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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/25781/2017

ACPR/190/2019 du 07.03.2019 sur OMP/15931/2018 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE PÉNALE ; OPPOSITION(PROCÉDURE) ; CITATION À COMPARAÎTRE ; EXCUSABILITÉ
Normes : CPP.355.al2; CPP.106.al3; CC.394; CPP.205

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/25781/2017ACPR/190/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 7 mars 2019

 

Entre

 

A______, domiciliée ______, c/o Leonardo CASTRO, avocat, rue des Eaux-Vives 49, case postale 6213, 1211 Genève 6,

recourante,

 

contre l'ordonnance rendue le 16 novembre 2018 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé au greffe de la Chambre de céans le 29 novembre 2018, A______ recourt contre l'ordonnance du 16 précédent, notifiée le 19, par laquelle le Ministère public a constaté, en application de l'art. 355 al. 2 CPP, le retrait de son opposition à l'ordonnance pénale du 18 octobre 2018.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision et au renvoi de la cause au Procureur pour qu'il instruise son opposition.

b. À réception de cet acte, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Les époux A______ et B______ se sont séparés à une date indéterminée. À la suite de diverses décisions judiciaires, la garde sur leurs deux enfants mineurs a été, successivement, attribuée à la première, puis au second.

Les époux s'opposent, actuellement, dans le cadre d'une procédure de divorce.

a.b. Le 2 mars 2018, A______ a été placée, notamment, sous curatelle de représentation (art. 394 al. 1 CC), avec mandat au curateur - un avocat au Barreau de Genève jusqu'à la fin de l'année 2018, puis une autre personne - de la représenter dans toute procédure judiciaire pendante et à venir. L'intéressée conserve, nonobstant cette curatelle, la jouissance et l'exercice de ses droits civils (art. 394 al. 2 a contrario CC).

Le 30 octobre 2018, la mesure de privation de liberté à des fins d'assistance que la prénommée exécutait depuis le 18 du même mois a été levée, aux motifs, selon le médecin responsable de sa prise en charge, que le maintien de l'hospitalisation était contre-indiqué et que le probable trouble de la personnalité dont elle souffrait pouvait être traité en ambulatoire; ledit médecin ne s'expliquait pas sur le caractère alarmiste de l'expertise qui avait été réalisée en début d'année [ndlr : en relation avec l'instauration de la curatelle] sauf à retenir un aspect de crise, lequel avait maintenant disparu.

b. Parallèlement, trois procédures pénales ont été ouvertes contre A______,
cette dernière ayant adopté, entre 2013 et 2016, les comportements suivants à l'égard de C______, nouvelle compagne de B______: injures, utilisation abusive d'une installation téléphonique, menaces et contrainte. Deux de ces procédures ont été classées à la suite de retraits de plaintes. La troisième s'est terminée par la condamnation de la prévenue (jugement du 17 novembre 2017 [JTDP/1515/2017], confirmé en appel le 30 août 2018 [AARP/263/2018]).

c.a. Le 12 décembre 2017, C______ a déposé une nouvelle plainte contre
A______, complétée le 1er février 2018, pour le même type d'agissements que ceux sus-décrits, la précitée continuant "à déverser avec acharnement sa haine sur elle" (P/25781/2017).

La mise en cause n'a pas pu être entendue dans le cadre de cette procédure. En effet, après avoir souffert, entre les mois de janvier et d'avril 2018, d'un état "de surcharge émotionnelle et d'épuisement" qui ne permettait pas son audition - selon les certificats établis les 19 janvier et 12 mars 2018 par la psychiatre en charge de son suivi (Dresse D______) -, elle avait séjourné en Allemagne, aux dires de son curateur pour échapper à son placement à des fins d'assistance. Le Ministère public lui a alors demandé de s'exprimer par écrit sur les faits qui lui étaient reprochés, en vain.

c.b. Le 18 octobre 2018, le Procureur a rendu une ordonnance pénale déclarant la prévenue coupable de diffamation, d'injures et de menaces; au terme de celle-ci, l'art. 355 CPP était cité in extenso.

Le 1er novembre suivant, A______ a formé, par l'entremise de son curateur qu'elle a instruit en ce sens, opposition à cette ordonnance. L'avocat précisait que sa protégée devrait pouvoir se présenter à une audience, la mesure de privation de liberté à des fins d'assistance ayant été levée le 30 octobre précédent.

c.c. Le 12 novembre 2018, A______ a reçu un mandat de comparution pour une audience appointée devant le Ministère public le 16 suivant.

