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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/10208/2022

AARP/423/2024 du 21.11.2024 sur JTDP/303/2024 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : ADMINISTRATION DES PREUVES;CONFRONTATION;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;CONDUITE SANS AUTORISATION;AUTORISATION D'EXPLOITER UN SERVICE DE TAXI;FIXATION DE LA PEINE;CONCOURS D'INFRACTIONS;PEINE COMPLÉMENTAIRE
Normes : LCR.95.al1.lete; CEDH.6.letd.par3; CPP.10.al3; CP.49.al2
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10208/2022 AARP/423/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 21 novembre 2024

 

Entre

A______, domicilié c/o B______, ______, comparant par Me Catarina MONTEIRO SANTOS, avocate, NOMOS Avocats, boulevard des Tranchées 4, 1205 Genève,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/303/2024 rendu le 7 mars 2024 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 7 mars 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de mise à disposition d'un véhicule à une personne non titulaire du permis de conduire requis (art. 95 al. 1 let. e de la loi sur la circulation routière [LCR]) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à CHF 30.- l'unité, complémentaire à celle prononcée le 19 septembre 2023 par le Ministère public du canton de Genève (MP).

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement. Il sollicitait, à titre de réquisition de preuve, l'audition de C______.

b. Selon l'ordonnance pénale du 2 décembre 2022, il est reproché à A______, d'avoir, à Genève, le 5 septembre 2022 (recte : 2021), mis à disposition de C______ son véhicule automobile professionnel, immatriculé GE 1______, alors qu'il savait, ou aurait dû savoir au vu des circonstances, que celui-ci n'était pas titulaire du permis de conduire requis.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Le 5 septembre 2021, la police a procédé au contrôle du véhicule de transport avec chauffeur (VTC), immatriculé GE 1______, lequel était stationné dans un parking de l'aéroport dans l'attente de clients. Les agents ont constaté que le conducteur, C______, ressortissant portugais domicilié en Grande-Bretagne, était dépourvu du permis de conduire adéquat, ainsi que des autorisations requises pour conduire un véhicule de transport professionnel en Suisse. Il exerçait toutefois la profession de chauffeur professionnel dans son pays de résidence et disposait d'un permis de conduire anglais de catégorie B.

a.b. Selon les disques produits sur requête de la police par A______, détenteur du véhicule, celui-ci avait interrompu son activité le 5 septembre 2021 entre 07h30 et 20h30. Il a remis un relevé de l'application D______ indiquant que les courses s'étaient arrêtées à 01h28 et avaient recommencé à 19h02. Interpellée par la police, l'entreprise D______ a toutefois communiqué un relevé complet mentionnant également trois courses effectuées le même jour entre 08h15 et 09h49.

a.c. Entendu par la police, C______ a reconnu avoir effectué deux ou trois courses D______, en utilisant le compte de son cousin, A______, qui lui avait remis son téléphone ainsi que le code y relatif. Ce dernier lui avait demandé de suivre les réservations sur D______ et d'effectuer les courses pour l'aider, car il avait travaillé toute la nuit. Il n'était pas question d'une rétribution et les trajets étaient réglés via l'application. Certes, son cousin les hébergeait, son épouse et lui, gracieusement pendant les vacances, cependant il n'était pas convenu qu'il lui rendît un service en échange. Il avait aussi voulu tester si ce travail lui plairait à l'avenir. Confronté au fait qu'au moment du contrôle, il avait assuré effectuer une course privée, C______ a répondu avoir été paniqué à la vue de la police, pensant avoir fauté. Il n'avait reçu aucune consigne de son cousin.

b. Entendu à réitérées reprises, A______ a expliqué que son cousin lui avait demandé de lui prêter son véhicule pour une course privée, soit pour aller chercher un (autre) cousin à l'aéroport.

Il avait vérifié que celui-ci était titulaire du permis de conduire, s'agissant d'une course privée, ce qui était le cas (police). Il lui avait suffi d'avoir vu ce dernier rouler en voiture et de savoir qu'il exerçait la profession de chauffeur en Ecosse, ou plutôt, il avait aussi examiné son permis de conduire pour comparer les différences qui existaient avec un permis suisse (MP). Renseignements pris, il était possible de conduire un véhicule professionnel sans autorisation pour des courses privées "si on n'encaiss[ait] pas d'argent".

