Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision
AARP/413/2024 du 26.11.2024 sur JTCO/12/2024 ( PENAL ) , REJETE
république et | canton de genève | |
pouvoir judiciaire P/15398/2023 AARP/413/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale d'appel et de révision Arrêt du 26 novembre 2024 |
Entre
A______, actuellement en exécution anticipée de peine à l'établissement fermé de B______, ______, comparant par Me C______, avocat,
Appelant,
contre le jugement JTCO/12/2024 rendu le 6 février 2024 par le Tribunal correctionnel,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,
Intimé,
et
D______ SARL, E______ SA, F______ SA, G______ SA, H______ SA, I______ SÀRL, J______ SA, K______ SA, L______, FONDATION M______, N______ SA, O______, P______, Q______ SA, R______, ORGANISATION INTERNATIONALE S______, T______, U______, V______, W______, X______ SA,
Autres intimés.
EN FAIT :
A. Saisine de la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR)
a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 6 février 2024 par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) l'a notamment reconnu coupable de vol par métier et en bande, tentative de vol, dommages à la propriété, dommages à la propriété qualifiés, violation de domicile, tentative de violation de domicile, entrée illégale, condamné à une peine privative de liberté de trois ans, sous déduction de la détention avant jugement, expulsé de Suisse pour une durée de cinq ans et maintenu en détention pour des motifs de sûreté.
Le TCO l'a également acquitté de deux vols qualifiés/dommages à la propriété/violations de domicile.
A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à une peine privative de liberté inférieure à trois ans, assortie du sursis complet, subsidiairement du sursis partiel.
b. Selon l'acte d'accusation du 13 novembre 2023, il est reproché ce qui suit à A______ : Il a, du 3 novembre 2017 au 13 janvier 2018, dans les cantons de Genève, Vaud et Valais, de concert avec des comparses (coactivité), à 22 reprises, dérobé ou tenté de dérober à des tiers divers objets, dont du matériel électronique, ainsi que de l'argent, dans le but de se les approprier et de s'enrichir illégitimement, avec les circonstances aggravantes du métier et de la bande, en causant, ce faisant, des dommages à la propriété (qualifiés à deux reprises), en pénétrant sans droit dans des locaux (commerciaux), et d'être entré à réitérées reprises sur le territoire suisse dans l'unique but de commettre ces cambriolages.
Il lui est également reproché de s'être, le 17 juin 2023, vers 03h20, introduit sans droit dans les locaux de H______ SA, sise à Y______ [VD], dans le but de voler, d'avoir fouillé les lieux et tenté de forcer une armoire coffre-fort ainsi que des meubles, en les endommageant, sans rien soustraire toutefois (tentative).
B. Faits résultant du dossier de première instance
a. Selon le rapport de la police cantonale vaudoise du 15 mars 2018, trois individus, dont Z______, avaient été interpellés à Genève le 16 janvier 2018. L'enquête avait rapidement montré qu'ils étaient à l'origine d'une importante série de cambriolages commis dans divers cantons, leurs cibles de prédilection étant des pharmacies, cabinets médicaux, établissements publics, salons de coiffure et entreprises de transport, notamment. Il ressortait du dossier que ces trois malfrats avaient agi en Suisse en compagnie de A______ et d'un tiers, lesquels étaient incarcérés en France, à AA_____, depuis le 17 janvier 2018.
b. Selon le rapport de la police judiciaire genevoise du 28 juin 2018, des inspecteurs s'étaient rendus à AA_____ afin d'entendre A______ sur les faits. Extrait de la prison, celui-ci avait reconnu avoir effectué entre dix et quinze cambriolages en Suisse, dans des restaurants et pharmacies notamment, mais ne plus se souvenir des lieux. Il visait du numéraire ou des coffres. Il travaillait avec des meules, pieds-de-biche et tournevis ("c'est comme ça que je travaille, avec une meule et un pied-de-biche et un tournevis" ; "j'ai souvent loué des véhicules de location pour aller en Suisse, chez AB_____ ou AC_____" ; "j'étais parfois dans un état second, à cause de l'alcool et des stups").
c. Le 17 juin 2023, A______ a été arrêté en flagrant délit de cambriolage (H______ SA). Il était accompagné de AD_____ (coauteur) et de AE_____, assise au volant d'un véhicule garé à proximité.
