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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/20616/2023

AARP/164/2024 du 14.05.2024 sur OTDP/2575/2023 ( REV )

Descripteurs : RÉVISION(DÉCISION);ORDONNANCE PÉNALE;DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ
Normes : CPP.410.al1.leta
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/20616/2023 AARP/164/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 14 mai 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______, FRANCE, comparant en personne,

demanderesse en révision,

 

contre les ordonnances pénales du Service des contraventions n° 1______ du 6 juin 2023, n° 2______ du 16 avril 2019, n° 3______ du 10 octobre 2018 et l'ordonnance OTDP/2575/2023 rendue le 22 novembre 2023 par le Tribunal de police,

 

et

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, p.a. Nouvel Hôtel de Police, chemin de la Gravière 5, 1227 Les Acacias,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

Défendeurs en révision.


EN FAIT :

A. a.a.a. Par avis d'infraction du 21 juin 2018, le Service des contraventions (SDC) a informé A______ que le (la) conducteur(trice) du véhicule immatriculé 4______ (F), dont elle était la détentrice, avait circulé et stationné un véhicule sur un terrain privé le 17 avril 2018 à 21h56 sur la route 5______ nos. ______ - ______, (P 6______). Aucune opposition ne pouvait être formulée sur la base de cet avis. Faute de paiement dans les 30 jours, une ordonnance pénale lui serait notifiée.

a.a.b. Par avis d'infraction du 14 février 2019, le SDC a informé A______ que le (la) conducteur(trice) du véhicule précité avait circulé et stationné un véhicule sur un terrain privé le 27 novembre 2018 à 08h35 sur la rue 7______, (P 8______) B______, à Genève. Un délai de 15 jours lui était imparti pour communiquer les coordonnées de l'éventuel autre conducteur responsable des infractions en remplissant le formulaire ad hoc annexé. Faute de paiement dans les 30 jours, des ordonnances pénales lui seraient notifiées.

a.b. Sans réponse, le SDC a rendu, les 10 octobre 2018 et 16 avril 2019, deux ordonnances pénales n° 3______ et n° 2______, notifiées à A______ à des dates inconnues, la condamnant à deux amendes de CHF 60.-, majorées d'un émolument de CHF 40.-, sous réserve d'oppositions dans le délai de dix jours, les voies de droit lui ayant été communiquées.

a.c. Les 13 décembre 2018 et 11 juin 2019, le SDC a adressé deux rappels à A______ la sommant de verser sous 30 jours les amendes, émoluments ainsi que frais de rappel de CHF 20.- appliqués pour chaque infraction.

a.d. Le 31 juillet 2020, un arrangement de paiement a été accordé à A______.

Le SDC a ainsi enregistré deux paiements :

-          Le 3 août 2020, de CHF 60.-, correspondant à l'amende visée dans l'ordonnance pénale n° 3______ du 10 octobre 2018. Les émoluments et frais de rappel (CHF 40.- et CHF 20.-) restent dus.

-          Le 9 septembre 2020, CHF 60.-, correspondant à l'amende visée dans l'ordonnance pénale n° 2______ du 16 avril 2019. Les émoluments et frais de rappel (CHF 40.- et CHF 20.-) restent dus.

b.a. Par rappel du 14 avril 2023, le Service de la police municipale a attiré l'attention de A______ sur le fait que l'amende d'ordre de CHF 40.- déposée sur le pare-brise de son véhicule immatriculé 9______ (F) le 27 février 2023 à 15h34 à la rue Pécolat 12 à Genève pour "ne pas [avoir] enclench[é] le parcomètre" restait impayée à ce jour. Dans le cas où elle ne serait pas la personne responsable de l'infraction, elle disposait d'un délai de 30 jours pour régler le montant de l'amende de manière anonyme et de dix jours pour indiquer l'identité et l'adresse complète de l'auteur de l'infraction, en remplissant les lignes prévues à cet effet. En cas de non-paiement, le SDC établirait une ordonnance pénale comportant des frais supplémentaires (émoluments).

