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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/17849/2020

ACPR/769/2022 du 08.11.2022 sur ONMMP/2755/2022 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 09.12.2022, rendu le 03.11.2023, REJETE, 7B_53/2022
Descripteurs : SOUPÇON;ABUS DE POUVOIR;PRÉSOMPTION D'INNOCENCE;MOTIVATION DE LA DÉCISION
Normes : CPP.310
En fait
En droit
Par ces motifs

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17849/2020 ACPR/769/2022

 

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 8 novembre 2022

Entre

A______, domiciliée ______[GE], comparant par Me Thomas BÜCHLI, avocat, WLM Avocats, place Edouard-Claparède 5, case postale 292, 1211 Genève 12,

recourante,

 

contre l’ordonnance de non-entrée en matière rendue le 12 août 2022 par le Ministère public

 

et

B______, p.a. Police municipale, ______[GE], comparant par Me Robert ASSAEL, avocat, Mentha Avocats, rue de l'Athénée 4, case postale 330, 1211 Genève 12,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6b, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565 - 1211 Genève 3,

intimés.

 

 


EN FAIT

A. a. Par acte déposé le 29 août 2022, A______ recourt contre l’ordonnance du 12 précédent, communiquée sous pli simple, par laquelle le Procureur général a refusé d’entrer en matière sur sa plainte du 28 septembre 2020 contre B______. Elle conclut, préalablement, à la suspension de l'instance de recours jusqu'à droit connu dans une procédure pénale dirigée contre elle et, principalement, à l'annulation de la décision attaquée, à l'injonction au Ministère public de prévenir B______ d’abus d'autorité et d’instruire la plainte par des auditions et confrontations et de supprimer des passages de la décision attaquée qui ne respecteraient pas sa présomption d'innocence.

b. Elle a payé les sûretés, en CHF 1'000.-, qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents sont les suivants :

a.             Dans sa plainte, A______ explique que B______, agent de police municipale, l'avait verbalisée pour une infraction de stationnement qu'elle commettait – et ne contestait pas avoir commise – à C______, le 25 septembre 2020, vers 18h.30. B______, qui habitait le même immeuble qu'elle et avec lequel elle s'était trouvée en litige de voisinage, avait requis une intervention de la police cantonale, avec pour conséquence qu'elle avait dû subir un éthylotest, resté négatif, alors qu'elle était tout au plus sortie de ses gonds en raison du comportement adopté par B______ et du retard dans lequel celui-ci l'avait mise. B______ s'était par surcroît targué d'être un élu municipal. Elle l'avait « incendié » verbalement.

A______ reproche à B______ d'avoir mélangé son rôle de policier municipal et de copropriétaire avec qui les discussions étaient quelque peu houleuses, commettant par là un abus de pouvoir.

b.             L’amende d'ordre notifiée sur-le-champ a été acquittée le lendemain. Le 30 septembre 2020, B______ a déposé plainte pénale contre A______ pour injures ; cette procédure suit son cours au Ministère public. Le 9 novembre 2020, B______ a encore dénoncé A______ pour bruit excessif (durant l'attente de l'arrivée de la patrouille de gendarmerie) ; cette procédure-là s'est terminée devant le Tribunal de police, au mois de février 2022, par un retrait de l'opposition d'A______ à l'ordonnance pénale rendue par le Service des contraventions.

c.              De l'enquête conduite par l'Inspection générale des services (ci-après, IGS), il appert que :

·      Le 25 septembre 2020, vers 18h.30, B______ a verbalisé l'automobile irrégulièrement stationnée, et inoccupée, d'A______, sans savoir qu'elle en était la conductrice.

·      Après l'arrivée d'A______, pressée par l’organisation d’un dîner et par le transport de sa fille à un entraînement sportif, la situation s'est envenimée lorsqu'elle s’est aperçue que l’amende d’ordre émanait de B______ (dont le nom est manuscrit sur le bulletin). B______ s’est approché d’elle pendant qu’elle protestait auprès d’autres agents municipaux présents. Elle a pris le bordereau, est montée dans son véhicule pour démarrer en direction d'une boucle de rebroussement et a passé à vive allure devant B______ et ses collègues.

