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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/20478/2019

ACPR/498/2022 du 26.07.2022 sur OCL/461/2022 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;PLAINTE PÉNALE;PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : CPP.319; CP.31

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/20478/2019 ACPR/498/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 26 juillet 2022

 

Entre

A______ SA, ayant son siège ______ [GE], comparant par Me Olivier RIESEN, avocat, rue de Rive 23, case postale 1365, 1260 Nyon 1,

recourante,

contre l'ordonnance de classement rendue le 20 avril 2022 par le Ministère public,

et

B______, domicilié ______[VD], comparant par Me Olivier CARRARD, avocat, CMS von Erlach Partners SA, rue Bovy-Lysberg 2, case postale, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 2 mai 2022, A______ SA (ci-après: A______ SA ou la société) recourt contre l'ordonnance du 20 avril précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a classé sa plainte du 7 juin 2018.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, principalement, à l'annulation de l'ordonnance querellée, à ce que la validité de la plainte déposée le 7 juin 2018 soit constatée et à ce que la cause soit renvoyée au Ministère public pour nouvelle décision. Subsidiairement, elle conclut à ce qu'il soit enjoint au Ministère public d'ouvrir une instruction pour infraction à l'art. 306 CP.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ SA, société inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le ______ 1993, est active notamment dans l'organisation et le courtage de voyages.

Depuis sa création, C______ et B______ en ont été respectivement l'administrateur président et l'administrateur, avec signature collective à deux, le second ayant été remplacé par D______, le 17 octobre 2016.

b. Par pli du 7 juin 2018 adressé au Ministère public de l'arrondissement de F______ [VD], D______, en son nom et pour le compte de la société, a déposé plainte contre B______ pour violation du secret commercial (art. 162 CP) et infraction à la Loi fédérale contre la concurrence déloyale (ci-après: LCD), ainsi que contre "toute autre personne ayant participé, concouru ou également commis" lesdites infractions.

En substance, il lui reprochait d'avoir, en août 2016, utilisé le business plan et les chiffres comptables de l'exercice 2015 de la société pour la création d'une société concurrente, E______ AG (ci-après: E______), en particulier aux fins d'obtenir un financement des banques.

D______ et la société précisaient avoir appris ces faits "aujourd'hui" dans le cadre de la procédure prud'homale opposant cette dernière à B______. Plus loin dans le texte, il était toutefois expliqué que c'était à l'occasion de la notification du mémoire de réponse de B______ à la demande reconventionnelle de la société, notifiée à leur conseil le 9 mars 2018, qu'ils avaient pris connaissance des faits dénoncés.

c. Par courrier du 13 juin 2018, communiqué par pli simple, le Ministère public de l'arrondissement de F______ [VD] a attiré l'attention de D______ sur le fait qu'à teneur de l'extrait du registre du commerce, il n'avait pas la qualité pour représenter seul la société, le priant de lui faire parvenir "une nouvelle plainte valable à cet égard". En outre, il l'invitait à lui transmettre les pièces pertinentes de la procédure prud'homale genevoise, à tout le moins la réponse de B______ dont il disait avoir eu connaissance le 9 mars 2018, et de lui indiquer les éléments pour lesquels le for serait situé dans le canton de Vaud.

À la fin de cette lettre figurait la phrase suivante: "[u]n délai de 20 jours vous est accordé pour donner suite au présent courrier".

d. Par pli daté du 28 juin 2018, A______ SA a transmis au Ministère public de l'arrondissement de F______ [VD] un nouvel exemplaire de la plainte déposée le 7 juin 2018, laquelle était cette fois signée tant par D______ que par C______.

Il ressort du courrier d'accompagnement, signé par les deux administrateurs prénommés, que le mémoire de réponse visé dans leur plainte avait été notifié à leur avocat – soit Me Olivier RIESEN à teneur de ladite pièce, produite en annexe –, le 9 mars 2018, "ladite écriture [leur] a[yant] été communiquée par leur conseil par courriel du 14 mars 2018". Enfin, s'agissant du for, ils étaient convaincus que B______ avait établi le business plan litigieux depuis son domicile vaudois.

e. Par ordonnance du 17 juillet 2018, le Ministère public de l'arrondissement de F______ [VD] a refusé d'entrer en matière sur la plainte du 7 juin 2018 au motif que D______ n'avait pas la capacité d'engager valablement la société par sa seule signature. En outre, la plaignante ayant eu connaissance des faits litigieux le 14 mars 2018, la confirmation de la plainte, "postée le 26 juin 2018", était tardive (art. 31 CP), les infractions dénoncées ne se poursuivant que sur plainte.