Ce document stipulait, notamment, que la précitée devait être entendue personnellement en qualité de prévenue, que le mandat pouvait être révoqué pour de justes motifs, la révocation ne prenant toutefois effet qu'à partir du moment où elle était notifiée à son destinataire (art. 205 al. 3 CPP), et qu'en cas d'absence non excusée de sa part à l'audience, son opposition à l'ordonnance pénale serait réputée retirée (art. 355 al. 2 CPP).

Par courrier du même jour, A______ a personnellement sollicité du Procureur qu'il reporte l'audience au début de l'année 2018. En effet, si elle ne pouvait accepter sa condamnation, elle souhaitait toutefois résoudre prioritairement d'autres "problèmes existentiel[s]". Le 16 novembre 2018, elle devait préparer, avec sa psychologue, une audience au Tribunal de première instance [fixée le 19 novembre suivant] où il serait question de ses enfants et de son divorce.

c.d. Le jour de l'audience devant le Ministère public, la prévenue n'a pas comparu. Son curateur était présent.

C. Dans sa décision querellée, le Procureur a considéré, sans autres développements, que A______, absente le 16 novembre 2018, avait fait défaut sans excuse valable, si bien que son opposition était, conformément à l'art. 355 al. 2 CPP, réputée retirée.

D. a. À l'appui de son recours, A______ se prévaut - dans un acte qu'elle a rédigé et signé seule - d'une erreur de droit, au motif qu'elle ignorait ne pas pouvoir être représentée par son curateur à l'audience litigieuse. De plus, son état psychique, lequel avait été jugé suffisamment préoccupant par les autorités idoines pour qu'elles ordonnent une expertise et instaurent une curatelle, justifiait, d'une part, la présence systématique d'un avocat à ses côtés, pour chaque audience, et, d'autre part, qu'elle dispose du temps nécessaire pour préparer son audition, une entrevue préalable avec sa thérapeute étant indispensable pour éviter la survenance d'émotions incontrôlables. Or, l'intervalle de trois jours qui séparait la réception de la convocation de la date d'audience s'était révélé insuffisant pour organiser le soutien dont elle avait besoin; elle en avait conçu un "stress insurmontable", qui ne lui avait pas permis d'être présente le 16 novembre 2018, ce dont attestait sa psychologue dans un certificat qu'elle joignait à son acte.

b. A______ a produit diverses pièces nouvelles, dont certaines ont été résumées aux lettes B.a.b et B.c.c ci-dessus.

Elle produit également une attestation établie le 28 novembre 2018 par E______, psychologue, dans laquelle cette dernière confirme que A______ s'était vue dans l'obligation d'annuler leur rendez-vous du 16 novembre 2018 en raison "d'un stress important et d'un profond état de décompensation liés à l'audience prévue le
19 novembre
[suivant]".

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la condamnée (art. 104 al. 1 let. a CPP), qui bénéficie, d'une part, de la capacité pour recourir - l'intéressée, quoique placée sous curatelle, dispose toujours de l'exercice des droits civils, si bien qu'elle est habilitée à interjeter recours sans le ministère de son curateur (art. 106 al. 1 CPP) - et, d'autre part, d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Il en va de même des pièces produites à l'appui du recours, les faits et moyens de preuve nouveaux étant recevables devant l'autorité de deuxième instance (arrêts du Tribunal fédéral 1B_368/2014 du 5 février 2015 consid. 3.1 et 3.2 ainsi que 1B_768/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.1).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3. La recourante se plaint, en substance, d'une violation de l'art. 355 al. 2 CPP.

3.1. En vertu de cette disposition, si l'opposant à une ordonnance pénale, sans excuse, fait défaut à une audience fixée par le ministère public malgré une citation à comparaître, son opposition est réputée retirée

3.1.1. Quiconque est cité à comparaître par une autorité pénale est tenu de donner suite au mandat de comparution (art. 205 al. 1 CPP), mandat qui doit être, dans la procédure préliminaire, notifié au moins trois jours avant la date de l'audience (art. 202 al. 1 let. a CPP). En cas d'empêchement, il y a lieu d'informer sans délai l'autorité concernée, justificatifs à l'appui (art. 205 al. 2 CPP). Une absence est considérée comme valablement excusée non seulement lorsqu'elle se rapporte à un cas de force majeure, soit d'impossibilité objective de comparaître, mais aussi en cas d'impossibilité subjective, due à des circonstances personnelles ou à une erreur non imputable à l'absent (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1297/2018 du 6 février 2019 consid. 1.1 et 6B_365/2018 du 5 juillet 2018 consid. 2.1). Constituent notamment de tels empêchements la maladie, le service militaire, le décès très récent d'un parent, voire les engagements de la vie privée pris de longue date avant la notification du mandat, par exemple des vacances ou un voyage d'affaires (ACPR/16/2019 du
8 janvier 2019). En l'absence d'excuse valable, la personne est réputée défaillante (art. 93 CPP).

