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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7627/2012

ACPR/768/2022 du 07.11.2022 sur OMP/13527/2022 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Recours TF déposé le 18.11.2022, 7B_69/2022
Descripteurs : LOI FÉDÉRALE SUR L'ENTRAIDE INTERNATIONALE EN MATIÈRE PÉNALE;DÉLÉGATION DE COMPÉTENCE;ORDONNANCE DE CLASSEMENT;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);SÛRETÉS
Normes : EIMP.1.al1.letc; CPP.8.al3; CPP.8.al4; CPP.55; EIMP.89; EIMP.15.al1; CPP.429; CPP.240; CPP.329.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7627/2012 ACPR/768/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 7 novembre 2022

 

Entre

A______, domicilié ______, France, comparant par Me B______, avocat, ______, Genève,

recourant

contre l'ordonnance de refus d'indemnisation et de restitution partielle de sûretés rendue le 9 août 2022 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 19 août 2022 au Tribunal pénal fédéral, qui l'a transmis à la Chambre de céans, A______ recourt contre l'ordonnance du 9 précédent, notifiée le 11 suivant, par laquelle le Ministère public a rejeté – dans la mesure de leur recevabilité – ses conclusions en indemnisation, constaté que les sûretés à hauteur de CHF 15'000.- avaient été dévolues à l'État et ordonné que le solde lui soit restitué.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens chiffrés à CHF 8'000.-, à l'annulation de l'ordonnance querellée et à la condamnation de la Confédération suisse, subsidiairement de l'État de Genève, à lui verser divers montants, à titre de dommages-intérêts et de tort moral.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier:

a.      En 2012, le Ministère public a ouvert des procédures pénales P/1______/2012 et P/7627/2012 relatives à deux brigandages, ayant eu lieu les 25 janvier et 30 mai 2012, dont avait été victime la société C______ SA, sise à Genève et active dans la conception, fabrication, distribution et vente de produits de l'industrie horlogère.

b.      A______, employé comme horloger auprès de cette société, a été arrêté le 31 mai 2012 et prévenu de brigandage (art. 140 CP), complicité de brigandage (art. 25 cum 140  CP) et recel (art. 160 CP).

Il lui a notamment été reproché d'avoir, d'une part, participé avec des tiers – connus pour le premier brigandage et inconnus pour le second – à leur élaboration au préjudice de son employeur C______ SA, en fournissant les informations nécessaires à leur commission et, d'autre part, d'avoir aidé des inconnus lors de la négociation de vente de nombreuses montres de provenance douteuse.

La procédure le concernant a été disjointe de la P/1______/2012 et instruite sous le numéro P/7627/2012.

c.       A______ est demeuré en détention provisoire du 3 juin au 11 juillet 2012. Sa libération, intervenue le 12 juillet 2012, a été assortie de diverses mesures de substitution, dont le versement de sûretés à hauteur de CHF  3'000.- et EUR 1'902.- et l'obligation de se présenter à toute convocation du Ministère public.

Le 24 octobre 2012, en raison de son implication potentielle dans le second brigandage, A______ a à nouveau été placé en détention provisoire. Il a été libéré le 3 juin 2013 au bénéfice de mesures de substitution consistant notamment en la fourniture de sûretés d'un montant supplémentaire de CHF  15'000.-.

d.      Bien que dûment convoqué, A______ n'a pas comparu aux audiences des 7 octobre 2014 et 31 mars 2015 devant le Ministère public, étant précisé que ce dernier lui avait refusé la délivrance d'un sauf-conduit.

e.       Compte tenu de cette absence, le Ministère public a, par ordonnance du 29 juillet 2015, notifiée à son conseil d'office, ordonné la dévolution à l'État, à hauteur de CHF 15'000.-, des sûretés fournies.

A______ n'a pas recouru contre cette ordonnance.

f.       Le 13 août 2015, l'Office fédéral de la justice a sollicité les autorités françaises en vue d'une délégation de la poursuite.