Enfin, seule la société était bénéficiaire du secret et touchée par l'acte de concurrence déloyal invoqué de sorte qu'il était justifié de ne pas entrer en matière sur les faits dénoncés par D______, à titre personnel.

f. Sur recours de A______ SA, représentée par Me Olivier RIESEN, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a annulé l'ordonnance précitée et renvoyé la cause au Ministère public de l'arrondissement de F______ [VD] pour qu'il procède dans le sens des considérants.

Reconnaissant que D______ ne pouvait engager seul la société et que le délai de plainte arrivait à échéance le 14 juin 2018, l'autorité de recours a toutefois jugé qu'il était contraire au principe de la bonne foi de considérer que la plainte mise en conformité avait été déposée après l'échéance dudit délai alors qu'un délai de vingt jours avait été imparti à la société pour remédier au défaut de signature et déposer un acte conforme, et que cette dernière s'était exécutée dans le délai imparti.

g. Entendu le 30 septembre 2019 par le Ministère public de l'arrondissement de F______ [VD], B______ a refusé de s'exprimer sur les faits reprochés, précisant toutefois que les activités en lien avec la création de E______, en particulier l'élaboration du business plan, avait été faite à Genève et en Suisse-alémanique. Il n'avait jamais travaillé depuis son domicile.

h. Par ordonnance d'acceptation du for du 13 mars 2020, le Ministère public de Genève a repris la procédure dirigée contre B______.

i. Par plis des 12 janvier, 9 mars et 27 juillet 2021, B______ a soulevé la question de la tardiveté de la plainte déposée le 7 juin 2018 par la société et sollicité le prononcé d'un classement en sa faveur.

Lors de l'audience de confrontation du 22 juillet 2021, il a réitéré sa demande visant à mettre un terme à la procédure ouverte contre lui.

j. Par avis de prochaine clôture du 20 décembre 2021, le Ministère public a informé les parties de son intention de classer la procédure et les a invitées à lui présenter leurs éventuelles réquisitions de preuve.

k. Dans le délai imparti, A______ SA a sollicité l'audition de B______ sur son implication dans l'élaboration du business plan et la création de E______. Le prénommé devait aussi être entendu s'agissant des explications livrées dans le cadre de la procédure civile, au regard de certains autres témoignages, dont il citait des passages issus de procès-verbaux d'audiences. Les déclarations de B______ devaient être analysées "à la loupe du droit pénal".

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que la plainte déposée le 7 juin 2018, signée uniquement par D______, n'était pas valable. La seconde plainte était tardive, ayant été déposée après l'échéance du délai prévu par l'art. 31 CP, lequel ne pouvait être prolongé. Le Ministère public n'était pas lié par l'arrêt rendu par la Chambre des recours pénale vaudoise et par les assurances données par un Ministère public qui n'était pas compétent pour instruire la procédure. En outre, la société avait, volontairement ou non, induit en erreur le Ministère public de l'arrondissement de F______ [VD] en affirmant qu'elle avait pris connaissance des faits le jour du dépôt de la plainte, de sorte qu'elle ne pouvait déduire aucun droit découlant du principe de la bonne foi. Enfin, le document sur lequel la plainte était fondée avait été communiqué le 9 mars 2018 au conseil de la plaignante, de sorte que le Ministère public vaudois ne pouvait pas prolonger un délai déjà échu.

D. a. Dans son recours, A______ SA conteste avoir violé le principe de la bonne foi, soutenant avoir clairement expliqué, dans sa plainte, les circonstances dans lesquelles elle avait découvert les faits dénoncés. Ainsi, elle avait manifesté sa volonté que l'auteur présumé de l'infraction dénoncée soit poursuivi, et ce dans le délai légal de trois mois dès la connaissance des faits, le 14 mars 2018. En outre, la plainte avait aussi été déposée contre "inconnu", de sorte que le délai de plainte n'avait, sous cet angle, pas commencé à courir. Enfin, le deuxième membre composant le conseil d'administration n'avait eu connaissance des faits litigieux que lors d'une séance le 5 avril 2018 – ainsi que cela ressortait de la présentation projetée ce jour-là, qu'il produit –, la question du dépôt de plainte y ayant été discutée à cette occasion.

