Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/549/2025 du 15.07.2025 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/21222/2023 ACPR/549/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mardi 15 juillet 2025 |
Entre
A______, représenté par Me B______, avocat,
recourant,
contre l'ordonnance de jonction rendue le 26 mai 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 30 mai 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 26 précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a ordonné la jonction de la procédure P/8898/2025 à la procédure P/21222/2023, sous ce dernier numéro.
Le recourant, qui a déposé son recours en personne, déclare former "opposition" à cette décision.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 30 mai 2023, C______ s'est présentée au poste de police de D______ pour déposer plainte contre A______. Elle lui reprochait, en substance, d'avoir, à Genève, le 27 précédent, vers 5h30, roué de coups de poing et de pied son visage et son corps – lui provoquant des douleurs et de multiples écorchures et hématomes au niveau du front et de la tête et une déformation du 5ème doigt de la main droite –, ainsi que de l'avoir menacée de mort si elle appelait la police.
b. Le 12 avril 2024, le Ministère public du canton de Genève a ouvert une instruction, contre A______, sous le numéro de procédure P/21222/2023, pour lésions corporelles simples (art. 123 CP) et tentative de menaces (art. 22 cum 180 CP).
Le même jour, il a émis un mandat d'arrêt à l'encontre du précité.
c. Le 26 mars 2025, A______ a été interpellé par la police bernoise et prévenu par le Ministère public du canton de Berne (région E______) d'infractions aux art. 90, 91, 94, 95 et 97 LCR, 19 et 19a LStup, et 286 CP (procédure référencée BJS 25 6084). Il lui était notamment reproché d'avoir, le jour de son interpellation, à F______:
- conduit un véhicule, muni de plaques volées, sous l'influence de stupéfiants et sans être titulaire d'un permis de conduire;
- pris la fuite lors d'un contrôle policier en provoquant une course poursuite à grande vitesse, puis d'avoir abandonné le véhicule pour tenter d'échapper à l'interpellation et
- été trouvé en possession de 187.72 g de résine de cannabis, ainsi que d'un tournevis "suspect".
d. Le Tribunal régional des mesures de contrainte du E______ a prononcé, par ordonnance du 28 mars 2025, sa mise en détention provisoire, laquelle a été prolongée jusqu'au 25 juin 2025.
e. Plusieurs actes d'enquête ont été menés dans le cadre de la procédure bernoise (auditions par la police et le Procureur, perquisitions, extraction des données contenues dans le téléphone, analyses ADN). A______ a également été entendu sur les faits reprochés par C______.
f. Par ordonnance du 20 mai 2025, le Ministère public du canton de Genève a accepté la reprise de for s'agissant de la procédure ouverte dans le canton de Berne à l'encontre de A______. Ces faits ont été référencés sous le numéro de procédure P/8898/2025.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a retenu justifiée la jonction des procédures, au regard de la qualité des parties et de la connexité des faits, ainsi que dans l'intérêt de la bonne administration de la justice.
D. a. Dans son recours, A______ expose ne pas connaître C______ et ne pas vouloir entrer en contact avec elle. Par ailleurs, cela faisait plus de deux mois qu'il était en détention et ce, même si le dossier ne recelait aucun élément tangible à son encontre. Enfin, il souhaitait que la procédure arrive à son terme.
b. Le 17 juin 2025, le Ministère public a tenu une audience de confrontation entre A______ et C______.
Le même jour, il a ordonné la mise en liberté du prévenu.
c. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant s'oppose à la jonction des procédures.
3.1. L'art. 29 CPP règle le principe de l'unité de la procédure. Il prévoit qu'il y a lieu de poursuivre et juger, en une seule et même procédure, l'ensemble des infractions reprochées à un même prévenu. Le principe de l'unité de la procédure tend à éviter les jugements contradictoires et sert l'économie de la procédure (ATF 138 IV 29 consid. 3.2; ATF 138 IV 214 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_428/2018 du 7 novembre 2018 consid. 3.2).
