Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/3191/2023

ACPR/584/2024 du 08.08.2024 sur OMP/11029/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE PÉNALE;OPPOSITION TARDIVE;RESTITUTION DU DÉLAI;EMPÊCHEMENT NON FAUTIF
Normes : CPP.94

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/3191/2023 ACPR/584/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 8 août 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Afshin SALAMIAN, avocat, SALAMIAN BOSTERLI & associés, rampe de la Treille 5, case postale 3339, 1211 Genève 3,

recourant,

contre le refus de restitution de délai rendu le 24 mai 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 7 juin 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 24 mai 2024, notifiée le 28 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé de restituer le délai d'opposition à l'ordonnance pénale du 29 juin 2023.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de ladite ordonnance, à l'octroi d'une restitution du délai pour former opposition et au renvoi de la cause au Ministère public afin qu'il se détermine sur ses observations du 16 octobre 2023.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 19 janvier 2023, A______ a été entendu en qualité de prévenu par la police. Au début de son audition, il a été informé qu'à la suite d'un contrôle d'usage sur la personne de B______, ce dernier avait déclaré être employé par l'entreprise C______ SA, sans autorisation légale.

A______ a reconnu être administrateur de ladite société et avoir employé B______, du 1er avril 2021 au 9 janvier 2023, alors que celui-ci ne disposait d'aucune autorisation d'exercer une activité lucrative en Suisse.

Ces faits font l'objet de la procédure P/3191/2023.

b. Par ordonnance pénale (P/3191/2023), datée du 29 juin 2023, notifiée le 11 juillet 2023, le Ministère public a déclaré A______ coupable d'infraction à l'art. 117 al. 1 LEI, pour les faits susmentionnés, et l'a condamné à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 90.- le jour, sans sursis.

Il était également fait mention de l'extrait du casier judiciaire suisse de A______, à teneur duquel, il avait, auparavant, été condamné, à trois reprises, pour la dernière fois, le 14 mai 2018, par le Ministère public, pour infraction à la LCR.

c. Parallèlement, par courrier du 30 juin 2023 portant le numéro de procédure P/1______/2023, envoyé par pli simple, le Ministère public a informé A______ qu'une procédure préliminaire était ouverte contre lui, à la suite d'une dénonciation de l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après: OCIRT), pour avoir employé sans autorisation, pour l'entreprise C______ SA, seize personnes démunies d'une autorisation de travailler sur le territoire genevois, pendant diverses périodes allant du 13 novembre 2017 au 7 juin 2023. Ce comportement contrevenait à l'art. 117 LEI. Un délai au 31 août 2023, prolongé jusqu'au 16 octobre 2023, lui a été imparti pour formuler ses éventuelles observations.

Le Ministère public a annexé une copie de la dénonciation susmentionnée, datée du 26 juin 2023, qui mentionne les employés concernés, parmi lesquels figure le nom de B______ pour la période du 1er avril 2021 au 7 juin 2023. L'OCIRT y explique également qu'auparavant, elle avait adressé à A______ une demande de renseignements et l'avait entendu, le 7 juin 2023.

d. Par pli du 16 octobre 2023, sous la plume de son avocat, A______ a formé opposition à l'ordonnance pénale précitée (cf. let. B. b. supra).

Il venait de remettre l'ordonnance en question à son défenseur. Il l'avait reçue quasiment à la même date que le courrier du 30 juin 2023 et avait cru, de bonne foi, s'agissant de la même personne – B______ – et des mêmes faits, que ladite décision n'entrerait en force qu'une fois qu'il aurait pu s'exprimer sur les dénonciations, dans les délais impartis. Il n'avait ainsi pas pensé qu'il lui incombait de s'y opposer dans le délai de 10 jours. Étant dans l'erreur, il avait été dans l'impossibilité subjective d'agir. D'ailleurs, si l'ordonnance pénale devait être considérée en force, il serait privé de son droit d'être entendu et ce, en contradiction avec l'invitation expresse reçue du Ministère public. Subsidiairement, il sollicitait la restitution du délai d'opposition à l'ordonnance pénale, voire, en cas de rejet de ses demandes, que les faits soient classés conformément au principe ne bis in idem.

e. Par ordonnance de classement partiel du 11 juin 2024, dans la procédure P/1______/2023, le Ministère public a retenu que A______ avait déjà été condamné pour les faits reprochés s'agissant de B______, par ordonnance pénale du 29 juin 2023, dans la présente procédure, de sorte que le principe ne bis in idem constituait un empêchement de procéder (art. 319 al. 1 let. d CPP).

