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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/4126/2022

AARP/124/2024 du 26.03.2024 sur JTDP/1364/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : PORNOGRAPHIE DURE;EXPULSION(DROIT PÉNAL);INTERDICTION D'EXERCER UNE PROFESSION
Normes : CP.197.al4; CP.66a; CP.67.al4bis
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4126/2022 AARP/124/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 26 mars 2024

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Ghita DINSFRIEND-DJEDIDI, avocate, DN Avocats SNC, rue de Rive 4, 1204 Genève,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1364/2023 rendu le 25 octobre 2023 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/1364/2023 du 25 octobre 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de pornographie au sens de l'art. 197 al. 4 2ème phrase du Code pénal (CP). Le TP l'a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 50.- le jour, avec sursis pendant trois ans, l'a expulsé de Suisse pour une durée de cinq ans et a prononcé à son encontre une interdiction à vie de toute activité professionnelle ou non-professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs. Il a en outre rejeté sa requête d'indemnisation et l'a condamné aux frais de la procédure préliminaire et de première instance s'élevant à CHF 1'724.-.

b. A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement sous suite de frais.

c. Selon l'acte d'accusation du 19 avril 2023 il est reproché ce qui suit à A______ :

Le 11 juillet 2020 à Genève, il a, depuis son profil Facebook, mis à disposition des utilisateurs "B______" et "C______" une vidéo mettant en scène un enfant qui se masturbe.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ était un utilisateur de l'application Facebook Messenger sous l'identifiant "A______" depuis à tout le moins 2008. B______ et C______ sont deux de ses amis d'enfance, qui faisaient usage de la même application.

b. Au cours de leurs échanges, les trois amis ont initié une pratique consistant à se transmettre des vidéos "trash", soit des vidéos dégoutantes, choquantes ou violentes, comme celles montrant des individus tirer sur des policiers aux États-Unis, à titre de blague potache.

c. Le 11 juillet 2020 à 19 heures sept minutes deux puis sept secondes, A______ a partagé une vidéo avec B______ et C______, par le truchement de Facebook Messenger. Cette vidéo sans titre particulier d'une durée d'environ 20 secondes représente un jeune garçon en surpoids et d'un âge qu'on peut estimer entre 12 et 14 ans qui se filme d'abord le visage pendant environ cinq secondes, avant de tourner la caméra pour la cadrer sur son pénis pendant qu'il pratique l'onanisme, commentant l'action dans une langue indéterminée.

d. A______ a admis qu'il avait partagé cette représentation avec ses amis d'enfance. Il en ignorait toutefois le contenu jusqu'à son interrogatoire par la police. C'était une vidéo qui circulait à l'époque sur Facebook. Il lui arrivait d'en transférer sans consulter le contenu au préalable, partager étant pour lui une sorte d'automatisme. Il vérifiait toutefois souvent le contenu des vidéos "trash", à tout le moins leur début, avant de les transmettre à ses amis, comptant sur son entraînement et son expérience professionnelle, ainsi que sur les filtres de protection supposés de Facebook pour prévenir tout envoi d'images illicites.

À la police, il a déclaré que, bien qu'il ne s'en souvînt pas, il était possible qu'il eût regardé le début de la vidéo litigieuse et, jugeant qu'il s'agissait d'une vidéo "trash" de plus, l'eût transférée à B______ et C______. Un mois après cet envoi, ses amis et lui avaient été bloqués sur Facebook et le second avait reçu un message disant que c'était pour de la pornographie, communication dont il lui avait transmis une capture d'écran.

Il se rendait compte des dangers de partager une vidéo du type de celle en cause, et notamment du fait que cela pouvait alimenter les réseaux pédophiles. Il avait vu tellement de choses difficiles durant les trois ans qu'il avait passés au sein des forces armées israéliennes que son seuil de tolérance envers le contenu "trash" était élevé. Il était responsable du transfert de la vidéo mais jugeait qu'elle n'aurait jamais dû lui être envoyée en premier lieu, Facebook devant filtrer ce genre de contenus. En outre, le fait qu'un enfant se filmât lui-même en train de réaliser un acte sexuel devait être distingué du cas où un mineur était filmé par un tiers, ce qui impliquait en principe une contrainte. Il n'était pas attiré par les contenus pédophiles. Il ne représentait aucun danger pour les enfants et s'était au contraire donné pour mission d'œuvrer à la sécurité de ses congénères. La procédure avait eu des conséquences très lourdes sur sa vie. Fin août 2022, il avait notamment perdu son emploi de garde du corps, rémunéré plus de CHF 12'000.- mensuellement, et avait été étiqueté comme pédocriminel, ce qui était difficile à vivre