b.b. En date du 6 juin 2023, le SDC a rendu une ordonnance pénale
n° 1______, notifiée à A______ à une date inconnue, la condamnant à une amende de CHF 40.-, majorée d'un émolument de CHF 40.-, sous réserve d'une opposition dans le délai de dix jours, les voies de droit lui ayant été communiquées.

b.c. Un rappel lui a été adressé par le SDC, le 15 août suivant, comportant des frais de rappel de CHF 20.-.

c. Par courriel du 28 août 2023, A______ a formé opposition auprès du SDC.

d. Par trois ordonnances du 25 septembre 2023, le SDC, considérant l'opposition non valablement formée, a transmis les procédures liées aux ordonnances pénales précitées au Tribunal de police (TP) afin qu'il statue sur la validité desdites ordonnances pénales et de l'opposition.

e. Par ordonnance du 22 novembre 2023, le TP a constaté l'irrecevabilité de l'opposition formée par A______. Envoyée par courriel et ne comprenant pas de signature, celle-ci n'était pas valable. Les trois ordonnances pénales étaient ainsi assimilées à des jugements entrés en force.

La précitée n'a pas été retirer le pli et celui-ci a été retourné à son expéditeur le
27 décembre suivant muni de la mention "non réclamé".

A______ n'a pas recouru contre cette ordonnance auprès de la Chambre pénale de recours (CPR).

B. a.a. Par demande du 15 février 2024, adressée à la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR), A______ sollicite la "révision des poursuites et des amendes à son encontre", n'étant pas responsable. Elle gérait une petite entreprise de location de voiture entre particuliers. Elle n'avait pas reçu à temps certaines amendes car l'adresse figurant sur les cartes grises des véhicules était son ancienne adresse. Son ex-conjoint, qui y demeurait, lui avait indiqué ne pas recevoir de courrier à son nom et, malgré le transfert de courrier établi auprès de La Poste, elle recevait sa correspondance avec un mois de retard. Elle avait effectué des contestations auprès des services compétents et transmis les amendes à ses clients mais, malgré les relances et mises en demeure, elle n'avait "plus eu de retour". Elle avait assumé les paiements qu'elle avait pu mais ne pouvait pas payer plus ; elle était enceinte, avait un enfant de 13 ans à charge, son entreprise était déficitaire, elle était sans emploi et sans revenu, ses allocations de chômage faisant l'objet d'une saisie en raison d'amendes impayées en France.

a.b. Sur demande de la CPAR, elle a confirmé sa demande de révision par courrier du 15 mars 2024, complété par un courrier du 17 avril 2024, et précisé qu'elle n'avait pas reçu les contraventions car elle était en fuite avec sa fille après avoir été agressées par son ex-conjoint. Toutes deux avaient été hébergées par des amis jusqu'au 11 mai 2023, date à laquelle elle avait à nouveau eu une adresse fixe et reçu par la suite les courriers relatifs aux amendes majorées de frais de rappel. Les auteurs des infractions reprochées lui avaient confirmé avoir réglé les amendes mais elle n'avait pas réussi à obtenir de justificatifs, et ses contestations avaient été "refusées", jugées hors délais.

a.c. À l'appui de sa demande, elle produit des courriers émanant du SDC et concernant d'autres procédures, deux comptes rendus d'infraction du commissariat de police de C______, en France, relatifs au vol de deux de ses véhicules (autres que ceux figurant dans la présente procédures), ainsi que des documents (avis d'audience, convocation, note d'honoraires, certificat d'incapacité temporaire de travail concernant sa fille) relatifs à une procédure pénale à l'encontre de son ex-conjoint en raison de violences physiques que ce dernier aurait exercées à son encontre et sur sa fille, en 2022.

EN DROIT :

1. 1.1. La Chambre pénale d'appel et de révision est l'autorité compétente en matière de révision (art. 21 al. 1 let. b CPP cum art. 130 al. 1 let. a de la Loi d'organisation judiciaire [LOJ]). La demande de révision a été déposée dans la forme prescrite par la loi, étant précisée qu'elle n’est soumise à aucun délai in casu (art. 411 al. 1 et al. 2 in fine CPP cum 410 al. 1 let. a).

1.2. L'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par un jugement entré en force d'en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné.

