Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/543/2025 du 14.07.2025 sur ONMMP/4793/2024 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/7289/2024 ACPR/543/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du lundi 14 juillet 2025 |
Entre
A______, représentée par Me François MEMBREZ, avocat, WAEBER AVOCATS, rue Verdaine 12, 1211 Genève 3,
recourante,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière et de refus de réquisitions de preuves rendue le 30 octobre 2024 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte déposé le 11 novembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 30 octobre 2024, notifiée le 1er novembre 2024, par laquelle le Ministère public a refusé ses réquisitions de preuves et d'entrer en matière sur sa plainte.
La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il procède à une instruction et à l'audition de plusieurs personnes qu'elle énumère.
b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'500.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. B______ a été employé en qualité d'inspecteur au sein de [l'association] C______ (ci-après : « C______ ») du 1er février 2014 au 29 août 2022, date de son licenciement. A______ a été sa supérieure hiérarchique à compter du début de l'année 2020.
b. Le 29 août 2023, il a déposé, par l'intermédiaire de son avocat, une requête en conciliation au Tribunal des Prud'hommes concluant à la nullité de son congé, exposant avoir été victime de harcèlement de la part de A______, notamment parce qu'il a fait valoir des droits relevant de son contrat de travail [chiffre 12 de la requête de conciliation].
c.a. L'audience de conciliation s'étant soldée par une autorisation de procéder, son conseil a introduit une demande en paiement le 20 décembre 2023, laquelle a été adressée à l'employeur de A______ et transmise à cette dernière le 10 janvier 2024.
c.b. Dans cette seconde écriture, B______ soutient avoir été harcelé par A______, notamment parce qu'il a fait valoir des droits relevant de son contrat de travail et refusé de céder à ses avances inappropriées [chiffre 14 de la demande en paiement].
Dès sa prise de poste, A______ avait adopté un comportement inadapté à son égard, notamment en lui "faisant des avances, le complimentant sur son physique de manière suggestive et en lui proposant des rendez-vous, chez elle, en tête-à-tête". À titre d'exemple, lorsqu'il s'était présenté pour la première fois, elle lui avait imposé une "interminable poignée de mains, en le complimentant de manière suggestive et gênante sur ses beaux yeux. Il avait refusé "chacuneDaut de ses propositions insistantes et inappropriées" [lettre F de la demande en paiement].
En fin d'année 2020, A______ avait organisé une sortie de bureau à Lucerne avec toute l'équipe de collaborateurs. Ayant "manifestement jeté son dévolu sur [lui]", il avait découvert, en arrivant à l'hôtel, qu'elle lui avait réservé une suite, alors que ses collègues disposaient d'une chambre simple. Le soir, elle avait proposé à toute l'équipe de boire un dernier verre dans cette suite et, lorsque ces derniers avaient regagné leurs chambres respectives, A______ avait fait en sorte d'être la dernière, se retrouvant seule avec lui. Elle s'était alors montrée "très entreprenante", souhaitant passer la nuit avec lui, ce qu'il avait poliment refusé. A______ n'entendant manifestement pas quitter la chambre pour autant, il avait prétendu téléphoner à une amie et avoir un rendez-vous avec celle-ci. A______, qui n'avait pas apprécié être repoussée de la sorte, avait fini par quitter la chambre. Depuis lors, elle avait "radicalement" changé d'attitude à son égard et l'avait "pris pour cible". Il s'était alors trouvé victime de pressions constantes, soit des remontrances sur son travail, des propos sarcastiques et humiliants lors de séances communes ou encore des remarques dégradantes sur son expression orale ou écrite. En outre, A______ lui avait commandé de suivre des formations alors que les autres employés n’y étaient pas obligés. Elle avait également adopté une " attitude très colérique " envers lui, le convoquant dans son bureau en criant et en le pointant du doigt pour qu’il approche et s’exécute immédiatement, précisant qu’au printemps 2022, les pressions qu’il avait subies de sa part s’étaient accentuées.
d. En date du 20 mars 2024, A______ a déposé plainte contre B______ pour calomnie, contestant les propos tenus par ce dernier dans ses écritures.
Elle n'avait jamais fait d'avances à B______, ni l'avait complimenté sur son physique ou invité chez elle en tête-à-tête. S'agissant du week-end à Lucerne, les chambres avaient été distribuées de manière aléatoire et aucune "suite" n'avait été réservée pour B______, bien que la chambre de ce dernier se soit avérée plus grande que celle des autres. Durant la soirée, en pleine pandémie de COVID, l'équipe s'y était alors retrouvée pour y partager le repas. Elle avait quitté la chambre en même temps que deux collègues et ne s'y était à aucun moment trouvée seule avec B______. Les accusations de "mobbing" étaient également fausses et des propositions de formations avaient été faites à sa demande (à lui).
