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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/80/2024

ACPR/419/2024 du 06.06.2024 sur JTPM/135/2024 ( TPM ) , REJETE

Recours TF déposé le 07.06.2024, 7B_639/2024
Descripteurs : EXÉCUTION DES PEINES ET DES MESURES;PÉRIODE D'ESSAI;SOMMATION;RÉINTÉGRATION DANS UN ÉTABLISSEMENT
Normes : CP.95

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/80/2024 ACPR/419/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 6 juin 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocate,

recourant

 

contre le jugement rendu le 29 février 2024 par le Tribunal d’application des peines et des mesures

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève – case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy – case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 7 mars 2024, A______ recourt contre le jugement du 29 février 2024, notifié le 1er mars 2024, par lequel le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) a : adressé un avertissement formel l’invitant à respecter la règle de conduite consistant en l’obligation de suivre un traitement psychothérapeutique et médicamenteux ordonnée le 21 octobre 2021 ; prolongé jusqu’au 22 octobre 2025 le délai d’épreuve de la libération conditionnelle de la mesure institutionnelle ; et ordonné le maintien de la règle de conduite et d’une assistance de probation.

Le recourant, qui a déposé son recours en personne, conclut à l’annulation du jugement. Il sollicite apparemment la tenue d’une audience.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par jugement du 16 octobre 2019, le Tribunal correctionnel de Genève a déclaré que A______ avait commis les faits décrits dans la demande de mesure du 28 août 2019, relevant de menaces alarmant la population commises en état d'irresponsabilité, et a ordonné qu’il soit soumis à un traitement institutionnel, au sens de l'art. 59 al. 1 CP.

b. Selon l’expertise du Centre universitaire romand de médecine légale (CURML) du 28 mars 2019, le recourant souffrait de schizophrénie paranoïde. Compte tenu de la présence de nombreux facteurs de risque, l'expert a retenu un risque moyen de récidive d'actes de violence, peu prévisibles, mais influencés par la pathologie délirante de l'expertisé.

c. Par jugement du 21 octobre 2021, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a ordonné la libération conditionnelle de la mesure institutionnelle (art. 59 CP) du recourant avec effet au 22 octobre 2021 et lui a ordonné, durant le délai d'épreuve de trois ans, de suivre un traitement psychothérapeutique et médicamenteux. En date du 22 octobre 2021, le recourant a intégré un hébergement à l'association C______.

d. En date du 12 novembre 2021, A______ a été convoqué au Service de l'application des peines et mesures (ci-après : SAPEM) pour entretien et rappel de ses obligations pénales suite à la libération conditionnelle de la mesure.

e. En date du 8 juillet 2022, le recourant a appelé le SAPEM pour l'informer de son état psychique fluctuant et des difficultés à répondre aux attentes et sollicitations de l'institution. Il était toujours en recherche d'appartement et se rendait régulièrement à l'association D______ pour préparer les repas. Il avait effectué un stage aux Établissements publics pour l’intégration durant deux semaines, mais avait trop de pression et était relativement tendu. Le SAPEM s’est entretenu avec C______, qui avait confirmé des tensions avec les autres résidents.

f. Dans son rapport médical du 19 août 2022, le Centre ambulatoire de psychiatrie et de psychothérapie intégrée de E______ a expliqué que le suivi médico-infirmier était régulier, à raison de deux entretiens par mois et d'un suivi social. L'évolution clinique restait favorable, et l’attitude de A______ vis-à-vis des infractions commises demeurait critique. Les objectifs du traitement consistaient en un soutien à son processus de rétablissement psychosocial, ainsi qu’à la prescription et l’adaptation de son traitement psychotrope.

g. La situation s'est péjorée au mois d'octobre 2022. Malgré des tentatives de remobilisation de la part de l'ensemble du réseau, le recourant n'était plus collaborant et a adopté un comportement de méfiance avec les intervenants et résidents de C______, jusqu'à la rupture de liens. Un courrier de fin de résidence lui a donc été adressé le 29 mars 2023.