Par courrier du 30 août 2016, celles-ci ont confirmé qu'une information avait été ouverte à l'encontre d'A______ le 7 avril 2016 pour complicité de vol avec arme et recel et que le prénommé avait été placé sous contrôle judiciaire.

g.      Par avis de prochaine clôture du 15 septembre 2016, notifié à son avocat, le Ministère public a informé A______ de son intention de rendre une ordonnance de classement et lui a imparti un délai au 15 octobre 2016 pour formuler ses prétentions en indemnisation.

À cette suite, le conseil d'office d'A______ a produit un état de frais de CHF 2'365.20.

h.      Par ordonnance du 23 novembre 2016, notifiée à son conseil, le Ministère public a classé la procédure en application de l'art. 8 al. 3 CPP et laissé les frais de la procédure à la charge de l'État. Aucun recours n'a été interjeté contre cette ordonnance.

i.        Par ordonnance du juge d'instruction français du 12 septembre 2019, A______ a bénéficié d'un non-lieu partiel pour le second brigandage, en raison de l'insuffisance de charges.

Par jugement du 4 novembre 2020, le Tribunal correctionnel de Strasbourg a acquitté A______, au bénéfice du doute, pour les faits qualifiés de recel de bien provenant d'un vol et de complicité de vol aggravé (premier brigandage).

j.        Le 16 novembre 2021, A______ a présenté une requête en indemnisation auprès de l'Office fédéral de la justice, transmise au Ministère public le 1er février 2022, par laquelle il demandait:

-        CHF 52'400.- avec intérêts à 5% dès le 31 mai 2013 pour tort moral;

-        CHF 18'000.- et EUR 1'902.- avec intérêts à 5% dès le 3 juin 2013 à titre de dommages-intérêts pour les sûretés non restituées;

-        CHF 386'619.75 avec intérêts à 5% dès le 15 août 2014 à titre de dommages-intérêts pour sa perte de salaire de décembre 2016 à mai 2021;

-        CHF 338'731.39 avec intérêts à 5% dès le 15 mai 2019 à titre de dommages-intérêts pour sa perte de salaire de janvier 2017 à novembre 2021 et

-        EUR 50'000.- avec intérêts à 5% dès le 10 avril 2017 à titre de dommages-intérêts pour la vente à perte de son immeuble.

Il avait droit à une indemnité pour tort moral, dans la mesure où il avait subi une privation de liberté de 262 jours et avait particulièrement souffert de l'opprobre résultant de ses deux arrestations et périodes de détentions successives, ainsi que de la procédure pénale dirigée contre lui, dont la presse s'était fait l'écho. Il avait par ailleurs perdu ses deux emplois d'horloger auprès d'D______ SA (salaire mensuel de CHF 3'251.20) et de C______ SA (salaire mensuel de
CHF 3'778.25) et n'avait pas été en mesure de trouver un nouvel emploi dans le domaine de l'horlogerie. Vivant en France avec un salaire mensuel moyen
d'EUR 1'223.22, son manque à gagner mensuel était de CHF 7'029.45 de mai 2012 à décembre 2016, puis, dès janvier 2017, de CHF 5'741.21, correspondant à un dommage, en termes de perte de salaire, de CHF 386'619.75 (de mai 2012 à décembre 2016) et de CHF 338'731.39 (de janvier 2017 à novembre 2021). N'ayant plus été en mesure d'assumer les coûts financiers liés à son immeuble – suite à la perte de son emploi –, il avait été contraint de le vendre à un prix inférieur à sa valeur réelle. En outre, les sûretés dévolues à tort à l'État de Genève devaient lui être remboursées.

