Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/9928/2023

ACPR/570/2025 du 22.07.2025 sur OCL/383/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE CLASSEMENT;SECRET DE FONCTION
Normes : CPP.319; CP.320

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9928/2023 ACPR/570/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 22 juillet 2025

 

Entre

A______, représentée par Me Thomas BÜCHLI, avocat, WLM Avocats, place Edouard-Claparède 5, case postale 292, 1211 Genève 12,

recourante,

contre l'ordonnance de classement rendue le 14 mars 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 27 mars 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 14 mars précédent, notifiée le 17 suivant, par laquelle le Ministère public a classé la procédure P/9928/2023, et laissé les frais de la procédure à la charge de l'État.

La recourante conclut à l'annulation de l'ordonnance de classement, à ce qu'il soit enjoint au Ministère public de mettre en accusation B______ pour infraction à l'art. 320 CP et à toute autre disposition applicable, subsidiairement "de reprendre l'instruction notamment quant au contenu et à la valeur probante des rumeurs, partant quant à l'état de connaissance de M. C______ et de Mme D______ sur l'intervention policière du 25 septembre 2020", frais à la charge de l'État et indemnité équitable en sa faveur.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ et B______ habitent deux immeubles voisins, à E______[GE], et ont été opposés dans un litige de voisinage.

Le 25 septembre 2020, vers 18h30, B______, agent de la police municipale de E______, a verbalisé l'automobile - inoccupée – de A______, laquelle était stationnée de manière irrégulière, ce que l'intéressée ne conteste pas.

À l'arrivée de A______, la situation s'était envenimée. B______ a requis l'intervention de la police cantonale, afin de faire contrôler l'aptitude à conduire de A______. L'éthylotest pratiqué s'était avéré négatif.

b. Ensuite de ces faits, A______ avait déposé plainte pénale contre B______, lui reprochant d'avoir mélangé son rôle de policier municipal et de copropriétaire, commettant par là un abus de pouvoir. Cette plainte a abouti à une ordonnance de non-entrée en matière confirmée par arrêt de la Chambre de céans du 8 novembre 2022 [qui ne figure pas à la présente procédure].

c. B______ avait lui aussi déposé plainte pénale contre A______ pour atteinte à l'honneur. Au cours de son audition à cet effet, son attention a été attirée sur le fait qu'il devait garder le silence au sujet du contenu de cette audition sous les peines de droit prévues par l'art. 292 CP, et ce jusqu'à la clôture de la procédure préliminaire.

La plainte de B______ a été traitée dans le cadre de la procédure P/1______/2021 à l'occasion de laquelle D______ et C______ ont été entendus comme témoins le 1er mars 2023 :

c.a. C______ a déclaré que A______ lui avait parlé de l'intervention du 25 septembre 2020, lui expliquant que le ton était monté entre elle et B______ et qu'elle avait dû se soumettre à un éthylotest. Elle s'était plainte d'un abus de pouvoir de B______, sans que le témoin n'ait de souvenirs plus précis. C______ ne savait plus dans quelles circonstances elle lui avait raconté cela, ajoutant qu'une partie de l'immeuble l'avait su, même si personne d'autre que A______ ne lui en avait parlé. Quelque temps après, il avait demandé à B______ ce qui s'était passé, et le précité lui avait répondu que lors d'une patrouille avec ses collègues, ils avaient amendé la voiture de A______ parce qu'elle était mal parquée et le ton était monté.

c.b. D______ a expliqué avoir su, par des voisins du quartier dont elle ne se rappelait pas le nom, n'en ayant pas parlé avec l'intéressée, qu'il y avait eu une dispute entre A______ et B______ et que le second avait mis une amende à la première parce qu'elle était parquée de manière incorrecte. Par la suite, B______ lui avait raconté avoir eu une altercation avec A______, dont il avait amendé la voiture qui était mal parquée, que la précitée était arrivée en exprimant son désaccord et qu'ils s'étaient disputés.

c.c. A______ a quant à elle catégoriquement contesté avoir parlé des faits avec D______ et C______, ajoutant que le jour en question, il y avait des gens aux balcons et qu'il n'avait pas été nécessaire qu'elle en parle.

