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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/20260/2024

ACPR/917/2024 du 09.12.2024 sur ONMMP/4554/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;CONTRAINTE(DROIT PÉNAL);GESTION DÉLOYALE;ESCROQUERIE;ENTREPRISE DE SÉCURITÉ
Normes : CPP.310; CP.181; CP.158; CP.146

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/20260/2024 ACPR/917/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 9 décembre 2024

 

Entre

A______, représentée par Me François ROULLET, avocat, ROULLET & ASSOCIES, rue Ferdinand-Hodler 11, 1207 Genève,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 15 octobre 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 28 octobre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 15 octobre 2024, notifiée le surlendemain, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte pour escroquerie et gestion déloyale déposée à l'encontre de B______ SA, qui lui aurait sciemment facturé des montants indus.

La recourante conclut à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour complément d'instruction, sous suite de frais judiciaires et dépens.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

Le 3 septembre 2024, A______ a déposé plainte pénale contre B______ SA, société sise à Genève et dont le but est, en substance, la vente et la maintenance de systèmes de sécurité.

Elle avait conclu un contrat d'abonnement de télésurveillance avec cette société le 29 mai 2015, ce afin de protéger son appartement. B______ SA mettait à disposition le matériel nécessaire et gérait les éventuelles interventions de C______ SA, société spécialisée dans la surveillance et la protection. En contrepartie, elle s'engageait à payer un montant de CHF 139.32 par mois. L'abonnement était conclu pour une durée initiale de 48 mois.

Une alarme s'était déclenchée, sans raison décelable, le 22 juillet 2015, provoquant l'intervention de C______ SA.

Les éléments qui précèdent sont attestés par les pièces produites par la plaignante.

Après l'intervention de C______ SA, la plaignante affirme avoir contacté sa conseillère de vente, D______, qui lui avait expliqué que le dispositif fourni n'était pas adapté en raison du chien qu'elle possédait. Il avait été convenu oralement de désactiver l'abonnement et de l'annuler. Aucune protection n'était donc plus assurée depuis cette époque. La société l'avait informée par courrier du 28 octobre 2015 du départ de D______.

Elle avait soudainement reçu un courrier de commination daté du 27 mars 2023, soit plus de trois ans après la fin de l'abonnement prévue contractuellement et alors qu'elle n'avait jamais reçu de facture, ni de rappel. Par ce pli, B______ SA la mettait en demeure de payer CHF 6'390.90 correspondant aux mensualités dues pour la période de septembre 2015 à juin 2019, plus des frais. Il ressort de ce courrier qu'après de "nombreuses tentatives" d'en obtenir le paiement, B______ SA allait lancer des poursuites et résilier le contrat avec effet immédiat. Par courrier du 10 avril 2023, le contrat a été résilié et une visite pour la reprise du matériel annoncée.

Des poursuites ont été initiées par B______ SA : l'opposition au commandement de payer qu'elle a fait notifier à A______ a été levée par jugement de mainlevée provisoire du 21 novembre 2023. Puis, menacée de faillite, A______ a finalement payé son dû en mains de l'Office des poursuites, soit la créance initiale, plus des frais de poursuites.

A______ se considère comme victime d'escroquerie et de gestion déloyale, ainsi que contrainte. B______ SA lui avait, oralement, confirmé que le contrat était résilié depuis longtemps, mais avait pourtant poursuivi, illicitement, le paiement de la redevance. En outre, alors que cette société soutenait avoir fourni des services pendant toutes ces années, elle n'avait rien fait.

Elle propose, à l'appui de ses allégués, l'audition de D______ et de E______, "responsable" de C______ SA.

C. À teneur de l'ordonnance querellée, le Ministère public constate que les faits décrits par la plaignante n'étaient pas constitutifs d'une infraction pénale. Le litige étant civil, l'autorité pénale ne devait pas intervenir. L'existence des créances devait être contestée par les voies idoines, soit essentiellement celles prévues par le droit des poursuites.