À l'appui de sa requête, il a produit diverses pièces.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a considéré qu'il ne lui incombait pas de statuer sur la réparation des dommages survenus postérieurement à la délégation de la poursuite pénale aux autorités françaises. S'agissant des dommages survenus en Suisse, A______, assisté d'un avocat, n'avait sollicité aucune indemnisation – ni même réservé ses droits suivant l'issue de la procédure en France – de sorte que sa demande du 16 novembre 2021 était tardive. Celle-ci devait en tout état être rejetée dans la mesure où A______ avait contribué à l'ouverture d'une procédure pénale contre lui et l'avait ensuite compliquée inutilement. Le préjudice économique devait quoi qu'il en soit lui être imputé, dès lors qu'il avait choisi de quitter la Suisse pour la France afin de se soustraire à la procédure pénale et que son employeur l'avait licencié avant le terme de la procédure. N'ayant pas recouru contre l'ordonnance de dévolution de sûretés du
29 juillet 2015, il ne pouvait pas non plus prétendre à la restitution des sûretés à hauteur de CHF 15'000.-, mais uniquement de CHF 3'476.74, correspondant à la différence entre le solde des sûretés versées et la créance compensée de l'État en paiement de contraventions.

D. a. Dans son recours, A______ estime que le Tribunal pénal fédéral était l'autorité compétente pour statuer de son recours.

Le Ministère public aurait dû statuer sur les dommages survenus après la délégation de la procédure aux autorités françaises, dès lors que les art. 429 CPP et 431 CPP étaient applicables par renvoi de l'art. 15 EIMP. Il n'avait pas renoncé à ses indemnités, l'avis de prochaine clôture étant nul, faute de compétence, et de toute manière prématuré, puisque la question de l'indemnisation ne pouvait être tranchée qu'une fois connue l'issue de la procédure déléguée aux autorités françaises. Les frais n'ayant pas été mis à sa charge, les indemnités ne pouvaient lui être refusées. De plus, il n'avait commis aucun acte illicite, les mesures de substitution ne prévoyant pas d'obligation de déférer à toutes les convocations et la délivrance d'un sauf-conduit lui ayant été refusée à tort. La procédure pénale avait porté une atteinte à sa capacité économique étant donné qu'il n'avait pas été en mesure de recouvrer un emploi similaire dans le domaine d'horlogerie et qu'il avait été contraint de regagner la France pour y chercher un nouvel emploi. L'ordonnance de dévolution des sûretés était, elle aussi, nulle, le Ministère public ayant perdu toute compétence au moment de la délégation de la procédure aux autorités françaises. Qui plus est, la dévolution des sûretés n'avait pas d'effet formateur, dès lors qu'à l'échéance des mesures de substitution, il n'avait plus d'obligation de participer aux audiences, étant précisé que – vu son domicile en France – les mandats de comparution ne constituaient qu'une simple invitation à participer à la procédure. Sa créance en restitution des sûretés était dès lors de CHF 17'081.70 correspondant à la différence entre la totalité des sûretés versées à l'État (CHF 18'000.-) et le montant des amendes non payées
(CHF 918.30).

b. Le Ministère public a répliqué qu'il persistait dans les termes de la décision querellée.

 

EN DROIT :

1. Le recourant conteste la compétence de la Chambre de céans pour statuer sur son recours, au motif que celui-ci serait du ressort du Tribunal pénal fédéral.

1.1. L'autorité compétente au niveau cantonal pour l'application du droit de la coopération internationale en matière pénale est le ministère public (art. 55 al. 1 CPP). Les voies de recours contre ses décisions sont exclusivement régies par la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP; RS 351.1; arrêts du Tribunal fédéral 1C_395/2016 du 1er septembre 2016 consid. 1.4 et 1B_563/2011 du 16 janvier 2012 consid. 2.1; R. ZIMMERMANN, La coopération judiciaire internationale en matière pénale, 5e éd. 2019, n 177). Celles-ci sont attaquables directement auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (art. 25 al. 1 EIMP). La procédure de recours réglée aux art. 393 ss CPP n'est donc pas applicable (arrêt du Tribunal fédéral 1C_395/2016 précité consid. 1.4; N. OBERHOLZER, Grundzüge des Strafprozessrechts, 4e éd. 2020, n. 356).

