Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/597/2025 du 05.08.2025 sur ONMMP/2712/2025 ( MP ) , IRRECEVABLE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/2511/2025 ACPR/597/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mardi 5 août 2025 |
Entre
A______, domiciliée ______ [GE], agissant en personne,
recourante,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 10 juin 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte déposé le 18 juin 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 10 précédent, notifiée le 13 suivant, par laquelle le Ministère public n'est pas entré en matière sur les faits qu'elle avait dénoncés lors de son audition par la police en qualité de prévenue le 10 mars 2025.
La recourante conclut à ce que cette ordonnance soit déclarée nulle et non avenue.
b. La recourante a été dispensée de verser les sûretés (art. 383 CPP).
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______ et B______ habitent dans l'immeuble sis no. ______, rue 1______, à Genève.
A______ est en conflit avec la régie de cet immeuble et a cité B______, son voisin, comme témoin dans le cadre d'une procédure devant le Tribunal des baux et loyers, où il a été entendu le 24 janvier 2025.
b.a. C'est dans ce contexte que deux jours plus tôt, soit le 22 janvier 2025, B______ a déposé plainte pénale à l'encontre de A______. Il exposait être mécontent que cette dernière l'eût appelé à témoigner. Il ne lui avait plus adressé la parole dans l'immeuble et elle l'avait un jour suivi jusque dans la buanderie. Il lui avait demandé de le laisser tranquille, faute de quoi il déposerait plainte contre elle. Le
21 janvier 2025, elle lui avait adressé un courrier dans lequel elle disait le dispenser de venir à l'audience, car il souffrait "d'un déséquilibre mental, totalement incompatible avec un témoignage honnête et fiable".
À l'appui de ses déclarations, B______ a produit une copie du courrier incriminé.
b.b. Le 13 février 2025, B______ a déposé une plainte pénale complémentaire à l'encontre de A______, indiquant que, suite à son audition du 24 janvier 2025 devant le Tribunal des baux et loyers, celle-ci avait envoyé à l'une de leurs voisines communes, une certaine C______, des messages dans lesquels elle avait écrit à son sujet qu'il était "FOU", qu'il avait fait des "déclarations FAUSSES", qu'il avait "osé réclamé un dédomagement d'une journée entière" alors "qu'il était en psychiatrie, depuis plus de 3 mois" et que "pour avoir voulu berné les autorités suisse, il va tout perdre: son travail, son logement, son permis, etc." (sic).
Il était profondément atteint par les propos et agissements de A______, laquelle avait même téléphoné à son employeur pour obtenir des informations sur lui, alors qu'il était en arrêt de travail.
c. Entendue par la police en qualité de prévenue le 10 mars 2025, A______ a déclaré que B______ n'était selon elle pas en mesure de faire un témoignage honnête et fiable, car elle estimait qu'il avait de "drôles de comportements". Il s'était notamment emporté après qu'elle l'eut cité comme témoin. B______ lui avait hurlé de ne plus lui parler et qu'il allait déposer plainte pénale à son encontre. Elle avait écrit et adressé le courrier ainsi que les messages incriminés car elle trouvait que le comportement de B______ n'était pas normal, plusieurs personnes lui ayant notamment rapporté qu'il était en arrêt maladie et avait des troubles psychiatriques.
Elle a précisé qu'elle "souhait[ait] et préfér[ait]" porter plainte auprès du Ministère public pour le comportement de B______ lors de la séance du 24 janvier 2025 devant le Tribunal des baux et loyers où il avait notamment tenu des propos "totalement délirants".
C. Dans l'ordonnance litigieuse, le Ministère public a rappelé qu'à l'issue de son audition en qualité de prévenue par la police du 10 mars 2025, A______ avait déclaré: "Je vous précise que je souhaite et je préfère porter plainte auprès du Ministère public pour le comportement de M. B______ lors de la séance du 24 janvier 2025 au Tribunal des baux et loyers. Il a notamment tenu des propos totalement délirants". "Les éléments dénoncés" ne remplissaient pas les conditions constitutives d'une infraction, en particulier de faux témoignage (art. 307 CP), dans la mesure où aucun élément ne permettait de retenir que B______ aurait commis un faux témoignage lors de son audition. En outre, B______ n'avait pas indiqué au Tribunal des baux et loyers qu'elle l'avait forcé à signer une pétition.
Le Ministère public décidait dès lors de rendre une ordonnance de non-entrée en matière s'agissant des propos qu'auraient tenus B______ devant le Tribunal des baux et loyers.
D. a. À l'appui de son recours, A______ expose ne pas comprendre comment le Ministère public pouvait prendre position sur une plainte pénale qu'elle n'avait même pas déposée. Il ne connaissait par ailleurs "pas du tout" le dossier relatif à cette affaire. Il recevrait sa plainte ultérieurement, étant précisé qu'elle ne l'avait pas fait plus tôt du fait du COVID long dont elle souffrait, de sorte qu'elle avait décidé de "digérer" cette affaire et de donner la priorité à des choses plus urgentes.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. 1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).