La révision est un moyen de droit instauré dans l'intérêt de la justice et la recherche de la vérité matérielle. Elle a pour fonction de ne pas laisser subsister un jugement entré en force de chose jugée qui constitue en réalité une erreur judiciaire résultant d'une erreur de fait (ATF 127 I 133 consid. 6 ; A. KUHN / Y. JEANNERET, Commentaire romand du code de procédure pénale, 2ème édition, Bâle, 2019, n. 3 ad art. 410).

La révision ne sert toutefois pas à remédier aux erreurs ou omissions de l'intéressé dans la procédure précédente close par un jugement entré en force. Une révision ne doit pas servir à remettre sans cesse en cause une décision entrée en force, à détourner les dispositions légales sur les délais de recours ou celles sur la restitution desdits délais, voire à introduire des faits non présentés dans le premier procès en raison d'une négligence procédurale (arrêts du Tribunal fédéral 6B_22/2018 du 15 mars 2018 consid. 5 ; 6B_866/2014 du 26 février 2015 consid. 1.2 ; A. KUHN / Y. JEANNERET, op. cit., n. 22 ad art. 410).

Celui qui invoque, à l'appui d'une demande de révision, un moyen de preuve qui existait déjà au moment de la procédure de condamnation et dont il avait connaissance doit justifier de manière détaillée de son abstention de produire le moyen de preuve lors du jugement de condamnation. À défaut, il doit se laisser opposer qu'il a renoncé sans raison valable à le faire, fondant ainsi le soupçon d'un comportement contraire au principe de la bonne foi, voire constitutif d'un abus de droit, excluant qu'il puisse se prévaloir du moyen de preuve invoqué dans la nouvelle procédure (arrêt du Tribunal fédéral 6B_866/2014 du 26 février 2015 consid. 1.2).

1.3. La juridiction d'appel n'entre pas en matière si la demande de révision est manifestement irrecevable ou non motivée ou si une demande de révision invoquant les mêmes motifs a déjà été rejetée par le passé (art. 412 al. 2 CPP). Cet examen préalable et sommaire porte principalement sur les conditions formelles de recevabilité de la demande de révision. L'autorité saisie peut toutefois également refuser d'entrer en matière lorsque les motifs de révision invoqués sont manifestement non vraisemblables ou infondés (ATF 144 IV 121 consid. 1.8 et
143 IV 122 consid. 3.5) ou encore lorsque la demande de révision apparaît abusive (arrêt du Tribunal fédéral 6B_662/2019 du 23 août 2019 consid. 1.1).

Les conditions d'une révision visant une ordonnance pénale sont restrictives. L'ordonnance pénale est rendue dans le cadre d'une procédure spéciale. Elle a pour spécificité de contraindre le condamné à prendre position. Une absence de réaction de sa part s'interprète comme un acquiescement. Il doit s'opposer dans le délai prévu à cet effet s'il n'adhère pas à sa condamnation, par exemple parce qu'il entend se prévaloir de faits omis qu'il considère comme importants. Le système serait compromis si, une fois le délai d'opposition échu sans avoir été utilisé, le condamné pouvait revenir sur l'acquiescement ainsi donné et demander selon son bon vouloir la révision de l'ordonnance pénale pour des faits qu'il aurait déjà pu faire valoir dans une procédure ordinaire en manifestant son opposition. Il s'ensuit qu'une demande de révision dirigée contre une ordonnance pénale doit être qualifiée d'abusive si elle repose sur des faits que le condamné connaissait initialement, qu'il n'avait aucune raison légitime de taire et qu'il aurait pu révéler dans une procédure ordinaire mise en œuvre par une simple opposition (ATF 130 IV 72 consid. 2.3). Il s'agit dans chaque cas d'examiner au regard des circonstances de l'espèce, si la demande de révision tend à contourner les voies de droit ordinaires (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1214/2015 du 30 août 2016 consid. 2 ; 6B_980/2015 du 13 juin 2016 consid. 1.3.2).

1.4. Il résulte de l'art. 354 al. 3 CPP qu'une ordonnance pénale qui n'est valablement pas frappée d'une opposition est assimilée à un jugement entré en force.

