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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/15100/2009

ACPR/113/2025 du 06.02.2025 sur OTDP/912/2024 ( TDP ) , REJETE

Descripteurs : JUGEMENT PAR DÉFAUT;ABSENCE;EXCUSABILITÉ
Normes : CPP.368; CPP.114

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15100/2009 ACPR/113/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 6 février 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Nicola MEIER, avocat, HAYAT & MEIER, place du Bourg-de-Four 24, case postale 3504, 1211 Genève 3,

recourant,

 

contre l'ordonnance rendue le 22 avril 2024 par le Tribunal de police,

 

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 3 mai 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 22 avril 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal de police a rejeté sa demande de nouveau jugement, dit que le jugement rendu par défaut le 30 octobre 2023 restait valable et mis les frais de la procédure à sa charge.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement à l'administration de preuves complémentaires en lien avec son incident cardiaque du 4 mars 2024, notamment en lui impartissant un délai pour produire toute pièce médicale probante; principalement à l'annulation de l'ordonnance querellée; subsidiairement au renvoi de la cause devant le Tribunal de police.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. En septembre 2009, le Ministère public a ouvert une procédure pénale contre A______, né en 1970, le soupçonnant d'avoir commis des infractions d'escroquerie et faux dans les titres, étant souligné que d'autres procédures ont été jointes à la présente pour différents chefs de prévention.

b.a. le 2 août 2016, A______ a sollicité la suspension de la procédure en raison de "graves problèmes de santé, notamment sur le plan cardiaque".

b.b. Il a réitéré sa demande par courriers des 9, 22 septembre et 21 décembre 2016.

b.c. À l'appui de ses demandes, il a produit divers certificats médicaux établis par la Dre B______, cardiologue, attestant de son incapacité totale de travail dès le 18 janvier 2016. Le 12 mai 2016, elle a indiqué qu'il devait, pour des raisons médicales, "éviter autant que possible toute forme de tension, stress, anxiété, susceptible d'influer négativement sur son système cardio-vasculaire". Sa cardiologue a confirmé son diagnostic le 11 septembre 2017.

c. Par mandat d'expertise du 9 juin 2020, le Ministère public a demandé aux experts C______, assistée de la Dre D______ [remplacée le Dr E______], et du Prof. F______, spécialiste en cardiologie, de répondre à la question suivante :

"L'examen du prévenu met-il en évidence un trouble physique qui a pour conséquence de l’empêcher de prendre part aux débats dans la présente procédure ?

Si oui, pour quelle durée et dans quelle mesure (incapacité de compréhension, d'expression et/ou de déplacement) ?

Il est rappelé que la capacité de prendre part aux débats suppose la capacité de discernement et comporte que le prévenu puisse participer aux audiences et aux actes de la procédure, en étant apte à répondre normalement aux question qui lui sont posées au sens de l'art. 114 CPP".

Au préalable, il était demandé aux experts de prendre connaissance de la procédure et de s'entourer de tous renseignements utiles, y compris du dossier médical du ou des médecins traitants du prévenu ainsi que d'examiner celui-ci et décrire son état physique.

d. Dans leur rapport du 30 avril 2021, les experts mentionnent que A______ avait refusé de se présenter à l'examen médical auquel il avait été convoqué et n'avait pas libéré ses médecins traitants du secret médical. L'expertise avait ainsi été établie sur la base du dossier de la procédure remis par le Ministère public et des éléments médicaux communiqués le 28 janvier 2021 par l'intéressé. Il était retenu que A______ avait présenté une pathologie cardiaque grave en novembre 2015, laquelle avait été traitée, avec succès, entre fin 2015 et courant 2016. Les documents produits permettaient de relever, entre 2016 et 2018, une bonne évolution et une stabilisation de son état de santé. En l'absence d'autres documents ultérieurs, hormis des certificats annuels émanant du même cardiologue, les experts considéraient que l'intéressé bénéficiait d'un suivi cardiologique régulier et que son état de santé semblait s'être stabilisé depuis 2017. Selon eux, il n'existait pas de trouble physique susceptible de l'empêcher de prendre part aux débats.

e. Par pli de son conseil du 30 juillet 2021, A______ a affirmé n'avoir "jamais refusé de se présenter à l'examen médical". Il avait informé les experts qu'il ne pouvait pas s'y rendre sous peine de "mettre sa vie en péril" dès lors qu'il présentait un "profil de risque extrêmement élevé au COVID". Désormais vacciné, il sollicitait formellement d'être convoqué une nouvelle fois afin de compléter l'expertise "en lien avec sa situation sur le plan cardiologique".

