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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/15696/2025

ACPR/574/2025 du 25.07.2025 sur OTMC/2190/2025 ( TMC ) , REJETE

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;RUPTURE DE BAN;PROPORTIONNALITÉ
Normes : CPP.221; CP.291

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15696/2025 ACPR/574/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 25 juillet 2025

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, représenté par Me B______, avocate,

recourant,

 

contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 11 juillet 2025 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 16 juillet 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 11 précédent, notifiée le 15 juillet 2025, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a ordonné sa mise en détention provisoire jusqu'au 27 juillet 2025.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance précitée et à sa mise en liberté immédiate, ainsi qu'à l'indemnisation de son tort moral.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, ressortissant portugais et de Guinée-Bissau, né en 2000, a été arrêté par la police le 9 juillet 2025.

b. Il est prévenu de rupture de ban (article 291 CP) pour avoir, depuis à tout le moins le début du mois de juillet 2025, intentionnellement pénétré et séjourné sur le territoire suisse, particulièrement à Genève, au mépris d'une décision d'expulsion judiciaire du territoire suisse entrée en force, prononcée par le Tribunal de police le 6 juin 2023, valable pour 5 ans.

c. Devant le Ministère public, le 10 juillet 2025, A______ a déclaré se souvenir qu'en janvier 2024, il avait été condamné pour rupture de ban, infraction qu'il avait reconnue à l'époque. Ensuite, il était parti en Guinée. Puis, il s'était rendu au Luxembourg pour travailler. Il était revenu en Suisse car il avait oublié son passeport chez un ami, qui travaillait à Genève. Il savait qu'il n'avait pas le droit de venir à Genève.

d. Lors de l'audience précitée, le Ministère public a rendu un avis de prochaine clôture, informant A______ de son intention de rédiger un acte d'accusation. Un délai au 17 juillet 2025 était accordé au prévenu pour ses éventuelles réquisitions de preuve.

e. S'agissant de sa situation personnelle, A______ dit travailler, au Luxembourg, en qualité de cuisinier, métier qu'il avait appris au Portugal. Il n'avait pas de famille en Suisse.

À teneur de l'extrait du casier judiciaire suisse, il a été condamné à onze reprises depuis août 2017, principalement pour séjour illégal et délit à la LStup, la dernière fois en mai 2024 [pour rupture de ban].

f. Le Ministère public, invoquant un risque de fuite, a requis la mise en détention provisoire de A______ pour une durée de quinze jours, afin de clore l'instruction et renvoyer le prévenu devant le Tribunal de police.

C.           Dans l'ordonnance querellée, le TMC a retenu l'existence de charges graves et suffisantes, compte tenu des interdictions de séjour notifiées à A______ par le passé, et des propres déclarations du précité, qui admettait les faits "du bout des lèvres". La Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables, dans les États membres, au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (ci-après: Directive sur le retour) ne s'appliquait pas au précité, dès lors qu'il était de nationalité portugaise, soit un État membre de Schengen. En outre, il semblait avoir été renvoyé au Portugal à la suite du jugement rendu le 2 octobre 2023 par le Tribunal d'application des peines et des mesures, qui lui avait octroyé la libération conditionnelle avec effet au jour de son expulsion effective de Suisse. Il s'était en outre rendu en Guinée, pays dont il avait également la nationalité, après la décision d'expulsion, ainsi qu'au Luxembourg, après sa dernière condamnation du 8 mai 2024, pour rupture de ban. Dès lors, peu importait le fait que, selon le prévenu, aucune mesure concrète n’avait été entreprise en vue de son éloignement du territoire suisse depuis sa dernière arrestation.

Le risque de fuite était concret et élevé, y compris sous la forme de disparition dans la clandestinité en Suisse ou dans un autre pays, le prévenu, de nationalités étrangères, indiquant vivre et travailler au Luxembourg, n'ayant aucune attache en Suisse, ayant déjà été refoulé de Suisse par le passé et faisant de surcroit l'objet d'une mesure d'expulsion. Aucune mesure de substitution n'était susceptible d'atteindre le but de la détention.

