Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/776/2024 du 28.10.2024 sur ONMMP/3944/2024 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/14027/2024 ACPR/776/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du lundi 28 octobre 2024 |
Entre
A______, domicilié ______, agissant en personne,
recourant,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 9 septembre 2024 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 17 septembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 9 septembre 2024, notifiée le surlendemain, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 23 avril 2024.
Sans prendre de conclusions formelles, le recourant déclare "recourir" contre ladite ordonnance.
b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 5 avril 2024, une patrouille de police est intervenue au boulevard 1______ no. ______, à Genève, après qu'un conflit eut éclaté entre un automobiliste qui venait de se faire verbaliser, A______, et un agent de stationnement, B______, conflit ayant donné lieu au dépôt d'une plainte pénale par chacun d'eux.
Lors du dépôt de la sienne, A______ a expliqué que B______ avait verbalisé son véhicule, quand bien même il avait précédemment expliqué au collègue de ce dernier, C______, avoir tout juste payé son stationnement. Il avait pris l'amende, avant de la chiffonner et de la placer dans son veston. B______ l'avait alors frappé avec ses deux mains à la hauteur de sa poitrine, sans toutefois qu'il ne se souvienne si les mains de ce dernier étaient ouvertes ou fermées. Il avait été projeté d'environ trois mètres sur l'arrière et avait chuté, atterrissant sur son avant-bras et son poignet droits. B______ avait également menacé de le mettre au sol et de lui casser le bras s'il osait le toucher. Les deux agents l'avaient par ailleurs traité de "fou" et de "malade". Il avait subi des plaies au poignet et à l'avant-bras droits, ainsi qu'une entorse au genou droit, et avait par ailleurs souffert de douleurs au sternum quelques jours plus tard.
À l'appui de sa plainte, A______ a produit un constat médical du 9 avril 2024 duquel il ressort qu'il présentait des douleurs au coude, au poignet, ainsi qu'au genou. Il était par ailleurs mis en évidence une dermabrasion postérieure de 2cm2 du coude droit, une dermabrasion au niveau de la styloïde cubitale du poignet droit, un épanchement du genou droit et une petite voussure sensible sur le rebord latéral du plateau tibial.
b. C______ a expliqué avoir eu une brève discussion avec A______, lequel lui avait indiqué être sur le point d'aller payer son stationnement. Constatant quelques minutes plus tard que le paiement n'était toujours pas intervenu, B______ avait alors entrepris de verbaliser l'automobiliste. Ce dernier, qui était entre-temps revenu, leur avait demandé ce qu'ils faisaient avant de leur dire "Si vous m'amendez, attention", tout en les pointant du doigt. Il avait ensuite froissé l'amende et s'était dirigé de manière très déterminée et très menaçante, le poing levé, vers B______, qui l'avait repoussé avec ses deux mains, sans violence, de manière proportionnée, afin de se protéger. A______ avait alors reculé et avait trébuché sur le parterre entourant un arbre, avant de chuter. À aucun moment, son collègue n'avait menacé A______. Tout au plus lui avait-il dit de reculer et de ne pas le toucher, au risque de devoir être repoussé à nouveau.
c. Entendu à deux reprises par la police, B______ a, de manière constante, contesté avoir frappé A______, admettant toutefois l'avoir repoussé au niveau du torse avec les mains ouvertes, sans violence, dans un geste "réflexe" et "défensif", dans la mesure où celui-ci était venu à sa rencontre d'une manière agressive en levant son bras avec le poing fermé, tout en faisant un mouvement circulaire avec le bras tendu et en rabattant son poing en direction de son visage, ce qui lui avait fait très peur. Ce geste ne l'avait pas blessé mais l'avait fait reculer d'environ un mètre. A______ s'était ensuite pris les pieds sur une marche de l'ilot central et avait chuté, puis s'était contorsionné et jeté volontairement sur le bas du parechocs d'une autre voiture. L'intéressé lui avait également dit qu'il était médecin et ferait constater ses blessures pour le faire "tomber". Il les avait ensuite provoqués, lui et son collègue, tout en marchant d'un pas assuré, semblant n'avoir aucune douleur, ne se mettant à boiter qu'à l'arrivée des forces de l'ordre. Il a également contesté avoir insulté ou menacé l'automobiliste, se contentant de lui dire qu'il serait obligé de le maitriser au sol en attendant l'arrivée de la police s'il devait revenir vers lui et le toucher.
