressé entretenait déjà une relation avec l'une de ses collègues, dont il ne lui avait pas révélé l'identité. Le 14 novembre 2024, à la demande du précité – lequel souhaitait "protéger sa relation" avec sa collègue –, elle avait cessé ses séances de physiothérapie et, le lendemain, lui avait adressé plusieurs messages pour lui signifier qu'elle ne souhaitait plus entretenir de lien avec lui. Le médecin avait ultérieurement tenté de reprendre contact, sans qu'elle n'y donnât suite.

Fin novembre 2024, elle avait pris l'initiative d'écrire au Dr E______, directeur médical de C______, afin de lui exposer les circonstances de sa relation avec le Dr D______, en soulignant que celui-ci avait mêlé vie professionnelle et vie privée, ce qui pouvait, selon elle, constituer un conflit d'intérêts. Le directeur médical – qu'elle avait rencontré le 19 décembre 2024 et à qui elle avait transmis ses courriels et messages échangés avec le cardiologue – lui avait assuré qu'une enquête interne serait diligentée, ce qui l'avait amenée à considérer l'affaire comme close.

Cependant, le 18 mars 2025, elle avait reçu un courriel d'une certaine F______, utilisant l'adresse électronique "F______@gmail.com", qui se présentait comme la "compagne de D______ (cardiologue)". L'expéditrice y indiquait avoir découvert ses messages et courriels datant de la fin de l'année 2024, de sorte qu'elle sollicitait des explications. Elle lui avait alors répondu, en lui exposant tout ce qu'il s'était passé entre elle et le Dr D______.

Le 30 suivant, elle avait adressé un courriel au Dr E______ pour signaler que cette prise de contact – initiée par la compagne du Dr D______ – était inappropriée, notamment en raison de l'utilisation de ses données personnelles. Le directeur lui avait alors assuré qu'aucune information la concernant n'avait été divulguée par le centre médical et estimé que cette situation ne relevait pas de sa responsabilité. Le 28 juillet 2025, elle s'était présentée à la police, laquelle avait vérifié auprès du cabinet médical l'existence d'une collaboratrice répondant au nom de F______. Après qu'elle eut indiqué qu'aucune personne de ce nom n'y était employée, B______ avait reconnu être la compagne du Dr D______ et avoir créé une fausse adresse électronique pour la contacter. L'intéressée avait ainsi usé d'une fausse identité et exploité ses données personnelles dans le cadre d'une "affaire privée". Elle avait par ailleurs consulté des informations confidentielles contenues dans le téléphone portable du médecin précité.

À l'appui, A______ a produit, notamment, une copie du courriel litigieux envoyé le 18 mars 2025 par B______, ses échanges écrits avec le Dr E______, ainsi qu'un document de cinquante pages exposant les éléments de sa plainte, dans lequel elle mentionnait en particulier les infractions d'usurpation d'identité, de violation du secret professionnel et de violation de secrets privés.

b. Entendue le même jour par la police en qualité de prévenue, B______ a déclaré avoir entretenu une relation sentimentale avec le Dr D______. Elle l'avait interrompue après que le Dr E______ l'eut informée – en raison de sa position de cheffe assistante médicale – des allégations formulées par A______, le directeur médical ignorant alors l'existence de sa propre relation avec le cardiologue. Au début de l'année 2025, elle avait repris sa relation avec ce dernier. Éprouvant toutefois des difficultés à lui accorder sa confiance, elle avait, en février 2025, "fouillé" son téléphone portable, où elle avait découvert des messages échangés avec A______, laissant présumer l'existence d'une relation intime entre eux. Dans le dessein d'obtenir des éclaircissements, elle avait adressé un courriel à la prénommée, dont elle avait trouvé l'adresse électronique dans le téléphone portable de son compagnon. Pour préserver son anonymat et éviter toute répercussion professionnelle, elle avait utilisé une fausse identité pour lui transmettre ce message.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur la plainte de A______, estimant qu'une éventuelle infraction à l'art. 179decies CP ne pouvait être poursuivie en l'absence de plainte émanant de la personne dont l'identité aurait été usurpée. Les éléments constitutifs de l'infraction de soustraction de données (art. 143 CP) ne semblaient pas davantage réunis, faute de dessein d'enrichissement illégitime. Quant à l'infraction prévue à l'art. 143bis CP, elle ne pouvait être retenue que si les données informatiques bénéficiaient d'une protection effective contre tout accès indu, condition qui, en l'espèce, faisait défaut. En tout état de cause, seul le Dr D______ pouvait être considéré comme potentiellement lésé par une intrusion dans son téléphone portable, à l'exclusion de la plaignante. L'infraction prévue à l'art. 179 CP ne pouvait non plus être retenue, les messages dont B______ avait pris connaissance ayant été échangés par voie électronique et non par pli ou colis. Enfin, rien ne permettait d'établir l'existence d'une infraction à l'art. 321 CP.