C. a. Lors de l'audience d'appel, A______ a persisté dans ses conclusions, précisant qu'il concluait à titre subsidiaire à ce qu'il fût renoncé aux mesures d'expulsion et d'interdiction de travailler à vie avec des enfants et qu'il renonçait à toute prétention en indemnisation.

b. Selon la défense, il existait une disproportion insoutenable entre l'acte qui était reproché à A______ et les conséquences légales en résultant. Celui-ci n'avait jamais eu l'intention de partager une vidéo pédopornographique et se retrouvait de ce fait expulsé de Suisse et interdit de travailler à vie avec des enfants. Il avait un passé sans tache et n'était aucunement une menace pour les mineurs, sa moralité ayant notamment fait l'objet de nombreuses vérifications durant son parcours professionnel. Enfin, il avait des liens importants avec la Suisse, pays où il souhaitait vivre et travailler à l'avenir.

D. A______, né le ______ 1988, est ressortissant hongrois et israélien. Il est arrivé en Suisse en juin 2018 et est titulaire d'une autorisation de séjour, valable jusqu'au mois de juin 2028. Il est célibataire et n'a pas d'enfant. Depuis le mois d'avril 2023, il est en couple avec une résidente genevoise, sans qu'ils ne partagent un logement commun. Il a également des amis en Suisse.

Après avoir effectué son service militaire en Israël dans une unité combattante et ensuite travaillé au service du gouvernement israélien, il est rentré en Europe et a trouvé du travail en Suisse en qualité de conseiller en sécurité. Il a perdu cet emploi à la fin du mois d'août 2022 en raison de la procédure à son encontre, bien qu'il continue à entretenir de bonnes relations avec son ancien patron. Il dispense actuellement des leçons rémunérées de yoga et de pilates et perçoit des indemnités journalières (compensatoires) de l'assurance-chômage pour un revenu mensuel net total d'environ CHF 6'500.-. Son loyer s'élève à CHF 1'992.- et sa prime d'assurance maladie à CHF 620.-.

Selon ses déclarations, il maîtrise les bases du français et travaille environ 30 minutes chaque jour à améliorer son niveau. Il voit son avenir en Suisse.

Son casier judiciaire suisse au 4 mars 2023, ainsi que ses casiers judiciaires hongrois, au 22 février 2024, et israélien, au 19 février 2024, sont vierges.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ; 145 IV 154 consid. 1.1 ; 127 I 38 consid. 2a).

Le principe de la libre appréciation des preuves implique qu'il revient au juge de décider ce qui doit être retenu comme résultat de l'administration des preuves en se fondant sur l'aptitude de celles-ci à prouver un fait au vu de principes scientifiques, du rapprochement des divers éléments de preuve ou indices disponibles à la procédure, et sa propre expérience (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1295/2021 du 16 juin 2022 consid. 1.2). Lorsqu'un prévenu fait des déclarations contradictoires, le principe de la présomption d'innocence ne signifie en particulier pas que le juge doive se baser sur ses déclarations qui lui sont le plus favorables (arrêt du Tribunal fédéral 6B_456/2023 du 10 juillet 2023 consid. 2.1.2). Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe de la présomption d'innocence interdit cependant au juge de se déclarer convaincu d'un fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence d'un tel fait ; des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent en revanche pas à exclure une condamnation (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ;
145 IV 154 consid. 1.1 ; 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 et 2.2.3.3 ; 138 V 74 consid. 7).

2.2. En l'espèce, l'appelant admet avoir transféré électroniquement à deux de ses amis d'enfance une vidéo où une personne réelle de moins de 18 ans pratique l'onanisme, aveu corroboré par les éléments fournis par Facebook au National Center For Missing & Exploited Children, qui a dénoncé le cas aux autorités suisses, de sorte que ce double envoi est établi.

L'appelant a initialement déclaré qu'il était possible qu'il eût visionné l'entame de la vidéo, mais qu'il ne s'en souvenait plus. Par la suite, il a affirmé être certain de ne jamais l'avoir regardée. Or, le caractère "trash" de la vidéo en cause n'est pas apparent lors des premières secondes où le jeune adolescent s'adresse à la caméra, de sorte qu'il apparaît peu crédible que l'appelant l'ait transférée sans vérifier, à tout le moins brièvement, que la suite de son contenu était suffisamment déplaisante pour faire office de blague potache, comme il a admis qu'il le faisait souvent. En outre, son récit se conjugue difficilement avec ses déclarations à la police et au MP où il a défendu qu'il s'agissait d'une vidéo circulant à l'époque et que ses amis et lui-même avaient été bloqués par Facebook environ un mois après l'envoi, C______ ayant à cette occasion reçu un message mentionnant que ledit blocage était en lien avec de la pornographie, ce qui implique que l'appelant se rappelait à tout le moins de l'existence de la vidéo en cause. Cette dernière ne comportant pas de titre spécifique ou de caractère frappant lors de ses secondes initiales, le fait qu'il ait aisément pu faire le lien entre la vidéo, une fois son contenu lui ayant été décrit par la police, et le fait qu'il s'agissait d'une vidéo ayant autrefois circulé, ainsi qu'avec la notification de Facebook envoyée à son ami confirment qu'il avait connaissance dudit contenu.

