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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14322/2022

ACPR/731/2022 du 24.10.2022 sur OTMC/3005/2022 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : RISQUE DE FUITE;DÉTENTION PROVISOIRE
Normes : CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14322/2022 ACPR/731/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 24 octobre 2022

 

Entre

 

A______, actuellement détenu à B______, comparant par Me C______, avocat, ______ Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire rendue le 28 septembre 2022 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

 

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 10 octobre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 28 septembre 2022, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a ordonné la prolongation de sa détention provisoire jusqu’au 2 décembre 2022.

Le recourant conclut, sous suite de frais et indemnité du défenseur d'office, préalablement, à la tenue d'une audience et, principalement, à l'annulation de cette décision et à sa mise en liberté dès le 17 octobre 2022, subsidiairement avec des mesures de substitution.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.        À teneur du rapport d'arrestation du 2 juillet 2022, la police a observé sur le quai Général-GUISAN, quatre personnes – identifiées ensuite comme étant D______, E______, F______ et A______ – s'approcher d'un jeune homme – G______ – qui marchait en direction de Bel-Air. Immédiatement, après avoir agrippé les mains de ce dernier et l'avoir arrêté, A______ a mis la main dans la poche du jeune et en a extrait deux téléphones portables, qu'il a remis à E______; pendant ce temps-là, D______ et F______ se trouvaient autour du duo qui commettait le délit et faisaient le guet. Ensuite, E______ a attrapé la victime par le bras et l'a tirée fortement sur le côté, tout en arrachant la montre qu'elle portait au poignet. Les quatre hommes sont ensuite partis en direction de Bel-Air. G______ a rattrapé l'un des agresseurs, lequel a rendu la montre à la victime. La géolocalisation des deux téléphones portables a permis de les retrouver derrière la grille de protection d'une boutique, du côté de la place de la Fusterie.

b.        Le 3 juillet 2022, le Juge des mineurs (ci-après, JMin) a prévenu A______ – qui se déclarait mineur – de brigandage, vol, entrée et séjour illégaux (art. 139 ch. 1 CP, 140 ch. 1 CP; art. 115 al. 1 let. a et b LEI) et de consommation de stupéfiants (article 19a LStup).

Le prévenu a déclaré n'avoir ni touché G______ ni volé de téléphone le soir des faits; il avait par contre restitué au précité sa montre qui se trouvait sur le gravier. Il ignorait ne pas avoir le droit d'entrer en Suisse.

c.         Par ordonnance du 3 juillet 2022, le JMin a ordonné la mise en détention provisoire de A______ à H______, laquelle a été prolongée par le TMC la dernière fois jusqu'au 2 octobre 2022.

d.        Lors de l'audience du 12 juillet 2022, A______ a déposé plainte contre les policiers pour abus d'autorité et lésions corporelles.

e.         Le 13 juillet 2022, conduit aux HUG pour les examens médicaux nécessaires à l'expertise d'âge ordonnée par le JMin, le prévenu a refusé de s'y soumettre.

f.         Le 14 juillet 2022, le JMin a rendu une ordonnance de dessaisissement et transmis la procédure au Ministère public.

Par arrêt du 25 juillet 2022 (ACPR/495/2022), la Chambre de céans s'est déclarée incompétente pour connaître du recours interjeté par A______ contre cette ordonnance.

Par décision du 28 septembre 2022, le Procureur général a également rejeté ledit recours.

g.        Le 14 juillet 2022, A______ a contesté devant le Ministère public le vol des téléphones portables. Il avait ramassé la montre qu'un autre avait arrachée au jeune et l'avait rendue à ce dernier. Ce dernier lui avait demandé de lui rendre ses téléphones; il lui avait répondu qu'il ne les avait pas.

h.        Le 19 juillet 2022, le Procureur a confronté les prévenus D______, E______ et A______ à G______ lequel a confirmé que quatre individus, arrivés par derrière, lui avaient barré le chemin en lui agrippant les mains et en l'arrêtant. Ils s'étaient positionnés en demi-cercle autour de lui; une partie du groupe lui avait pris les téléphones tandis que l'autre partie lui avait pris la montre, d'une valeur de EURO 800.-, en détachant le bracelet. Les téléphones étaient ensuite passés en mains des autres individus. Il avait réussi à les convaincre de lui restituer sa montre.