3.1.2. S'agissant des conséquences du défaut, la fiction légale du retrait de l'opposition ne s'applique que si le prévenu a eu une connaissance effective de celles-ci et que l'on peut déduire de son absence non excusée un désintérêt pour la suite de la procédure (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1297/2018 et 6B_365/2018 précités ainsi que 6B_1244/2017 du 29 mai 2018 consid. 2.1).

L'art. 355 al. 2 CPP ne saurait toutefois être interprété de façon à permettre au condamné de choisir la manière dont sa cause sera traitée, par exemple en décidant, sans disposer de motifs l'en empêchant, de ne pas se présenter à une audience fixée par le ministère public dans le cadre des compétences que l'art. 355 al. 1 CPP lui attribue. En effet, il doit se plier au déroulement de la procédure telle qu'elle a été voulue par le législateur. S'il ne s'y soumet pas, sans excuse, il doit être considéré comme s'étant désintéressé du traitement procédural de sa cause et l'art. 355 al. 2 CPP peut alors lui être opposé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1244/2017 précité, consid. 2.3). 

3.2. En l'espèce, la recourante ne pouvait ignorer que sa présence était requise
lors de l'audience du 16 novembre 2018, le mandat énonçant qu'elle devait y être personnellement entendue en qualité de prévenue.

Elle aurait, de surcroît, été en mesure d'y déférer, aux triples motifs que son entretien du même jour chez sa thérapeute avait été annulé, qu'il n'est pas établi que son état psychique l'aurait empêché de comparaître - la psychologue n'ayant pu voir sa patiente le 16 novembre 2018, elle ne saurait attester, qui plus est le 28 suivant, de l'existence de troubles qu'elle n'a pas personnellement constatés - et que, même à admettre l'existence d'un état de stress, celui-ci ne pourrait être mis en lien qu'avec la procédure civile, le certificat produit faisant uniquement référence à l'audience du
19 novembre 2018, soit celle appointée dans le cadre du divorce.

Au surplus, la recourante a eu connaissance du mandat de comparution le 12 novembre 2018, soit douze jours après avoir formé opposition à l'ordonnance pénale, respectivement quatre jours avant la tenue de l'audience litigieuse. Ces délais lui laissaient un temps suffisant pour s'organiser. En effet, elle devait s'attendre, après l'opposition, à être convoquée, dans la mesure où le Procureur avait vainement tenté de l'auditionner au cours des derniers mois, où la teneur de l'art. 355 CPP était reproduite dans l'ordonnance pénale et où son curateur avait indiqué au magistrat qu'elle serait probablement à même de comparaître. Il lui était donc loisible de préparer la future audience dès le début du mois de novembre, soit avec son curateur - qui était alors un avocat inscrit au Barreau -, soit avec un avocat de choix, mandaté à cette fin. Rien n'indique que son état psychique l'aurait empêché d'entreprendre de telles démarches, puisqu'elle conservait sa capacité civile et que sa situation médicale était, le 30 octobre 2018, stabilisée d'après les considérations exposées à la lettre B.a.b supra. Dans le même ordre d'idées, la condamnée aurait pu commencer, le
1er novembre déjà, à préparer la future audience avec sa thérapeute et/ou la doctoresse D______ (sa précédente soignante), étant au demeurant relevé que l'une des précitées aurait éventuellement pu la recevoir en urgence les mardi 13, mercredi 14 ou jeudi 15 novembre précédent l'audience.

À défaut d'empêchement excusable, force est de retenir que la recourante a tenté, par son absence, d'obtenir du Ministère public ce qu'elle lui avait initialement demandé, à savoir un report d'audience au début de l'année 2018 pour lui permettre de résoudre prioritairement d'autres "problèmes existentiel[s]".

Avertie à deux occasions (dans l'ordonnance pénale, puis le mandat de comparution) des conséquences d'une absence non excusée à une audience fixée par le Procureur, la condamnée, en choisissant, par pure convenance personnelle, d'agir de la manière sus-décrite, doit être considérée comme s'étant désintéressée du traitement de la cause. L'art. 355 al. 2 CPP peut donc lui être opposé.

En conséquence, l'ordonnance querellée - bien que dépourvue de motivation - est exempte de critique dans son résultat.

Le recours sera donc rejeté.

4. La condamnée succombe. Elle supportera les frais envers l'Etat (art. 428 CPP) qui seront fixés à CHF 800.- en totalité, émolument de décision inclus (art. 3 cum art. 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP; E 4 10 03]).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui seront fixés en totalité à CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante ainsi qu'au Ministère public.

Le communique, pour information, à F______, curateur de la recourante, rue ______ Genève.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

 

P/25781/2017

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

705.00

-

CHF

     

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

800.00