Au vu de ce qui précède, il est retenu que l'appelant avait connaissance du contenu sexuel représenté sur la vidéo litigieuse, celui-ci fondant son caractère dégoutant "trash" et motivant, dans la suite, son envoi à B______ puis à C______ à titre de blague potache.

3. 3.1. Selon l'art. 197 al. 4 2ème phr. CP se rend coupable de pornographie "dure" quiconque met en circulation, montre, rend accessible ou met à disposition des objets ou représentations d'actes d'ordre sexuel effectifs avec des mineurs.

Pour qu'un contenu doive être considéré comme pornographique, il faut qu'il soit objectivement de nature à conduire à l'excitation sexuelle et que les personnes représentées agissent comme des objets sexuels et non comme des personnes douées de sensibilité (ATF 144 II 233 consid. 8.2.3 ; 133 IV 31 consid. 6.1.1 ; 131 IV 64 consid. 10.1.1). La notion d'actes d'ordre sexuel effectifs avec des mineurs fait quant à elle référence à la représentation de mineurs réels dans un contenu pornographique (arrêts du Tribunal fédéral 6B_304/2021 du 2 juin 2022 consid. 1.3.1 ; 6B_997/2018 du 25 février 2019 consid. 2.1.1 ; 1B_189/2018 du 2 mai 2018 consid. 3.2). Comme cela ressort du texte de l'art. 197 al. 4 et 5 CP, tout acte sexuel impliquant une personne âgée de moins de 18 ans est visé par cette norme (arrêts du Tribunal fédéral 7B_62/2022 du 2 février 2024 consid. 6.2.2 ; 6B_1260/2017 du 23 mai 2018 consid. 2.1 ; AARP/207/2023 du 12 juin 2023 consid. 3.1).

Sur le plan subjectif, l'art. 197 al. 4 CP consacre une infraction de nature intentionnelle ; le dol éventuel suffit (arrêts du Tribunal fédéral 7B_62/2022 du 2 février 2024 consid. 6.2.3 ; 6B_557/2015 du 28 janvier 2016 consid. 3 in fine ; AARP/ 323/2023 du 28 août 2023 consid. 2.2).

3.2. Il n'est pas douteux que transférer à deux personnes majeures une vidéo où une personne réelle de moins de 18 ans pratique l'onanisme remplit les éléments constitutifs objectifs de l'infraction de l'art. 197 al. 4 2ème phr. CP.

Sur le plan subjectif, l'appelant avait conscience du contenu de la vidéo avant de la transmettre à ses amis d'enfance. Il a donc agi par dol direct et ainsi intentionnellement. Savoir s'il avait connaissance du caractère pédopornographique au sens légal de celle-ci n'est pas déterminant dans la mesure où l'infraction de l'art. 197 al. 4 2ème phr. CP ne nécessite pas de dessein particulier. L'appelant ne prétend au surplus pas qu'il n'aurait pas connaissance des usages pénaux européens en la matière malgré sa nationalité hongroise, ayant au contraire affirmé qu'il avait conscience du danger inhérent à la transmission de ce genre de contenu et qu'il avait supposé qu'il était filtré par Facebook.

Il s'ensuit que les éléments constitutifs objectifs et subjectif de l'infraction de l'art. 197 al. 4 2ème phr. CP sont remplis et que c'est à juste titre que le TP a reconnu l'appelant coupable de ce chef. Partant, l'appel sera rejeté sur ce point.

4. 4.1.1. L'infraction de pornographie "dure" au sens de l'art. 197 al. 4 2ème phr. CP est réprimée d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

4.1.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Celle-ci doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 149 IV 395 consid. 3.6.2 ; 149 IV 217 consid. 1.1 ;
141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 consid. 5.5, 5.6 et 5.7), ainsi que l'effet de la peine sur son avenir. L'absence d'antécédent a un effet neutre sur la fixation de la peine (ATF 141 IV 61 consid. 6.3.2 ; 136 IV 1 consid. 2.6.4). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 149 IV 395 consid. 3.6.1 ; 144 IV 313 consid. 1.2 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; 134 IV 35 consid. 2.1).