En revanche, lorsque la décision du ministère public ne constitue pas une décision en matière d'entraide judiciaire, celle-ci est attaquable en vertu de l'art. 393 al. 1 let. a CPP (arrêt du Tribunal fédéral 1B_312/2016 du 10 novembre 2016 consid. 2.1).

1.2. L'entraide judiciaire entre la République française et la Confédération suisse est prioritairement régie par la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 (CEEJ; RS 0.351.1), entrée en vigueur pour la Suisse le
20 mars 1967 et pour la France le 21 août 1967, ainsi que par l'Accord entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République française en vue de compléter la CEEJ (Accord bilatéral; RS 0.351.934.92) conclu le 28 octobre 1996 et en vigueur depuis le 1er mai 2000. S'appliquent aussi à l'entraide pénale entre ces deux États, les art. 48 ss de la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 (CAAS; no CELEX 42000A0922[02]; Journal officiel de l'Union européenne
L 239 du 22 septembre 2000, pp. 19-62).

Les dispositions des traités précités l'emportent sur le droit interne régissant la matière, soit l'EIMP et son ordonnance d'exécution (OEIMP; RS 351.11). Le droit interne reste toutefois applicable aux questions non réglées, explicitement ou implicitement, par les dispositions conventionnelles (art. 1 al. 1 EIMP).

1.3. En vertu de l'art. 1 al. 1 EIMP, la coopération internationale en matière pénale comprend notamment la délégation de la poursuite pénale (let. c) et l'exécution de décisions pénales étrangères (let. d).

On parle d'autorité d'exécution lorsque les autorités suisses appliquent le droit de la coopération internationale en matière pénale, soit lorsqu'elles ordonnent les actes matériels et de procédure nécessaires à l'accomplissement d'une demande étrangère ou lorsqu'elles demandent la coopération étrangère. En revanche, l'autorité qui agit dans le cadre de ses compétences propres, mais non en application du droit de l'entraide, n'intervient pas en qualité d'autorité d'exécution, au sens du droit de la coopération internationale (R. ZIMMERMANN, op. cit., n. 272). Ainsi, par exemple, l'autorité de poursuite pénale qui refuse d'ordonner un séquestre à l'étranger – et par conséquent de requérir l'entraide de l'État étranger pour l'exécution de cette mesure de contrainte – n'agit pas en application du droit de l'entraide, mais du CPP (arrêt du Tribunal fédéral 1B_312/2016 du 10 novembre 2016 consid. 2.1).

1.4. En l'espèce, force est de constater que l'ordonnance de refus d'indemnisation et de restitution partielle de sûretés n'est pas une décision en matière d'entraide judiciaire, le Ministère public n'ayant pas agi comme autorité chargée de l'exécution d'une demande d'entraide étrangère. Ce dernier était en revanche l'autorité compétente pour statuer sur une demande d'indemnités suite à un abandon de la poursuite pénale (cf. art. 429 CPP). L'existence d'une délégation des poursuites au niveau international n'y change rien dès lors que sa propre compétence découle des art. 8 al. 3 et 4 CPP.

L'arrêt du Tribunal pénal fédéral (RR.2018.240 du 12 décembre 2018), dont se prévaut le recourant, ne lui est d'aucun secours, dans la mesure où dans ce cas, le litige portait sur l'indemnisation d'un prévenu – qui invoquait des dommages subis en raison d'une perquisition de domicile – en lien avec une procédure menée par le Ministère public à la suite d'une demande d'entraide déposée par un État étranger. Or, dans le litige porté devant la Chambre de céans, il n'est pas question d'actes ordonnés par le Ministère public à la suite d'une demande d'entraide déposée par la France.

Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance querellée est attaquable en vertu de
l'art. 393 CPP, de sorte que la Chambre de céans est compétente pour statuer sur le recours.