d. AE_____ a déclaré être la compagne de A______ depuis juillet 2021. Celui-ci était sorti de prison en mars 2021 – il s'y trouvait pour vol par effraction. Il était sans profession depuis. Il ne touchait pas d'aide financière car il n'avait pas de titre de séjour – ils devaient s'en occuper. Elle était au chômage, à la recherche d'un nouvel emploi. Ils vivaient à AF_____ (______ [département]), dans une maison, avec sa fille de neuf ans et leur fils, AJ_____, âgé de neuf mois. La veille au soir, A______ et AD_____ s'y trouvaient et les deux hommes avaient discuté, disant vouloir se rendre en Suisse. Elle s'était doutée que c'était pour une "histoire de vol" – ce n'était pas à une heure du matin qu'on partait en Suisse pour faire la fête. Elle pensait pourtant que A______ avait "arrêté" depuis l'arrivée du petit.
e. A______ a reconnu l'ensemble des faits. Il avait été embrigadé plus ou moins volontairement dans une bande qui commettait des cambriolages. Il était venu dix à quinze fois en Suisse pour en commettre. Vu que plusieurs cambriolages avaient été commis durant la même nuit, il était possible qu'il y en ait eu plus. Lors de ces vols, commis par effraction, il était toujours "suiveur". On lui demandait de faire le guet ou de participer au transport des objets dérobés. Il ne procédait que très rarement aux effractions des bâtiments et des coffres-forts. Il se contentait de fouiller ou d'aider à transporter ces derniers. Il faisait cela machinalement. Une fois le butin partagé – le principe était un partage à parts égales – il le vendait et gardait l'argent. Il était "perdu" à l'époque, il consommait de la drogue et de l'alcool et cherchait à payer ses dettes.
f. Au Tribunal, A______ ne s'est pas opposé à un verdict de culpabilité de tous les chefs d'infractions figurant dans l'acte d'accusation. Il admettait avoir agi en bande. Z______ était "un peu l'instigateur". Il ne se souvenait pas d'avoir fait usage d'une meule pour forcer des coffres – ce n'était pas sa méthode – ; peut-être avait-il utilisé une meule une fois ou deux. Les véhicules étaient loués par Z______ – ils changeaient souvent de véhicule. S'agissant du métier, il estimait avoir perçu CHF 20'000.- au total – la répartition entre eux n'était pas équitable. Il admettait, en particulier, avoir agi au préjudice de H______ SA le 17 juin 2023. Il était revenu en Suisse car AD_____ avait insisté. Il n'était pas venu à Genève pour cambrioler cette nuit-là, mais pour rencontrer quelqu'un. AD_____ avait été l'instigateur et il avait, quant à lui, été influencé, encore une fois. Il regrettait. Il avait passé pratiquement la moitié de sa vie en détention. Il ne recommencerait plus. Il avait aujourd'hui des responsabilités qu'il n'avait pas avant, soit une femme et un enfant, et il s'était rendu compte que les vraies valeurs n'étaient pas dans l'argent mais dans le travail, la famille et la réussite sociale.
A______ a produit des documents du Service de probation et d'insertion (SPI) montrant qu'il suivait en prison des cours de bureautique et de gestion d'entreprise, ainsi que de l'association AG_____, sise à AA_____, active dans la réinsertion d'ex-détenus et se disant prête à "lancer le processus" pour lui.
C. Procédure d'appel
a.a. Aux débats, A______ a dit ne pas remettre en question le premier jugement. Mais il demandait de l'aide. Il regrettait ses actes et présentait des excuses aux parties plaignantes. Le 17 juin 2023, en particulier, il avait quitté AF_____ pour Genève dans le but de voler.
Il pensait pouvoir bénéficier d'un sursis. Ayant laissé sa famille derrière lui et n'étant pas fier de son parcours – il avait 52 ans et lorsqu'il se retournait sur celui-ci il n'y avait "pas grand-chose" –, il voulait qu'on lui donne la chance de recommencer et de faire les choses correctement. Il souhaitait repartir sur de bonnes bases, travailler, payer les "indemnités" qu'il devait et mener une vie normale. Il restait en contact avec l'association AG_____ et envisageait d'ouvrir sa propre société. Il avait tout intérêt à ne pas replonger dans la drogue.