f. Par avis du 23 décembre 2021, le Ministère public a annoncé la prochaine clôture de l'instruction et le classement partiel de certaines infractions en raison de la prescription, impartissant aux parties un délai au 14 janvier 2022 pour déposer leurs réquisitions de preuves.

g. Dans le délai prolongé par le Ministère public, A______ a, le 1er février 2022, persisté dans sa demande de complément d'expertise, subsidiairement sollicité l'audition des experts.

h. Par ordonnance du 15 décembre 2022, le Ministère public a rejeté cette réquisition de preuve.

i. Par acte d'accusation du même jour, A______ a été renvoyé en jugement par devant le Tribunal de police.

j.a. Le 6 juillet 2023, le Tribunal de police a cité A______ à comparaître personnellement à une audience de jugement fixée le 18 septembre 2023.

Il y était expressément mentionné, en caractère gras, que si A______ "ne donn[ait] pas suite au mandat de comparution du 18 septembre 2023, sans excuse valable, les deuxièmes débats ser[aient] conduits le 20 octobre 2023, cas échéant en [son absence] et le jugement pourra[it] être rendu par défaut (art. 366 et ss CPP)".

j.b. Ce pli est revenu à son expéditeur avec la mention "non réclamé".

k. Par lettre de son conseil du 30 août 2023, A______ a réitéré sa demande de complément de l'expertise rendue le 30 avril 2021 "en vue de déterminer [sa] capacité ou non […] à prendre part aux débats". Dans l'intervalle, ceux-ci devaient être ajournés.

À l'appui, il a produit une copie d'un certificat médical établi le 3 août 2023 par le Dr G______, cardiologue, attestant que, pour des raisons de santé, il devait éviter "actuellement et tant que les investigations médicale n'[étaient] pas finies les situations engendrant un stress important ou une contrariété, notamment celles pouvant être engendrées par une audience en présentiel au tribunal".

Il a également remis deux convocations des HUG des 3 et 4 août 2023, la première pour un contrôle, le 23 août 2023, de son défibrillateur, et la seconde pour un IRM cardiaque, le 5 octobre 2023.

l. Dans sa réponse du lendemain, le Tribunal de police a demandé à A______ de lui transmettre la copie de ses dossiers médicaux depuis le 1er janvier 2021 et de compléter le formulaire de levée du secret médical en vue de déterminer sa capacité de participer aux débats.

Il a précisé que les audiences étaient maintenues.

m. A______ n'a pas produit les documents requis. Dans sa lettre du 13 septembre 2023, il fait valoir que le Tribunal n'était pas compétent pour recevoir de tels documents médicaux, dont le versement au dossier porterait gravement atteinte à sa personnalité. Il persistait dans les termes de son courrier du 30 août 2023, considérant que les documents produits attestaient de sa pathologie sévère et "souten[aient] à elles seules [son] incapacité à prendre part aux débats".

n. Le 14 septembre 2023, le Tribunal de police a refusé de reporter les débats.

o. A______ n'a pas comparu à l'audience de jugement du 18 septembre 2023.

Le Tribunal a procédé à l'ouverture des débats, constaté la présence des personnes citées à comparaître ainsi que l'absence de A______, dont le conseil a expliqué avoir le mandat de le représenter seulement pour l'examen "de la question préjudicielle". Il a invité les parties à s'exprimer "sur la question du défaut du prévenu et des conséquences à en tirer sous l'angle de l’art. 366 al. 1 ou 3 CPP". Après les plaidoiries des parties présentes, le Tribunal a constaté le défaut de A______, rejeté la question préjudicielle de la défense sur l'administration d'un complément d'expertise et admis celle portant sur l'audition des experts. Il a noté que, avec l'accord des parties, les experts désignés par le CURML seraient ensuite convoqués, avant de clore les débats.

p.a. Par mandat du 2 octobre 2023, le Tribunal de police a cité A______ à comparaître personnellement à l'audience de jugement du 30 octobre 2023. Il annonçait l'audition des experts C______ et F______.

p.b. Ce pli est revenu à son expéditeur avec la mention "non réclamé".

q. Le 13 octobre 2023, par son conseil, A______ a sollicité la rectification du procès-verbal de l'audience du 18 septembre précédent. Il se référait à la page de garde du classeur du Tribunal de police, selon laquelle cette audience avait été "reconvoquée". Son défaut ne pouvait pas être constaté puisque les seconds débats, annoncés le 20 octobre 2023, avaient été annulés et que l'audience du 18 septembre 2023 se poursuivrait le 30 octobre 2023.

r. Par lettre du 23 octobre 2023, le Tribunal de police a refusé de rectifier le procès-verbal, précisant que la date de l'audience avait été modifiée pour tenir compte des disponibilités des experts.

s.a. A______ ne s'est pas présenté aux débats du 30 octobre 2023. Son conseil a annoncé qu'il était autorisé à le représenter seulement pour l'examen de sa capacité à participer aux débats.