D.           a. À l'appui de son recours, A______ expose n'avoir fait l'objet, par les autorités compétentes, d'aucune mesure en vue de son retour [dans son pays d'origine] ni de toute autre démarche en ce sens. Or, la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne relative à la Directive sur le retour posait le principe de la priorité des mesures de refoulement sur le prononcé d'une peine privative de liberté. Selon l'ATF 147 IV 232, une telle peine ne pouvait entrer en ligne de compte que lorsque toutes les mesures raisonnables pour l'exécution de la décision de retour avaient été entreprises. Partant, seule une peine pécuniaire était envisageable en ce qui le concernait. Sa mise en détention provisoire constituait donc une atteinte disproportionnée à sa liberté. En raison de la détention injustifiée, il demandait à être indemnisé à hauteur de CHF 200.- par jour.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours et se réfère au contenu de sa demande de mise en détention provisoire. Par acte d'accusation du 16 juillet 2025, A______ avait été renvoyé en jugement devant le Tribunal de police. La peine requise était de neuf mois de peine privative de liberté ferme, sous déduction de la détention avant jugement.

c. Le TMC maintient les termes de sa décision.

d. A______ renonce à répliquer et persiste dans ses conclusions.

E. a. Par ordonnance du 18 juillet 2025, le TMC a ordonné la mise en détention de A______ pour des motifs de sûreté, pour deux mois.

b. À teneur du mandat de comparution du 18 juillet 2025, l'audience de jugement aura lieu le 15 août 2025.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émane du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP).

1.2. Après le dépôt du recours, le TMC a ordonné le placement du recourant en détention pour des motifs de sûreté.

Lorsque la détention provisoire, conformément à l’art. 220 al. 2 CPP, est convertie en détention pour des motifs de sûreté à la suite de la mise du prévenu en accusation, la procédure de recours stricto sensu dirigée contre le rejet par le tribunal des mesures de contrainte d’une demande de libération de la détention provisoire n’en devient pas sans objet. L’élément déterminant est le fait que le prévenu se trouve toujours en détention selon le droit de procédure pénale et dispose dès lors d’un intérêt juridiquement protégé (art. 382 al. 1 CPP) à faire contrôler la réalisation des conditions présidant à son incarcération (arrêt du Tribunal fédéral 1B_380/2022 du 28 juillet 2022 consid. 2).

Au vu de ce qui précède, le recours est recevable et a conservé son objet.

2.             Le recourant ne conteste pas les charges, mais estime que les conditions pour une mise en détention provisoire ne sont pas réunies, au vu de l'infraction qui lui est reprochée.

2.1.       Pour qu'une personne soit placée en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, susceptibles de fonder de forts soupçons d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP). L'intensité de ces charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables. Au contraire du juge du fond, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).

2.2.       À teneur de l'art. 291 al. 1 CP, quiconque contrevient à une décision d'expulsion du territoire de la Confédération ou d'un canton prononcée par une autorité compétente est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

2.3.       La Directive sur le retour pose le principe de la priorité des mesures de refoulement sur le prononcé d'une peine privative de liberté du ressortissant d'un pays tiers qui est en séjour illégal. Selon la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), la Directive sur le retour s'oppose à l'emprisonnement d'un ressortissant étranger en séjour irrégulier pour la seule raison qu'il continue de se trouver de manière irrégulière sur le territoire de l'État après qu'un ordre de quitter le territoire national lui a été notifié et que le délai imparti dans cet ordre a expiré. L'emprisonnement ne peut entrer en ligne de compte que lorsque la procédure de retour établie par la Directive a été appliquée (cf. ATF 147 IV 232 consid. 1.2, 1.4 et 1.6).

