Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/17949/2023

ACPR/467/2025 du 23.06.2025 sur ONMMP/4436/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;DIFFAMATION;CALOMNIE
Normes : CPP.310; CP.173; CP.174; CP.14

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17949/2023 ACPR/467/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 23 juin 2025

 

Entre

A______, domicilié c/o B______, ______ [VS], agissant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 10 octobre 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 29 octobre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 10 octobre 2024, notifiée le 19 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte à l'encontre de C______ et Me D______.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour instruction.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. C______ et A______ se sont mariés le ______ 2019. Ils se sont séparés le 12 octobre 2020. Une procédure de divorce est actuellement pendante devant le Tribunal de E______ (Valais).

b. Dans le cadre de cette procédure, le conseil de C______, Me D______, a déposé une écriture, au nom de sa mandante, le 17 mai 2023, dans laquelle il expliquait notamment que, peu après la séparation, A______ avait commencé à réclamer le remboursement de certains frais payés pour le compte de son épouse, la mettant "sous pression par de nombreuses demandes insistantes et désobligeantes". Toujours selon cette écriture, en mars 2021, il l'avait amenée en voiture sur une aire isolée d'une station-service afin de parler des modalités du divorce. Il lui avait alors soumis une convention et avait exigé d'elle qu'elle la signât, – ce qu'elle avait fait, ne se sentant pas en sécurité –, alors qu'elle ne parlait pas le français et ne pouvait ainsi en comprendre le contenu. Il lui avait de plus indiqué, à tort, que la convention ne contenait aucune obligation financière.

c. A______ a déposé plainte pénale le 16 août 2023 contre C______ et Me D______ pour calomnie, voire diffamation et tentative de contrainte. L'écriture du 17 mai 2023 contenait "des faits attentatoires à [son] honneur" "calomnieux" et "inacceptables", C______ affirmant qu'il l'aurait "forcée" à signer la convention, qu'il aurait exercé des pressions sur elle et qu'elle n'aurait pas compris le texte.

d. Invité à se déterminer, Me D______ a indiqué le 12 octobre 2023 que l'écriture ne mentionnait pas que A______ aurait "forcé" C______ à signer la convention. Les termes employés dans le cadre de la procédure de divorce étaient proportionnés et conformes à ce qui était généralement admis. L'écriture avait été rédigée en se fondant sur les faits exposés par C______. Il a produit en annexe un courriel de cette dernière du 31 juillet 2023, confirmant que les allégués correspondaient à la réalité, ainsi que des échanges de messages entre les époux, dont il ressort que A______ avait demandé à de nombreuses reprises, avec insistance, à C______ qu'elle remboursât ce qu'elle lui devait. Cette dernière avait, plusieurs fois, sollicité qu'il lui indiquât le montant à rembourser et fait savoir qu'elle était dans l'impossibilité de restituer une quelconque somme dans l'immédiat.

e. Par courrier du 12 octobre 2023, C______ a également confirmé la véracité des faits décrits dans l'écriture du 17 mai 2023. Elle a annexé le procès-verbal de l'audience du 18 août 2023, lors de laquelle elle avait également confirmé ses allégations.

C. Dans son ordonnance, le Ministère public a retenu que Me D______ s'était contenté de reprendre, dans son mémoire, exclusivement adressé à un magistrat, les propos rapportés par sa mandante, dans la mesure où ils étaient pertinents pour la liquidation du régime matrimonial. Les termes employés par les mis en cause étaient purement factuels et ne pouvaient être qualifiés d'excessifs au regard du contexte conflictuel qui opposait les époux. Aucune atteinte à l'honneur ne pouvait ainsi être retenue tant pour C______ que pour son avocat. Dans tous les cas, Me D______ avait agi dans le cadre de l'exercice de sa profession d'avocat et les allégués, même à considérer qu'ils fussent attentatoires à l'honneur, n'étaient pas sans rapport avec la procédure de divorce, de sorte que ce dernier pouvait se prévaloir de son devoir professionnel.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte, alors que les allégations mensongères contenues dans l'écriture du 17 mai 2023 remettaient en question son honneur et lui avaient causé du tort psychologiquement. C______ avait de plus admis lui devoir ces montants et avait reconnu, par message, avoir signé la convention, l'avoir comprise et souhaiter le rembourser. Cette dernière avait agi "au-delà de ce qui [était] admissible en [l]e dépeignant comme un homme violent, intimidant et un profiteur", alors qu'il lui suffisait d'indiquer qu'elle ne confirmait pas le contenu de la convention. Me D______ avait également outrepassé son devoir professionnel, puisqu'il ne pouvait ignorer que les faits décrits étaient inexacts. L'ordonnance querellée était également inopportune. Le Ministère public aurait ainsi dû ouvrir une instruction, procéder à des actes d'instruction, notamment l'audition des personnes concernées, et prendre connaissance du dossier civil.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.

3.1.       Selon l'art. 310 al. 1 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a) ou qu'il existe des empêchements de procéder (let. b).