c.d. Cette procédure a donné lieu à une ordonnance pénale du Ministère public puis à un jugement du Tribunal de police [non motivé], condamnant A______ pour injure mais l'exemptant de toute peine.

d.a. Le 13 mars 2023, A______ a déposé une nouvelle plainte pénale [faisant l'objet de la présente procédure] contre B______ auquel elle reprochait d'avoir commis une violation du secret de fonction (art. 320 CP), de son obligation de garder le secret (art. 73 CPP) et de l'art. 39 al. 9 LIPAD, pour avoir révélé à leurs voisins des informations personnelles la concernant dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de sa fonction lors du contrôle du 25 septembre 2020, à savoir d'avoir relaté :

- à C______, qu'il avait, en patrouille avec un collègue, amendé sa voiture parce qu'elle était mal parquée et que lors de son interpellation le ton était monté;

- à D______, qu'il l'avait amendée.

Ce faisant, B______ avait révélé à ses voisins son identité, l'infraction prétendument commise, qui relevait de sa sphère privée, et son prétendu comportement lors de la verbalisation, alors même que les faits du 25 septembre 2020 avaient provoqué des plaintes pénales croisées dont l'instruction n'avait pas encore commencé.

d.b.a. Entendue par l'Inspection générale des services de la police (ci-après: IGS), A______ a admis avoir parlé des faits du 25 septembre 2020 avec C______, lui expliquant uniquement que la police cantonale l'avait fait souffler dans l'éthylomètre et que le ton était monté entre elle et B______. Elle avait également parlé avec une autre voisine, F______, mais pas avec D______.

Elle a confirmé ses précédentes déclarations devant le Ministère public, affirmant que l'incident, notamment le fait qu'elle s'était énervée, "avait fait le tour du quartier". À F______, elle avait dit qu'elle était mal parquée et qu'il y avait eu un conflit avec la police municipale, sans donner de nom.

d.b.b. B______ a été entendu par l'IGS le 6 novembre 2023. Il n'avait rien dit ni à D______ ni à C______ qui avaient tous deux dû se tromper lors de leur déposition du 1er mars 2023, le premier étant un ami du mari de A______, la seconde exerçant la même profession qu'elle.

Devant le Ministère public, confirmant ses précédentes déclarations, il a encore expliqué que des voisins se trouvaient à leur fenêtre de sorte qu'ils avaient pu comprendre qu'il y avait une intervention de la police municipale (son nom ayant été cité), A______ criant qu'elle ne s'était absentée que quelques instants. Il a à nouveau contesté les déclarations de D______ et de C______ sur le fait qu'il leur aurait parlé de l'affaire. Il a toutefois concédé, après l'audition des deux intéressés, avoir vu C______ qui lui "avait raconté l'histoire" et était au courant de tout. Il avait également vu D______ qui était venue vers lui pour lui parler, lui-même répondant qu'il avait fait son travail et "qu'au pire cela irait plus loin".

d.b.c. C______ a été entendu par l'IGS puis devant le Ministère public.

A______ lui avait expliqué avoir été contrôlée et amendée par B______, accompagné d'un collègue, puis que le ton était monté. La police cantonale avait été appelée et elle-même avait dû souffler dans l'éthylotest.

Quant à B______, à qui il avait demandé ce qu'il s'était passé parce que "tout le monde avait entendu parler de cette histoire", il lui avait dit qu'il était en service avec ses collègues, qu'ils avaient contrôlé des voitures, que les choses s'étaient envenimées, le ton étant monté entre A______ et lui, sans dire précisément ce qui avait provoqué l'énervement de A______. Il avait dû appeler la police cantonale, A______ avait été soumise à l'éthylotest, il l'avait amendée et elle s'était énervée.

A______ et B______, seules personnes qui lui en avaient parlé, lui avaient raconté la même histoire, mais avec un ressenti différent. A______ avait déjà mentionné deux fois l'incident, avant que B______ ne lui en parle, à une seule reprise. Dans la conversation avec ce dernier, il n'avait rien appris de plus que ce que A______ lui avait expliqué, "c'était la même chose".