B______ a produit un rapport d'évènement extraordinaire dans lequel il décrit de la même manière le déroulement des faits.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public considère que les déclarations des parties étaient contradictoires, les explications des personnes présentes sur place ne permettant guère de corroborer la version de A______ s'agissant des coups qu'il alléguait avoir reçus, mais tout au plus d'une bousculade dont on ignorait si elle avait provoqué sa chute. Les lésions constatées médicalement étaient par ailleurs trop peu spécifiques pour établir avec certitude si elles résultaient de coups plutôt que d'une chute accidentelle. En l'absence d'éléments objectifs, il n'était guère possible d'établir une prévention pénale suffisante à l'encontre de B______.
D. a. À l'appui de son recours, A______ indique que l'ordonnance querellée ne prend en compte ni sa version des faits, ni les lésions qu'il avait subies, ni encore une possible collusion entre B______ et son collègue et ami, C______. Elle n'expliquait pas non plus comment il avait pu être propulsé à plus de trois mètres de B______ sans que ce dernier ne le frappât avec toute sa force. Elle ne signalait par ailleurs pas les traces de sa chute, pourtant photographiées par l'agent de police venu sur place. La conclusion de la bousculade était "tirée par les cheveux", étant précisé qu'ils étaient deux à être impliqués et que tant C______ que B______ avaient admis que ce dernier l'avait repoussé.
b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant fait grief au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.
3.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a), qu'il existe des empêchements de procéder (let. b) ou que les conditions mentionnées à l'art. 8 CPP imposent de renoncer à l'ouverture d'une poursuite pénale (let. c).
Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies, c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 8 ad art. 310).
Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le ministère public doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 9 ad art. 310).
3.2. Aux termes de l'art. 123 al. 1 CP est punissable quiconque, intentionnellement, fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé, tels que des blessures, meurtrissures, hématomes, écorchures ou des griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1283/2018 du 14 février 2019 consid. 2.1).
Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé; il s'agit généralement de contusions, de meurtrissures, d'écorchures ou de griffures (ATF 134 IV 189 consid. 1.2).
Les voies de fait ne peuvent pas être commises par négligence (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire Romand, Code pénal II, 2017, Lausanne, n. 6 ad. art. 52).
La distinction entre lésions corporelles et voies de fait peut s'avérer délicate, notamment lorsque l'atteinte s'est limitée à des meurtrissures, des écorchures, des griffures ou des contusions. Ainsi, une éraflure au nez avec contusion a été considérée comme une voie de fait; de même une meurtrissure au bras et une douleur à la mâchoire sans contusion (ATF 134 IV 189 consid. 1.3 et les références citées) ont également été qualifiées de voies de fait : une gifle, un coup de poing ou de pied, de fortes bourrades avec les mains ou les coudes (arrêt du Tribunal fédéral 6B_525/2011 du 7 février 2012 consid. 4.1).
Dans les cas limites, il faut tenir compte de l'importance de la douleur provoquée, afin de déterminer s'il s'agit de lésions corporelles simples ou de voies de fait. Les contusions, meurtrissures, écorchures ou griffures constituent des lésions corporelles simples si le trouble qu'elles apportent, même passager, équivaut à un état maladif, notamment si viennent s'ajouter au trouble du bien-être de la victime un choc nerveux, des douleurs importantes, des difficultés respiratoires ou une perte de connaissance. Par contre, si les contusions, meurtrissures, écorchures ou griffures en cause ne portent qu'une atteinte inoffensive et passagère au bien-être du lésé, les coups, pressions ou heurts dont elles résultent ne constituent que des voies de fait (ATF 119 IV 25 consid. 2a ; 107 IV 40 consid. 5c ; 103 IV 65 consid. II/2c et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 6S.474/2005 du 27 février 2006 consid. 7.1.).