2. En l'espèce, la demande en révision apparaît d'emblée mal fondée.

L'argument dont se prévaut la demanderesse s'agissant des conducteurs responsables des infractions en cause, étant à cet égard relevé qu'aucun document permettant d'établir leur identité ne figure au dossier, ne constitue pas un fait ou moyen de preuve nouveau, puisqu'à la suivre, les véhicules, immatriculés à son nom à elle, avaient été mis à disposition de tiers avec son accord et moyennant un contrat de location, durant les périodes où les infractions ont été commises. Ainsi, elle avait connaissance de l'identité des conducteurs au moment de la réception des avis d'infractions et du rappel d'amende d'ordre et était en mesure de le faire valoir dans les délais impartis par le SDC, de même que dans le cadre d'une procédure d'opposition aux trois ordonnances pénales, ce qu'elle n'a pas fait en temps utile.

C’est ainsi bien après avoir reçu trois ordonnances pénales, mais également trois rappels du SDC, que la demanderesse a finalement formé opposition, par courriel. Elle indique ne pas avoir pu faire valoir cet argument dans les délais impartis, les différentes décisions ne lui ayant pas été notifiées en raison d'un changement de domicile et malgré la mise en place un transfert de courrier auprès de La Poste pour avoir accès à sa correspondance. Elle précise avoir été dans l'obligation de quitter son domicile en raison d'actes de violences commis par son époux sur sa personne et sur sa fille en 2022 et avoir bénéficié d'une nouvelle adresse fixe en mai 2023.

Or, les deux avis d'infraction lui ont été adressés en juin 2018 et en février 2019, les deux ordonnances pénales y relatives en octobre 2018 et avril 2019 et les rappels qui ont suivis en octobre 2018 et avril 2019, soit bien avant qu'elle ne quitte son domicile. En outre, elle a bénéficié d'un arrangement de paiement en juillet 2020. Il appert donc qu'à cette date à tout le moins, elle était au courant des procédures à son encontre et qu'elle a attendu fin août 2023 pour former opposition.

Concernant l'amende d'ordre, si le courrier du service de la police municipale lui a été adressé le 14 avril 2013, soit durant la période pendant laquelle elle ne bénéficiait pas d'adresse stable selon ses dires, l'ordonnance pénale y relative lui a quant à elle été adressée le 6 juin 2023, soit une fois établie à sa nouvelle adresse, sans qu'elle ne forme opposition sans délai.

Ainsi, la demanderesse aurait été parfaitement à même de faire opposition aux ordonnances pénales dans les délais selon la procédure ordinaire, en faisant valoir tous les arguments qu'elle connaissait déjà pour s'y opposer, et il n'existe aucun motif légitime pour ne pas l'avoir fait.

Il est au surplus relevé que la demanderesse n'a pas non plus recouru, sans motif légitime, contre l'ordonnance du TP.

La Cour a conscience de la situation difficile dans laquelle se trouve la demanderesse en raison des nombreuses ordonnances pénales rendues à son encontre. Toutefois, recevoir sa demande en révision reviendrait à admettre un moyen de contourner la voie de droit ordinaire. La demanderesse ayant fait preuve de négligence, seule l'octroi de la grâce pourrait être envisageable à ce stade de la procédure.

La demande en révision doit être qualifiée d'abusive et partant d'irrecevable, la demanderesse ne disposant d'aucun intérêt juridiquement protégé à se plaindre de l'application de l'art. 412 al. 2 CPP.

3. Vu l'issue de la procédure, la demanderesse sera condamnée aux frais, lesquels comprennent un émolument minimum de CHF 300.- (art. 428 al. 1 CPP a contrario et art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Déclare irrecevable la demande en révision formée par A______ contre les ordonnances pénales du Service des contraventions n° 1______ du 6 juin 2023, n° 2______ du 16 avril 2019, n° 3______ du 10 octobre 2018 et l'ordonnance OTDP/2575/2023 rendue le 22 novembre 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/20616/2023.

Condamne A______ aux frais de la procédure en CHF 435.-, lesquels comprennent un émolument de CHF 300.-.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

300.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

435.00