D. a. Dans son recours, rédigé en personne, A______ reproche au Ministère public d'avoir procédé à une appréciation "anticipée et arbitraire" des preuves, dès lors qu'il avait uniquement retenu la version de la mise en cause, sans effectuer aucune vérification ni confrontation. En ne procédant à aucune analyse des pièces produites à l'appui de sa plainte, il avait commis une "appréciation superficielle" en violation du principe "in dubio pro duriore", du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst) et du "droit de présenter des preuves" (art. 107 CPP).

La mise en cause avait pris connaissance, sans droit, de ses messages électroniques et avait utilisé ses données pour créer un faux profil afin de lui envoyer un message "intrusif". Les éléments constitutifs de l'infraction à l'art. 179bis CP (recte : 179 CP) étaient ainsi réunis. S'agissant de l'infraction à l'art. 143bis CP, le Ministère public avait à tort limité l'atteinte à la seule sphère privée du Dr D______, alors que ses propres données avaient été exploitées sans droit, ce qui l'avait directement lésée. Les conditions de l'art. 143 CP étaient également remplies, son adresse électronique ayant été obtenue et utilisée sans droit par la mise en cause pour la contacter. Son adresse n'était pas "destinée" à cette dernière, qui l'avait obtenue soit par le biais de son dossier médical, violant ainsi l'art. 321 CP, soit en accédant sans droit au téléphone portable du médecin précité. De surcroît, le Ministère public avait à tort estimé qu'il n'existait pas de soupçons suffisants de la commission d'une infraction à l'art. 321 CP, alors que la mise en cause disposait d'un "accès institutionnel" à son dossier médical.

D'ailleurs des "antécédents d'accès indu" étaient établis : le Dr D______ avait en effet déjà utilisé ses coordonnées figurant dans son dossier médical auprès de C______ pour la contacter à titre privé, en violation du secret professionnel (art. 321 CP). "L'épisode du faux profil" créé par la mise en cause ne constituait dès lors pas un "acte isolé", mais s'inscrivait dans une "série d'abus". En ne tenant pas compte de ce contexte et en considérant qu'il n'existait pas de soupçons sérieux, le Ministère public avait méconnu la "portée systémique" de ces faits.

Les messages privés échangés avec le cardiologue – auxquels la mise en cause avait accédé sans droit – contenaient des "informations médicales oncologiques", que cette dernière ne pouvait avoir ignorées. Son comportement révélait "un abus" à la fois personnel et professionnel, ainsi qu'une "incapacité à distinguer la sphère privée du cadre institutionnel". La "responsabilité institutionnelle" de C______ pour "défaut de surveillance" n'excluait pas la "responsabilité individuelle" de la mise en cause, tenue au secret professionnel, qui avait néanmoins créé un faux profil en utilisant ses données sans droit. Bien que sa plainte visât B______ à titre personnel, les faits dénoncés revêtaient une "dimension institutionnelle", puisque l'intéressée avait agi en qualité de collaboratrice de C______ et en violation de ses obligations professionnelles.

Pour l'ensemble de ces motifs, l'ordonnance querellée devait être annulée et la cause retournée au Ministère public pour ouverture d'une instruction. 

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             L'objet du litige est strictement circonscrit par la plainte pénale du 5 août 2025. Il n'appartient dès lors pas à la Chambre de céans de se prononcer sur les autres allégations formulées par la recourante, notamment celles relatives à une prétendue violation du secret professionnel (art. 321 CP) imputée au Dr D______ ou à "une série d'abus" qu'elle aurait dénoncés auprès de la direction de C______, dont la responsabilité serait également engagée. Ces éléments ne font pas l'objet de l'ordonnance querellée, laquelle se limite strictement au refus d'entrer en matière sur la plainte déposée le 5 août 2025 par la recourante contre la mise en cause. Le recours est dès lors irrecevable sur ces points, faute de décision préalable sujette à recours (art. 393 al. 1 let. a CPP).

3.             3.1. Pour le surplus, le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

3.2. Il convient cependant d'examiner si la recourante dispose de la qualité pour recourir en tant qu'elle conteste le refus du Ministère public d'entrer en matière sur les infractions visées aux art. 143bis et 179 CP.

3.2.1. La partie dont émane le recours doit pouvoir se prévaloir d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

Revêt la qualité de partie, le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure comme demandeur au civil ou au pénal (art. 104 al. 1 let. b et 118 al. 1 CPP). Le lésé est celui dont les droits sont directement touchés par une infraction (115 al. 1 CPP). Pour déterminer si une personne revêt un tel statut, il convient d'interpréter le texte de la disposition pénale enfreinte afin de savoir quel est le titulaire du bien juridique protégé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1185/2019 du 13 janvier 2020 consid. 2.1).