Il avait établi un contrat de prêt, afin de justifier de l'identité du conducteur, en cas de problème ou d'excès de vitesse (police). L'acte avait été conclu pour une durée d'un jour seulement (MP). Il dressait des contrats avec tous ses amis avant de leur prêter ses véhicules (TP). Il avait demandé à son cousin ses coordonnées et lui avait fait signer le document la veille des faits, entre 20h00 et 22h00, soit au moment de lui remettre le double des clés.

Il n'était pas au courant de ce que son cousin avait travaillé en utilisant son compte D______ et ne s'était pas rendu compte de ce qu'il avait reçu de l'argent par ce biais (police). Il n'avait pas eu accès à l'application D______ avant de se rendre à la police, de sorte qu'il ignorait tout des courses effectuées et de l'argent encaissé (TP).

Le portable retrouvé dans le véhicule était son téléphone professionnel. Celui-ci demeurait en permanence dans l'habitacle, car il l'utilisait comme un GPS, et n'était protégé par aucun code (police et MP) ou plutôt, l'application D______ recourrait à la reconnaissance faciale et il n'aurait jamais pensé qu'un tiers pût entrer un code pour se connecter à sa place (TP). À son arrivée en Suisse, son cousin s'était mis à la recherche d'un métier qu'il pourrait exercer et lui avait demandé de lui montrer comment fonctionnait l'application D______.

Il n'avait pas travaillé durant la journée du 5 septembre 2021 et n'avait ni engagé, ni rétribué son cousin. Il n'avait rien gagné dans cette affaire et n'avait eu aucun intérêt à le faire travailler. Les déclarations de celui-ci à la police s'expliquaient par le fait qu'il avait eu peur, ayant été menotté, maintenu en cellule durant plus de deux heures et menacé de prison.

c. A______ a versé à la procédure le contrat, intitulé "déclaration de prêt de véhicule", avec C______, "pendant la période du 5 septembre 2021". La mention "Depuis 7h00" ainsi que le kilométrage de la voiture lors de sa remise puis de sa restitution ont été ajoutés de manière manuscrite.

C. a. Par décision présidentielle du 30 mai 2024, la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a rejeté la réquisition de preuve de A______. Celui-ci ne l'a pas réitérée à l'ouverture des débats.

b.a. En appel, le prévenu a maintenu ses explications.

Il assumait ses responsabilités, preuve en était qu'il avait admis les faits relatifs à sa dernière condamnation, soit d'avoir demandé à son frère de récupérer l'un de ses clients habituels à l'aéroport. En revanche, dans le cas d'espèce, il avait prêté sa voiture à son cousin, en toute légalité. Il se demandait tous les jours pourquoi celui-ci l'avait induit en erreur en lui empruntant son véhicule à titre soi-disant privé et effectué illégalement des courses D______, alors même qu'il ne pouvait en tirer aucun bénéfice. Lorsqu'il l'avait interpellé sur ce point, son cousin lui avait confié qu'il s'était senti redevable à son égard pour son accueil.

Lors de son interrogatoire à la police, il n'avait pas eu un accès à l'intégralité de son compte D______ et n'avait pas pu fournir un rapport complet avant que l'entreprise D______ ne l'eut fait, directement. Le système de reconnaissance faciale de l'application D______ était une mesure de sécurité aléatoire, qui ne fonctionnait donc pas systématiquement. Il avait bien confié le code du téléphone à son cousin, mais uniquement pour qu'il pût l'utiliser comme GPS. Il s'agissait d'un vieil E______/2______ [marque/modèle de téléphone] qu'il laissait toujours dans la voiture ; il ne s'était jamais inquiété qu'on pût le lui voler ou lui causer un bris de vitre pour ce faire.