L'affaire était largement connue dans l'immeuble, voire dans le quartier. Tout le monde, à savoir une grande partie des habitants de l'immeuble et d'autres voisins du quartier, en avait entendu parler. Plus précisément, divers habitants de l'immeuble lui avaient dit que A______ était mal parquée et que le ton était monté avec B______ lorsqu'elle avait été contrôlée ; ils lui avaient également demandé s'il savait ce qui s'était passé.

d.b.d. Entendue par l'IGS, D______ a indiqué avoir eu connaissance du conflit entre A______ et B______ car plusieurs voisins en avaient parlé. Elle n'en avait pas discuté avec A______. Elle a précisé devant le Ministère public que la rumeur portait sur le fait que les précités s'étaient disputés en raison d'une amende infligée par le premier à la seconde parce qu'elle était mal parquée.

B______, qu'elle avait croisé et à qui elle avait demandé en plaisantant s'il traumatisait la voisine, lui avait dit s'être disputé avec A______ et l'avoir amendée car elle était mal garée, suite à quoi cette dernière n'était pas contente du fait qu'elle ne s'était absentée que quelques minutes. B______ avait ajouté que des plaintes allaient éventuellement être déposées de part et d'autre (selon ses déclarations à l'IGS), ou qu'il y avait eu un dépôt de plainte (selon ses déclarations au MP). Elle imaginait qu'il s'agissait de plaintes réciproques.

B______ ne lui avait pas donné plus d'informations que ce qu'elle savait déjà par la rumeur, hormis la question des plaintes.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a retenu que le prononcé d'une amende concernant le stationnement du véhicule de A______ par des agents de la police municipale, parmi lesquels B______, le désaccord et les motifs exprimés par la contrevenante, l'altercation qui s'en était suivie, le recours à la police cantonale et la soumission de la contrevenante à un éthylotest étaient des informations confidentielles et sensibles, qui relevaient de l'activité officielle de la police et ne devaient pas être diffusées à des tiers.

En revanche, ces informations n'avaient pas été révélées par B______ lorsqu'il les avait évoquées avec C______ et D______, car ceux-ci en avaient déjà une connaissance fiable et complète, dès lors qu'ils en avaient été préalablement informés par A______ elle-même ou des membres du voisinage, à savoir des sources directement concernées ou témoins des faits visés. Il n'existait pas d'indices concrets que les propos de B______ eussent renforcé ou complété une incertitude de ses destinataires sur le sujet.

Par ailleurs, l'information relative à des plaintes réciproques de A______ et de B______ ne constituait pas un fait appris par ce dernier à raison de sa charge officielle dans la mesure où il était personnellement visé et avait lui-même agi à titre personnel.

En définitive, "bien que B______ ait violé son devoir de discrétion en évoquant avec ses voisins son litige avec A______, ce dont il aurait dû s'abstenir, les éléments constitutifs de l'infraction de violation du secret de fonction (art. 320 CP) [n'étaient] pas réalisés".

D. a. Dans son recours, A______ relève que la Chambre de céans avait, dans son arrêt du 8 novembre 2022 (cf. supra B.b.), bien que confirmant l'ordonnance de non-entrée en matière, sévèrement critiqué le comportement de B______, s'interrogeant sur les conséquences de son zèle et la "coloration chicanière" de ses actes. Elle-même avait été reconnue coupable d'injure mais exemptée de toute peine du fait que B______ avait directement provoqué l'injure.

En tout état, les éléments constitutifs de l'infraction à l'art. 320 CP étaient réalisés :

Le Ministère public ne pouvait sans arbitraire admettre une violation du devoir de discrétion, tout en tolérant que des agents publics renseignent des tiers en se référant à des rumeurs et confirment ainsi ces rumeurs en étant exonérés de toute peine.

Les deux témoins en cause n'avaient pas une connaissance complète et fiable des faits, dont ils n'avaient pas été témoins et dont les deux parties avaient elles-mêmes des versions divergentes. Dans ces circonstances, B______ ne devait en aucun cas révéler à des tiers sa version des faits, qu'elle-même voulait garder secret.