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (arrêt 6B_196/2020 précité ; ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1 ; ATF 137 IV 219 consid. 7).

3.2.       L'art. 173 ch. 1 CP réprime, sur plainte, le comportement de quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, ou propage une telle accusation ou un tel soupçon.

L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'homme (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.2; ATF 137 IV 313 consid. 2.1.1; ATF 132 IV 112 consid. 2.1).

L'auteur n'encourt aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il a des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies (art. 173 ch. 2 CP).

3.3.       La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue par le fait que les allégations attentatoires à l'honneur sont fausses, que l'auteur a connaissance de la fausseté de ses allégations et qu'il n'y a, dès lors, pas de place pour les preuves libératoires prévues par l'art. 173 CP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1286/2016 du 15 août 2017 consid. 1.2).

3.4.        Dans le cadre d'un procès, une atteinte à l'honneur ne doit être admise que restrictivement, surtout si les propos litigieux ne s'adressent qu'aux membres d'une autorité judiciaire, qui sont à même de faire la part des choses (ACPR/342/2025 du 7 mai 2025 consid. 3.2.2; B. CORBOZ, La diffamation in SJ 1992 p. 646; LU : II. K. 22.02.2005; LGVE 2005 I no 55).

3.5.       Aux termes de l'art. 14 CP, quiconque agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du présent code ou d'une autre loi.

Des déclarations objectivement attentatoires à l'honneur peuvent toutefois être justifiées par le devoir d'alléguer des faits dans le cadre d'une procédure (ATF
135 IV 177 consid. 4). L'art. 14 CP dispose en effet que celui qui agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du code pénal ou d'une autre loi. La licéité de l'acte est, en tous les cas, subordonnée à la condition qu'il soit proportionné à son but (ATF 107 IV 84 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 6B_960/2017 du 2 mai 2018 consid. 3.2; 6B_507/2017 du 8 septembre 2017 consid. 3.4). Ainsi, tant la partie que son avocat peuvent se prévaloir de l'art. 14 CP à condition de s'être exprimés de bonne foi, de s'être limités à ce qui est nécessaire et pertinent et d'avoir présenté comme telles de simples suppositions (ATF 131 IV 154 consid. 1.3.1; 123 IV 97 consid. 2c/aa; 118 IV 248 consid. 2c et d;
116 IV 211 consid. 4a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_632/2022 du 6 mars 2023 consid. 2.5.1).

3.6.       En l'espèce, le recourant se plaint d'avoir été accusé, dans une écriture déposée dans la procédure de divorce, d'avoir exercé des pressions sur son épouse pour l'amener à signer une convention. De tels propos pourraient a priori être de nature à jeter sur lui le soupçon d'une conduite contraire à l'honneur et porter atteinte à sa réputation.

Cela étant, les propos litigieux ont été adressés par l'avocat au juge du divorce exclusivement et revêtent une importance dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial. Ils se trouvaient ainsi en lien avec la procédure de divorce.

Dans le contexte sus-décrit, le fait de soutenir que sa mandante ne souhaitait en réalité pas signer la convention de divorce – dont elle n'avait pas compris la portée –, mais l'avait fait à la suite de nombreuses demandes de remboursement du recourant, ne dépasse pas ce qui peut être généralement admis dans le cadre d'une procédure judiciaire. Ces demandes sont au demeurant attestées par des messages échangés entre les époux. Le recourant ne conteste de plus pas avoir amené C______ sur une aire de station-service "isolée" afin de lui soumettre la convention litigieuse et qu'elle la signât. Que cette dernière se fût sentie intimidée et eût signé parce qu'elle ne se sentait pas en sécurité relève de son sentiment interne et n'est dès lors pas de nature à ternir la réputation de la personne visée au point de l'exposer au mépris en tant qu'être humain.

En outre, replacés dans leur contexte, les termes dénoncés paraissent justifiés sous l'angle de l'art. 14 CP, en lien avec le devoir d'allégation de l'avocat. Selon la jurisprudence précitée, toute partie peut invoquer cette disposition, à la condition de s'être exprimée de bonne foi, de s'être limitée aux déclarations nécessaires et pertinentes et d'avoir présenté comme telles de simples suppositions. Or, aucun élément, mis à part les déclarations du recourant, ne permet de retenir que les mis en cause auraient agi en connaissant la fausseté de leurs allégations et n'auraient pas été de bonne foi.

Partant, les propos litigieux ne peuvent être réprimés par l'art. 173 CP, ni a fortiori par l'art. 174 CP, cette infraction étant une forme qualifiée de diffamation. Faute de prévention pénale suffisante, c'est à bon droit que le Ministère public a renoncé à entrer en matière sur les infractions dénoncées, tant à l'égard de son ex-épouse que de l'avocat de cette dernière. Aucune mesure d'instruction ne paraît être à même de modifier ce constat.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Valérie LAUBER, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Valérie LAUBER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/17949/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00