En cas de condamnation, il devrait arrêter son activité de chauffeur, un casier judiciaire, rendant difficile, voire impossible le renouvellement des licences et il devait justement entreprendre prochainement les démarches relatives à celle qu'il avait dans le canton de Vaud. Or, sa famille dépendait de ce travail.

b.b. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions. À titre subsidiaire, il conclut au prononcé d'une peine clémente, tant dans sa durée que dans sa quotité, d'une part, et à ce que les frais de la procédure soient réduits autant que fait se peut, d'autre part.

c. Le MP ne s'est pas déterminé sur l'appel.

d. Les arguments plaidés seront discutés, dans la mesure de leur pertinence, au fil des considérants qui suivent.

D. a. A______, ressortissant portugais, est né le ______ 1975. Il a été scolarisé jusqu'à l'équivalent de la fin du cycle et dispose d'une formation dans la gestion des stocks. Arrivé en Suisse en 2007, il est au bénéfice d'un permis C. Il travaille en qualité de chauffeur pour un salaire mensuel d'environ CHF 5'000.- à CHF 6'000.-, étant précisé que D______ a mis fin à leur collaboration, en raison de la présente procédure pénale. Il exerce au travers de la raison individuelle F______A______, active dans l'achat, la vente et la location de véhicules ainsi que le transport de personnes. Il est père de quatre enfants, dont deux mineurs, avec lesquels il vit, aux côtés de leur mère. Il pourvoit également à l'entretien de l'un de ses fils majeurs à hauteur de CHF 300.- par mois, ainsi qu'à celui de son frère handicapé à raison d'au moins CHF 400.-. Son loyer s'élève à quelques CHF 2'000.- mensuels, parking compris et les primes d'assurance maladie pour toute la famille à CHF 2'300.-. Comme pour les années précédentes et dans la mesure où sa situation financière ne s'est pas modifiée, il devrait percevoir des subsides à l'assurance-maladie de manière rétroactive, celles-ci ayant été suspendues en raison du dépôt tardif de sa déclaration fiscale. Il n'a ni dette, hormis les leasings de ses quatre voitures en CHF 200'000.- et l'utilisation courante de sa carte de crédit en CHF 4'500.-, ni fortune.

b. À teneur de son casier judiciaire, il a été condamné à trois reprises, à savoir :

-        le 19 décembre 2014 par le MP, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 60.- l'unité, assortie du sursis pendant trois ans, pour escroquerie ;

-        le 25 septembre 2019 par le Service des contraventions de Genève, à une amende de CHF 5'740.-, pour infractions à l'ordonnance sur la durée du travail et du repos des conducteurs professionnels de véhicules légers affectés au transport de personne et de voiture de tourisme lourdes, ainsi qu'à l'ordonnance sur les chauffeurs, commises à réitérées reprises ;

-        le 19 septembre 2023 par le MP, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.- l'unité, pour mise à disposition d'un véhicule à une personne non titulaire du permis de conduire requis, commise le 21 novembre 2022.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par les art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), 32 al. 1 de la Constitution fédérale (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

2.1.2. L'art. 6 par. 3 let. d CEDH exclut qu'un jugement pénal soit fondé sur les déclarations de témoins sans qu'une occasion appropriée et suffisante soit au moins une fois offerte au prévenu de mettre ces témoignages en doute et d'interroger les témoins, à quelque stade de la procédure que ce soit. Sont considérées comme des déclarations de témoins toutes celles portées à la connaissance du tribunal et utilisées par lui, y compris lorsqu'elles ont été recueillies lors de l'enquête préliminaire (ATF 131 I 476 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1023/2016 du 30 mars 2017 consid. 1.2.3). En tant qu'elle concrétise le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), cette exigence est également garantie par l'art. 32 al. 2 Cst. Ce droit est absolu lorsque la déposition du témoin en cause est d'une importance décisive, notamment lorsqu'il est le seul témoin, ou que sa déposition est une preuve essentielle
(ATF 131 I 476 consid. 2.2 ; 129 I 151 consid. 3.1).

Le prévenu peut valablement renoncer à son droit à la confrontation, même de manière tacite, pour autant que la renonciation ne contredise pas un intérêt général important, qu'elle soit établie de manière exempte d'équivoque et qu'elle soit entourée d'un minimum de garanties correspondant à sa gravité (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_956/2016 du 19 juillet 2017 consid. 2.3.1).