Le Tribunal de police a entendu les experts, lesquels ont confirmé leur rapport du 30 avril 2021, corrigeant une erreur de plume. Ils ont également répondu aux questions du conseil du prévenu en lien avec le certificat médical du 3 août 2023 et les convocations à des examens ambulatoires [contrôle du défibrillateur le 23 suivant; IRM cardiaque le 5 octobre 2023], retenant que ces éléments ne permettaient pas de retenir une dégradation de l'état de santé de l'intéressé ni une incapacité à se présenter à une convocation judiciaire.

Statuant sur question préjudicielle, il a rejeté les réquisitions de preuves de A______ [production de courriels entre les experts et d'une note téléphonique avec le Ministère public] et engagé la procédure par défaut, considérant que le prévenu avait refusé de se présenter aux débats.

Les demandes de récusation du Ministère public et des experts, formées par la défense, ont été rejetées par la Chambre de céans dans son arrêt du 28 février 2024 (ACPR/148/2024), confirmé par le Tribunal fédéral (arrêt 7B_443/2024 du 26 juillet 2024).

s.b. Statuant par défaut, le Tribunal de police a acquitté A______ des accusations d'escroquerie par métier en lien avec l'une des partie plaignante, faux dans les titres, détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice et gestion fautive. Il l'a reconnu coupable d'escroquerie par métier, faux dans les titres et abus de confiance envers d'autres plaignants, le condamnant à une peine privative de liberté de 18 mois, avec sursis durant trois ans.

s.c. Le pli notifiant le dispositif dudit jugement est revenu à son expéditeur avec la mention "non réclamé".

t. A______ a, le 9 novembre 2023, formé opposition au jugement par défaut.

u. Le même jour, il a également annoncé faire appel dudit jugement.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Tribunal de police renvoie à son jugement du 30 octobre 2023 dans lequel il a examiné la capacité de A______ à prendre part aux débats (cf B.l.a. à m.h.) et décrit l'organisation des débats et l'audience de jugement (cf C.a. à j.c.). Il considère, en substance, ne pas disposer d'éléments permettant de s'écarter de l'expertise du 30 avril 2021, étant souligné que le précité avait refusé de lui remettre la copie de ses dossiers médicaux depuis 2021 et de lever ses médecins du secret médical. Les experts s'étaient prononcés, en audience, sur le certificat du 3 août 2023 et les convocations aux rendez-vous médicaux, relevant qu'aucun de ces documents n'attestait d'une aggravation de son état de santé susceptible d'empêcher sa comparution. Le Tribunal retient ainsi que A______ a fait défaut aux débats sans excuse valable, de sorte que la demande de nouveau jugement devait être rejetée.

D. a. À l'appui de son recours, A______ reproche au Tribunal de police ne pas avoir apporté la preuve de son incapacité de comparaître. Les experts – qui avaient relevé, lors de leur audition, que les maladies cardio-vasculaires étaient évolutives – n'avaient pas remis en cause la validité du certificat médical du 3 août 2023 ni formulé d'observations sur la contre-indication d'éviter des situations de stress. Le 4 mars 2024 à 7h32, il avait été victime d'une crise cardiaque – confirmée par le Service de cardiologie des HUG – ce qui attestait de la "dégradation nette et inquiétante" de son état de santé. Cette "information pertinente (et alarmante)" confirmait qu'aucune faute ne pouvait lui être imputée. Il sollicitait que la Chambre de céans ordonne, préalablement, l'administration de preuves complémentaires en lien avec cet incident dès lors qu'il n'avait pas eu suffisamment de temps pour obtenir les pièces permettant de l'attester.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé dans le délai et la forme prescrits (art. 396 al. 1 et 385 al. 1 CPP), concerner une décision du Tribunal de police sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             En l'espèce, le recourant a déposé un recours devant la Chambre de céans contre la décision du Tribunal de police qui refuse sa demande de nouveau jugement, mais également un appel contre le jugement au fond rendu par défaut par cette même juridiction. L'objet de la présente procédure de recours est donc limité à l'examen du caractère excusable ou non de son absence à l’audience du 30 octobre 2023 (cf art. 368 al. 3 CPP). Le point de savoir si le Tribunal de police pouvait valablement engager la procédure par défaut (art. 366 CPP) fera, le cas échéant, l'objet de la procédure d'appel; il ne sera pas traité ici.

