Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/825/2025 du 09.10.2025 ( MP ) , REJETE
| république et | canton de Genève | |
| POUVOIR JUDICIAIRE P/20475/2025 ACPR/825/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 9 octobre 2025 | ||
Entre
A______, représenté par Me B______, avocate,
recourant,
contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 10 septembre 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 22 septembre 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 10 précédent, notifiée le jour même, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.
Le recourant conclut, préalablement, à l'octroi de l'effet suspensif et, principalement, avec suite de frais et indemnité, à l'annulation de la décision précitée et à la destruction des échantillons prélevés.
b. La Direction de la procédure a, par ordonnance (OCPR/50/2025) du 23 septembre 2025, rejeté la demande d'effet suspensif.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______, ressortissant hongrois, né le ______ 1978, est prévenu de violation de domicile (art. 186 CP), de vol d'importance mineure (art. 139 cum art. 172ter CP) et d’infraction à l'article 115 alinéas 1 lettre b et 3 LEI, pour avoir :
· le 9 septembre 2025, pénétré dans le magasin C______ de la gare Cornavin, à Genève, alors qu'il y faisait l'objet d'une interdiction d'entrée signifiée le 11 février 2025 pour une durée de 2 ans, et y avoir dérobé un poulet rôti d'une valeur de CHF 6,90;
· par négligence, entre le 26 août 2025, lendemain de sa dernière interpellation, et le 9 septembre 2025, séjourné sur le territoire suisse sans être porteur d'un document d'identité valable.
Le magasin C______ a déposé plainte pour les faits le concernant.
b. Selon le rapport d’interpellation du 9 septembre 2025, A______ a été interpellé ce jour-là, par un agent de sécurité du magasin précité, alors qu’il venait de quitter les lieux avec un poulet rôti sans l’avoir payé. L’intéressé a, de plus, été reconnu par des employés du magasin comme y faisant l’objet d’une interdiction d’entrée.
c. Après avoir refusé de s'exprimer lors de son audition par la police, A______ a, devant le Ministère public, expliqué ignorer faire l'objet d'une interdiction d'entrée dans tous les magasins C______. Par ailleurs, il séjournait à l’hôpital de D______ où il était hospitalisé et suivait un traitement médicamenteux. Il n'avait pas de passeport ni de document d'identité à fournir au Procureur de permanence.
À l'issue de cette audience, il a été relaxé.
d. Selon l'extrait du casier judiciaire suisse, dans sa teneur au 23 septembre 2025, le prénommé a été condamné à treize reprises entre le 19 août 2024 et le 13 août 2025, principalement pour violation de domicile (onze reprises) et infractions à la LEI (dix reprises), mais également pour infractions contre le patrimoine (obtention frauduleuse d'une prestation d'importance mineure, le 19 août 2024; et vols d'importance mineure, les 1er décembre 2024, 5 décembre 2024, 19 décembre 2024, 30 décembre 2024 et 13 août 2025).
Toujours selon cet extrait, le prénommé fait, outre la présente procédure, l'objet d'une autre procédure pénale [P/1______/2025] en cours au Ministère public, depuis le 27 août 2025, pour vol, séjour illégal et violation de domicile.
e. S'agissant, pour le surplus, de sa situation personnelle, le précité est, à teneur du dossier, marié, sans emploi ni revenu et hospitalisé à l'hôpital de D______. Il ne fait pas l'objet d'une mesure de curatelle.
C. Dans son ordonnance querellée, fondée sur l'art. 255 al. 1bis CPP, le Ministère public considère qu'il y a lieu d'établir le profil d'ADN de A______, celui-ci ayant déjà été soupçonné d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN, référence étant faite à ses condamnations, "à de multiples reprises", pour violation de domicile (art. 186 CP), "la dernière fois le 16 février 2025".
D. a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir que l'ordonnance querellée violait les "principes d'aptitude et de subsidiarité". Il voyait mal en quoi l'établissement de son profil d'ADN serait apte à permettre l'élucidation d'éventuelles infractions de violation de domicile commises sans effraction, soit sans laisser de traces. Sous l'angle de la subsidiarité, l'ordonnance entreprise n'expliquait pas en quoi des mesures de contrainte moins incisives, telles que le visionnage d'images de vidéosurveillance ou encore la prise de ses empreintes digitales, ne suffiraient pas à l’élucidation de potentielles autres infractions à l’art. 186 CP.