Comme les notions de voies de fait et d'atteinte à l'intégrité corporelle, qui sont décisives pour l'application des art. 123 et 126 CP, sont des notions juridiques indéterminées, une certaine marge d'appréciation est reconnue au juge du fait car l'établissement des faits et l'interprétation de la notion juridique indéterminée sont étroitement liés (ATF 134 IV 189 consid. 1.3 ; ATF 119 IV 25 consid. 2a et les arrêts cités).
3.3. Se rend coupable d'injure (art. 177 al. 1 CP) quiconque, par la parole, l'écriture, l'image, le geste ou par des voies de fait, attaque autrui dans son honneur.
3.4. Se rend coupable de menaces (art. 180 al. 1 CP) quiconque, par une menace grave, alarme ou effraie une personne.
3.5. Se rend coupable de contrainte (art. 181 CP) quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.
3.6. En l'espèce, il est constant que, le jour des faits, une dispute a éclaté entre les parties. B______ conteste toutefois avoir frappé le recourant, expliquant s'être contenté de le repousser avec les mains ouvertes, sans violence, dans un geste défensif, au vu de l'attitude agressive affichée par ce dernier.
Ses déclarations sont corroborées par celles de C______, qui a expliqué que son collègue n'avait fait que repousser le recourant, sans violence et de manière proportionnée, afin de se protéger.
Certes, le recourant a produit un constat médical faisant état de diverses douleurs et autres dermabrasions. Il n'est toutefois guère possible, sur la base de ce constat, d'établir le moment de la survenance de ces atteintes et encore moins de les mettre en relation avec l'altercation survenue le 5 avril 2024, étant à cet égard relevé que ce n'est que le 9 avril 2024, soit 4 jours plus tard, que ledit constat a été établi.
À cela s'ajoute que les atteintes dont fait état le certificat n'atteignent de toute évidence pas l'importance nécessaire pour qu'on puisse les qualifier de lésions corporelles simples au sens de l'art. 123 al. 1 CP, celles-ci devant tout au plus être examinées sous l'angle de l'art. 126 al. 1 CP.
Quoiqu'il en soit, aucun élément au dossier ne permet de retenir que B______ aurait eu la volonté de porter atteinte à l'intégrité corporelle du recourant, dans la mesure où il a expliqué qu'il entendait uniquement repousser ce dernier, en raison de son comportement agressif, ce que tendent à confirmer les explications de son collègue. Le caractère intentionnel du geste incriminé doit donc être nié, étant rappelé que les voies de fait par négligence ne se conçoivent pas.
Au vu de ces considérations, c'est à bon droit que le Ministère public a considéré qu'il n'était guère possible d'établir une prévention pénale suffisante à l'encontre de B______. L'ordonnance querellée ne prête ainsi pas le flanc à la critique sur ce point.
La même conclusion s'impose s'agissant des prétendues injures et menaces proférées par le mis en cause. Celles-ci ne sont en effet nullement établies, les versions des deux agents de stationnement concordant pour dire qu'il n'y a eu ce jour-là ni insultes, ni menaces proférées par B______, mais tout au plus un avertissement par lequel ce dernier a mis en garde le recourant en lui disant de ne pas l'approcher, faute de quoi il devrait le maitriser au sol.
Qu'on les examine à l'aune de l'art. 180 CP ou 181 CP, de tels propos, pour peu qu'il faille y voir de quelconques menaces, n'atteignent à l'évidence pas le seuil de gravité requis par ces dispositions, de sorte que c'est à bon droit, là encore, que le Ministère public a considéré qu'une non-entrée en matière s'imposait.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et, partant, le recours rejeté.
5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.
Siégeant :
Monsieur Christian COQUOZ, président; Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.
La greffière : Olivia SOBRINO |
| Le président : Christian COQUOZ |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/14027/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 915.00 |
- demande sur récusation (let. b) | CHF | |
Total | CHF | 1'000.00 |