3.1. En dépit de sa formulation française pouvant prêter à confusion, l'art. 368 al. 3 CPP vise bien le défaut du condamné à l'audience de jugement lors de laquelle la procédure par défaut a été engagée (arrêts du Tribunal fédéral 7B_121/2022 du 18 juillet 2023 consid. 5.1.1; 6B_141/2013 du 18 avril 2013 consid. 1). Malgré les termes "sans excuse valable", c'est une absence fautive du condamné qui permet au tribunal de rejeter la demande de nouveau jugement. Le refus implique que le condamné se soit soustrait aux débats de façon manifestement fautive. Il doit être fait droit à la demande de nouveau jugement lorsqu'il n'est pas établi de manière indubitable que c'est volontairement que le prévenu ne s'est pas présenté aux débats (arrêts du Tribunal fédéral 7B_121/2022 du 18 juillet 2023 consid. 5.1.1 ; 6B_1165/2020 du 10 juin 2021 consid. 4.1). Selon le Message du Conseil fédéral, la réglementation devrait se rapprocher du régime des cantons les plus libéraux qui accordaient au prévenu le droit à un nouveau jugement sans poser aucune condition préalable, tout en permettant d'exclure les abus flagrants (arrêt du Tribunal fédéral 6B_931/2015 du 21 juillet 2016 consid. 1.2).

L'absence n'est pas fautive lorsqu'il y a impossibilité objective (cas de force majeure) ou subjective (maladie, accident, etc.; arrêts du Tribunal fédéral 7B_121/2022 du 18 juillet 2023 consid. 5.1.1; 6B_1165/2020 du 10 juin 2021 consid. 4.1; cf. aussi ATF 126 I 36 consid. 1b). En revanche, fait défaut sans excuse valable le prévenu qui, ayant reçu la citation à comparaître, ne se présente pas, alors qu'il lui aurait été possible (en cas d'empêchement non fautif) de demander un report des débats ou, à tout le moins, de présenter un justificatif en temps utile. En effet, le prévenu est tenu de donner suite au mandat de comparution; en cas d'empêchement, il doit en informer l'autorité "sans délai" (art. 205 al. 1 et 2 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_453/2020 du 23 septembre 2020 consid. 2.3.1).

3.2. L'art. 6 CEDH garantit à l'accusé le droit d'être jugé en sa présence. Il s'ensuit qu'une procédure par défaut n'est compatible avec cette disposition que si le condamné a la possibilité de demander qu'une juridiction statue à nouveau, après l'avoir entendu, sur le bien-fondé de l'accusation, en fait comme en droit (arrêt de la CourEDH Sejdovic c. Italie du 1er mars 2006 [GC], § 81 s. et les arrêts cités). Ce principe supporte cependant quelques atténuations. Ainsi, la CEDH n'empêche pas une personne de renoncer de son plein gré, de manière expresse ou tacite, aux garanties d'un procès équitable, en particulier à son droit d'être jugé en contradictoire. Elle exige seulement que la renonciation au droit de participer à l'audience se trouve établie de manière non équivoque et qu'elle ait été entourée du minimum de garanties correspondant à sa gravité (arrêt de la CourEDH Sejdovic c. Italie précité, § 86 et les arrêts cités). Enfin, sous réserve que les sanctions procédurales prévues ne soient pas disproportionnées et que l'accusé ne soit pas privé du droit d'être représenté par un avocat, la CourEDH juge que le législateur national doit pouvoir décourager les absences injustifiées aux audiences (arrêt de la CourEDH Sejdovic c. Italie précité, § 92 et les arrêts cités). Dès lors, la CourEDH admet qu'une personne condamnée par défaut puisse se voir refuser la possibilité d'être jugée en contradictoire si les trois conditions cumulatives suivantes sont remplies: premièrement, il est établi que cette personne avait reçu sa citation à comparaître; deuxièmement, elle n'a pas été privée de son droit à l'assistance d'un avocat dans la procédure par défaut; et, troisièmement, il est démontré qu'elle avait renoncé de manière non équivoque à comparaître ou qu'elle avait cherché à se soustraire à la justice (cf. arrêts de la CourEDH Medenica c. Suisse du 14 juin 2001, § 55 ss; Sejdovic c. Italie précité, § 105 ss a contrario). À propos de cette dernière condition, la CourEDH a précisé qu'il ne devait pas incomber à l'accusé de prouver qu'il n'entendait pas se dérober à la justice ou que son absence s'expliquait par un cas de force majeure, mais qu'il était loisible aux autorités nationales d'évaluer si les excuses fournies par l'accusé pour justifier son absence étaient valables ou si les éléments versés au dossier permettaient de conclure que l'absence de l'accusé aux débats était indépendante de sa volonté (arrêt CourEDH Sejdovic c. Italie précité, § 88 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 7B_121/2022 du 18 juillet 2023 consid. 5.2; cf. aussi arrêts 6B_496/2022 du 27 octobre 2022 consid. 4.7; 6B_561/2021 du 24 août 2022 consid. 1.1.2; 6B_562/2019 du 27 novembre 2019 consid. 1.1.3).