Le degré de gravité requis par l'art. 255 al. 1bis CPP n'était pas non plus atteint, compte tenu de la nature mineure de ses infractions [violations de domicile, en lien avec des vols de denrées alimentaires dans les rayons de supermarchés], de sa précarité et de ses troubles psychiatriques. L'interdiction d'entrée du 11 février 2025 ne lui avait, de surcroît, pas été notifiée dans une langue qu'il comprenait, de sorte qu’il n’en avait pas saisi la teneur.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.
2.1. Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).
L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d).
2.2. Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).
L'établissement d'un profil d'ADN destiné à élucider des crimes ou délits passés/futurs n'est proportionné que s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2; 145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1). Il convient à cet égard également de prendre en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 précité consid. 4.3; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).
2.3. À teneur des points 4.1 et 4.3 de la Directive A.5 du Procureur général sur la gestion et la conservation des données signalétiques et des profils d'ADN, lorsque la police a procédé au prélèvement d'un échantillon d'ADN, le procureur en charge de la procédure pénale ordonne l'établissement d'un profil d'ADN en cas d'infraction(s) passée(s) lorsque le prévenu a déjà été soupçonné d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN, soit notamment une "violation de domicile" (art. 186 CP).
2.4. En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN du recourant a été ordonné pour élucider, non pas les infractions en cours d'instruction, mais d'autres infractions, plus précisément des violations de domicile, dès lors qu'il avait déjà été soupçonné pour des faits similaires.
À cet égard, il existe des indices sérieux et concrets de la commission, par le recourant, de tels actes punissables.
En effet, il a été condamné à treize reprises en l'espace d'un an, soit entre le 19 août 2024 et le 13 août 2025, dont onze fois pour violation de domicile, cette infraction ayant, de plus, été commise à cinq reprises concomitamment avec une infraction contre le patrimoine (vols d'importance mineure). Ces condamnations récentes et fréquentes pour des infractions de même typicité, vont de pair avec des reproches répétés de situation irrégulière en Suisse, étant précisé que, pendant la période pénale précitée, l'intéressé a été condamné à dix reprises pour des infractions à la législation sur les étrangers. À cela s'ajoute l'ouverture, devant le Ministère public, d'une procédure pénale P/1______/2025, pour vol, séjour illégal et violation de domicile, à peine quinze jours avant son interpellation pour les faits objets de la présente procédure.
Ces éléments, ainsi que sa situation personnelle – absence d'activité professionnelle avérée, précarité et troubles psychiques –, laissent craindre un ancrage certain dans la délinquance et permettent de penser que l'intéressé pourrait être impliqué dans d'autres violations de domicile encore inconnues des autorités, qui pourraient lui être attribuées si l'on était en mesure de comparer son profil d'ADN à des traces prélevées sur les lieux de leur commission. Contrairement à ce que soutient le recourant, le fait que l’infraction de violation de domicile reprochée dans le cadre de la présente procédure semble avoir été commise sans effraction, soit sans laisser de traces, ne signifie pas que tel serait également le cas de toute(s) autre(s) infraction(s) de même typicité aujourd’hui inconnue(s) des autorités. L’adéquation de la mesure paraît donc établie.
Enfin, les infractions à l'art. 186 CP susceptibles d'être élucidées revêtent une certaine gravité. Il s'agit d'ailleurs d'un des cas expressément listés par la Directive A.5 du Procureur général (cf. n. 4.3), laquelle est fondée sur l'art. 255 al. 1bis CPP, qui justifie l'établissement d'un profil d'ADN pour les infractions passées.
Les arguments avancés par le recourant, en lien avec l'absence de notification de l'interdiction d'entrée dans une langue qu'il comprend, ne sont pas pertinents ici et devront, le cas échéant être soulevés devant le Ministère public, la procédure n'étant, en l'état, pas terminée.
En définitive, la mesure querellée, dont les conditions légales sont réalisées, n'apparaît ni injustifiée ni disproportionnée.
3. Justifiée, l'ordonnance attaquée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait d'emblée être traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).
4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). L'autorité de recours est en effet tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).
5. Il sera statué sur l'indemnité du défenseur d'office à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
| La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
| P/20475/2025 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
| Débours (art. 2) | | |
| - frais postaux | CHF | 10.00 |
| Émoluments généraux (art. 4) | | |
| - délivrance de copies (let. a) | CHF | |
| - délivrance de copies (let. b) | CHF | |
| - état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
| Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
| - décision sur recours (let. c) | CHF | 415.00 |
| Total | CHF | 500.00 |