a.b. A______ a produit divers documents, dont un courrier du SPI du 4 octobre 2024, qui relève : "[…] Concernant la question professionnelle, lors de son séjour à AH_____ [prison] et avant son transfert à B______, Monsieur A______ avait contacté une association ("AG_____") qui œuvre pour la réinsertion des personnes détenues par l'emploi dans la région de AA_____, où il prévoit de retourner vivre avec sa compagne selon ses dires. À B______, nous avons eu un premier entretien en visioconférence avec les responsables de cette association au mois de juillet 2024. L'intéressé a fait preuve d'une très bonne attitude lors de cet entretien, où il est venu préparé avec des notes et lors duquel il s'est très bien exprimé. Monsieur A______ devait ensuite confirmer son intérêt et sa volonté de s'engager par écrit, ce qu'il a fait via un courrier postal au mois d'août 2024. Pour l'heure, une seconde rencontre en visioconférence est prévue le 5 novembre 2024 avec les responsables de l'association. Quant à la question de la gestion de son abstinence, Monsieur A______ avait évoqué le souhait de prendre contact avec le CSAPA (centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie) de AI_____, près de AA_____ [France]. Au mois de juillet 2024, il avait rédigé une lettre de motivation adressée à ce centre ; il lui a hélas été répondu qu'il devrait renouveler sa demande plus tard, lorsque sa date de libération sera plus proche […]".
a.c. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions.
b. Le Ministère public (MP) conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.
c. Les arguments des parties seront discutés ci-après dans la mesure de leur pertinence.
D. Situation personnelle et antécédents
a. A______ est âgé de 52 ans, de nationalité algérienne, célibataire et père d'un enfant, AJ_____, né le ______ 2022, qu'il a reconnu. Arrivé en France à l'âge de deux ans, il s'est installé à AK_____ ([département] AA_____) avec sa famille, où il a toujours résidé. Il a suivi l'école obligatoire et "enchaîné les petits boulots pour vivre". Il est titulaire d'un CAP de pâtissier acquis en prison (2011).
Il est sans emploi et sans revenu depuis sa libération (2021), si l'on excepte des engagements d'une à deux journées pour de petits travaux (débarrassage d'encombrants). Sa carte de résidant étant périmée – elle serait en cours de renouvellement –, il n'aurait pas été en mesure de trouver un travail ; et il ne pourrait acquérir la nationalité française, du fait de ses antécédents judiciaires ("Même si cela n'excuse aucunement mes actes, cela explique, tout du moins en partie, mes agissements").
Il devrait EUR 3'000.- à des dealers de la région de AA_____ – il consommait du haschisch et de la cocaïne (actuellement abstinent (traitement de substitution)).
b. A______ n'a pas d'antécédent inscrit au casier judiciaire suisse.
Selon l'extrait du casier judiciaire français, il a été condamné à 28 reprises entre 1991 et 2019, dont :
· Le 13 mars 2009 par la Cour d'assises d'appel de AL_____ [France] à dix ans de réclusion criminelle pour vol avec arme et participation à une association de malfaiteurs (peine exécutée) ;
· Le 26 février 2019 par le Tribunal correctionnel de AA_____ à trois ans d'emprisonnement pour vol par ruse/effraction/escalade aggravé par une autre circonstance (en réunion) (peine exécutée) ;
· Le 27 juin 2019 par le Tribunal correctionnel de AA_____ à huit mois d'emprisonnement pour blessures involontaires au volant d'un véhicule, sans permis et avec deux circonstances aggravantes (état alcoolique et usage/emprise de stupéfiants) (peine exécutée) ;
· Le 14 novembre 2019 par le Tribunal correctionnel de AM_____ [France] à trois ans d'emprisonnement, dont un avec sursis, pour vol et vol aggravé par trois circonstances (en réunion, avec destruction/dégradation/détérioration et dans un lieu d'entrepôt) (peine exécutée – sortie le 23 mars 2021).
E. Assistance judiciaire
Me C______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 5.5 heures d'activité de chef d'étude, dont deux visites du client en détention au mois de février 2024 (trois heures au total), la rédaction de la demande d'exécution anticipée de peine (une heure), de la déclaration d'appel (une heure) ainsi que 19 heures de travail d'avocat-stagiaire, dont deux visites du client en détention au mois d'octobre 2024 (trois heures au total) et 13 heures dévolues à la préparation de l'audience d'appel, hors débats, lesquels ont duré une heure et cinq minutes.
L'avocat a été indemnisé pour plus de 30 heures d'activité en première instance.