·      B______ et l’un d’eux l’ont alors interceptée, selon le premier pour la « sensibiliser », et lui ont demandé de présenter ses permis de conduire et de circulation. Selon B______, A______, excédée et vociférant, a jeté à terre une pochette contenant les documents ; l’intéressée affirme s’être tout au plus montrée étonnée et colère parce qu’il savait qui elle était, pour habiter dans le quartier. D’autres agents ont demandé à B______ de s’éloigner, puis ont tenté de raisonner A______.

·      Après avoir vérifié par téléphone la régularité des permis, B______ a requis l'intervention de la police cantonale en prenant l'attache du commissaire de service, puis en appelant la CECAL, au motif qu'il doutait de l'aptitude à conduire d'A______ en raison de son agressivité et de son état « second ».

·      La transcription de l'enregistrement de la conversation relative à la réquisition, par la CECAL, d'une patrouille de gendarmerie montre (à 18h.52) que l’hypothèse d'une alcoolisation d'A______ a été émise par la centraliste. En revanche, l'éthylotest pratiqué sur place par les gendarmes, à 19h.15, s’est avéré négatif.

·      Dans l’intervalle, B______ a décidé de verbaliser A______, qui selon lui n’avait cessé de vociférer en dépit de multiples avertissements, pour excès de bruit diurne.

·      Le commissaire a déclaré avoir autorisé l'envoi d'une patrouille parce que le litige opposait un agent de police municipale à une « civile ( ) excitée » et qu'il ne pouvait pas exclure une « vengeance » personnelle du premier contre la deuxième. Un souci d’impartialité l’avait inspiré.

·      A______ a déclaré qu'elle n'aurait pas réagi aussi fortement sur le moment, si l'amende n'avait pas été infligée par B______. Elle a proposé à trois reprises qu'une médiation soit entreprise avec lui, la dernière fois sous l'égide du Ministère public. B______ s'y est toujours refusé.

C. Dans l'ordonnance attaquée, le Procureur général retient que B______ était fondé à infliger une amende d’ordre au conducteur du véhicule mal stationné, dont il ignorait alors qu’il était utilisé par A______, et à interpeller celle-ci lorsqu’elle eut quitté les lieux, au volant, par une accélération brusque dans une zone de rencontre. Pour avoir vociféré, A______ pouvait à bon droit être dénoncée comme l’auteur d’un trouble à la tranquillité publique ; au vu de son état « d’énervement », B______ avait considéré qu’elle n’était plus apte à conduire, mais il avait préféré prendre ses instructions auprès du commissaire de service, au vu du conflit entre elle et lui. La soumission à l’éthylotest ne lui était pas imputable. Même si ses actions traduisaient un certain désarroi, il avait agi correctement. La question de savoir s’il eût dû se récuser pouvait rester ouverte. A______ n’avait pas demandé sa récusation, et avait payé les amendes et retiré son opposition à l’ordonnance pénale, de sorte qu’il n’y avait pas place pour un abus d’autorité.

D. a. À l’appui de son recours, A______ reproche à B______ d’avoir suscité le conflit avec elle, ce jour-là. Quand elle avait regagné son véhicule, elle s’était adressée aux agents à proximité, mais non à lui, qui s’était approché sans nécessité. Or, il aurait dû se récuser immédiatement, en raison du litige qui les opposait « dans le civil ». Pour le même motif, il aurait dû s’abstenir d’intervenir après qu’elle eut repris le volant, plutôt que de prétendre vouloir la sensibiliser, comme il l’avait affirmé à l’IGS. Un des agents municipaux sur place lui avait d’ailleurs demandé de s’éloigner. Le contrôle « d’identité » auquel il avait procédé ce nonobstant relevait d’une attitude chicanière. Les termes qu’il avait utilisés lors de son appel subséquent à la police cantonale ne suggéraient pas autre chose qu’une alcoolisation forte de la conductrice ; mais, même dans ce cas, les agents municipaux eussent pu procéder à l’éthylotest à partir de leur propre équipement, sans requérir de patrouille de gendarmerie. Or, le commissaire de service avait spontanément pensé à une vengeance personnelle ou à un abus d’autorité de la part de B______.