h. Le recourant a été convoqué au SAPEM le 4 mai 2023 pour faire un point de situation sur ses recherches d'hébergement. Il a pu trouver des solutions provisoires (auberge de jeunesse, CAPPA). Le CAPPI E______ a confirmé le 8 mai 2023 qu'il avait pu trouver un hébergement d'urgence auprès de [la commune] F______.

i. En date du 23 août 2023, le CAPPI E______ a informé le SAPEM que leur patient était en rupture de traitement depuis le 4 août 2023 et qu'il avait annulé tous ses rendez-vous depuis le 12 juillet 2023. Le psychiatre a expliqué que, sans traitement, un risque de présenter à court terme une nouvelle décompensation psychique et un risque hétéro-agressif n'était pas à exclure.

j. Le SAPEM a rappelé le cadre à l'intéressé lors du réseau du 28 août 2023 et par courrier des 31 août et 28 septembre 2023. Toutefois, suite à la péjoration de son comportement (propos menaçants, colère contenue, rupture de soins, manque de collaboration, refus de l'aide proposée, méfiance constatée face à ses interlocuteurs), A______ a été hospitalisé sous le régime d’un placement à des fins d’assistance à l'hôpital de psychiatrie de G______, du 9 au 24 octobre 2023. Une réunion de réseau avait eu lieu le 30 octobre 2023 en sa présence, au cours de laquelle il s'était montré distant et pas du tout collaborant, expliquant suivre les prescriptions seulement par obligation. Ses idées délirantes restaient présentes ; il a adopté une attitude d'opposition (dynamique de défi) et se montrait irritable envers ses interlocuteurs.

k. Le recourant a informé le SAPEM par courrier du 1er décembre 2023 de son départ en Turquie pour aller voir sa famille et a appelé le SAPEM le 18 janvier 2024 pour dire qu'il était aux Urgences psychiatriques et pour demander une hospitalisation. Il avait eu un conflit avec un autre résident, avait perdu sa chambre et logeait à nouveau dans des abris de la Protection civile.

l. Dans son préavis du 25 janvier 2024 relatif à l’examen annuel de la mesure, le SAPEM a proposé de :

-        maintenir les règles de conduite consistant en l'obligation de suivre un traitement psychothérapeutique et médicamenteux,

-        ordonner une assistance de probation afin d'éviter que l'intéressé ne s'isole encore plus, renforçant ainsi un sentiment de persécution et des idées délirantes ou paranoïaques, et l'accompagner dans ses projets de recherche de logement et de reprise d'une éventuelle activité occupationnelle,

-        ne pas révoquer la libération conditionnelle ni d'ordonner la réintégration de la mesure institutionnelle en application à l'article 62a al. 5 CP, mais de lui adresser un avertissement formel et de prolonger la durée du délai d'épreuve d'un an, à compter de la fin du délai d'épreuve, fixée au 22 octobre 2024.

m. Par requête du 5 décembre 2024, le Ministère public a fait siens le préavis et les conclusions du SAPEM. La procédure a abouti au jugement querellé, étant précisé que le recourant a déposé des observations écrites et a explicitement renoncé à être entendu oralement par le TAPEM.

C. Par jugement du 29 février 2024, le TAPEM a relevé qu’il ressortait du dossier que le recourant ne respectait pas suffisamment le jugement du 21 octobre 2021. Il se justifiait ainsi de prolonger le délai d’épreuve et de rappeler la nécessité de la règle de conduite.

D. a. Dans son recours, A______ demande qu’il soit mis fin au délai de sa conditionnelle et que le SAPEM « le laisse tranquille ». Il souhaite exposer sa situation oralement devant un juge.

b. Il n’a pas été demandé d’observations au SAPEM.

E. Par courriel du 27 mai 2024, le SAPEM a produit un rapport médical des HUG du 21 précédent. À teneur de ce texte, le recourant ne suit plus de traitement et n’honore plus ses rendez-vous médicaux. Son état de santé était très fragile, ce qui rendait « possible, voire probable », une rechute psychotique, éventuellement associée à des comportements auto ou hétéro-agressifs.