EN DROIT :
1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).
La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décision illégale ou inéquitable (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions (art. 391 al. 1 CPP).
2. Le vol en bande est passible d'une peine privative de liberté de six mois à dix ans (art. 139 ch. 3 CP), le vol par métier d'une peine privative de liberté de dix ans ou d'une peine pécuniaire de 90 jours-amende au moins (art. 139 ch. 2 aCP), le vol (simple) d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 139 ch. 1 CP), les dommages à la propriété qualifiés d'une peine privative de liberté d'un à cinq ans (art. 144 al. 3 aCP), les dommages à la propriété d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 144 al. 1 CP), la violation de domicile d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 186 CP) et l'entrée illégale d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 115 al. 1 let. a LEI).
Le juge peut atténuer la peine si l’exécution d’un crime ou d’un délit n’est pas poursuivie jusqu’à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l’infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire (art. 22 al. 1 CP).
3. 3.1. Le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP).
La culpabilité doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale. Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans le cadre de la fixation de la peine (ATF 149 IV 217 consid. 1.1 ; 141 IV 61 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_444/2023 du 16 juillet 2024 consid. 3.2).
Bien que la récidive ne constitue plus un motif d'aggravation obligatoire de la peine (art. 67 aCP), les antécédents continuent de jouer un rôle très important dans la fixation de celle-ci. En général, la culpabilité de l'auteur est amplifiée du fait qu'il n'a pas tenu compte de l'avertissement constitué par la précédente condamnation, et sa rechute témoigne d'une énergie criminelle accrue. Il en va de même des antécédents étrangers (ATF 105 IV 225 consid. 2). Une série d'infractions semblables pèse plus lourd que des actes de nature différente. En outre, les condamnations passées perdent de leur importance avec l'écoulement du temps. Les antécédents judiciaires ne sauraient toutefois conduire à une augmentation massive de la peine, parce que cela reviendrait à condamner une deuxième fois pour des actes déjà jugés
(ATF 120 IV 136 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_49/2012 du 5 juillet 2012 consid. 1.2).
Lorsqu'il s'avère que les peines envisagées concrètement sont de même genre, l'art. 49 al. 1 CP impose au juge, dans un premier temps, de fixer la peine pour l'infraction abstraitement – d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner – la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_630/2021 du 2 juin 2022 consid. 2.1).
Le concours d'infractions entre les vols commis par métier et en bande, les dommages à la propriété et les violations de domicile implique une aggravation de la peine (concours réel entre ces infractions) (arrêt du Tribunal fédéral 6B_630/2021 du 2 juin 2022 consid. 2.3.1).
3.2. En l'occurrence, la faute du prévenu est grave. Il s'en est pris au patrimoine et à la liberté d'autrui. Il a, pour ce faire, en provenance de l'étranger, franchi la frontière franco-suisse à de réitérées reprises, représentant ainsi une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Il a agi avec deux circonstances aggravantes, le métier et la bande, tout en en remplissant une troisième, le dommage causé s'étant révélé considérable à une occasion. La période pénale est courte (deux mois) – si l'on excepte l'épisode du 17 juin 2023 – mais l'activité est intense, la volonté délictuelle marquée – 19 locaux commerciaux/administratifs ont été ciblés. Le mobile relève de l'appât du gain, indépendamment de la destination de l'argent qu'il en a retiré (pour vivre, assouvir ses vices (drogue, alcool) ou payer ses dettes), son butin (personnel) étant évalué à quelque CHF 20'000.- au total. À supposer qu'il ait agi sous l'effet de substances, sa responsabilité est présumée pleine et entière. Sa situation personnelle n'explique pas ou peu ses agissements. Le fait qu'il devait cumuler de petits boulots pour (sur)vivre ne les excuse pas. Sa carte de résident échue et la difficulté d'obtenir la nationalité française ne les excusent pas davantage, même s'il est vrai que de tels documents, valables, lui auraient ouvert des opportunités professionnelles. Sa collaboration a été bonne. Il a admis les faits. Il l'a fait d'emblée, dès sa première audition sur commission rogatoire. Mais elle n'apparait pas méritoire pour autant, puisque l'enquête le confondait déjà à ce moment-là. En outre, une minimisation des faits reste à déplorer. En effet, alors que la coactivité est établie et reconnue, ce qui suppose que l'appelant a fait sienne chaque infraction commise, il s'obstine à soutenir qu'il n'aurait été qu'un "suiveur", tout juste bon à guetter ou à aider au transport du butin, des coffres-forts en particulier, "l'instigateur" étant toujours l'autre, soit Z______ (2017-2018) ou AD_____ (2023). Cette posture est d'autant plus regrettable que l'appelant avait concédé initialement que le recours à la meule, au pied-de-biche et au tournevis reflétait sa méthode de "travail", que la location de véhicules permettant de se rendre en Suisse relevait de son fait et que le principe voulait que le butin soit partagé en parts égales, avant qu'il n'insinue avoir touché moins. Ainsi, si la prise de conscience est initiée, elle reste imparfaite. Le prévenu exprime néanmoins des regrets et présente des excuses. Il acquiesce aux actions civiles et entend travailler pour les satisfaire. Il a des projets professionnels et personnels, des obligations familiales. Par contre, il a des antécédents judiciaires, d'une ampleur rare. Sa rechute témoigne d'une énergie criminelle accrue. Il ne présente pas de sensibilité particulière face à la peine, pour le surplus, en dépit de problèmes de santé (yeux, dents). Sous l'angle de la prévention spéciale, il n'y a pas lieu de fixer une peine inférieure à la gravité de la faute.