A______ ajoute qu’on ne saurait lui faire grief de n’avoir pas requis la récusation de celui-ci. C’était tout au contraire à lui de le faire spontanément. Pour s’en être abstenu, il avait commis un abus d’autorité.

A______ se plaint, en dernier lieu, que l’ordonnance attaquée donne pour avérée l’utilisation d’épithètes qu’elle conteste avoir tenus envers B______, dont la plainte contre elle était en cours d’instruction. Retenir de tels faits violait sa présomption d’innocence. Une solution pourrait être la suspension de l’instance de recours dans l’attente de l’issue de cette autre procédure.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours, au sens des art. 393 ss. CPP, est ouvert. En effet, les ordonnances de non-entrée en matière rendues par le Ministère public peuvent être attaquées par la partie plaignante conformément aux dispositions sur le classement (art. 104 al. 1, let. b, 310 al. 2, 322 al. 2 et 382 CPP), et la recourante a un intérêt juridiquement protégé à l’annulation ou à la modification de l’ordonnance querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante demande la suspension de l’instance de recours. La Chambre de céans n’est encore jamais entrée en matière sur de semblables demandes (cf. ACRPR/148/2022 du 3 mars 2022 consid. 3 et les références). Suspendre se justifierait d’autant moins, en l’espèce, qu’on ne voit pas en quoi la présente procédure, dans laquelle la recourante se plaint d’abus d’autorité commis par le mis en cause, dépendrait de l’issue de celle parallèlement en cours contre elle pour les atteintes à l’honneur que lui reproche l’agent. Qu’une certaine concomitance relie les actes mutuellement reprochés n’empêche pas que les faits à élucider sont distincts (cp. a contrario l’état de fait de l’ATF 147 I 386).

3.             La recourante soutient que l’agent de police municipale devrait être poursuivi pour abus d'autorité.

3.1.       Selon l'art. 310 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a). Le ministère public doit être certain que les faits ne sont pas punissables (ATF 137 IV 285 consid. 2.3 p. 287 et les références citées).

Le principe « in dubio pro duriore » découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 19 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91; arrêt du Tribunal fédéral 6B_185/2016 du 30 novembre 2016 consid. 2.1.2 et les références). Il signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'infraction grave (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; ATF 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91; ATF 137 IV 285 consid. 2.5 p. 288; arrêts du Tribunal fédéral 6B_417/2017 du 10 janvier 2018 consid. 2.1.2; 6B_185/2016 du 30 novembre 2016 consid. 2.1.2 et les références). En cas de doute, il appartient donc au juge matériellement compétent de se prononcer (arrêt du Tribunal fédéral 6B_185/2016 du 20 novembre 2016 consid. 2.1.2 et les références).

La non-entrée en matière peut également résulter de motifs juridiques. La question de savoir si les faits qui sont portés à sa connaissance constituent une infraction à la loi pénale doit être examinée d'office par le ministère public. Des motifs juridiques de non-entrée en matière existent lorsqu'il apparaît d'emblée que le comportement dénoncé n'est pas punissable. La question juridique doit être très claire (DCPR/104/2011 du 11 mai 2011; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 10 ad art. 310).

3.2.       L'art. 312 CP réprime le fait pour un membre d'une autorité ou un fonctionnaire d'abuser des pouvoirs de sa charge dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite ou de nuire à autrui. L'infraction suppose que l'auteur agisse dans l'accomplissement ou sous le couvert de sa tâche officielle et qu'il abuse des pouvoirs inhérents à cette tâche. L'abus est réalisé lorsque l'auteur, en vertu de sa charge officielle, décide ou use de contrainte dans un cas où il ne lui est pas permis de le faire (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa p. 211); l'abus est également réalisé lorsque l'auteur poursuit un but légitime, mais recourt, pour l'atteindre, à des moyens disproportionnés (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa et b p. 211 ss. ; arrêts 6B_1222/2020 du 27 avril 2021 consid. 1.1; 6B_433/2020 du 24 août 2020 consid. 1.2.1). Une violation insoutenable des pouvoirs confiés n'est, en revanche, pas nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_615/2011 du 20 janvier 2012 consid. 3.1.).