Si elle avait brièvement informé C______ de la situation, celui-ci avait pris l'initiative de demander à B______ "ce qui s'était passé" ce qu'il n'aurait pas fait s'il avait eu une connaissance complète et fiable des faits. C______ avait également indiqué que des voisins lui avaient demandé "s'il savait", preuve que lesdits voisins n'en avaient pas non plus de connaissance complète et fiable. Quant à D______, elle avait interpellé B______ sur la base de rumeurs, lesquelles ne correspondaient précisément pas à une connaissance fiable et complète des faits. Ici aussi, si elle avait interpellé B______, c'était bien qu'elle ignorait ce qui s'était passé.

La jurisprudence ne définissait pas la notion de "connaissance fiable et complète", mais le Tribunal fédéral avait dénié à la rumeur la qualité de fait public (arrêt du Tribunal fédéral 6B_532/2017 du 28 février 2018). La doctrine également confirmait que l'obligation de tenir secret un fait ne s'éteignait pas quand ledit secret était appris sur la base d'une rumeur. Il était donc nécessaire de savoir si les deux tiers concernés avaient ou non des connaissances fiables et complètes, question qu'il reviendrait au juge du fond de trancher in fine. En tout état, comme c'était le cas en l'espèce, un secret pouvait être révélé même si le destinataire le connaissait ou le présumait, si la communication en cause renforçait ou complétait cette connaissance, le renseignement donné ayant valeur de confirmation officielle (ATF 75 IV 71 = JdT 1949 IV 92 ; arrêt de la Cour d'appel pénal vaudoise dans la cause PE21.018652-PBR du 5 octobre 2023).

Le secret sur les dossiers pénaux relevait en l'espèce également de l'intérêt de la Commune de E______, ce que B______ avait bien compris puisque ce n'était qu'à la fin de sa dernière audition qu'il avait admis avoir eu des discussions avec les témoins. En particulier, la révélation par B______ du dépôt de plainte par G______ constituait une violation du secret de fonction, a fortiori en ce que la plainte visait le comportement du premier en tant que fonctionnaire et non à titre personnel. Au moment de la discussion entre B______ et D______, l'enquête sur ce qui aurait été dit ou non était en cours et devait rester secrète. B______ avait d'ailleurs été rendu attentif, lors de son dépôt de plainte, qu'il devait garder le silence au sujet de la procédure. Quoiqu'il en soit, lorsqu'il l'en avait informé, D______ ignorait qu'il avait déposé plainte contre elle, elle-même n'en ayant été informée que le 25 novembre 2020 lors de son audition par la police. Il y avait donc bien eu révélation.

Enfin, B______ aurait, selon C______, expliqué "son ressenti" de l'affaire, lequel faisait partie du secret du fonctionnaire, qui englobait non seulement des faits et informations mais également la perception, l'appréciation ou les opinions.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             La recourante reproche au Ministère public d'avoir classé la procédure au motif que l'intimé n'avait pas révélé de secret.

3.1. Selon l'art. 319 al. 1 let. b CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis.

En principe, un classement ne peut être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 146 IV 68 consid. 2.1; 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2 et les références citées).

3.2. Se rend coupable de violation du secret de fonction au sens de l'art. 320 CP quiconque révèle un secret à lui confié en sa qualité de membre d'une autorité ou de fonctionnaire, ou dont il avait eu connaissance à raison de sa charge ou de son emploi.

3.2.1. Constituent un secret tout fait dont la connaissance est réservée à un cercle limité de personnes, dont le caractère confidentiel est voulu par l'intéressé et pour lequel il existe un intérêt légitime au maintien du secret (ATF 142 IV 65 consid. 5.1 ;
127 IV 122 consid. 1 et les références citées = JdT 2002 IV 119 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_599/2015 du 25 février 2016 consid. 2.2.1). La définition de l'infraction repose sur une conception matérielle du secret (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht II : Art. 111-392 StGB, 3e éd., Bâle 2013, n. 8 ad art. 320 CP ; G. STRATENWERTH / F. BOMMER, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil II : Straftaten gegen Gemeininteressen, 7e éd., Berne 2013, § 61 n. 5).