f. Dans la présente procédure, le Ministère public a, par ordonnance sur opposition tardive du 24 avril 2024, transmis la procédure au Tribunal de police et conclu à l'irrecevabilité de l'opposition formée par A______.

g. Par ordonnance du 8 mai 2024, le Tribunal de police a retenu que l'ordonnance pénale avait été valablement notifiée le 11 juillet 2023. Il a constaté l'irrecevabilité, pour cause de tardiveté, de l'opposition formée le 16 octobre 2023, l'ordonnance pénale étant assimilée à un jugement entré en force. Il a renvoyé la cause au Ministère public pour qu'il statue sur une éventuelle restitution de délai.

Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public retient que le motif invoqué par A______ – que l'ordonnance pénale rendue dans la procédure P/3191/2023 n'entrerait en force qu'une fois qu'il aurait pu s'exprimer sur les faits visés dans la P/1______/2023, alors que rien de tel n'était mentionné dans aucune des procédures – ne constituait pas un empêchement non fautif d'observer le délai d'opposition, dans la mesure où il incombait au concerné de se renseigner.

Pour le surplus, la procédure P/1______/2023 visait seize employés, pendant diverses périodes, allant du 13 novembre 2015 au 7 juin 2023. Au vu des informations transmises dans ce cadre, il s'agissait d'une procédure distincte, avec un numéro différent et des périodes pénales divergentes.

D. a. Dans son recours, A______ expose qu'il n'avait jamais pensé qu'il lui incombait de s'opposer à l'ordonnance pénale dans le délai légal, dès lors qu'il avait reçu, quelques jours auparavant, par courrier du 30 juin 2023, un autre délai pour formuler ses observations, concernant la même personne, pour les mêmes faits durant la même période.

Ainsi, son erreur prenait sa source dans celle du Ministère public, soit la sollicitation d'une prise de position concernant B______, alors qu'il l'avait condamné pour ces faits, la veille. La différence de numéros de procédure et du nombre de personnes concernées n'avait pas empêché le Ministère public de se tromper, de sorte qu'on ne pouvait lui formuler de reproches, à cet égard. Le fait, pour le Ministère public, de ne pas tenir compte de ses observations du 16 octobre 2023 concernant B______, revenait à admettre que l'autorité les aurait demandées pour rien.

b. Le Ministère public conclut, sous suite de frais, au rejet du recours. Il rappelle que l'ordonnance pénale avait été rendue dans la procédure P/3191/2023, le 29 juin 2023 et que le même jour, une nouvelle procédure P/1______/2023 avait été ouverte, à la suite d'une dénonciation de l'OCIRT. Par courrier du 30 juin 2023, il avait uniquement mis en œuvre le droit d'être entendu de A______ concernant la dénonciation de l'OCIRT avant qu'une décision ne soit rendue. Dans les observations du 16 octobre 2023, A______ avait souligné avoir déjà été condamné s'agissant de B______ et, pour la première fois, contesté cette décision.

En outre, A______ avait mandaté un avocat le 23 août 2023 – date de la procuration – et il lui aurait appartenu d'agir dans un délai de trente jours, dès cette date. Or, tel n'avait pas été le cas.

Enfin, dans la P/1______/2023, les faits pouvant être constitutifs de la violation de l'art. 117 LEI concernant B______ avaient été classés, compte tenu de l'ordonnance pénale du 29 juin 2023. Si cette ordonnance n'avait pas été rendue dans la présente procédure, il était certain que A______ aurait été condamné pour "ces faits partiellement nouveaux", étant précisé que la période pénale visée par la P/1______/2023 était plus longue que celle de l'ordonnance pénale du 29 juin 2023.

c. Dans sa réplique, A______ ajoute que ce n'était que la semaine du 9 octobre 2023, soit celle précédant le dépôt de ses observations du 16 octobre 2023, qu'il avait transmis l'ordonnance pénale du 29 juin 2023 à son conseil. Partant, la demande de restitution de délai formulée, à cette occasion, avait été adressée dans les trente jours à compter de celui où l'empêchement avait cessé. Par ailleurs, l'affirmation selon laquelle il était certain que si l'ordonnance pénale du 29 juin 2023 n'avait pas été rendue, il aurait été condamné pour l'entier de la période pénale, anticipait une décision à venir sans considérer les observations soumises à cet effet.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant fait grief au Ministère public de ne pas lui avoir restitué le délai d'opposition.