Du point de vue subjectif, l'infraction suppose un comportement intentionnel, au moins sous la forme du dol éventuel, ainsi qu'un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, soit le dessein de nuire à autrui. Il faut admettre que l'auteur nuit à autrui dès qu'il utilise des moyens excessifs, même s'il poursuit un but légitime. Le motif pour lequel l'auteur agit est ainsi sans pertinence sur l'intention, mais a trait à l'examen de la culpabilité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_518/2021 du 8 juin 2022 consid. 1.1. et les références). Par ailleurs, l’application de l’art. 312 CP n’est pas exclusive d’autres sanctions, notamment disciplinaires (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 33 ad art. 312).

3.3.       En l'espèce, la recourante voit un abus d’autorité, non pas dans le fait que l’agent de police municipale l’aurait amendée arbitrairement pour un stationnement illicite, interceptée abusivement pour avoir circulé à une vitesse inadaptée dans une zone de rencontre ou requis de façon exagérée la police cantonale, ni non plus dénoncée de façon injuste pour tapage, mais dans le fait que cet agent ne se soit pas spontanément récusé, au motif qu’ils habitaient le même quartier et connaissaient des dissensions au sein de leur copropriété immobilière.

En premier lieu, il est constant que le mis en cause a relevé un véhicule en contravention dans l’ignorance que la recourante en était ce jour-là la conductrice. On ne voit donc pas comment il aurait pu et dû se récuser à ce moment-là pour cause d’inimitié, au sens de l’art. 56 let. f CPP (qui lui était applicable en sa qualité de membre d’un corps de police communale, au sens de l’art. 15 al. 1 CPP).

Il est établi que la recourante s’est aperçue sur ces entrefaites de l’identité de l’agent verbalisateur, dont le nom est clairement lisible sur le bulletin d’amende d’ordre, puis s’est approchée de deux autres agents, présents non loin, dans l’espoir de faire appel à leur mansuétude. Or, le mis en cause a déclaré avoir rejoint le groupe ainsi formé. Dans l’état apparent d’agacement et de hâte qui habitait la recourante (voire de stress, selon ses propres termes), on peut concevoir que l’arrivée du mis en cause n’ait pas arrangé les choses, qui plus est avec leur passif « privé » antérieur (même si tous deux n’en disent pas grand-chose). Il n’est cependant pas établi que l’agent visé se serait départi de son calme. Le contraire ne ressort pas non plus des doléances de la recourante.

Que le mis en cause ou l’un ou l’autre de ses collègues n’ait pas accepté de passer l’éponge sur le stationnement irrégulier n’est pas constitutif d’un abus d’autorité, dès lors que l’infraction était constituée (et, au surplus, non contestée). On notera, à cet égard, que, selon le ch. 5.3 de la Directive du Procureur général aux polices municipales (accessible à tout un chacun à l’adresse internet www.https://justice.ge.ch/media/2021-02/directive-d.6-directives-polices-municipales.pdf), les agents de ces corps ne peuvent pas, même pour des motifs d’opportunité, décider de ne pas poursuivre certaines infractions sur le territoire de leur commune.

Dans une deuxième phase, la recourante a repris le volant et, en raison d’une boucle de rebroussement, a passé devant le mis en cause. Celui-ci et un autre agent affirment avoir dû réagir en raison de la vitesse du véhicule, qui leur semblait excessive pour une zone de rencontre. L’on peut douter qu’une simple constatation (visuelle ou auditive) ait pu leur suffire à estimer la vitesse de la recourante à plus de 20 km/h, telle que limitée dans le secteur considéré (art. 22b al. 2 de l’ordonnance sur la signalisation routière, OSR ; RS 741.21) ; du reste, l’accusation d’excès de vitesse ne sera pas reprise dans la dénonciation que le mis en cause transmettra au Service des contraventions, le 9 novembre 2020. Pour autant, il reste plausible que la recourante, précisément parce qu’elle était en retard pour ses activités ultérieures, comme elle l’allègue, ait conduit avec une vivacité remarquée.

Cela étant, compte tenu de sa réaction antérieure, i.e. de l’animosité qu’elle avait manifestée contre le mis en cause après l’amende d’ordre qu’il venait de lui infliger, il était – évidemment – malencontreux que celui-ci, plutôt que l’un ou l’autre des agents encore présents, se mît en tête de la « sensibiliser » à une limitation de vitesse dont il n’avait, de toute façon, pas eu les moyens techniques de prouver sur-le-champ l’éventuelle inobservation, sauf à envenimer davantage la situation.