Les propos litigieux réalisaient ainsi les éléments constitutifs de l’infraction de calomnie au sens de l’art. 174 CP.
À l’appui de sa plainte, A______ a sollicité l’audition d'autres inspecteurs au sein de la C______.
e. À la police, B______ a contesté les faits qui lui étaient reprochés, confirmant en substance les déclarations faites dans sa demande en paiement auprès du Tribunal des Prud’hommes et affirmant avoir été victime de harcèlement sexuel et psychologique de la part de A______. Il a ajouté que lorsqu'elle tenait des propos déplacés et qu'elle l'invitait à des têtes à têtes, ils étaient toujours seuls. À une reprise, elle avait indiqué "là je suis tranquille", faisant allusion au fait que sa fille se trouvait à l'étranger et qu'il s'agissait clairement d'une invitation à la rejoindre. Il a cependant précisé que lors de la sortie d'équipe à Lucerne, A______ avait finalement quitté sa chambre en même temps que les autres collègues, "D______" et "E______" et il était resté seul. Avant de partir, elle avait cependant dit à ces derniers "allez-y", sous-entendant qu'elle allait elle-même rester et il avait fait semblant d'avoir une conversation téléphonique avec une amie qui devait le rejoindre pour qu'elle parte également.
f. E______ – également l'un des inspecteurs auprès de la C______ cité par A______ – a exposé que B______ n’avait pas dormi dans une suite lors de la sortie à Lucerne fin 2020, mais avait disposé d'une chambre un peu plus grande, raison pour laquelle ils s’y étaient tous retrouvés pour boire un verre. A______ avait quitté la chambre en même temps que lui, et B______ était resté seul. Il avait été très surpris que B______ accusât A______ de lui avoir fait des avances et aurait été victime d’un harcèlement psychologique. En effet, les collègues avaient toujours pensé que B______ était le « chouchou de la direction », précisant que A______ était une personne gentille qui était toujours là pour aider tout le monde, alors que B______ se victimisait beaucoup et allait souvent voir les responsables.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public n'a pas donné suite aux réquisitions de preuves sollicitées, compte tenu du prononcé d’une ordonnance de non-entrée en matière. Les auditions requises étaient par ailleurs inutiles et n'étaient pas de nature à modifier sa position.
Sur le fond, il constate que les propos litigieux étaient contenus dans une demande en paiement adressée par le prévenu au Tribunal des Prud’hommes. Cette demande avait été adressée à une juridiction civile dont les membres étaient soumis au secret de fonction. Dès lors, l'ensemble des personnes qui avaient pris connaissance des propos de B______ étaient soumis au secret. Aucune atteinte à l'honneur ne pouvait ainsi être retenue.
D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public une constatation erronée et incomplète des faits, ce dernier s'étant contenté de retenir que B______ avait en substance confirmé ses déclarations devant la police, alors qu'il avait varié dans ses explications.
La demande en paiement avait été adressée à son employeur. Ainsi, la C______, et donc ses représentants, soit des tiers, avaient également pris connaissance des propos de B______. Le Ministère public ne pouvait dès lors retenir que les éléments constitutifs de la calomnie n'étaient manifestement pas réalisés.
Les propos attentatoires à l'honneur adressés à des personnes astreintes au secret professionnel devaient en effet être punissables lorsque l'auteur connaissait la fausseté de ses allégations. Le Ministère public aurait ainsi dû instruire et déterminer si B______ savait que ses propos étaient dénués de fondement. Ce dernier avait au demeurant admis, lors de son audition par la police, qu'il ne s'était pas retrouvé seul dans la chambre avec elle, ce qui avait été confirmé par E______. Les soupçons de calomnie étaient ainsi suffisants et justifiaient l'ouverture d'une instruction.
Enfin, le Ministère public ne pouvait écarter les réquisitions de preuves, puisque l'ordonnance de non-entrée en matière devait être annulée. Les auditions sollicitées étaient de plus propres à établir la vérité et portaient sur des faits pertinents.
b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours.
Même à considérer que les assertions tenues par B______ puissent être constitutives de diffamation, voire calomnie, le fait qu'elles eussent été adressées à un tribunal justifiait une non-entrée en matière fondée sur l'art. 52 CP. La demande en paiement était certes dirigée contre la C______, mais seuls ses membres, au nombre de quatre (y compris la recourante) avaient pris connaissance de son contenu, en sus du Tribunal et des avocats. Elle avait donc été adressée à un cercle de destinataires astreint au secret de fonction/professionnel, de surcroît avertis. La recourante n'a au demeurant pas allégué avoir subi un dommage concret et la culpabilité du mis en cause apparaissait de peu d'importance. Partant, les faits – eussent-ils été constitutifs de calomnie – ne revêtaient pas un degré de gravité tel qu'il faille les sanctionner pénalement.