Le Ministère public avait fait preuve de formalisme excessif en considérant que D______ n'avait pas la qualité pour représenter la société, alors qu'il pouvait, en vertu de l'art. 718 al. 1 CO, faire usage de son pouvoir général de représentation pour déposer plainte pour le compte de celle-ci. Quoiqu'il en soit, le Ministère public était tenu par le délai de vingt jours octroyé par les autorités vaudoises pour corriger un "vice de forme", qui en réalité n'en était pas un
(art. 718 al. 1 CO). D______ avait enfin qualité pour dénoncer une infraction.

Les déclarations faites par B______ dans le cadre de la procédure civile étaient constitutives d'infraction à l'art. 306 CP, poursuivie d'office.

b. Invité à se déterminer, le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais, les arguments soulevés n'étant pas de nature à remettre en cause son analyse. En outre, si D______ avait agi en qualité de dénonciateur, la qualité pour recourir devait lui être déniée.

c. B______ conclut au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

Il convenait de retenir que la société avait appris les faits dénoncés le 9 mars 2018, de sorte que le délai de plainte se prescrivait le 9 juin suivant. A______ SA était assistée d'un conseil "omniprésent", lequel avait "manifestement" écrit la plainte, dès lors que D______ ne s'exprimait quasiment pas en français. L'administrateur prénommé n'avait, en tout état, pas le pouvoir de représenter seul la société, étant au bénéfice d'une signature collective à deux. En l'absence de ratification par le second administrateur dans le délai prescrit, la plainte devait être considérée comme tardive, le délai de péremption n'étant pas prolongeable.

Bien que le Ministère public de l'arrondissement de F______ [VD] ait, de manière erronée, accordé un délai de vingt jours à la société pour remédier au défaut de signature, il avait, ce faisant, respecté ainsi son obligation d'attirer l'attention de la société sur ce point. Le fait que les circonstances ne lui permettaient pas de prolonger un délai déjà échu ne relevait pas du formalisme excessif. Même à considérer que la société avait pris connaissance des faits le 14 mars 2018, elle disposait donc d'un jour, à réception du pli du 13 juin 2018, pour remédier au défaut de signature. Elle ne pouvait pas se prévaloir du principe de la bonne foi, dès lors qu'elle était assistée d'un conseil dès le dépôt de sa plainte.

En outre, la société soutenait de mauvaise foi que le deuxième membre du conseil d'administration n'avait eu connaissance des faits que le 5 avril 2018. Elle ne pouvait pas non plus invoquer une violation de son droit d'être entendue alors qu'elle savait que sa plainte était considérée comme non valable, faute de signature, et ce dès le début de la procédure.

Enfin, la société ne s'était jamais plainte des faits constitutifs d'infraction à l'art. 306 CP.

d. A______ SA réplique.

Les faits en relation avec une infraction à l'art. 306 CP avaient été dénoncés parallèlement aux réquisitions de preuve formulées dans le délai imparti par avis de prochaine clôture.

Bien que D______ puisse représenter la société vis-à-vis de tiers, il était correct que seuls les deux membres du conseil d'administration pouvaient engager la société. Dans ces circonstances, le Ministère public de l'arrondissement de F______ [VD] était en droit de lui accorder un délai pour ratifier l'acte de représentation accompli par le prénommé.

e. B______ duplique.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de A______ SA, désignée comme plaignante dans la décision attaquée (art. 104 al. 1 let. b CPP), ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. La conclusion subsidiaire de la recourante, qui tend à ce que la cause soit renvoyée au Ministère public pour qu'il ouvre une instruction contre le prévenu pour infraction à l'art. 306 CP, est par contre irrecevable, faute de décision préalable du Ministère public sur cette dénonciation.

1.3. Les pièces nouvelles produites devant la Chambre de céans sont recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_368/2014 du 5 février 2015 consid. 3.1 et 3.2 et les références citées).

2.             La recourante reproche au Ministère public d'avoir ordonné le classement de la procédure.

2.1. Une ordonnance de classement doit être rendue lorsqu'il est établi que certaines conditions à l'ouverture de l'action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (art. 319 al. 1 let. d CPP).