On peut douter, à cet égard, qu’une « sensibilisation » dût passer par la vérification du permis de conduire de la recourante et prendre, ainsi, davantage de temps que les quelques instants nécessaires à un rappel, verbal, à la prudence. Sans équivaloir à un contrôle d’identité – tenu pour légitime dans l’ordonnance attaquée (p. 7), mais injustifiable, puisque les deux protagonistes se connaissaient –, cette inspection relève d’une initiative à tout le moins malencontreuse, là encore, de l’agent mis en cause. On ne comprend pas mieux la nécessité qu’a éprouvée celui-ci de vérifier auprès de la police cantonale la régularité ou la conformité de l’immatriculation du véhicule, ou encore l’identité de son détenteur, puisque la recourante avait tout au plus donné l’apparence de conduire à une vitesse inadaptée, non de se déplacer à bord d’une automobile possiblement non admise à la circulation. Même à supposer que ces éléments-là devaient être impérieusement vérifiés – ce que l’agent n’a jamais prétendu –, on ne voit pas pourquoi ils ne l’ont pas été au moment du contrôle du stationnement.

Dans la mesure où la recourante s’est pliée aux contrôles tout en se laissant aller à du tapage et à « incendier » le mis en cause, comme elle l’écrit, on peut se demander si celui-ci, par son zèle, et non par désarroi, comme retenu dans la décision attaquée, n’a pas suscité les éléments qu’il invoquera peu après à l’appui d’une incapacité de conduire de la recourante. Il n’est, certes, pas l’auteur de l’assertion selon laquelle cette dernière était prise de boisson. Cependant, son appel au commissaire de service pour prendre toute instruction utile, puis sa réquisition d’une patrouille de gendarmerie, semblent marqués par la volonté de retenir la recourante, pour ne pas dire : de la retarder encore plus, comme celle-ci-lui en fait le grief.

En d’autres termes, les actes accomplis ès qualités par le mis en cause après la constatation du stationnement illicite revêtent plutôt une coloration chicanière. Au vu de ses relations antérieures avec la recourante, c’est-à-dire hors contexte officiel ou de service, le mis en cause eût été mieux inspiré de s’abstenir de toute (nouvelle) intervention après l’infliction de l’amende d’ordre, comme le relève le Procureur général. Dans cette phase ultérieure, le comportement du mis en cause n’a pu qu’éveiller l’apparence d’une inimitié pour la recourante, au sens de l’art. 56 let. f CPP, même si les exigences de réserve, d'impartialité et d'indépendance ne peuvent être les mêmes entre les membres d’une autorité judiciaire (art. 13 CPP), d'une part, et un membre d'une autorité de poursuite pénale (art. 12 let. a CPP), d'autre part (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_316/2021 du 29 septembre 2021 consid. 2.2.).

3.4.       Cela étant, la recourante n’a soulevé son grief qu’au stade du recours contre la non-entrée en matière, i.e. après avoir payé toutes les amendes reçues, alors qu’elle savait que le mis en cause était à l’origine de chacune. Par conséquent, elle serait aujourd’hui déchue du droit de le faire récuser (cf. art. 58 al. 1 CPP), si tel avait été – ce qui n’est pas le cas – l’objet de la présente procédure.

La recourante ne peut pas, pour autant, inverser la proposition et tenter, sous couvert d’abus d’autorité, de la reporter sur le mis en cause, au motif que lui aurait dû spontanément se récuser. Ne pas se récuser n’est pas abuser des « pouvoirs » conférés par la charge de policier, au sens de l’art. 312 CP. C’est si vrai que la décision sur l’inimitié, au sens de l’art. 56 let. f CPP, n’appartient pas à l’agent lui-même, mais au Ministère public (art. 59 al. 1 let. b CPP).

