Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/657/2025 du 15.08.2025 sur ONMMP/2890/2025 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/23324/2024 ACPR/657/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du vendredi 15 août 2025 |
Entre
A______ SÀRL, domiciliée ______ [GE], agissant en personne,
recourante,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 18 juin 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte du 23 juin 2025, reçu le 25 suivant au greffe du Ministère public qui l'a transmis à la Chambre de céans, A______ SÀRL recourt contre l'ordonnance du 18 juin précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte du 10 septembre 2024.
La recourante conclut à l'annulation de cette ordonnance, à ce qu'il soit ordonné au Ministère public "de produire les images aux dates et heures des retraits enregistrés, ainsi que de mettre en œuvre tout moyen à cet effet", d'ouvrir une instruction pénale contre inconnu et de "convoquer des représentants de la banque pour clarifier les manquements évoqués".
b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______ SÀRL est une société inscrite au registre du commerce de Genève, active notamment dans l'importation et la distribution de tous produits alimentaires.
Elle est titulaire d'un compte bancaire numéro 1______ ouvert auprès de la banque B______, devenue C______ (ci-après : la Banque).
b. A______ SÀRL a déposé plainte contre inconnu le 10 septembre 2024 pour vol et utilisation frauduleuse d'un ordinateur. Elle a exposé que plusieurs transactions avaient été effectuées sur son compte bancaire, entre le 17 mai et le 9 septembre 2024, avec une carte de débit numéro 2______, soit des retraits sur plusieurs bancomat (pour un total de CHF 8'750.-), ainsi que divers paiements. Le préjudice total était de CHF 10'773.90. La carte de débit utilisée pour les transactions litigieuses n'appartenait pas à la société ni à aucun de ses associés gérants.
c. Nanti de la plainte par la police et sur requête de celle-ci, le Ministère public a, le 9 octobre 2024, ordonné à la Banque le dépôt des enregistrements de vidéosurveillance pour les périodes correspondant aux retraits, du relevé du bancomat indiquant les dates, heures et montants indûment prélevés, et de toute information en lien avec d'autres opérations que l'auteur des retraits frauduleux aurait également effectuées, notamment celles susceptibles de permettre son identification.
La Banque a répondu par courrier du 14 janvier 2025 qu'elle n'était pas en possession d'images de vidéosurveillance des retraits au bancomat. Elle ne trouvait pas non plus en ses livres de compte bancaire numéro 1______ ou de carte de débit numéro 2______ enregistrés ou ayant été enregistrés auprès d'elle.
Elle fournissait cependant le détail des relevés des bancomats des succursales B______ concernés par les retraits en cause.
d. Dans son rapport de renseignement du 11 juin 2025, la police a indiqué qu'au vu du courrier de la Banque du 14 janvier précédent et des investigations effectuées, l'auteur des faits n'avait pas pu être identifié ni interpellé.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public relève que malgré une enquête de police, les auteurs n'avaient pas pu être formellement identifiés, retenant que la Banque n'avait pas été en mesure de fournir d'images de vidéosurveillance. Aucun élément ne permettait dès lors d'orienter ses soupçons sur un ou des auteurs.
D. a. Dans son recours, A______ SÀRL considère que les retraits litigieux étant établis, il existait des indices concrets et graves justifiant l'ouverture d'une instruction. L'ordonnance de non-entrée en matière violait manifestement le devoir d'investigation imposé par le Code de procédure pénale. L'absence de vidéosurveillance ne pouvait justifier qu'il soit renoncé à l'ouverture d'une instruction. Cette carence, imputable à un tiers, ne dispensait pas le Ministère public de rechercher la vérité par tous les moyens disponibles, notamment en ordonnant la production des images de vidéosurveillance par la banque, en établissant précisément les raisons de leur indisponibilité (effacement volontaire ou non, dysfonctionnement technique, etc.) ou en diligentant d'autres moyens probatoires (identification via les relevés d'accès aux bancomat, images externes publiques, auditions d'agents bancaires, etc.). Les faits amenaient par ailleurs à s'interroger sur un éventuel manquement de la Banque à ses obligations contractuelles de surveillance et de sécurité.
b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. La recourante reproche au Ministère public d'avoir refusé d'entrer en matière sur sa plainte.
3.1. Selon l'art. 310 al. 1 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a) ou qu'il existe des empêchements de procéder (let. b).
Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (arrêt 6B_196/2020 précité ; ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1 ; ATF 137 IV 219 consid. 7).
Une décision de non-entrée en matière peut se justifier même si les conditions du crime/délit sont réalisées, pour autant qu'aucun acte d'enquête raisonnable ne permette d'en découvrir l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral 1B_67/2012 du 29 mai 2012 consid. 3.2). Il sied alors de mettre en balance les intérêts en jeu (ibidem), le principe de proportionnalité s'appliquant à toutes les activités étatiques (art. 5 al. 2 Cst. féd.), y compris aux investigations pénales (ACPR/555/2025 du 17 juillet 2025 consid. 3.3; ACPR/888/2021 du 16 décembre 2021 consid. 3.2 in fine; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 10d ad art. 310).
3.2. Se rend coupable d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur (art. 147 CP) quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, influe sur un processus électronique ou similaire de traitement ou de transmission de données en utilisant des données de manière incorrecte, incomplète ou indue ou en recourant à un procédé analogue, et provoque, par le biais du résultat inexact ainsi obtenu, un transfert d’actifs au préjudice d’autrui ou le dissimule aussitôt après.
3.3. À teneur de l'art. 299 al. 1 CPP, la procédure préliminaire se compose de la procédure d'investigation de la police et de l'instruction conduite par le ministère public. L'alinéa 2 de la même disposition dispose que lorsque des soupçons laissent présumer qu'une infraction a été commise, des investigations sont effectuées et des preuves sont administrées dans la procédure préliminaire.
3.4. En l'espèce, contrairement à ce que semble affirmer la recourante, une procédure préliminaire a bien été ouverte par le Ministère public qui a émis un ordre de dépôt à l'intention de la Banque. L'existence de soupçons a ainsi été reconnue et dûment prise en compte par cette autorité.
Le fait que l'auteur ou les auteurs des infractions dénoncées ne puisse(nt) en l'espèce pas être identifié(s) est en revanche bien un motif de prononcer une ordonnance de non-entrée en matière, même si les conditions du crime/délit sont réalisées. Une telle ordonnance est également justifiée en tant qu'aucun acte d'enquête raisonnable supplémentaire ne pourrait permette d'en découvrir l'auteur. La production des images de vidéosurveillance de la Banque a déjà été formellement ordonnée; un ordre de dépôt de toutes autres images de vidéosurveillance serait manifestement voué à l'échec compte tenu du temps écoulé, si tant est qu'il puisse être considéré comme proportionné; on perçoit par ailleurs mal ce que l'audition des employés de banque pourrait apporter, les retraits litigieux n'ayant pas été effectués aux guichets.
Enfin, tant les raisons de l'indisponibilité des images de vidéosurveillance que l'éventuelle responsabilité contractuelle de la Banque n'ont pas à être investiguées ici, d'éventuels manquements de la Banque en termes de sécurité étant de nature civile.
Il découle de ce qui précède que le recours doit être rejeté.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
5. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront arrêtés à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ SÀRL aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.
Le greffier : Sandro COLUNI |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/23324/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
|
|
COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | 00.00 |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | 00.00 |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 915.00 |
Total | CHF | 1'000.00 |