2.2. En l'espèce, la question de la valeur probante des déclarations à charge du cousin de l'appelant, alors que ce dernier a renoncé à la confrontation, n'ayant pas réitéré la réquisition de preuve à l'ouverture des débats, souffre de demeurer ouverte, vu les autres éléments du dossier.

2.3. Il est tout d'abord établi et non contesté qu'en date du 5 septembre 2021, l'appelant a prêté son véhicule à son cousin, lequel a effectué trois transports de personnes via l'application D______, alors qu'il ne disposait pas de l'autorisation requise.

L'appelant soutient lui avoir confié le véhicule à des fins privées. Cette explication est totalement fantaisiste.

Son cousin n'avait aucun intérêt à effectuer des courses via l'application D______ dont le prix serait crédité au compte du chauffeur affilié, soit le prévenu. Certes, celui-ci a en appel affirmé que C______ avait voulu de la sorte le remercier de l'avoir logé, mais l'explication n'a été donnée que tardivement et ne convainc pas : on ne trompe pas son bienfaiteur pour le remercier et il y avait sans doute d'autres moyens de le faire que d'effectuer trois courses illicitement.

Le comportement de l'appelant, qui n'a pas fourni l'intégralité de son relevé de courses à la police, de sorte que celle-ci a dû s'adresser à l'entreprise D______, est un indice de ce qu'il savait pertinemment que son contenu lui serait préjudiciable.

De surcroît, le prévenu a passablement varié afin de donner une explication au fait que son cousin avait pu accéder à son compte D______ et a, ce faisant, livré des explications invraisemblables. Vu le risque, notoire, de vol, il n'est pas crédible que son téléphone se soit trouvé dans la voiture parce qu'il l'y aurait laissé en permanence et il est douteux que son cousin n'aurait pas pu utiliser son propre portable pour se déplacer à Genève. Même si les explications de l'appelant sont confuses, il a fini par concéder qu'un code était nécessaire pour déverrouiller l'appareil et il a varié sur le moyen d'accéder à l'application D______, admettant devant le premier juge la contrainte de la reconnaissance faciale, ce qui implique nécessairement la possibilité de la contourner par l'utilisation d'un code, avant de se rétracter partiellement en appel, soutenant que cette mesure de sécurité ne fonctionnait qu'aléatoirement, ce qui fort peu plausible. De toute façon, il doit bien avoir expliqué à son cousin comment utiliser l'application, soit, a minima, comment signaler que le titulaire du compte était disponible et comment accepter une course, puisque celui-ci a pu le faire, à trois reprises. La version du contrat avec un proche en vue d'un simple déplacement à l'aéroport afin d'aller y chercher un autre cousin n'est pas non plus crédible, d'autant moins que l'appelant n'a pas produit de pièces susceptibles d'établir qu'il procéderait toujours de la sorte, comme il l'affirme.

En définitive force est de retenir que si l'appelant a remis à son cousin non seulement sa voiture mais aussi son téléphone professionnel, et lui a expliqué comment le déverrouiller et comment accéder à l'application D______, cela était bien afin que celui-ci effectuât des courses pour son compte, lui-même ayant travaillé toute la nuit.

Enfin, il est stupéfiant de constater qu'en parallèle de cette procédure, l'appelant n'a pas hésité à demander à son frère d'effectuer un transport de personne à sa place, alors que celui-ci ne disposait pas non plus de l'autorisation idoine, servant de surcroît une version, en tous points identique, lors de leur arrestation.

Les déclarations du cousin ne sont donc, de loin, pas le seul élément à charge et peuvent, dans cette mesure, être prises en considération à titre d'indice supplémentaire.

Il est partant établi que l'appelant a prêté son véhicule à son cousin pour lui permettre d'effectuer des courses à titre professionnel, alors que ce dernier n'était pas autorisé à le faire.

3. 3.1.1. L'art. 95 al. 1 let. e LCR puni quiconque met un véhicule automobile à la disposition d'un conducteur dont il sait ou devrait savoir s'il avait prêté toute l'attention commandée par les circonstances qu'il n'est pas titulaire du permis requis.