2.1.  Selon l'art. 94 CPP, une partie peut demander la restitution d'un délai imparti pour accomplir un acte de procédure si elle a été empêchée de l'observer et si elle est de ce fait exposée à un préjudice important et irréparable. Elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n'est imputable à aucune faute de sa part (al. 1).

2.2.  La demande de restitution du délai doit être présentée dans les 30 jours qui suivent la fin de l'empêchement allégué (art. 94 al. 2 CPP).

2.3. La restitution de délai ne peut intervenir que lorsqu'un événement, par exemple une maladie ou un accident, met la partie objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par elle-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêts du Tribunal fédéral 6B_401/2019 du 1er juillet 2019 consid. 2.3; 6B_365/2016 du 29 juillet 2016 consid. 2.1). Elle ne doit être accordée qu'en cas d'absence claire de faute. Il est ainsi exigé qu'il ait été absolument impossible à la personne concernée de respecter le délai ou de charger un tiers de faire le nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_125/2011 du 7 juillet 2011 consid. 1).

Par empêchement non fautif, il faut comprendre toute circonstance qui aurait empêché une partie consciencieuse d’agir dans le délai fixé (ACPR/196/2014 du 8 avril 2014). Il s'agit non seulement de l’impossibilité objective, comme la force majeure, mais également l’impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou à l’erreur due au comportement d'une autorité (Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 10 ad art. 94 CPP; ATF 96 II 262 consid. 1a).

En revanche, la mauvaise compréhension d'un jugement ayant pour conséquence que le justiciable renonce à recourir dans le délai ne constitue pas un empêchement non fautif (arrêt du Tribunal fédéral 6B_311/2015 du 30 juin 2015 consid. 2.2).

2.4. En l'espèce, il est constant – et non contesté – que le recourant a formé opposition après l'échéance du délai légal. Il estime cependant avoir été subjectivement dans l'impossibilité d'agir dans le délai d'opposition, ayant cru, de bonne foi, que ce délai ne lui était pas applicable, car la lettre du 30 juin 2023 du Ministère public lui impartissait un autre délai concernant le même employé (B______) et les mêmes faits.

Le recourant ne peut toutefois être suivi. Chronologiquement, il a d'abord été entendu par la police, sur l'emploi sans droit de B______ d'avril 2021 à janvier 2023. Il a ensuite reçu un courrier du Ministère public lui impartissant un délai – prolongé jusqu'au 16 octobre 2023 – pour se déterminer sur la situation de seize employés, parmi lesquels figurait le nom du prénommé, pour la période de novembre 2017 à juin 2023, à la suite d'une dénonciation de l'OCIRT, office auprès duquel il avait également été entendu sur ce sujet. Il a par la suite reçu l'ordonnance pénale le condamnant pour l'emploi sans droit de B______ d'avril 2021 à janvier 2023. Le recourant a donc été entendu dans deux contextes différents, par deux autorités différentes, pour des périodes différentes – même si elles se superposent en partie –, circonstances qui ressortent des deux communications adressées par le Ministère public, lesquelles, au surplus, portaient un numéro de procédure différent.

Partant, dans une telle situation, soit lorsque la réception d'une lettre du Ministère public sollicitant d'éventuelles observations est suivie d'une décision de condamnation pour une partie des faits, il appartient à la personne concernée – qui conteste lesdits faits –, d'à tout le moins se renseigner sur la portée de cette décision si elle ne l'accepte pas. Le recourant ne peut ainsi être suivi lorsqu'il prétend avoir pensé, de bonne foi, que le délai légal d'opposition à l'ordonnance pénale ne lui était pas applicable. Cela apparaît d'autant plus vrai, qu'au vu de ses antécédents – notamment la condamnation en 2018 par le Ministère public – il ne pouvait ignorer les enjeux et les conséquences d'une ordonnance pénale.

Dans ces conditions, il lui appartenait de faire le nécessaire pour agir afin de préserver ses intérêts, étant rappelé que l'opposition par le prévenu est une simple déclaration de volonté, qui ne nécessite pas de motivation (art. 354 al. 2 CPP). Ne l'ayant pas fait, il ne peut, conformément à la jurisprudence sus-rappelée, invoquer par la suite une mauvaise compréhension pour obtenir une restitution de délai.

Il n'allègue au surplus pas avoir été empêché de s'adresser à son avocat à réception de l'ordonnance pénale.

2.5. Cette conclusion dispense d'examiner si le recourant a agi dans le délai de 30 jours prévu à l'art. 94 al. 2 CPP.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixé en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/3191/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00