3.3. Le prévenu est capable de prendre part aux débats s'il est physiquement et mentalement apte à les suivre (art. 114 al. 1 CPP). Il suffit qu'il soit en état physique et psychique de participer aux audiences et aux actes de la procédure, en faisant usage de tous les moyens de défense pertinents et en étant apte à répondre normalement aux questions qui lui sont posées. Les exigences pour admettre une telle capacité ne sont pas très élevées, dans la mesure où le prévenu peut faire valoir ses moyens de défense par un avocat. Elles peuvent aussi être remplies si l'accusé n'a pas la capacité de discernement ni l'exercice des droits civils. En principe, seul le jeune âge, une altération physique ou psychique sévère ou encore une grave maladie sont de nature à influencer cette capacité. La capacité de prendre part aux débats s'examine au moment de l'acte de procédure considéré (arrêts du Tribunal fédéral 7B_121/2022 du 18 juillet 2023 consid. 5.1.2; 6B_561/2021 du 24 août 2022 consid. 1.1.3 et les références citées).

3.4. Ont été par exemple tenues pour fautives, au vu des circonstances, l'absence d'un prévenu dont les certificats médicaux n'attestaient d'aucune incapacité à se déplacer d'Irlande en Suisse pour comparaître aux débats, alors qu'il avait voyagé ailleurs en Europe avant et après la date de ceux-ci, sans que sa santé n'eût connu d'évolution (arrêt du Tribunal fédéral 6B_205/2016 du 14 décembre 2016 consid. 2.4), celle d'un prévenu au bénéfice d'une attestation médicale lui déconseillant de voyager (arrêt du Tribunal fédéral 6B_946/2017 du 8 mars 2018 consid. 2.4), ou encore celle d'un prévenu ayant préféré se rendre à des conférences organisées par son employeur, dont il n'avait pas démontré le caractère obligatoire en vue de conserver son emploi (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1277/2015 du 29 juillet 2016 consid. 3.3.2). De la même manière, l'absence du prévenu pour des problèmes de santé causés par le décès de proches parents, sans autre certificat médical ni indications sur la nature des soins lui ayant été prodigués, n'a pas été considérée comme justifiée (arrêts du Tribunal fédéral 1P.1/2006 du 10 février 2006 consid. 2.2; 7B_121/2022 du 18 juillet 2023 consid. 5.1.3).