Pour les infractions poursuivies sur plainte, l'existence d'une plainte pénale valable constitue une condition à l'ouverture – plus exactement : à l'exercice – de l'action pénale au sens de l'art. 319 al. 1 let. d CPP (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 10 ad art. 319 et 10a ad art. 310 ; cf. également ATF 118 IV 325 c. 2b p. 328 s.).

2.2. Les infractions pour violation du secret commercial (art. 162 CP) et infractions à la LCD (art. 23 al. 1 LCD) se poursuivent sur plainte.

2.3. Aux termes de l'art. 30 al. 1 CP, si une infraction n'est punie que sur plainte, toute personne lésée peut porter plainte contre l'auteur.

2.4.1. La notion de lésé est définie à l’art. 115 al. 1 CPP : il s’agit de toute personne dont les droits ont été directement touchés par une infraction. Sont toujours considérées comme des lésés les personnes qui ont la qualité pour déposer plainte pénale au sens de l’art. 30 CP.

2.4.2. Lorsque le lésé est une personne morale, la qualité pour porter plainte en son nom se détermine selon sa structure interne (ATF 117 IV 437 consid. 1a = JdT 1994 IV 38). Il s'agit en principe de l'organe qui a pour mission de veiller sur les intérêts lésés par l'infraction et dont les pouvoirs sont inscrits au Registre du commerce. Dans une société anonyme, il s'agit en principe de l'administration (ATF 118 IV 167 consid. 1b).

2.5.1. Selon l'art. 31 CP, le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. Le délai court du jour où l'ayant droit a connu l'auteur de l'infraction. Avec le dépôt d'une plainte, le lésé manifeste sa volonté inconditionnelle de voir l'auteur de l'infraction poursuivi pénalement (ATF 141 IV 380 consid. 2.3.4 p. 387).

2.5.2. La détermination du dies a quo se fait en tenant compte des circonstances du cas d'espèce. Le délai pour porter plainte ne commence à courir que lorsque le lésé personnellement, et non seulement son mandataire, a connu l'infraction et l'auteur de celle-ci (ATF 130 IV 97 consid. 2).

2.5.3. Le délai institué par l'art. 31 CP est un délai de péremption (arrêt du Tribunal fédéral 6B_482/2008 du 26 août 2008 consid. 3.2 avec référence à l'ATF 97 IV 238 consid. 2), qui ne peut être ni suspendu, ni interrompu, ni prolongé. Tout au plus, son terme est-il reporté au prochain jour ouvrable lorsqu'il tombe un samedi, un dimanche ou un jour férié selon le droit du for (ATF 83 IV 185). Si le lésé entend agir par l'intermédiaire d'un représentant ou si un tiers agit pour lui sans pouvoir, la plainte ne sera recevable que si la procuration y relative – respectivement la ratification – intervient avant l'échéance de ce délai (ATF 122 IV 207 consid. 3a; ATF 103 IV 71 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 6B_960/2017 précité consid. 1.4.).

2.6. En revanche, le droit de porter plainte doit être restitué lorsque l'ayant droit a été empêché d'observer le délai de trois mois sans qu'une faute ne lui soit imputable, ce que prévoit d'ailleurs l'art. 94 CPP (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 25 ad art. 31). Il en va notamment ainsi lorsque l’ayant droit a laissé s’écouler le délai de l’article 31 CP en se fiant à un renseignement donné par l’autorité compétente (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 13 ad art. 31 et les références citées).

2.7. Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, consacré à l'art. 9 in fine Cst. (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1 p. 53). Le principe de la bonne foi est également concrétisé à l'art. 3 al. 2 let. a CPP et concerne, en procédure pénale, également les autorités pénales (ATF 144 IV 189 consid. 5.1; 143 IV 117 consid. 3.2).