1.5. Le recours – parvenu à une mauvaise autorité et transmis sans retard à l'autorité compétente (art. 91 al. 4 CPP) – a par ailleurs été déposé dans le délai prescrit (art. 396 al. 1 CPP) et émane du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

Partant, il est recevable.

2. Reste à savoir si la requête en indemnisation du recourant était tardive.

2.1.1. En vertu de l'art. 8 al. 3 CPP, le ministère public peut renoncer à la poursuite pénale si aucun intérêt prépondérant de la partie plaignante ne s'y oppose et que l'infraction fait déjà l'objet d'une poursuite de la part d'une autorité étrangère ou que la poursuite est déléguée à une telle autorité.

Les art. 88 ss EIMP règlent la délégation de la poursuite pénale de la Suisse à l'étranger. À teneur de l'art. 89 al. 1 EIMP, lorsqu'un État étranger accepte la poursuite pénale, les autorités suisses s'abstiennent de toute autre mesure à raison du même fait contre la personne poursuivie tant que l'État requis n'a pas fait connaître qu'il lui est impossible de mener la procédure pénale à chef (let. a), s'il ressort de la décision rendue dans cet État que le juge a prononcé, statuant au fond, un acquittement ou un non-lieu (let. b, mis en relation avec l'art. 5 al. 1 let. a ch. 1 EIMP), ou s'il a renoncé à infliger une sanction ou s'est abstenu provisoirement de la prononcer (let. b, mis en relation avec l'art. 5 al. 1 let. a ch. 2 EIMP), voire encore si la sanction infligée a été exécutée ou ne peut plus l'être selon le droit de l'État qui a statué (let. b, mis en relation avec l'art. 5 al. 1 let. b EIMP).

Ainsi, dès l'acceptation de la délégation de la part des autorités étrangères, l'autorité de poursuite suisse n'est plus compétente et ne peut prendre aucune mesure jusqu'à la fin de la procédure étrangère (L. MOREILLON (éd), Commentaire romand: Entraide internationale en matière pénale, Bâle 2003, n. 1 ad art. 89). Du fait de cette incompétence, l'autorité suisse délégante devra s'abstenir de toute mesure aussi bien à l'encontre qu'en faveur de la personne poursuivie (TPF in arrêt RR.2007.5 du 5 mars 2007 consid. 2.2). Par mesures au sens de l'art. 89 EIMP, il faut entendre notamment les actes d'enquête et d'administrations des preuves (M. A. NIGGLI / S.  HEIMGARTNER (éds.), Basler Kommentar : Internationales Strafrecht, Bâle 2015, n. 8 ad art. 89).

2.1.2. En vertu de l'art. 8 al. 4 CPP, le ministère public rend une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement si les conditions de l'art. 8 al. 3 CPP sont remplies. Ces dispositions permettent de régler les conséquences procédurales d'une délégation à l'étranger au sens des art. 88 ss EIMP (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand: Code de procédure pénale suisse,
2e éd., Bâle 2019 n. 93 et 98 ad art. 8; voir aussi arrêt du Tribunal fédéral 1B_318/2017 du 30 novembre 2017 consid. 2.1).

2.1.3. En ce qui concerne l'indemnisation du prévenu, l'art. 15 al. 1 EIMP prévoit que les art. 429 et 431 CPP sont applicables par analogie à la procédure menée en Suisse conformément à la présente loi, ou à l'étranger sur demande d'une autorité suisse. Cette disposition doit être comprise comme opérant un renvoi vers les règles du CPP en matière d'indemnisation (arrêt du Tribunal pénal fédéral BB.2012.61-62 du
11 décembre 2012 consid  3.1.1.).

2.1.4. Selon l'art. 429 al. 1 CPP, le prévenu bénéficiant d'une ordonnance de classement a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a), pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b) et à une réparation du tort moral en cas de privation de liberté (let. c).