3.2.2. Selon l'art. 143bis CP, quiconque s'introduit sans droit, au moyen d'un dispositif de transmission de données, dans un système informatique appartenant à autrui et spécialement protégé contre tout accès de sa part est, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Cette disposition incrimine le piratage informatique ("hacking"). Elle a été construite dès l'origine comme une violation de domicile informatique. Par analogie avec ce qui prévaut dans le contexte de la violation de domicile (art. 186 CP), l'art. 143bis CP protège la "paix informatique" et plus particulièrement le droit du titulaire du système informatique d'en maîtriser l'accès et de le contrôler à sa guise (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 1, 2 et 8 ad art. 143bis).

3.2.3. L'art. 179 CP protège la sphère privée du lésé (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111 – 392 CP, Bâle 2017, n. 1 ad art. 179).

Selon le Tribunal fédéral, la qualité pour porter plainte n'appartient qu'au destinataire de l'envoi (cf. ATF 101 IV 402, consid. 3).

3.2.4. En l'espèce, la recourante reproche à la mise en cause d'avoir accédé sans droit au téléphone portable du Dr D______ et d'y avoir pris connaissance des messages électroniques qu'elle avait adressés au précité pour la contacter. Toutefois, n'étant pas titulaire du bien juridiquement protégé par l'art. 143bis CP – lequel, contrairement à l'art. 143 CP, protège non pas les données elles-mêmes, mais le système au sein duquel elles sont traitées –, elle ne dispose pas de la qualité pour agir (art. 382 al. 1 CPP), réservée au Dr D______. Il en va de même s'agissant de l'art. 179 CP, le bien juridiquement protégé par cette disposition, à savoir la confidentialité de la correspondance, appartenant exclusivement au destinataire des messages électroniques, soit le médecin précité. Son recours est dès lors irrecevable sous ces aspects.

Il est recevable pour le surplus.

4.             La recourante ne remet pas en cause l'ordonnance querellée en tant qu'elle concerne l'infraction d'usurpation d'identité (art. 179decies CP) dénoncée dans sa plainte. Ce point n'apparaissant plus litigieux, il ne sera pas examiné plus avant dans le présent arrêt (art. 385 al. 1 CPP).

5.             La recourante reproche au Ministère public d'avoir refusé d'entrer en matière sur sa plainte pour infractions aux art. 143 et 321 CP.

5.1.  Selon l'art. 310 al. 1 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a) ou qu'il existe des empêchements de procéder (let. b).

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (arrêt 6B_196/2020 précité ; ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1 ; ATF 137 IV 219 consid. 7).

5.2.1. Selon l'art. 6 al. 1 CPP, les autorités pénales recherchent d’office tous les faits pertinents pour la qualification de l'acte et le jugement du prévenu.

Elles mettent en œuvre tous les moyens de preuves licites qui, selon l'état des connaissances scientifiques et l'expérience, sont propres à établir la vérité (art. 139 al. 1 CPP). Il n'y a pas lieu d'administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité pénale ou déjà suffisamment prouvés (al. 2).

5.2.2. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 107 CPP, 29 al. 2 Cst. et 6 § 1 CEDH, comprend celui de produire ou de faire administrer des preuves, à condition qu'elles soient pertinentes et de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 143 V 71 consid. 4.1; 142 II 218 consid. 2.3; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références citées). Le droit d'être entendu n'empêche pas le juge de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de se forger une conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude qu'elles ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion. Le refus d'instruire ne viole ainsi le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuves offert, à laquelle le juge a procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 144 II 427 consid. 3.1.3;
141 I 60 consid. 3.3; 136 I 229 consid. 5.3).

5.3. L'art. 143 al. 1 CP réprime quiconque, dans un dessein d'enrichissement illégitime, soustrait, pour lui-même ou pour un tiers, des données enregistrées qui ne lui sont pas destinées et qui sont spécialement protégées contre tout accès indu de sa part.

Cette infraction suppose que les données ou le système informatique(s) concerné(es) soi(en)t protégé(es) contre des attaques extérieures, au moyen, notamment, d'un codage ou d'un mot de passe (M. DUPUIS/ L. MOREILLON/ C. PIGUET/ S. BERGER/ M. MAZOU/ V. RODIGARI (éds), op. cit., Bâle 2017, n. 13 ad art. 143).

5.4. Se rendent coupables de violation du secret professionnel au sens de l'art. 321 ch. 1 CP, les professionnels énumérés par cette disposition, dont les médecins, ainsi que leurs auxiliaires, qui auront révélé un secret à eux confié en vertu de leur profession ou dont ils avaient eu connaissance dans l'exercice de celle-ci. Cette infraction est poursuivie sur plainte.