2.4.       En l'espèce, le recourant, qui admet avoir séjourné sur le territoire suisse alors qu'il fait l'objet d'une décision d'expulsion judiciaire en force, est renvoyé en jugement pour rupture de ban. Les charges pesant sur le recourant sont donc suffisantes, au sens de l'art. 221 al. 1 CPP, puisque l'infraction visée à l'art. 291 CP est un délit (art. 10 al. 3 CP).

Le recourant soutient, en se fondant sur les principes dégagés de l'ATF 147 IV 232 susmentionné, qu'il ne serait passible que d'une peine pécuniaire, à l'exclusion d'une peine privative de liberté. Or, la situation examinée par le Tribunal fédéral dans l'arrêt cité ci-dessus diffère de la sienne. Il s'agissait d'un ressortissant algérien, alors que le recourant est ressortissant portugais, c'est-à-dire qu'il a la nationalité d'un des États membres, au sens de la Directive, et non d'un pays tiers, selon la définition de celle-ci. En outre, après avoir fait l'objet de la décision d'expulsion, et après sa condamnation pour rupture de ban, en 2024, il a quitté la Suisse et est retourné dans son pays d'origine, rendant ainsi inutiles les mesures d'expulsion.

Ces éléments suffisent à rendre vraisemblable une nouvelle condamnation à une peine privative de liberté pour rupture de ban (cf. ACPR/127/2024 du 19 février 2024 consid. 2.3). Par conséquent, les charges retenues par le premier juge sont suffisantes pour autoriser le placement du recourant en détention provisoire. Les arguments contraires du recourant, sur ce qui précède, et ses explications sur les raisons de sa présence en Suisse lors de son arrestation, devront être plaidés devant le juge du fond.

Quoi qu'il en soit, quand bien même le recourant ne serait passible que d'une peine pécuniaire, il ne pourrait en tirer aucun argument dans la mesure où la détention provisoire est admissible aussi lorsque l’une des peines encourues est une peine pécuniaire (ACPR/204/2023 du 21 mars 2023 consid. 3.2; DCPR/101/2011 du 9 mai 2011 consid. 3a ; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 4 ad art. 221). Dans le cas de l’art. 291 CP, ce n’est en tout cas pas au juge de la détention d’empiéter sur les prérogatives du juge du fond en estimant que, dans l’alternative des sanctions prévues par cette disposition légale, les circonstances du cas d'espèce et la situation personnelle du recourant – en récidive – appelleraient le choix d’une peine pécuniaire plutôt que d’une peine privative de liberté (ACPR/128/2025 du 17 février 2025 consid. 3.3.).

Le grief est dès lors infondé.

3.             Dans la mesure où le recourant ne discute pas le risque de fuite retenu par le TMC, il n'y a pas lieu d'y revenir, sauf à constater que les conditions d'une mise en détention provisoire sont réunies (art. 221 al. 1 let. a CPP).

4.             Aucune mesure de substitution (art. 237 al. 1 CPP) n'est apte à contenir le risque très concret de fuite, et le recourant ne soutient d'ailleurs pas le contraire.

5.             Le recourant invoque une violation du principe de la proportionnalité.

5.1.       À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Selon une jurisprudence constante, la possibilité d'un sursis, voire d'un sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281-282; 125 I 60; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).

5.2.       En l'espèce, au vu du renvoi du recourant devant le Tribunal de police et la peine privative de liberté – de 9 mois –, requise par le Ministère public, la détention provisoire ordonnée pour une durée de seize jours ne viole pas le principe de la proportionnalité, si la prévention devait être confirmée.

6.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

7.             Cette conclusion rend sans objet la demande d'indemnité pour tort moral.

8.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

9.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

9.1.       Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

9.2.       En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut encore admettre que l'exercice de ce premier recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance judiciaire pour le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et
Catherine GAVIN, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/15696/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

 

 

Total

CHF

1'005.00