Dans une autre affaire, la prévenue avait produit plusieurs certificats médicaux, dont l'un, postérieur aux débats et émanant d'un praticien qui n'était pas son médecin traitant, exprimait une impossibilité de se déplacer à des audiences à partir d'une certaine date (antérieure aux débats). Il a été retenu que cette expression catégorique devait s'apprécier avec une certaine circonspection et qu'il convenait bien plutôt de s'attacher aux autres certificats du médecin traitant de la prévenue, qui étaient plus détaillés et nuancés sur la question de la mobilité. De manière générale, l'ensemble de ces pièces était orienté vers l'évaluation de l'aptitude professionnelle, et non vers un diagnostic péremptoire et univoque d'une impossibilité de se déplacer quelques jours de Paris à Genève pour assister à des débats (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1034/2017 du 26 avril 2018 consid. 1.2, 1.4 et 2.2). De même, l'existence d'une excuse valable au sens de l'art. 368 al. 3 CPP a été déniée à l'égard d'un prévenu ayant présenté un épisode dépressif, et dont le psychiatre avait établi un certificat médical disposant que son patient n'était pas en mesure de répondre aux questions du tribunal et qu'il ne pouvait pas être entendu "de façon optimale". Les juges cantonaux n'avaient pas versé dans l'arbitraire en estimant que, moyennant quelques aménagements pour pallier un éventuel état de fatigue du prévenu, les éléments du dossier ne permettaient pas de retenir qu'un tel état de fatigue, même conjugué à d'autres troubles, aurait temporairement entraîné une incapacité totale de prendre part à l'audience, le prévenu étant du reste assisté d'un défenseur apte à faire valoir ses droits et, le cas échéant, de s'interposer (arrêts du Tribunal fédéral 6B_561/2021 du 24 août 2022 consid. 1.3; 7B_121/2022 du 18 juillet 2023 consid. 5.1.3).

En revanche, une excuse valable à l'absence du prévenu a été retenue en présence de plusieurs certificats médicaux attestant qu'il n'était pas capable de voyager et qu'un grand risque de détérioration de son état de santé existait (arrêts du Tribunal fédéral 6B_268/2011 du 19 juillet 2011 consid. 1.4.4 ; 7B_121/2022 du 18 juillet 2023 consid. 5.1.3).

3.5. En l'espèce, le recourant conteste avoir été "dûment cité", au sens de l'art. 368 al. 3 CPP, au motif que l'audience du 18 septembre 2023 [les premiers débats] aurait été reconvoquée le 30 octobre 2023.

Or, il ressort du procès-verbal de l'audience que les débats, ouverts le 18 septembre 2023, ont porté seulement sur le constat de la présence, respectivement l'absence des parties, les conséquences du défaut du prévenu et la demande de complément d'expertise. Le Tribunal n'a procédé à aucune administration de preuve, ni à aucun acte d'instruction. Il a ensuite convoqué le prévenu, absent, à une nouvelle audience de jugement, conformément à l'art. 366 al. 1 CPP, celle-ci remplaçant l'audience prévue le 20 octobre 2023 pour tenir compte de la disponibilité des experts.

Ce procédé ne prête pas flanc à la critique, de sorte que le grief du recourant sera rejeté.

3.6. Reste la question de savoir si le recourant avait la capacité de comparaître à l'audience du 30 octobre 2023 (art. 114 CPP) et si son absence était excusable (art. 368 al. 3 CPP.

Dans cette mesure – conformément à la jurisprudence citée ci-dessus (cf. 3.3.) – seule la capacité du recourant au moment de l'audience est déterminante. Par conséquent, l'incident cardiaque – qui serait survenu le 4 mars 2024, soit plus de quatre mois après l'audience de jugement – n'a pas à être examiné, faute de l'avoir empêché de participer aux débats en question.

Comme mentionné ci-dessus, les exigences pour admettre la capacité de prendre part aux débats ne sont pas très élevées puisque le prévenu peut faire valoir ses moyens par son conseil.

Lors de l'audience de jugement, les experts ont confirmé la teneur de leur rapport du 30 avril 2021, en particulier en lien avec l'absence de nouvelles données permettant de retenir que l'état de santé du recourant se serait péjoré depuis 2018. Les allégations contraires de l'intéressé – qui a de manière constante refusé de lever ses médecins traitants du secret médical – ne sont nullement étayées. Le certificat médical du 3 août 2023, établi trois mois avant l'audience de jugement, se limite à faire état d'investigations médicales en cours, sans préciser dans quelle mesure celles-ci l'empêcheraient de se déplacer et de comparaître aux débats. De même, les convocations aux HUG pour des examens ambulatoires ne permettent pas de déduire une telle incapacité, étant souligné que si les résultats desdits examens, en particulier l'IRM cardiaque réalisé le 5 octobre 2023, avaient été inquiétants, le recourant n'aurait pas manqué d'en aviser le Tribunal.

Dans ces circonstances, le premier juge était fondé à retenir, au vu des éléments du dossier, que le recourant avait refusé de participer aux débats, sans excuse valable, de sorte que ceux-ci pouvaient être conduits en son absence.

4.             Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, arrêtés à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6.             Aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 436 al. 2 CPP a contrario).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, au Tribunal de police et au Ministère public.

Le communique, pour information, à la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/15100/2009

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00