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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/13866/2024

ACPR/660/2024 du 10.09.2024 sur OTDP/1770/2024 ( TDP ) , REJETE

Descripteurs : ASSISTANCE JUDICIAIRE;AVOCAT D'OFFICE;COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/13866/2024 ACPR/660/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 10 septembre 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Razi ABDERRAHIM, avocat, Rive Avocats, rue François-Versonnex 7, 1207 Genève,

recourant,

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 13 août 2024 par le Tribunal de police,

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 26 août 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 13 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal de police a refusé d'ordonner une défense d'office en sa faveur.

Le recourant conclut à l'annulation de cette ordonnance et à la désignation de son conseil comme avocat d'office.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Par ordonnance pénale du Ministère public du 6 juin 2024, A______, ressortissant algérien sans emploi et sans domicile fixe, a été condamné à une peine privative de liberté de 180 jours, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de CHF 100.-, pour infractions aux art. 115 al. 1 let. b et 119 al. 1 LEI ainsi qu'à l'art. 19a ch. 1 LStup.

a.b. Entendu par la police la veille, il avait reconnu les faits, à savoir qu'il n'avait pas quitté la Suisse depuis sa dernière interpellation. Il avait un problème à la hanche et voulait d'abord se faire soigner. Son frère, qui vivait en Allemagne, lui avait donné un peu d'argent. Les comprimés de Prégabaline retrouvés sur lui avaient été fournis par un dénommé B______, pour soulager ses douleurs.

a.c. Auditionné par le Ministère public le 6 juin 2024, l'intéressé a confirmé ses déclarations à la police. Il n'avait ni document d'identité ni moyens financiers.

b. A______ a formé opposition à l'ordonnance pénale précitée.

c. Le 12 juin 2024, le Ministère public a maintenu son ordonnance pénale et transmis la procédure au Tribunal de police.

d. Par pli du 7 août 2024 adressé au Tribunal de police, un conseil s'est constitué à la défense de A______ et a demandé à être désigné d'office.

e. À teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ a été condamné par le Ministère public à deux reprises, les 4 octobre 2023 et 22 février 2024, à une peine privative de liberté de 70 jours avec sursis pendant 3 ans (avertissement et délai d'épreuve prolongé par décision du 22 février 2024) et à une amende de CHF 300.- pour vol, entrée illégale, séjour illégal et infraction à l'art. 19a ch. 1 LStup, respectivement à une peine privative de liberté de 90 jours pour vol et séjour illégal.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Tribunal de police retient que A______ remplissait la condition de l'indigence et que la peine à laquelle il avait été condamné n'était pas de peu de gravité. Cependant, la cause ne présentait pas de difficultés particulières juridiques et de fait. Le précité était ainsi en mesure de se défendre efficacement seul.

D. a. Dans son recours, A______ expose avoir été "contraint" de séjourner en Suisse en raison d'importantes douleurs à la hanche consécutives à une opération, qui nécessitaient la prise régulière de médicaments. Quand bien même il "donn[ait] l'impression de pouvoir s'exprimer en français", il maîtrisait mal cette langue, préférant s'exprimer en allemand. Enfin, nonobstant ses récentes condamnations, il ne maîtrisait que "très imparfaitement" le système judiciaire suisse, de sorte qu'il avait besoin d'un conseil, celui-ci devant réunir les documents prouvant sa bonne foi.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant reproche au Tribunal de police de ne pas lui avoir accordé une défense d'office.

2.1. L'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur à deux conditions: le prévenu doit être indigent et la sauvegarde de ses intérêts doit justifier une telle assistance, cette seconde condition devant s'interpréter à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP.

2.2.1. La défense d'office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l'affaire n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (al. 3).

2.2.2. Les deux conditions mentionnées à l'art. 132 al. 2 sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 7B_839/2023 du 26 mars 2024 consid. 2.2; 1B_229/2021 du 9 septembre 2021 consid. 4.1). Aussi, même si le prévenu encourt une peine pouvant dépasser le seuil légal caractérisant les cas de peu de gravité, encore faut-il examiner que la cause présente des difficultés particulières de fait et/ou en droit (arrêts du Tribunal fédéral 1B_510/2022 du 16 décembre 2022 consid. 3.4; 1B_370/2022 du 1er décembre 2022 consid. 2.3; 1B_591/2021 du 12 janvier 2022 consid. 2.3).

2.3. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure (arrêts 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 3.2.1; 7B_124/2023 du 20 décembre 2023 consid. 2.1.2).  

S'agissant de la difficulté objective de la cause, à l'instar de ce qu'elle a développé en rapport avec les chances de succès d'un recours, la jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi, qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes, ferait ou non appel à un avocat (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 140 V 521 consid. 9.1; 139 III 396 consid. 1.2; arrêt du Tribunal fédéral 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 3.2.1). La difficulté objective d'une cause est admise sur le plan juridique lorsque la subsomption des faits donne lieu à des doutes, que ce soit de manière générale ou dans le cas particulier (arrêt du Tribunal fédéral 7B_839/2023 du 26 mars 2024 consid. 2.3).

Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure, ainsi que des mesures qui paraissent nécessaires dans le cas particulier pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (arrêts du Tribunal fédéral 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 3.2.1; 7B_124/2023 du 25 juillet 2023 consid. 2.1.2). 

2.4. En l'espèce, l'indigence du recourant n'est pas contestée, tout comme la gravité de l'affaire au regard du seuil prévu à l'art. 132 al. 3 CPP.

Reste encore à examiner la difficulté de la cause.

Les infractions retenues dans l'ordonnance pénale du 6 juin 2024 sont clairement circonscrites et aisément compréhensibles. Le recourant a pu du reste donner sa version des faits tant devant la police que le Ministère public, en français, sans l'aide d'un interprète. Affirmer aujourd'hui qu'il s'exprimerait mieux en langue allemande apparaît pour le moins audacieux.

L'affaire ne présente pas une complexité particulière empêchant l'intéressé d'apporter, seul, par-devant l'autorité de jugement, les explications utiles, d'autant qu'il ne conteste pas la matérialité des faits reprochés.

On voit pas non plus quel obstacle l'empêcherait de réunir les preuves qu'il estime nécessaires à sa défense, étant précisé qu'il a admis ne s'être fait délivrer aucune ordonnance pour la prescription de Prégabaline, un dénommé B______ lui ayant fourni ce médicament.

Enfin, le casier judiciaire suisse du recourant démontre que ce dernier n'est pas novice en terme de condamnation sur notre territoire, de sorte que sa connaissance du système judiciaire suisse ne saurait être considérée comme "très imparfaite", étant précisé qu'il a été en mesure de former seul opposition à l'ordonnance pénale.

Compte tenu de ce qui précède, la cause ne revêt pas de difficultés, en fait ou en droit, qui nécessiteraient l'assistance d'un avocat. La condition de la complexité de la cause n'étant pas réalisée, c'est à juste titre que le Tribunal de police a refusé d'ordonner une défense d'office.

3.             Le recours sera ainsi rejeté.

4.             La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour lui son conseil, au Tribunal de police et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).