Seule une peine privative de liberté entre en considération (art. 40 CP).
L'infraction abstraitement la plus grave, référence faite au cadre légal fixé, est le vol par métier et en bande (la circonstance aggravante du métier absorbe les tentatives). Ce crime qualifié justifie, au vu de l'ensemble des circonstances, une peine de deux ans et six mois. Cette peine, de base, doit être augmentée dans une juste proportion de trois mois (peine hypothétique : quatre mois) pour sanctionner la tentative de vol du 17 juin 2023 (qui ne s'inscrit pas dans la période du métier (novembre 2017 à janvier 2018)) et de dix jours (peines hypothétiques : 15 jours) pour chaque dommage à la propriété, violation de domicile et tentative de violation de domicile, ce qui porte la peine à trois ans, ce plafond étant acquis à l'appelant (art. 391 al. 2 CP), sans qu'il ne soit nécessaire de fixer des unités hypothétiques supplémentaires pour les dommages à la propriété qualifiés et les infractions à la LEI.
La détention avant jugement doit être déduite (art. 51 CP).
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
4. 4.1.1. À teneur de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire ou d’une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits.
L'art. 43 al. 1 CP dispose que le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine privative de liberté d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur.
Selon la jurisprudence, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel
(ATF 139 IV 270 consid. 3.3 ; 134 IV 1 consid. 5.3.1). Pour formuler un pronostic sur l'amendement de l'auteur, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 ; 134 IV 1 consid. 4.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_164/2022 du 5 décembre 2022 consid. 5.1).
4.1.2. Si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de plus de six mois, il ne peut y avoir de sursis à l'exécution de la peine qu'en cas de circonstances particulièrement favorables (art. 42 al 2 CP). Dans cette hypothèse, la présomption d'un pronostic favorable, respectivement du défaut d'un pronostic défavorable, ne s'applique plus, la condamnation antérieure constituant un indice faisant craindre que l'auteur puisse commettre d'autres infractions. L'octroi du sursis n'entre donc en considération que si, malgré l'infraction commise, on peut raisonnablement supposer, à l'issue de l'appréciation d'ensemble des facteurs déterminants, que le condamné s'amendera. Le juge doit examiner si la crainte de récidive fondée sur l'infraction commise peut être compensée par les circonstances qui empêchent que l'infraction antérieure ne détériore le pronostic. Tel sera notamment le cas si l'infraction à juger n'a aucun rapport avec l'infraction antérieure ou que les conditions de vie du condamné se sont modifiées de manière particulièrement positive (ATF 134 IV 1 consid. 4.2.3). Cela étant posé, il n'est pas contestable que l'existence d'antécédents pénaux est un point non seulement pertinent mais incontournable du pronostic. Il n'est pas discutable non plus que, eu égard à leur gravité, les antécédents visés par l'art. 42 al. 2 CP pèsent lourdement dans l'appréciation d'ensemble et qu'un pronostic défavorable ne peut alors être exclu qu'en présence d'autres circonstances susceptibles de contrebalancer positivement cet élément négatif (arrêt du Tribunal fédéral 6B_930/2021 du 31 août 2022 consid. 5.1).