c. Dans sa réplique, A______ persiste dans ses conclusions. Les propos adressés au Tribunal dans le cadre d'une procédure judiciaire n'excluaient pas une atteinte à l'honneur et n'avaient pas pour effet de réduire la culpabilité de B______ d'une façon telle qu'elle constituerait un motif d'exemption de peine au sens de l'art. 52 CP. De plus, tous les membres du comité de la C______ avaient pris connaissance de la demande, soit dix personnes. Tous ses collègues avaient été informés de l'existence de la procédure et des propos tenus, et les audiences devant le Tribunal des Prud'hommes étaient publiques. Enfin, les infractions protégeant l'honneur étaient des délits de mise en danger abstraite, de sorte qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir exposé son dommage.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée
(art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).
Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. La recourante se plaint d'une constatation inexacte des faits.
Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.
Partant, ce grief sera rejeté.
4. La recourante reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.
4.1. Selon l'art. 310 al. 1 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a) ou qu'il existe des empêchements de procéder (let. b).
Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (arrêt 6B_196/2020 précité ; ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1 ; ATF 137 IV 219 consid. 7).
4.2. L'art. 173 ch. 1 CP réprime, sur plainte, le comportement de quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, ou propage une telle accusation ou un tel soupçon.
4.3. La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue par le fait que les allégations attentatoires à l'honneur sont fausses, que l'auteur a connaissance de la fausseté de ses allégations et qu'il n'y a, dès lors, pas de place pour les preuves libératoires prévues par l'art. 173 CP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1286/2016 du 15 août 2017 consid. 1.2).
4.4. L'honneur protégé par ces dispositions est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'Homme. La réputation relative à l'activité professionnelle n'est pas pénalement protégée; il en va ainsi des critiques qui visent la personne de métier, même si elles sont de nature à blesser ou à discréditer. En revanche, il y a atteinte à l'honneur, même dans ce domaine, si la commission d'une infraction pénale est évoquée (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.2).
Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut se fonder non pas sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon la signification qu'un destinataire non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.3).
Un texte doit être analysé non seulement en fonction des expressions utilisées, prises séparément, mais aussi selon le sens général qui se dégage du texte dans son ensemble (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.3; 137 IV 313 consid. 2.1.3). Il doit également être tenu compte des titres et des intertitres, dont la typographie met en évidence le texte et qui frappent ainsi l'attention du lecteur. Ils sont sensés résumer l'essentiel du contenu du texte mais peuvent induire en erreur des lecteurs qui ne lisent que ceux-ci si leur contenu ne correspond pas à celui de l'article. Il convient de se placer du point de vue du lecteur moyen et de retenir l'impression que les allégations ont faite sur une personne non prévenue, dotée de connaissances moyennes et d'une pleine capacité de jugement (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.3).
4.5. Pour qu'il y ait diffamation ou calomnie, il faut encore que le prévenu s'adresse à un tiers. Est en principe considérée comme telle toute personne autre que l'auteur et l'individu visé par les propos litigieux (ATF 145 IV 462 consid. 4.3.3).
Des déclarations objectivement attentatoires à l'honneur peuvent toutefois être justifiées par le devoir d'alléguer des faits dans le cadre d'une procédure
(ATF 135 IV 177 consid. 4). L'art. 14 CP dispose en effet que celui qui agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du code pénal ou d'une autre loi. La licéité de l'acte est, en tous les cas, subordonnée à la condition qu'il soit proportionné à son but (ATF 107 IV 84 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 6B_960/2017 du 2 mai 2018 consid. 3.2; 6B_507/2017 du 8 septembre 2017 consid. 3.4). Ainsi, tant la partie que son avocat peuvent se prévaloir de l'art. 14 CP à condition de s'être exprimés de bonne foi, de s'être limités à ce qui est nécessaire et pertinent et d'avoir présenté comme telles de simples suppositions (ATF 131 IV 154 consid. 1.3.1; 123 IV 97 consid. 2c/aa; 118 IV 248 consid. 2c et d; 116 IV 211 consid. 4a).
4.6. Dans le cadre d'un procès, une atteinte à l'honneur ne doit être admise que restrictivement, surtout si les propos litigieux ne s'adressent qu'aux membres d'une autorité judiciaire, qui sont à même de faire la part des choses (ACPR/342/2025 du
7 mai 2025 consid. 3.2.2; B. CORBOZ, La diffamation in SJ 1992 p. 646; LU : II. K. 22.02.2005; LGVE 2005 I no 55).
4.7. Aux termes de l'art. 52 CP, si la culpabilité de l’auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l’autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.