5.4.1. Révèle un secret au sens de cette disposition celui qui confie à un tiers non habilité à le connaître ou qui permet que ce tiers en prenne connaissance (ATF 142 IV 65 consid. 5.1).

5.4.2. Une information confidentielle est une information qu'une personne, exerçant l'une des professions listées à l'art. 321 CP, a apprise dans l'exercice de sa profession. L'obligation de secret existe lorsqu'il y a un lien de causalité entre la connaissance de l'information confidentielle et l'exercice de cette profession (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 55 ad art. 321). En matière médicale, il n'est pas nécessaire que l'information soit strictement de nature médicale ; il suffit qu'elle se rapporte à la santé de la personne (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 28 ad art. 321).

5.5.1. En l'espèce, la recourante reproche à la mise en cause d'avoir accédé indûment au téléphone portable du Dr D______ afin de se procurer son adresse électronique pour lui adresser un message, se rendant, selon elle, coupable de soustraction de données.

Cependant, elle n'allègue nullement l'existence d'un quelconque enrichissement illégitime de la mise en cause ou d'une quelconque autre personne et n'apporte aucun élément susceptible de le démontrer. Pour ce motif déjà, il n'existe pas de prévention pénale suffisante de la commission de l'infraction visée à l'art. 143 CP, qui exige cette condition. Par ailleurs, la réalisation de cette infraction suppose également que les données informatiques aient été protégées contre tout accès indu. Or, il ne ressort pas du dossier que l'appareil concerné aurait été muni d'un quelconque dispositif de sécurité, tel qu'un code de verrouillage, que la mise en cause aurait piraté ou serait parvenue à contourner. Aucun mécanisme de protection, ni barrière virtuelle, n'a donc été violé. Il s'ensuit que les conditions de la disposition précitée ne sont pas réunies. Le Ministère public était donc fondé à ne pas entrer en matière sur cette infraction.

5.5.2. À bien la comprendre, la recourante soupçonne la mise en cause de s'être, en réalité, procurée son adresse électronique dans son dossier médical, auquel elle aurait eu accès dans le cadre de son activité d'assistante médicale auprès de C______, violant ainsi, selon elle, le secret professionnel (art. 321 CP).

Cette thèse, qui repose sur de simples suppositions de la recourante, ne trouve toutefois aucune assise dans le dossier. La mise en cause a en effet déclaré avoir trouvé cette adresse électronique dans le téléphone portable de son ancien compagnon, le Dr D______ – qui n'a pas assuré le suivi médical de la recourante, mais a entretenu une relation sentimentale avec elle –, et rien au dossier ne permet de l'infirmer.

En tout état, l'adresse électronique de la recourante constitue certes une donnée privée, mais elle ne saurait être considérée comme un secret confié à la mise en cause dans le cadre de sa profession, étant relevé qu'en matière médicale, l'information protégée doit se rapporter à la santé de la personne. À cela s'ajoute que l'infraction visée à l'art. 321 CP suppose que l'information confidentielle soit portée à la connaissance d'un tiers non autorisé. Or, l'adresse électronique de la recourante n'a pas été divulguée, mais a simplement permis à la mise en cause de la contacter. Pour le surplus, rien au dossier ne permet d'établir que l'assistante médicale aurait transféré ou divulgué à des tiers non autorisés d'autres informations concernant la recourante – qui relèveraient du secret médical –, ce que cette dernière ne soutient d'ailleurs pas.

Au vu de l'ensemble de ce qui précède, les éléments constitutifs de l'infraction visée à l'art. 321 CP ne sont manifestement pas réalisés.

C'est donc à bon droit que le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur la plainte de la recourante et aucun acte d'instruction n'apparaît susceptible de modifier ce constat. La décision querellée ne prête dès lors pas le flanc à la critique.

6.             Justifiée, elle sera donc confirmée.

7.             La recourante sollicite l'assistance juridique pour la procédure de recours.

7.1. Conformément à l'art. 136 al. 1 CPP, sur demande, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire gratuite à la partie plaignante, pour faire valoir ses prétentions civiles, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. a).

La cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. L'assistance judiciaire peut donc être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée ou que la procédure pénale est vouée à l'échec (arrêts du Tribunal fédéral 1B_173/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1.1 et 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1).

7.2. En l'espèce, la question de l'indigence de la recourante peut demeurer indécise dès lors qu'il a été jugé supra que ses griefs étaient juridiquement infondés. Il en découle que l'une des conditions pour lui octroyer l'assistance judiciaire n'est manifestement pas réalisée.

Dans ces circonstances, sa requête ne peut être que rejetée.

8.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en intégralité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03) et prélevés sur les sûretés versées.

Le refus d'octroi de l'assistance judiciaire gratuite est, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Rejette la demande d'assistance judiciaire gratuite.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/18822/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00