Dans le contexte de l'art. 95 al. 1 let. e LCR, l'auteur agit intentionnellement lorsqu'il sait que le conducteur auquel il cède l'usage de son véhicule n'est pas titulaire du permis requis et qu'en dépit de cela, il lui remet un pouvoir de disposer de ce véhicule (Y. JEANNERET, Les dispositions pénales de la loi sur la circulation routière [LCR], Berne 2007, n. 45 ad art. 95). La négligence se traduit quant à elle par une conscience erronée portant sur le contenu du permis de conduire d'un tiers. L'auteur a une obligation générale de se renseigner activement, obligation qui est toujours satisfaite s'il se fait produire le permis de conduire de l'intéressé. L'obligation de contrôler le contenu du permis de conduire sera très stricte lorsque l'auteur ne connaît pas le conducteur - on pense au loueur de voiture ou au moniteur d'auto-école - et pourra être atténuée, voire supprimée lorsque les rapports particuliers - proches, familiers, amis, collègues de travail - existant entre l'auteur et le conducteur sont tels que le premier est en droit de se fier de bonne foi aux assurances qui lui sont faites par le conducteur. L'erreur dans laquelle se trouve l'auteur est toujours évitable, et partant l'infraction punissable par négligence, lorsqu'il n'a pas satisfait à son devoir de vérification du permis du tiers alors qu'il était exigible compte tenu des circonstances (Y. JEANNERET, op. cit., n. 48 ad art. 95 ; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. MIZEL / O. RISKE (éds), Code suisse de la circulation routière : commentaire, 5ème éd., Bâle 2024, ch. 2.5 ad art. 95).

Conduit sans être titulaire du permis de conduire requis celui qui circule avec une voiture de tourisme (catégorie B), alors qu'il est titulaire d'un permis de la catégorie A (motocycles). Il en va de même de la conduite d'un véhicule de transport de personnes professionnel (c'est-à-dire les services de taxis) avec un simple permis de conduire, ou sans autorisation de chauffeur de taxi, cela nonobstant le fait qu'une telle autorisation ne correspond pas à une catégorie autonome (M. NIGGLI / TH. PROBST / B. WALDMANN (éds), Basler Kommentar, Strassenverkehrsgesetz, Bâle 2014, n. 24 ad art. 95 LCR).

3.1.2. Aux termes de l'art. 25 al. 1 1ère phrase de l'ordonnance réglant l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière (OAC), pour transporter professionnellement des personnes avec des véhicules des catégories B (…) une autorisation de transporter des personnes à titre professionnel est nécessaire.

3.2. À raison, l'appelant ne prétend pas avoir eu des motifs de penser que son cousin, domicilié à l'étranger, disposait de l'autorisation requise. Du reste, pour avoir passé la formation de chauffeur professionnel, il ne pouvait ignorer quelles étaient l'exigences en la matière et il reconnaît avoir effectué des vérifications de sorte qu'il a constaté que l'intéressé ne possédait sur lui que son permis britannique de catégorie B. Il a ainsi mis son véhicule à disposition d'une personne dont il savait ou devait savoir qu'elle n'était pas titulaire du permis requis pour réaliser des transports de personnes à titre professionnel.

Aussi, les éléments constitutifs objectifs et subjectif de l'infraction sont réalisés de sorte que le verdict de culpabilité doit être confirmé et l'appel rejeté.

4. 4.1.1. La mise d'un véhicule à disposition d'une personne non titulaire du permis de conduire requis est sanctionnée d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 95 al. 1 let. e LCR).

4.1.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

4.1.3. Conformément à l'art. 34 CP, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende, le juge fixant leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). Un jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus. Exceptionnellement, si la situation personnelle et économique de l'auteur l'exige, il peut être réduit à CHF 10.-. Le juge en arrête le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).

4.1.4. L'art. 49 al. 1 CP prévoit que si, en raison de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine. Selon le second alinéa de cette disposition, si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l'auteur a commise avant d'avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement.