4.8. En l'espèce, la recourante se plaint d'avoir été accusée à tort, dans une écriture déposée par le mis en cause dans la procédure prud'homale opposant ce dernier à son ancien employeur, de lui avoir fait subir un harcèlement psychologique et sexuel. De tels propos pourraient a priori être de nature à jeter sur elle le soupçon d'une conduite contraire à l'honneur et de porter atteinte à sa réputation.
Cela étant, concernant le harcèlement moral, les critiques du mis en cause concernent pour l'essentiel les compétences professionnelles de la recourante, en particulier son attitude en qualité de supérieure hiérarchique, lui reprochant de l'avoir pris pour cible après la sortie d'équipe à Lucerne, précisant avoir été victime depuis lors de pressions constantes, soit des remontrances sur son travail, de propos sarcastiques et humiliants et d'être obligé de suivre des formations. Les éléments précités ne dépassent ainsi pas ce qui peut être généralement admis dans le cadre d'une procédure judiciaire et sont de plus en lien avec les prétentions du mis en cause. S'agissant du harcèlement sexuel allégué, le mis en cause décrit certaines situations durant lesquelles la recourante lui aurait, selon lui, fait des avances, en lui tenant trop longtemps les mains ou en sous-entendant qu'elle souhaitait des tête-à-tête, ou encore en restant dans sa chambre après le départ des autres collègues lors de la sortie à Lucerne. De tels comportements imputés à sa supérieure hiérarchique – sans qu'il ne puisse être établi que ceux-ci ont effectivement eu lieu, les faits s'étant déroulés à huis clos – pourraient s'apparenter à un comportement inapproprié, voire pénal. Le fait que le mis en cause ait varié de version sur l'issue de la soirée à Lucerne – indiquant dans un premier temps que la recourante était restée dans la chambre, pour expliquer par la suite qu'il avait eu peur qu'elle n'y demeure alors que les autres collègues étaient sur le point de partir – ne permet pas encore de retenir la fausseté de ses allégations et l'inexistence d'une forme de harcèlement. Que ce dernier se fût senti intimidé et eût dû prétendre d'appeler une amie – élément admis tant par la recourante que par le collègue auditionné par la police et présent au moment des faits – relève ainsi de son sentiment interne et n'est pas de nature à ternir la réputation de la recourante au point de l'exposer au mépris en tant qu'être humain. Dès lors, un des éléments constitutifs des infractions contre l'honneur pouvant entrer en ligne de compte fait défaut.
À cela s'ajoute que les propos litigieux ont été adressés aux juges des Prud'hommes exclusivement, soit devant une autorité astreinte au secret de fonction et ainsi à un cercle limité. Ils revêtent une importance pour déterminer si une indemnité pour harcèlement ou atteinte à sa personnalité doit être versée, le mis en cause y concluant, et se trouvaient ainsi en lien direct avec la procédure civile. Contrairement à ce que soutient la recourante, pour la première fois au stade du recours, aucun élément ne permet de retenir que l'écrit litigieux aurait été transmis à d'autres tiers, tels que des collègues non concernés par la procédure prud'homale, mais uniquement aux membres de la direction. La diffusion paraît ainsi mesurée et confidentielle.
Enfin, par surabondance de motifs, même à considérer que l'infraction de calomnie devait être avérée, le dommage causé – dans le cadre de la procédure judiciaire – est suffisamment bénin pour confirmer l'application, à titre subsidiaire, de l'art. 52 CP. En effet, les propos, conformément à ce qui précède, ont été adressés exclusivement à un cercle restreint et averti. Le fait que des collègues de la recourante en aient au final eu connaissance – ce qui n'est aucunement établi – ne peut être pris en considération, puisqu'il s'agit de faits qui ne font pas l'objet de la plainte pénale.
Partant, les propos litigieux ne peuvent être réprimés par l'art. 174 CP. Faute de prévention pénale suffisante, c'est à bon droit que le Ministère public a renoncé à entrer en matière sur l'infraction dénoncée et aucune mesure d'instruction ne paraît être à même de modifier ce constat. En effet, la confrontation des parties conduirait à constater qu'elles divergent dans leurs déclarations. Le mis en cause a expliqué, lors de son audition par la police, qu'il s'était toujours trouvé seul avec la recourante lorsqu'elle avait tenu des propos déplacés. L'audition de E______ n'a pas permis de contredire ce qui précède. Ainsi, celle des autres témoins, même de façon contradictoire, ne pourrait pas être de nature à apporter la lumière sur ces points.
5. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
6. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à
CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). Ce montant sera compensé avec l'avance de frais versée.
7. Corrélativement, aucun dépens ne lui sera octroyé.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés à CHF 1'500.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.
La greffière : Séverine CONSTANS |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/7289/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 1'415.00 |
Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9) | CHF | 1'500.00 |