De façon générale, l'art. 49 CP impose la règle de l'unité des poursuites qui veut que les infractions commises en concours doivent être réprimées dans un seul et même jugement et qu'un seul juge doive se prononcer sur l'ensemble des faits qui peuvent être reprochés à un délinquant. Cette solution permet d'éviter la multitude de jugements rendus à l'encontre du même prévenu, le prononcé d'une peine complémentaire ou peine d'ensemble, ainsi que les frais liés à toute nouvelle procédure. En ce sens, les intérêts de l'auteur sont préservés. La solution choisie par le législateur tend aussi à éviter des jugements contradictoires, que cela soit au niveau de la constatation de l'état de fait, de l'appréciation juridique ou de la fixation de la peine (ATF 138 IV 214 consid. 3; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Code de procédure pénale, 2ème éd., Bâle 2016, n. 3 ad art. 29).
3.2. Selon l'art. 30 CPP, si des raisons objectives le justifient, le ministère public et les tribunaux peuvent ordonner la jonction ou la disjonction de procédures pénales. Cette disposition prévoit la possibilité de déroger au principe de l'unité de la procédure. Une telle dérogation exige toutefois des raisons objectives, ce qui exclut de se fonder, par exemple, sur de simples motifs de commodité (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 2 ad art. 30).
La disjonction des causes en vertu de l'art. 30 CPP doit cependant rester l'exception et l'unité de la procédure la règle, dans un but d'économie de procédure, d'une part, mais aussi afin de prévenir le prononcé de décisions contraires, d'autre part. Ainsi, le Tribunal fédéral a considéré qu'en vertu du principe de l'unité de la procédure, le ministère public était tenu de joindre des procédures à l'encontre du même prévenu quand bien même la nature des infractions était fort différente, en l'occurrence violences domestiques et escroquerie (ATF 138 IV 214 consid. 3.6 et 3.7).
Des procédures pourront être disjointes, par exemple, lorsque plusieurs faits sont reprochés à un auteur et que seule une partie de ceux-ci est en état d'être jugée, la prescription s'approchant (ATF 138 IV 214 consid. 3.2). Elles pourront également l'être en présence de difficultés liées à un grand nombre de coauteurs dont certains seraient introuvables, lorsqu'une longue procédure d'extradition est mise en œuvre ou encore en cas de violation du principe de la célérité (arrêts du Tribunal fédéral 1B_230/2019 du 8 octobre 2019 consid. 3.4; 1B_428/2018 du 7 novembre 2018 consid. 3.2). Des raisons d'organisation des autorités de poursuite pénale ne suffisent pas (ATF 138 IV 214 consid. 3.2).
La violation du principe de la célérité justifie également l'application de l'art. 30 CPP; l'art. 5 al. 2 CPP impose d'ailleurs une diligence particulière lorsqu'un prévenu est placé en détention (arrêt du Tribunal fédéral 1B_684/2011 du 21 décembre 2011 consid. 3.2 in fine).
3.3. En l'espèce, le recourant est prévenu dans les deux procédures concernées. Conformément au principe de l'unité de la procédure, les faits qui lui sont reprochés – et les infractions qui y sont associées – doivent donc en principe être poursuivis conjointement, quand bien même ils seraient de nature différente. En outre, la jonction querellée présente l'avantage d'éviter de devoir rendre deux décisions au fond à l'encontre du recourant.
Aucune raison objective ne milite pour que les faits soient poursuivis séparément, ce d'autant plus que le recourant n'est plus détenu. L'avancement des deux causes apparaît par ailleurs à un stade équivalent, de sorte qu'on ne voit pas en quoi une jonction serait susceptible de retarder sensiblement leur traitement. Ainsi, même sous l'angle de la célérité, la jonction n'apparait pas critiquable.
Pour le surplus, le recourant n'invoque aucun argument susceptible de remettre en cause le bien-fondé de l'ordonnance entreprise, se limitant à plaider le fond de la cause, respectivement à contester sa – précédente – détention.
Au vu de ce qui précède, l'ordonnance querellée, conforme aux réquisits des art. 29 et 30 CPP, ne prête pas le flanc à la critique.
4. Le recours sera rejeté.
5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
6. Le recourant ayant agi seul pour la procédure de recours, il n'y a pas lieu à indemniser son défenseur.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour lui son défenseur, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/21222/2023 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 715.00 |
Total | CHF | 800.00 |