4.2. En l'espèce, alors qu'il avait été condamné à de nombreuses peines d'emprisonnement, dont une, lourde, de dix ans de réclusion, qu'il avait purgées, l'appelant n'a pas hésité à s'adonner à de nouvelles activités criminelles, fin 2017-début 2018, en évoluant au sein d'une bande organisée et en alignant les cambriolages de commerces, à la manière d'une profession. Il n'a pas su tirer les enseignements de ses précédentes condamnations et force est de constater qu'il est désormais ancré dans la délinquance. Sa réputation, de fait, n'est pas bonne. Sa situation personnelle reste délicate à l'heure du jugement. En sa faveur, il a une compagne, avec qui il vit, et un enfant en bas âge, dont il semble vouloir prendre soin. Mais il n'a pas d'emploi, pas de revenu et son statut administratif reste fragile. Sevré en milieu protégé, tablant sur son abstinence, il nourrit des projets, attestés par les cours qu'il a suivis en détention, et semble pouvoir s'appuyer, à sa sortie de prison, sur l'association AG_____, active dans la réinsertion des ex-détenus, ce qui constitue un point positif. Mais son avenir, professionnel en particulier, n'en reste pas moins incertain. Il se repent de ses actes et tient un discours positif aux débats. L'état d'esprit qu'il manifeste est bon. Son parcours de vie augure cependant de maigres espoirs et éclaire de manière peu flatteuse son caractère. Somme toute, les chances d'amendement sont faibles. Le pronostic n'apparait pas sous un jour favorable.
Dût-on en douter qu'il faudrait encore, l'appelant ayant fait l'objet de trois condamnations de plus de six mois en 2019, soit dans les cinq ans précédant les faits du 17 juin 2023, que les circonstances apparaissent particulièrement favorables au sens de l'art. 42 al. 2 CP pour qu'il puisse bénéficier du sursis (partiel). Or les considérants qui précèdent montrent que tel n'est pas le cas. En outre, référence aux critères jurisprudentiels (cf. 4.1.2 supra), les infractions à juger sont en rapport étroit avec les crimes antérieurs, qui relèvent pour l'essentiel d'infractions contre le patrimoine, de vols aggravés en particulier ; et les conditions de vie de l'appelant ne se sont pas modifiées de manière particulièrement positive. Certes, le fait nouveau ressortit à son couple et à la paternité. Mais l'entrée de AE_____ et de leur fils dans sa vie n'a pas été gage d'amendement pour autant. Son nouveau statut de compagnon et de père n'a pas suffi à le détourner de la récidive.
En conclusion, le sursis partiel ne peut être accordé. La peine sera ferme.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
5. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État, y compris un émolument d'arrêt de CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP).
Vu l'issue de la procédure d'appel, la répartition des frais de la procédure préliminaire et de première instance ne sera pas revue (art. 428 al. 3 CPP).
6. Vu les exigences légales (art. 16 al. 1 et al. 2 du Règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des défenseurs d'office en matière pénale [RAJ]) et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire en matière pénale, sera retranché de l'état de frais de l'avocat le temps consacré par le chef d'étude à la rédaction de la déclaration d'appel et à celle de la requête en exécution anticipée de peine
(deux heures au total), dites activités étant couvertes de manière adéquate par le forfait (cf. décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3 et BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3). Par ailleurs, une seule visite par mois du client en détention sera indemnisée (AARP/235/2015 du 18 mai 2015 ; AARP/480/2014 du 29 octobre 2014). Enfin, dans la mesure où l'appel était circonscrit à la question de la fixation de la peine, le temps consacré par le stagiaire à la préparation des débats d'appel sera réduit à huit heures, volume déjà conséquent, mais qui demeure acceptable pour du travail effectué en formation.
La rémunération de Me C______ sera partant arrêtée à CHF 2'246.40 correspondant à deux heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 400.-) plus 13 heures et cinq minutes d'activité au tarif de CHF 110.-/heure (CHF 1'439.20) plus la majoration forfaitaire de 10%, vu l'activité déjà indemnisée (cf. notamment ACPR/352/2015 du 25 juin 2015) (CHF 183.90), le déplacement aux débats d'appel (CHF 55.-) ainsi que l'équivalent de la TVA au taux de 8.1% (CHF 168.30).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement rendu le 6 février 2024 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/15398/2023.
Le rejette.
Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 2'005.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.-.