L'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu (art. 429 al. 2 CPP). Il lui incombe, à tout le moins, d'interpeller le prévenu sur la question de l'indemnité et de l'enjoindre au besoin de chiffrer et justifier ses prétentions en indemnisation. L'autorité pénale n'a en revanche pas à établir d'office tous les faits pertinents pour le jugement des prétentions en indemnisation (ATF 142 IV 237 consid. 1.3.1 p. 240; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1142/2016 du 18 mai 2017 consid. 2.1; 6B_477/2016 du 22 mars 2017 consid. 2.1). L'art. 429 al. 2 CPP ne dispense toutefois pas le prévenu acquitté, qui supporte le fardeau de la preuve, de collaborer avec le juge (arrêts du Tribunal fédéral 6B_740/2016 du 2 juin 2017 consid. 3.1; 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 2, non publié in ATF 142 IV 163).

Il est certes loisible au prévenu de renoncer à être indemnisé, en principe à la faveur d'une déclaration formelle. Un comportement passif peut toutefois être interprété comme une renonciation lorsque le prévenu n'a pas réagi à la suite d'une demande expresse de l'autorité de chiffrer et justifier ses prétentions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_472/2012 du 13 novembre 2012 consid. 2.4). En l'absence de toute interpellation de l'autorité, une renonciation ne peut pas être déduite du seul fait que le prévenu n'a pas fait appel (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1172/2015 du 8 février 2016 consid. 2.2).

L'autorité pénale doit statuer sur l'indemnité du prévenu dans la décision finale. Si elle omet de le faire, le prévenu doit utiliser les voies de droit contre dite décision
(ATF 144 IV 207 consid. 1.7 p. 211). L'entrée en force de la décision concerne également la question de l'indemnité dans la mesure où il a été statué sur les frais et que la décision quant aux frais est sous-jacente à la question de l'indemnité, de sorte qu'en cas de prise en charge des frais, aucune indemnité ou de réparation morale n'est octroyée et inversement (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2 p. 211; ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2 p. 357). La procédure en cas de décision judiciaire ultérieure indépendante selon les art. 363 ss CPP n'est en principe pas prévue pour de telles constellations (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.3 p. 212). Le prévenu doit ainsi contester par la voie du recours le fait qu'aucune indemnité ne lui avait été octroyée par le ministère public (ATF 144 IV 207 consid. 1.9 p. 212).

2.2. En l'espèce, contrairement à l'avis du recourant, le Ministère public était compétent pour prononcer une ordonnance de classement en vertu des art. 8 al. 3 et
4 CPP, dans la mesure où ces dispositions visent précisément à régler les conséquences procédurales d'une délégation à l'étranger au sens des art. 88 ss EIMP. Il en va de même pour sa compétence sur l'avis de prochaine clôture, dès lors que, conformément à l'art. 318 al. 1 CPP, celui-ci précède toute décision de classement.

Dans l'ordonnance de classement du 23 novembre 2016, le Ministère public a mis les frais à la charge de l'État, ce qui est conforme aux principes juridiques rappelés sous chiffre 2.1.3 supra. Il n'a pas statué sur une éventuelle indemnisation du dommage subi par le recourant. Force est toutefois de constater à cet égard que ce dernier, bien que dûment interpellé à ce propos et assisté d'un avocat, n'a formulé aucune prétention. Le Ministère public pouvait donc légitimement considérer que le recourant avait renoncé à toute indemnisation. Le recourant n'a pas davantage contesté, par la voie du recours, le fait qu'aucune indemnité ne lui avait été octroyée. Il était ainsi forclos pour en réclamer. Il ne saurait par ailleurs être suivi lorsqu'il affirme que la question de l'indemnisation ne pouvait être tranchée qu'une fois connue l'issue de la procédure déléguée aux autorités françaises: le classement de la procédure en Suisse, quel qu'en soit le motif, entraînait en effet l'application immédiate de l'art. 429 CPP, sans qu'il soit besoin d'attendre le sort réservé au recourant dans la procédure française.