Cette situation vise le concours réel rétrospectif qui se présente lorsque l'accusé, qui a déjà été condamné pour une infraction, doit être jugé pour une autre infraction commise avant le premier jugement, mais que le tribunal ignorait. L'art. 49 al. 2 CP enjoint au juge de prononcer une peine complémentaire ou additionnelle, de telle sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement (ATF 142 IV 265 consid. 2.3.1 =
JdT 2017 IV 129 ; 141 IV 61 consid. 6.1.2 ; 138 IV 113 consid. 3.4.1). Il doit s'agir de peines de même genre (ATF 142 IV 265 consid. 2.3.2 = JdT 2017 IV 129). Concrètement, le juge se demande d'abord quelle peine d'ensemble aurait été prononcée si toutes les infractions avaient été jugées simultanément. La peine complémentaire est constituée de la différence entre cette peine d'ensemble et la peine de base, à savoir celle prononcée précédemment (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_623/2016 du 25 avril 2017 consid. 1.1 et 1.4).

4.2. La faute de l'appelant n'est pas négligeable. Il a persisté, en dépit d'une précédente condamnation en la matière, à ne pas respecter les règles de la circulation routière, en particulier celles liées à son statut de chauffeur professionnel. La période pénale est très brève, étant cependant relevé que cela est surtout attribuable au contrôle policier qui a mis fin à l'activité du chauffeur non autorisé. Ses mobiles sont égoïstes et relèvent de l'appât du gain.

Sa situation personnelle n'explique ni ne justifie ses agissements, étant relevé qu'il ne peut pas même soutenir avoir été dans la précarité : son activité était et demeure prospère, ce qui lui procure des revenus stables et relativement confortables.

La collaboration tout comme la prise de conscience doivent être qualifiée de mauvaise, l'appelant ayant fourni des données incomplètes à la police, constamment varié dans ses déclarations et persistant, encore au stade de l'appel, à nier les faits tout en se posant en victime.

Il a deux antécédents, facteur aggravant de la peine. Son casier judiciaire fait également état d'une condamnation récente pour la même infraction, mais pour des faits postérieurs, ce qui démontre sa détermination délictuelle mais appelle l'application du principe d'aggravation dans un contexte de concours rétrospectif.

S'il avait dû juger de ces deux infractions, un même tribunal aurait fixé la peine de base à 60 unités et l'aurait augmentée de 20 unités supplémentaires pour tenir compte de la seconde occurrence (peine hypothétique de 40 unités étant rappelé qu'une seule course illicite semble avoir été effectuée), soit un total de 80 unités. C'est ainsi à juste titre que le premier juge a fixé la peine complémentaire à 20 jours-amende. Bien que critiqué, le montant du jour-amende ne peut être réduit, dès lors qu'il correspond au minimum légal et qu'une exception ne se justifie nullement au regard de la situation personnelle du condamné.

Enfin, l'appelant ne conteste pas, à juste titre, le refus de sursis, son pronostic apparaissant sous un jour résolument défavorable au vu de ses antécédents, d'une part, et de sa récidive spécifique alors que la présente procédure était toujours pendante, d'autre part (art. 42 al. 1 CP).

Au vu de ce qui précède, le jugement entrepris sera intégralement confirmé.

5. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État, lesquels comprendront un émolument d'arrêt de CHF 1'200.- (art. 428 CPP ; art. 14 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).

Il n'y a pas lieu de revoir la répartition de ceux de première instance.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/303/2024 rendu le 7 mars 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/10208/2022.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'395.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'200.-.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable de mise à disposition d'un véhicule à une personne non titulaire du permis de conduire requis (art. 95 al. 1 let. e LCR).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 20 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Dis que cette peine est complémentaire à celle prononcée le 19 septembre 2023 par le Ministère public du canton de Genève (art. 49 al. 2 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'006.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

[..]

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Condamne A______ à payer à l'État de Genève l'émolument complémentaire fixé à CHF 600.-.".

Notifie le présent arrêt aux parties.

 

 

Le communique, pour information, au Tribunal de police, à l'Office cantonal de la population et des migrations et au Service cantonal des véhicules.

La greffière :

Aurélie MELIN ABDOU

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'606.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

60.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'200.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'395.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'001.00