A______ a déclaré qu'il n'était pas là au moment de ces vols.

i.          Le 1er septembre 2022, le Procureur a entendu le gendarme J______, qui avait observé les quatre prévenus le soir des faits, lequel avait vu E______ et A______ s'approcher d'un jeune homme, et A______ lui saisir les bras avant de prendre quelque chose dans l'une de ses poches et le donner à E______. Tandis que A______ s'éloignait de quelques mètres, E______ avait saisi la victime par le bras et lui avait subtilisé sa montre; les deux autres prévenus se trouvaient à 4 ou 5 mètres derrière.

j.          Lors de l'audience du 15 septembre 2022, D______, qui se dit mineur, a déclaré avoir pris les portables et la montre d'un homme; il avait remis les téléphones à E______ et avait vu A______ rendre la montre à la victime.

k.        Le 17 octobre 2022, le Procureur a adressé aux parties un avis de prochaine clôture de l'instruction et les a informées de son intention d'adresser un acte d'accusation au Tribunal de police. Il leur a fixé un délai au 31 octobre 2022 pour présenter leurs éventuelles réquisitions de preuves.

l.          A______, qui n'a pas d'antécédents judiciaires en Suisse, dit être Marocain et né le ______ 2005; avoir une fille, née en ______ 2022, laquelle vivrait avec sa mère à I______[France]; sa famille vivrait au pays.

C.            Dans l'ordonnance querellée, le TMC retient que les charges étaient graves et suffisantes pour justifier le maintien en détention provisoire du prévenu. L'instruction se poursuivait par une prochaine confrontation des prévenus à l'enquêteur et pour établir l'ampleur de l'activité délictuelle de ceux-ci.

Il retient un risque de fuite concret, vu la nationalité étrangère du prévenu, son absence d'attache avec la Suisse ainsi que sa situation administrative et personnelle; risque renforcé par la peine-menace et concrètement encourue ainsi que par la perspective d'une expulsion de Suisse (art. 66a ss CP). Il se justifiait dès lors de maintenir le prévenu en détention avant jugement afin de s'assurer de sa présence au procès et garantir l'exécution de la peine et de la mesure d'expulsion qui seraient cas échéant prononcées. Il existait un risque de collusion, à l'égard du plaignant et de F______, remis en liberté par le Tribunal des mineurs. Il n'a pas retenu le risque de réitération. Le principe de proportionnalité de la détention provisoire demeurait largement respecté et aucune mesure de substitution n'était susceptible d'atteindre le but de la détention, au vu des risques retenus.

D.            a. À l'appui de son recours, A______ conteste le risque de collusion, la dernière audience d'instruction s'étant tenue le 17 octobre 2022. S'agissant du risque de fuite, il estime qu'il n'y avait pas de soupçons suffisants pour retenir un brigandage, mais tout au plus pour un vol. Or, considérant que la peine minimale pour un vol était une peine pécuniaire, avec sursis, et qu'il était détenu depuis plus de 90 jours, le risque de fuite était inexistant. En outre, il était inconcevable, alors qu'il plaidait son innocence et que sa plainte pénale à l'encontre des deux témoins policiers était en cours d'instruction, qu'il ne se présente pas à l'audience de jugement. Enfin, il avait un intérêt juridique à suivre les tenants et aboutissants de sa plainte pénale.

b. Le TMC déclare persister dans sa décision.

c. Le Ministère public propose le rejet du recours; les charges étaient suffisantes et des risques de collusion et de fuite existaient.

d. Le recourant a répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant conclut à la tenue d'une audience