L'art. 320 CP protège principalement l'intérêt de la collectivité à la discrétion des fonctionnaires et membres des autorités, nécessaire à l'accomplissement sans entrave des tâches de l'État (arrêt du Tribunal fédéral 6B_599/2015 du 25 février 2016 consid. 2.2.1). L'intérêt des particuliers au secret peut toutefois également être touché (ATF 142 IV 65 consid. 5.1).

3.2.2. Révèle un secret au sens de l'art. 320 ch. 1 CP celui qui le confie à un tiers non habilité à le connaître ou qui permet que ce tiers en prenne connaissance
(ATF 145 IV 491 consid. 2.3.2 ; 142 IV 65 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_891/2023 du 16 février 2024 consid. 2.2.2). Un secret peut être révélé même si le destinataire connaît ou présume le fait à garder secret, si une telle communication renforce ou complète ses connaissances (ATF 75 IV 71 = JdT 1949 IV 92, relatif à la divulgation d'un secret par un médecin; S TRECHSEL/H. VEST, Praxiskommentar StGB, 4ème éd. 2021, n° 8 ad art. 320 CP; NIKLAUS OBERHOLZER, Grundzüge des Strafprozessrechts, 3ème éd. 2012, n° 10 ad art. 320 CP; JEAN-MARC VERNIORY, in Commentaire romand, Code pénal II, 1ère éd. 2017, n° 29 ad art. 320 CP). En revanche, il n'y a pas violation du secret lorsque le tiers à qui l'information est communiquée en possède déjà une connaissance fiable et complète (arrêts du Tribunal fédéral 6B_891/2023 du 16 février 2024 consid. 2.2.1).

3.3. En l'espèce, le Ministère public retient que les faits évoqués par le mis en cause étaient bien couverts par le secret, de sorte que de plus amples développements sur ce point ne sont pas nécessaires, y compris sur la question du ressenti du mis en cause.

Le Ministère public considère en revanche que l'intéressé ne les a pas révélés puisque les deux tiers entendus dans la procédure P/1______/2021 en avaient déjà alors une connaissance fiable et complète.

Sur ce point, ces deux tiers ont été entendus chacun à trois reprises, dans le cadre de la procédure P/1______/2021 et dans le cadre de la présente procédure. Ils ont tous deux déclaré n'avoir rien appris de nouveau lors de leur discussion avec le mis en cause. Il peut dès lors être retenu qu'ils avaient une connaissance complète des faits, dont le contenu s'était déjà répandu dans le quartier. Qu'ils aient voulu ensuite en parler avec le mis en cause, sur un sujet qui faisait l'objet de bavardages dans le quartier, ne suffit ainsi pas à retenir que celui-ci aurait complété les informations en leur possession. Il sera relevé, outre que les faits se sont déroulés sur la voie publique et sous les yeux de plusieurs voisins, que la recourante elle-même, si elle a commencé par le nier, ne s'est pas retenue d'en parler, avec l'un des deux tiers ainsi qu'avec une autre voisine, de sorte qu'elle ne peut de bonne foi soutenir avoir voulu garder les faits secrets.

Quant à la mention, par le mis en cause, des dépôts de plaintes, il peut être retenu que le précité, bien qu'agent municipal, était concerné personnellement par celles-ci de sorte qu'il pouvait en faire mention. L'éventuel avertissement qui lui avait été fait de ne pas parler de la procédure constituait, cas échéant, une infraction à l'art. 292 CP, lequel ne confère, là encore, aucun droit à la recourante elle-même.

Ces éléments suffisent à retenir que le mis en cause n'a pas révélé de secret au sens de l'art. 320 CP.

Qu'il ait possiblement violé son devoir de discrétion, ce qui relèverait du droit disciplinaire et non du droit pénal, ne donne aucun droit à la recourante dont elle pourrait se prévaloir dans la présente procédure, pas plus que les articles 73 CPP ou 39 LIPAD.

On ne voit finalement pas quels autres actes d'instruction non encore effectués permettraient d'instruire d'avantage les faits de la cause.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6.             Corrélativement, aucun dépens ne lui sera alloué (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Catherine GAVIN et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/9928/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00