D. a. À l'appui de son recours, A______ reprend l'état de faits susdécrit, le complétant en précisant n'avoir pas comparu à l'audience de mainlevée provisoire, ni intenté d'action en libération de dette. Elle invoque que les infractions de contrainte (art. 181 CP), gestion déloyale (art. 157 CP) et escroquerie (art. 146 CP) étaient réalisées. Le litige n'avait pas uniquement un caractère civil. Ainsi, elle avait été contrainte par une poursuite abusive ; ses intérêts avaient été gérés déloyalement par B______ SA qui avait fourni un service déficient, mais qui, pourtant, s'attendait à être rémunérée ; enfin, elle avait été escroquée, car B______ SA avait fautivement prétendu que le contrat n'était pas résilié, en ayant recours à "un édifice de mensonges".

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

 

 

 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             3.1. Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Le ministère public ne peut pas rendre une ordonnance de non-entrée en matière (art. 310 CPP) après avoir ouvert une instruction. Une telle ordonnance doit ainsi être rendue à réception de la plainte et ceci avant qu'il ne soit procédé à de plus amples actes d'enquête et qu'une instruction soit ouverte, sous réserve de quelques opérations simples de la part du ministère public au préalable (L. MOREILLON / A. PAREIN‑REYMOND, Petit commentaire CPP, Bâle 2016, n. 4 ad art. 310; arrêt du Tribunal fédéral 1B_368/2012 du 13 mai 2013 consid. 3.2.). Ainsi, le ministère public peut demander des compléments d'enquête à la police, non seulement lorsqu'il s'agit de compléter un précédent rapport au sens de l'art. 307 CPP, mais aussi lorsque la dénonciation elle-même apparaît insuffisante (arrêt du Tribunal fédéral 1B_368/2012 du 13 mai 2013 consid. 3.2). Lorsqu'il agit ainsi, le ministère public n'ouvre pas d'instruction, et l'enquête se poursuit ou est entamée dans le cadre de l'investigation policière (art. 306 CPP ; A. KUHN/ Y. JEANNERET/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 22 ad art. 309).

Le ministère public doit ainsi être certain que les faits ne sont pas punissables, ce qui est notamment le cas lorsque le litige est d'ordre purement civil (ATF 137 IV 285 consid. 2.3; arrêts du Tribunal fédéral 6B_844/2020 du 24 mars 2021 consid. 2.6 ; 6B_1076/2014 du 7 octobre 2015 consid. 2.6 ; 1B_111/2012 du 5 avril 2012 consid. 3.1).

3.2. Se rend coupable de contrainte, au sens de l'art. 181 CP, quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

Selon la jurisprudence, la contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite, soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est illicite, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux mœurs (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1; 137 IV 326 consid. 3.3.1; 134 IV 216 consid. 4.1). Pour une personne de sensibilité moyenne, faire l'objet d'un commandement de payer pour une importante somme d'argent est, à l'instar d'une plainte pénale, une source de tourments et de poids psychologique, en raison des inconvénients découlant de la procédure de poursuite elle-même et de la perspective de devoir peut-être payer le montant en question. Un tel commandement de payer est ainsi propre à inciter une personne de sensibilité moyenne à céder à la pression subie, donc à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action. Certes, faire notifier un commandement de payer lorsqu'on est fondé à réclamer une somme est licite. En revanche, utiliser un tel procédé comme moyen de pression est clairement abusif, donc illicite (ATF 115 III 18 consid. 3). Autrement dit, il y a une contrainte illicite lorsque la poursuite est abusive (arrêt du Tribunal fédéral 6B_271/2024, 6B_316/2024 du 17 septembre 2024 consid. 2.1.1).