EN DROIT :

1.             Le recours au sens de l'art. 393 CPP est la voie de droit ouverte contre les prononcés rendus en matière de libération conditionnelle par le TAPEM (art. 42 al. 1 let. b LaCP cum ATF 141 IV 187 consid. 1.1), dont le jugement constitue une « autre décision ultérieure » indépendante, au sens de l'art. 363 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.3 et 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 30 ad art. 363).

2.             La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP).

3.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

4.             Il ne sera pas fait droit à la demande d'audition par la Chambre de céans, le recours faisant l'objet d'une procédure écrite (art. 397 al. 1 CPP) et les débats ayant une nature potestative (art. 390 al. 5 CPP). Par ailleurs, l'art. 29 al. 2 Cst. ne confère pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 p. 148 et les références citées). En l'occurrence, le recourant, qui a explicitement renoncé à être entendu oralement par le TAPEM, s'est exprimé, par écrit devant la Chambre de céans, de sorte que son droit d'être entendu a été respecté.

5.             Le recourant conteste la prolongation de son délai d’épreuve.

5.1.                 Selon l'art. 95 al. 3 CP, si le condamné se soustrait à l'assistance de probation, s'il viole les règles de conduite ou si l'assistance de probation ou les règles de conduite ne peuvent pas être exécutées ou ne sont plus nécessaires, l'autorité compétente présente un rapport au juge ou à l'autorité d'exécution. L'al. 4 de cette même norme précise que, dans ces cas, le juge ou l'autorité d'exécution peut : prolonger le délai d'épreuve jusqu'à concurrence de la moitié de sa durée (let. a), lever l'assistance de probation ou en ordonner une nouvelle (let. b), modifier les règles de conduite, les révoquer ou en imposer de nouvelles (let. c). Les mesures supplémentaires prévues par cet article doivent être ordonnées lorsqu'elles peuvent encore contribuer à la réussite de la mise à l'épreuve (M. DUPUIS/ L. MOREILLON/ C. PIGUET/ S. BERGER/ M. MAZOU/ V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 6 ad. art. 95). Le juge peut aussi révoquer le sursis ou ordonner la réintégration dans l'exécution de la peine ou de la mesure s'il est sérieusement à craindre que le condamné ne commette de nouvelles infractions (al. 5). L'art. 95 al. 5 CP est applicable en dernier recours, lorsque la perspective de probation pour le condamné s'est détériorée pour une raison quelconque pendant le délai d'épreuve, au point que seule l'exécution de la peine semble la sanction la plus efficace (ACPR/649/2016 du 12 octobre 2016 et les références).

5.2.                 En l’espèce, le recourant est en rupture de traitement, ne dispose plus de logement et s’oppose à son suivi, nonobstant une mobilisation importante de son réseau. Au vu de la gravité des violations du cadre fixé, ainsi que du trouble établi à dire d’expert, la prolongation du délai d’épreuve et l’assistance de probation sont des mesures minimales, de sorte que la décision attaquée ne prête pas le flanc à la critique.

À cet égard, le dernier rapport des HUG, du 21 mai 2024, est alarmant, et le risque de rechute du recourant concret en l’absence de tout traitement.

La question de la réintégration aurait pu se poser.

Liée par l’interdiction de la reformatio in pejus, la Chambre ne peut toutefois pas revenir sur cet aspect au détriment du recourant.

6.             Mal fondé, le recours ne peut qu’être rejeté.

7.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 400.-, pour tenir compte de sa situation économique qui ne semble pas favorable (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

8.             Le recourant ayant agi seul pour la procédure de recours, il n’y a pas lieu à indemniser son conseil.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui comprennent un émolument de CHF 400.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit pour lui son défenseur), au Tribunal d’application des peines et des mesures et au Ministère public

Le communique, pour information, au SAPEM.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ, juge, et Monsieur Stéphane GRODECKI, juge suppléant; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PM/80/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

400.00

Total

CHF

485.00