3.5.       L’inimitié ou le zèle intempestif qui émergent des deuxième et troisième parties des événements du 25 septembre 2020 ne franchissent pas, en l’espèce, le seuil punissable de l’abus d’autorité. Le mis en cause était compétent pour opérer les contrôles qu’il a ordonnés (art. 6 de l’ordonnance sur le contrôle de la circulation routière, OCC ; RS 741.03). La recourante ne le nie pas, qui affirme dans son recours – sans que le dossier ne l’établisse – qu’il était même équipé pour la soumettre à l’éthylotest, i. e. qu’il n’aurait pas eu besoin pour ce faire du concours de la police cantonale. Peu importe que l’art. 10 al. 1 let. b de la loi d’application de la législation fédérale sur la circulation routière (LaLCR ; H 1 05) ne semble plutôt y habiliter « tout policier » qu’à la condition qu’un accident soit survenu. L’argument ne porte de toute façon pas, à partir du moment où le mis en cause a fait appel à la police cantonale non pas pour soupçon d’ivresse au volant, mais pour une agitation qu’il jugeait incompatible avec la conduite d’un véhicule. Il n’existe aucun indice qu’il aurait induit la centraliste en erreur, pas même par des propos suggérant l’ébriété, comme le soutient la recourante. Parler d’un état « second », comme il l’a fait à teneur de la transcription de son appel à la CECAL, n’y équivaut pas, puisque la loi fait déjà du surmenage, par exemple, une cause spécifique d’incapacité de conduire (art. 2 al. 1 de l’ordonnance sur les règles de la circulation routière, OCR ; RS 741.11). En outre, il résulte de la déposition du commissaire de service que son autorisation de faire appel à une patrouille de gendarmerie n’a pas été donnée pour faire subir l’éthylotest à la recourante, mais pour ramener le calme sur place, notamment pour éviter (si faire se pouvait encore) que le conflit ne prît la tournure d’une vindicte personnelle.

En conclusion, le moyen pris d’une violation de l’art. 312 CP n’est pas fondé.

4.             On ne voit pas ce qu’amèneraient de différent les auditions et confrontations que demande la recourante. Tous les intervenants principaux (elle-même, l’agent mis en cause, un de ses collègues, le commissaire) ont été auditionnés, le cas échéant deux fois, par l’IGS et la transmission de la conversation avec la CECAL est parfaitement claire. La recourante ne précise pas sur quel point, lié à l’un ou l’autre des éléments constitutifs de l’infraction dont elle demande la poursuite, devraient porter ces auditions, à l’exception de celle de l’agent qui a procédé au contrôle de circulation avec le mis en cause (mémoire p. 8). Or, le refus de s’éloigner qu’elle reproche à celui-ci n’est pas établi, puisqu’il semble au contraire qu’il s’était écarté pour passer ses appels téléphoniques à la police ; et, en toute hypothèse, on ne voit pas ce que cet éventuel refus aurait eu d’abusif, au point d’entraîner les rigueurs de la loi.

5.             La recourante conclut, dans ce qui doit être interprété comme une conclusion subsidiaire, à la suppression de passages de l’ordonnance querellée qui attenteraient à sa présomption d’innocence. Elle ne peut être suivie. La présomption d’innocence est violée si la décision d’abandon des poursuites laisse entendre que le prévenu est tout de même coupable des faits examinés, sans que sa culpabilité ne soit établie (cf. arrêt de la CourEDH Peltereau Villeneuve c. Suisse du 28 octobre 2014 § 31 [requête 60101/09] ; ATF 124 I 327 consid. 3b p. 331 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_7/2020 du 17 février 2020 consid. 3.1.). Tel n’est pas le cas de la recourante, partie plaignante dans la présente procédure. Elle conserve intacts tous ses moyens de défense dans la procédure séparée qui la vise.

6.             Le recours s'avère infondé et peut, par conséquent, être rejeté d’emblée, sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5, a contrario, CPP).

7.             La recourante, qui n'a pas gain de cause, assumera les frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 1'000.- (et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie la présente décision à la recourante (soit, pour elle, son conseil), à B______ (soit, pour lui, son défenseur) et au Ministère public.

 

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/17849/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 




COUR DE JUSTICE

 

Selon le règlement du 22 mars 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E.4.10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours
(art. 13)

 

 

- émolument

CHF

915.00

 

 

 

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CHF

1'000.00