1.2. Il convient cependant d'examiner si la recourante dispose de la qualité pour recourir en tant qu'elle semble contester le refus du Ministère public d'entrer en matière sur l'infraction visée à l'art. 307 CP, étant relevé qu'elle n'a pas même le statut de plaignante (art. 104 al. 1 let. b CPP).
1.2.1. Seule la partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l’annulation d’un prononcé est habilitée à quereller celui-ci (art. 382 al. 1 CPP).
Tel est, en particulier, le cas du lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale (art. 118 al. 1 CPP). La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP; il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction, c’est-à-dire le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 147 IV 269 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_669/2021 du
8 mars 2022 consid. 3.1).
1.2.2. L'art. 307 CP protège en première ligne l'intérêt collectif, à savoir l'administration de la justice, et seulement de manière secondaire les intérêts de particuliers, lesquels doivent exposer en quoi leurs intérêts privés ont été effectivement touchés par le faux témoignage – leur préjudice devant apparaître comme étant la conséquence de cette infraction. À défaut, leur acte est irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_92/2018 du 17 mai 2018 consid. 2.1 et 2.2).
1.3. Une ordonnance de non-entrée en matière est immédiatement rendue s’il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs d’une infraction ou les conditions à l’ouverture de l’action pénale ne sont manifestement pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).
Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP;
ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le Ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le Ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1).
1.4. En l'espèce, la recourante a manifesté son "souhait", à l'issue de son audition par la police comme prévenue le 10 mars 2025, de déposer plainte contre B______ "auprès du Ministère public", pour le comportement de B______ lors de la séance du 24 janvier 2025 devant le Tribunal des baux et loyers où il avait notamment tenu des propos "totalement délirants". Elle ne dit mot de la conséquence de tels propos sur le sort de son action civile.
Le Tribunal fédéral a toutefois rappelé à plusieurs occasions que, lorsque le litige à l'origine de la dénonciation pénale n'est pas encore terminé, on ignore si les prétendues fausses déclarations en justice ont ou non une quelconque influence sur le jugement à rendre. Or, s'agissant, à ce stade, pas même de pures conjectures, il n'y a pas de lien de causalité direct entre les déclarations incriminées et un préjudice quelconque, l'intéressée ne subissant aucune conséquence dommageable, ni même ne le soutient, du fait des déclarations proférées (cf. ATF 123 IV 184 consid. 1c ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_649/2012 du 11 septembre 2013 ; ACPR/666/2024 du 13 septembre 2024 consid. 2.4; ACPR/346/2024 du 8 mai 2024 consid. 1.2.3 ; ACPR/850/2023 du
1er novembre 2023 consid. 3.4.2 ; ACPR/891/2019 du 18 novembre 2019 consid. 2.5.1).
La recourante n'explique en effet aucunement l'incidence dommageable qu'aurait eu le témoignage de l'intéressé dans la procédure civile l'opposant à la régie de l'immeuble qu'elle habite. D'ailleurs, elle ne donne aucune précision concernant la procédure en question ni, a fortiori, son issue. Elle se borne à expliquer pour quelle raison elle n'a jusque-là pas déposé de plainte à l'encontre de B______.
Dans ces circonstances, quand bien même elle aurait finalement déposé plainte contre l'intéressé, elle échoue à établir que ses intérêts privés ont été touchés par le témoignage dénoncé.
Sa qualité pour recourir ne peut donc lui être reconnue et son recours doit être déclaré irrecevable.
Pour le surplus, l'infraction de faux témoignages se poursuit d'office. Aussi, dans la mesure où le Ministère public avait connaissance de l'intention de la recourante, à compter de son audition par la police, de déposer plainte auprès de lui, a priori pour faux témoignages, et qu'il a attendu plus de trois mois pour rendre l'ordonnance litigieuse, il pouvait sans autre, sur la base du dossier, considérer que les éléments constitutifs d’une infraction ou les conditions à l’ouverture de l’action pénale n'étaient manifestement pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP), ce qui l'autorisait à rendre l'ordonnance querellée. La recourante ne prétend d'ailleurs pas que les conditions de l'art. 307 CP seraient réalisées.
2. Au vu de l'issue du recours, la Chambre de céans pouvait statuer d'emblée, sans échange d'écritures (art. 390 al. 2, 1ère phrase, et al. 5 a contrario CPP).
3. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Déclare le recours irrecevable.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Catherine GAVIN, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.
La greffière : Séverine CONSTANS |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/2511/2025 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 515.00 |
Total | CHF | 600.00 |