3.3. À teneur de l'art. 158 ch. 1 al. 1 CP, quiconque, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, porte atteinte à ces intérêts ou permet qu'ils soient lésés est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. En outre, selon le ch. 2 de cette disposition, quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, abuse du pouvoir de représentation que lui confère la loi, un mandat officiel ou un acte juridique et porte ainsi atteinte aux intérêts pécuniaires du représenté est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

3.4. À teneur de l'art. 146 al. 1 CP, quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit pas. Il faut encore qu'elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 147 IV 73 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_261/2022 du 2 juin 2023 consid. 3.2.2 et les références citées).

3.5. En l'espèce, la recourante soutient que les trois infractions susdécrites ont été commises par sa cocontractante.

3.5.1. S'agissant de la contrainte, la recourante prétend que la mise en cause aurait recouru à une procédure de faillite injustifiée pour la contraindre à payer un montant indû.

Or, la mise en cause a utilisé la procédure de faillite conformément à son but : le recouvrement d'une somme d'argent qu'elle considérait due. L'on ne se trouve ainsi pas dans le cas de figure où la notification d'un commandement de payer aurait eu pour fin illicite de forcer la recourante à adopter un certain comportement. La recourante ne peut s'en prendre qu'à elle-même, si elle n'a usé d'aucun des moyens à disposition pour faire constater l'inexistence de la créance poursuivie (défaut lors de l'audience de mainlevée, absence d'action en libération de dette). Par définition, le droit des poursuites a pour but de contraindre le débiteur récalcitrant à payer. Utiliser ce moyen licitement ne peut ainsi être constitutif d'une infraction pénale.

La recourante sollicite l'audition d'un "responsable" de C______ SA sans que l'on discerne bien en quoi il serait capable de se prononcer sur l'existence d'une créance d'un tiers, soit la mise en cause, personne morale distincte.

Ces griefs seront rejetés.

3.5.2. S'agissant ensuite de la gestion déloyale, l'argumentaire de la recourante se concentre sur une déloyauté qui aurait été commise par la mise en cause. Celle-ci aurait ainsi manqué à ses devoirs de diligence en ne fournissant pas le matériel idoine et en n'émettant pas de facture régulière.

Pour réaliser l'infraction de gestion déloyale, il manque en tout état un devoir de gestion de la mise en cause, que la recourante n'allègue pas. On cherchera vainement un tel devoir de gestion ou de représentation dans un contrat qui avait pour but la sécurisation d'un appartement par des moyens électroniques.

L'existence d'éventuels moyens de preuves est ainsi sans pertinence ici.

Ces griefs seront eux aussi rejetés.

3.5.3. Enfin, la recourante dénonce une escroquerie commise à son préjudice.

L'argumentation sans substance de la recourante ne peut qu'être rejetée. En effet, la mise en cause a produit un contrat signé, dont la recourante n'allègue pas qu'il serait faux, pour obtenir la mainlevée provisoire de l'opposition. Cela n'a rien d'une tromperie astucieuse, d'autant moins que la recourante n'a, comme il a déjà été dit, usé d'aucun des moyens de défense qu'elle avait à sa disposition pour éviter d'être forcée à payer. Tout au plus, on constate que près d'une année après le prononcé de la mainlevée, elle ne possède toujours pas le moindre élément concret qui soutiendrait sa thèse d'une résiliation qui aurait été convenue oralement et d'entente avec sa contrepartie. Il n'est donc pas question d'un comportement astucieux, même à suivre la thèse de la recourante.

Ici encore, il est difficile de comprendre en quoi la relation avec C______ SA, société tierce, serait propre à déceler une tromperie dans le comportement de la mise en cause.

Ainsi, ces griefs seront rejetés.

3.6. C'est donc à juste titre que le Ministère public a retenu qu'il s'agissait d'un litige purement civil, le droit pénal n'ayant pas vocation à pallier les carences de la recourante dans les procédures de poursuite dirigées contre elle.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), montant qui sera prélevé sur les sûretés versées.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle, son conseil et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/20260/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00