Arrête à CHF 2'246.40, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me C______, défenseur d'office A______, pour la procédure d'appel.
Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :
"Classe la procédure des chefs de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP) et de violation de domicile (art. 186 CP) en lien avec les faits visés sous chiffres 2.11 et 3.11 (AN_____) de l'acte d'accusation (art. 329 al. 4 et 5 CPP).
Acquitte A______ des chefs de vol par métier et en bande (art. 139 ch. 1, 2 et 3 aCP), de dommages à la propriété qualifiés (art. 144 al. 1 et 3 CP) et de violation de domicile (art. 186 CP) en lien avec les faits visés sous chiffres 1.9, 2.9, 3.9 (P______) et 1.10 (E______ SA) de l'acte d'accusation.
Déclare A______ coupable de vol par métier et en bande (art. 139 ch. 1, 2 et 3 aCP), de tentative de vol (art. 22 al. 1 CP cum art. 139 ch. 1 aCP), de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP), de dommages à la propriété qualifiés (art. 144 al. 1 et 3 CP) de violation de domicile (art. 186 CP), de tentative de violation de domicile (art. 22 al. 1 CP cum art. 186 CP) et d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI).
Condamne A______ à une peine privative de liberté de 3 ans, sous déduction de 235 jours de détention avant jugement (art. 40 et 51 CP).
Ordonne l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de 5 ans (art. 66a al. 1 let. c et d CP).
Dit que l'exécution de la peine prime celle de l'expulsion (art. 66c al. 2 CP).
Renonce à ordonner le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) (art. 20 de l'ordonnance N-SIS; RS 362.0).
Ordonne, par prononcé séparé, le maintien en détention pour des motifs de sûreté de A______ (art. 231 al. 1 CPP).
Constate que A______ acquiesce aux conclusions civiles de K______ SA, W______, O______, F______ SA, I______ SÀRL, AO_____ pour V______ et R______ (art. 124 al. 3 CPP).
Condamne A______ à payer à K______ SA, à titre de réparation du dommage matériel, CHF 3'101.75 (art. 41 CO).
Condamne A______ à payer à W______, à titre de réparation du dommage matériel, CHF 8'600.- (art. 41 CO).
Condamne A______ à payer à O______, à titre de réparation du dommage matériel, CHF 8'687.50 (art. 41 CO).
Condamne A______ à payer à F______ SA, à titre de réparation du dommage matériel, CHF 55'087.35 (art. 41 CO).
Condamne A______ à payer à I______ SÀRL, à titre de réparation du dommage matériel, CHF 1'500.- (art. 41 CO).
Condamne A______ à payer à AO_____ pour V______, à titre de réparation du dommage matériel, CHF 1'000.- avec intérêts à 5% dès le 19 avril 2018 (art. 41 CO).
Condamne A______ à payer à R______, à titre de réparation du dommage matériel, CHF 3'315.85 (art. 41 CO).
Condamne A______ à payer à N______ SA, à titre de réparation du dommage matériel, CHF 1'870.10 (art. 41 CO).
Condamne A______ à payer à G______ SA, à titre de réparation du dommage matériel, CHF 400.- (art. 41 CO).
Renvoie G______ SA à agir par la voie civile pour le surplus (art. 126 al. 2 CPP).
Déboute P______ et E______ SA de leurs conclusions civiles.
Ordonne la restitution à A______ des objets figurant sous chiffres 1 à 3 de l'inventaire n°1______ du 22 mars 2018 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).
Fixe à CHF 10'386.65 l'indemnité de procédure due à Me C______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP).
Condamne A______ aux 9/10ème des frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 6'440.85, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.- (art. 426 al. 1 CPP).
Laisse pour le surplus les frais de la procédure à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP)."
Notifie le présent arrêt aux parties.
Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel.
La greffière : Linda TAGHARIST |
| Le président : Fabrice ROCH |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.
| ETAT DE FRAIS |
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| COUR DE JUSTICE |
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Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).
Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel : | CHF | 6440.85 |
Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision |
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Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c) | CHF | 00.00 |
Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i) | CHF | 880.00 |
Procès-verbal (let. f) | CHF | 50.00 |
Etat de frais | CHF | 75.00 |
Emolument de décision | CHF | 1'000.00 |
Total des frais de la procédure d'appel : | CHF | 2'005.00 |
Total général (première instance + appel) : | CHF | 8'445.85 |