2.1. De jurisprudence éprouvée, l'art. 29 al. 2 Cst. ne confère aucun droit à l'oralité de la procédure et ne donne notamment pas aux parties le droit de s'exprimer verbalement devant l'autorité appelée à prendre une décision. Au regard de cette disposition, il suffit que chaque intéressé puisse fournir ses explications ou présenter son point de vue verbalement ou par écrit, en personne ou par l'intermédiaire d'un représentant (arrêt du Tribunal fédéral 6B_145/2009 du 28 mai 2009 consid. 3, avec références aux ATF 125 I 209 consid. 9b et ATF 125 I 113 consid. 2a). Lorsque le recourant a eu la possibilité de s'exprimer sans limitation par écrit et en dernier lieu, la tenue d'une audience, au sens de l'art. 390 al. 5 CPP, qui n'a aucun caractère impératif (l'autorité "peut ordonner des débats"), ne se justifie pas dès lors que le droit d'être entendu du prévenu a été pleinement respecté, étant précisé que c'est la forme écrite qui est prescrite pour la procédure de recours (art. 390 al. 1 à 4 CPP; ACPR/422/2012 du 14 octobre 2012).

2.2. En l'occurrence, le recourant n'explique pas pourquoi il souhaite une telle audience. Il est manifeste qu'il a pu faire valoir ses griefs par écrits dans son recours. Ses droits ont ainsi été pleinement respectés et il n'y a pas lieu d'appointer d'audience débats. Il ne sera ainsi pas donné suite à ses conclusions préalables.

3.             Le recourant ne conteste pas les charges retenues contre lui mais critique – sous l'angle du risque de fuite et de la peine encourue – la qualification de brigandage, soutenant qu'il s'agirait, s'il était l'auteur des faits, d'un vol. Ce faisant, le recourant passe sous silence l'infraction à la LEI qui lui est également reprochée.

La Chambre de céans retient qu'il ressort du dossier des charges amplement suffisantes et graves de la commission d'actes délictueux, quelle que soit la qualification juridique qui sera retenue. Il n'appartient, en outre, pas à la Chambre de céans d'apprécier la crédibilité des co-prévenus qui "innocenteraient" le recourant.

4.             Le recourant conteste le risque de fuite.

4.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention provisoire peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite. Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères, tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier le placement ou le maintien en détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 145 IV 503 consid. 2.2; 143 IV 160 consid. 4.3).

4.2. En l'espèce, il est établi que le recourant est de nationalité étrangère et possède des attaches familiales en France et dans son pays d'origine et qu'il se trouve en situation irrégulière en Suisse. Le risque qu'en cas de libération il cherche à s'enfuir ou disparaisse dans la clandestinité pour échapper à la justice, eu égard à la peine-menace et concrète encourue pour les faits reprochés mais également à la perspective d'une expulsion de Suisse, est donc grand.

Le dépôt d'une plainte contre la police n'apparaît pas de nature à le dissuader de disparaître face à une peine privative de liberté que le Ministère public pourrait requérir conformément aux peines menace prévues tant par l'art. 139 que l'art. 140 CP. Il n'appartient pas à la Chambre de céans de se prononcer sur le genre de la peine envisageable.

Aucune mesure de substitution n'est apte à pallier ce risque et le recourant n'en propose pas.

5.             L'admission du risque de fuite suffit à faire échec au recours et dispense donc d'examiner ce qu'il en serait du risque de collusion.

6.             Au vu de la peine menace concrètement encourue, si le recourant devait être reconnu coupable des infractions qui lui sont reprochées, la durée de la détention provisoire subie à ce jour respecte le principe de la proportionnalité. En effet, à teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Selon une jurisprudence constante, la possibilité d'un sursis, voire d'un sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2; 125 I 60 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2). De plus, le Ministère public a déjà rendu l'avis de prochaine clôture et annoncé le renvoi des prévenus en jugement, ce qu'il devrait avoir fait avant l'échéance du délai de prolongation accordé.

7.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

8.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

9.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

9.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

9.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice de ce premier recours ne procède pas d'un abus.

10.         L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente ; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

P/14322/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

985.00