Selon ce principe constitutionnel, toute autorité doit s'abstenir de procédés déloyaux et de comportements contradictoires, notamment lorsqu'elle agit à l'égard des mêmes justiciables, dans la même affaire ou à l'occasion d'affaires identiques (ATF 111 V 81 consid. 6; arrêts du Tribunal fédéral 1B_640/2012 du 13 novembre 2012 consid. 3.1 et les arrêts cités; 6B_481/2009 du 7 septembre 2009 consid. 2.2; ACPR/336/2012 du 20 août 2012). À certaines conditions, le citoyen peut ainsi exiger de l'autorité qu'elle se conforme aux promesses ou assurances précises qu'elle lui a faites et ne trompe pas la confiance qu'il a légitimement placée dans ces dernières (ATF 128 II 112 consid. 10b/aa; 118 Ib 580 consid. 5a). De la même façon, le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en présence, simplement, d'un comportement de l'administration susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 361 consid. 7.1; 126 II 377 consid. 3a et les références citées; ACPR/125/2014 du 6 mars 2014).

2.8. En l'espèce, il est constant que les infractions dénoncées ne sont poursuivies que sur plainte et qu'au moment du dépôt de la plainte de A______ SA, C______ et B______ étaient tous deux membres du conseil d'administration de la société, avec signature collective à deux.

Il ressort en outre du dossier, soit en particulier de la lettre d'accompagnement datée du 28 juin 2018, signée par les deux administrateurs prénommés, que la recourante a eu connaissance le 14 mars 2018, par l'intermédiaire de son conseil, de l'écriture comprenant les faits par la suite dénoncés au Ministère public. Ainsi, le délai pour déposer plainte arrivait à échéance le 14 juin suivant.

Déposée le 7 juin 2018, la plainte l'a été dans le délai de l'art. 31 CP et cela quand bien même on voudrait faire remonter le dies a quo au 9 mars 2018, soit au jour où le mémoire de réponse avait été notifié au conseil de A______ SA. Signée uniquement de la main de D______ pour le compte de la société, elle n'était cependant pas valable.

Par pli du 13 juin 2018, le Ministère public de l'arrondissement de F______ [VD]a attiré l'attention de la recourante sur ce fait, la priant de lui transmettre une nouvelle plainte valable. Il lui était aussi demandé de lui faire parvenir les pièces pertinentes de la procédure prud'homale genevoise, soit la réponse de B______ à sa demande reconventionnelle, dont elle disait avoir eu connaissance le 9 mars 2018, et de lui indiquer les éléments pour lesquels le for était situé dans le canton de Vaud. Pour ce faire, un délai de vingt jours lui a été octroyé.

Dans le délai imparti, A______ SA s'est exécutée, produisant un nouvel exemplaire de sa plainte du 7 juin 2018, signée cette fois par ses deux administrateurs. Le vice constaté – à savoir le défaut de signature valable – ayant été régularisé, la plainte du 7 juin 2018 doit être considérée comme valable.

Que le Ministère public de l'arrondissement de F______ [VD] était fondé ou non à impartir un délai à A______ SA pour régulariser sa plainte importe peu, le principe de la bonne foi des autorités ayant pour effet de protéger le justiciable à qui des assurances ont été données. Or, on ne voit pas que ces assurances – données par l'autorité vaudoise alors compétente – seraient devenues caduques en raison de la reprise de la procédure par les autorités genevoises. Enfin, la recourante n'a jamais prétendu avoir eu connaissance des faits le jour de sa plainte le 7 juin 2018 et, partant, induit le Ministère public de l'arrondissement de F______ [VD] en erreur, affirmant au contraire dans celle-ci les avoir appris à l'occasion de la réponse de B______ à sa demande reconventionnelle, notifiée à son conseil le 9 mars 2018.

L'argumentation des intimés tombe ainsi à faux.

3.             Fondé, le recours doit être admis. Partant, l'ordonnance querellée sera annulée et la cause renvoyée au Ministère public pour qu'il ouvre une instruction.

4.             L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

5.             La recourante, partie plaignante, obtient gain de cause. Représentée par un avocat, elle n'a toutefois pas chiffré, ni a fortiori justifié, de prétentions en indemnités, au sens de l'art. 433 al. 2 CPP, applicable en instance de recours (art. 436 al. 1 CPP), de sorte que la Chambre de céans ne peut pas entrer en matière sur ce point (art. 433 al. 2, 2ème phrase, CPP ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1345/2016 du 30 novembre 2017 consid. 7).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours.

Annule l'ordonnance de classement du 20 avril 2022 et renvoie la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction.

Laisse les frais de procédure à la charge de l'État.

Ordonne la restitution des sûretés versées en CHF 1'000.- à la recourante.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, à l'intimé, soit pour lui son conseil, et au Minsitère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).