Par ailleurs, les motifs sur lesquels le recourant fonde ses prétentions en indemnité étaient connus par celui-ci au moment du prononcé de l'ordonnance de classement. D'une part, sa détention préventive a eu lieu en Suisse. D'autre part, le recourant allègue lui-même que son dommage économique – relatif à ses deux pertes consécutives de salaire et à la vente à perte de son immeuble – était survenu par suite de la perte de son travail en Suisse, de sorte qu'il pouvait s'en prévaloir au moment du classement de la poursuite en Suisse.

Dans ces conditions, le Ministère public a à juste titre considéré la demande d'indemnisation du 16 novembre 2021 comme tardive. Le recours sera rejeté sur ce point.

3. Le recourant réclame la restitution de ses sûretés.

3.1. Aux termes de l'art. 240 al. 1 CPP, si le prévenu se soustrait à la procédure ou à l'exécution d'une sanction privative de liberté, les sûretés sont dévolues à la Confédération ou au canton dont relève le tribunal qui en a ordonné la fourniture. Pour justifier la dévolution des sûretés à la Confédération ou au canton, la soustraction à la procédure ou à l'exécution de la sanction privative de liberté doit s'étendre sur une certaine durée. Tel est notamment le cas lorsque le prévenu prend la fuite ou se cache. La soustraction doit en outre être injustifiée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1269/2017 du 16 janvier 2019 consid. 8.1).

Dès que l'autorité compétente constate, dans une décision, que le prévenu n'a pas respecté les obligations qui lui étaient imposées, les sûretés sont dévolues automatiquement et définitivement à la Confédération ou au canton dont relève le tribunal qui en a ordonné la fourniture (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 6 ad art. 240).

3.2. Conformément à l'art. 239 al. 2 CPP, les sûretés fournies par le prévenu qui ont été libérées peuvent être utilisées pour payer les peines pécuniaires, les amendes, les frais et les indemnités mis à sa charge.

3.3. En l'espèce, le Ministère public a par ordonnance du 29 juillet 2015, dûment notifiée au recourant, dévolu à l'État de Genève les sûretés fournies à hauteur de CHF  15'000.-. Cette ordonnance n'a pas été contestée et est ainsi entrée en force, de sorte qu'elle ne saurait être remise en cause par le détour d'une demande d'indemnisation, de surcroît tardive.

Contrairement à l'avis du recourant, l'ordonnance du 29 juillet 2015 n'est pas visée par l'art. 89 EIMP. En effet, la problématique de la caution n'était pas pertinente pour l'issue de la poursuite pénale en France, dès lors que la dévolution a été prononcée aux motifs que le recourant se serait soustrait à la procédure en Suisse et n'aurait pas respecté les mesures de substitution prises à son encontre.

Il résulte de ce qui précède que le recours sera rejeté sur ce point également.

En revanche, l'ordonnance du 29 juillet 2015 ne s'est pas prononcée sur le sort des sûretés à hauteur de CHF 3'000.- et EUR 1'902, de sorte qu'elles doivent être libérées. Compte tenu de la compensation à hauteur de CHF 918.30 avec la créance de l'État en paiement de contraventions – au demeurant non contestée par le recourant – les montants de CHF 2'081.70 et EUR 1'902.- doivent être libérés en faveur de ce dernier.

4. Le recourant, qui succombe en quasi-totalité, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). Ce montant sera compensé avec les sûretés versées (art. 239 al. 2 CPP), le solde (CHF 1'081.70 et EUR 1'902) devant lui être restitué.

5. Au vu de l'issue du litige aucune indemnisation ne sera accordée au recourant
(art. 436 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet le recours très partiellement.

Libère le solde des sûretés versées à hauteur de CHF 2'081.70 et EUR 1'902.-.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés libérées, et le solde (CHF 1'081.70 et
EUR 1'902.-) restitué au recourant.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à A______, soit pour lui son avocat, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/7627/2012

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

1'000.00