4.1.3. Le montant du jour-amende doit être fixé sur la base du revenu net de l'auteur, lequel est calculé en additionnant l'ensemble de ses ressources assurant son train de vie et déduisant de ce total les montants que l'auteur doit indépendamment de sa volonté, comme ses cotisations et primes d'assurances sociales, ses impôts, ses contributions d'entretien du droit de la famille et ses dépenses usuelles liées à l'acquisition de ses revenus (ATF 142 IV 315 consid. 5.3.2 et 5.3.4 ; 134 IV 60 consid. 5.3 et 6.1), ainsi que d'éventuelles charges financières exceptionnelles (ATF 142 IV 315 consid. 5.3.4 ; 134 IV 60 consid. 6.4). La situation à prendre en compte est en principe celle existant au moment où le juge du fait statue (ATF 142 IV 315 consid. 5.3.2 ; 134 IV 60 consid. 6.1).

4.2. La faute de l'appelant doit être qualifiée de faible. D'une part, il a agi à uniquement deux reprises dans un laps de temps très bref. D'autre part, le contenu de la vidéo en cause se trouve dans le bas du spectre des représentations réprimées par l'art. 197 al. 4 et 5 CP, étant entendu que, dans la mesure où l'âge du mineur concerné ne peut être établi avec certitude, il faut partir de l'hypothèse la plus favorable au prévenu, soit celle d'un enfant âgé de 14 ans. À l'inverse, il faut également tenir compte du fait que l'appelant n'a pas seulement possédé ladite vidéo, mais l'a transmise par voie électronique, comportement d'une gravité supérieure à l'aune du but de prévention des maltraitances sexuelles à l'encontre des enfants, ainsi que de sauvegarde de leur dignité, de l'art. 197 al. 4 et 5 CP. Par ailleurs, son mobile était futile et consistait, en substance, à s'amuser au préjudice d'un mineur en surpoids qui s'était filmé se masturbant.

La situation personnelle de l'appelant, en particulier le fait qu'il a été confronté à des scènes difficiles en tant que soldat plusieurs années avant les faits, ne justifie en rien son acte. Sa prise de conscience est réelle, bien qu'il rejette toujours une partie de la responsabilité de son comportement sur Facebook, alors même que le choix de transférer un média à une personne donnée via Facebook Messenger est exclusivement imputable à l'utilisateur d'un tel service de messagerie.

Au vu de ce qui précède, la peine de 90 unités pénales fixée par le TP apparaît adéquate de sorte qu'il y a lieu de la confirmer. Pour le surplus, son genre et l'octroi du sursis sont acquis à l'appelant (cf. art. 391 al. 2 CPP).

S'agissant de la quotité du jour-amende, l'appelant dispose d'un revenu net d'environ CHF 6'500.-, lequel est sensiblement supérieur à la médiane lémanique qui était de CHF 6'500.- bruts en 2022 (cf. le tableau de l'Office fédéral de la statistique "Salaire mensuel brut selon les branches économiques (NOGA08) et les grandes régions - Secteur privé [TA1_GR]") et de dépenses contraintes réduites, dans la mesure où il est célibataire sans enfants et que son activité d'enseignant de yoga et de pilates n'est pas de nature à entraîner d'importantes charges professionnelles. Il s'ensuit que le montant de son jour-amende devrait être fixé au minimum à CHF 150.-. Dans la mesure où il avait fourni au TP toutes les informations nécessaires pour parvenir à ce résultat mais que l'autorité précédente a néanmoins arrêté le montant du jour-amende à CHF 50.-, l'art. 391 al. 2 2ème phr. CPP n'est pas applicable et cette quotité sera maintenue en vertu de l'interdiction de la reformatio in pejus.

En conclusion, l'appelant sera condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 50.- le jour, avec sursis pendant trois ans, et l'appel rejeté sur ce point.

5. 5.1. Selon l'art. 66a al. 1 let. h CP, l'étranger qui est condamné pour une infraction de pornographie représentant des actes sexuels effectifs avec des mineurs, au sens de l'art. 197 al. 4 2ème phr. CP, est obligatoirement expulsé de Suisse pour une durée minimale de cinq ans.

S'agissant des citoyens européens, l'art. 5 § 1 de l'Annexe I à l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP) s'oppose à une expulsion de Suisse à titre de mesure de prévention abstraite ; en revanche, une expulsion est possible s'il est vraisemblable que la personne concernée troublera à nouveau l'ordre public suisse dans le futur, le niveau d'exigence pour considérer une nouvelle atteinte comme vraisemblable étant d'autant plus faible que le bien juridiquement protégé menacé est important (ATF 145 IV 364 consid. 3.5.2 ;
145 IV 55 consid. 4.4 ; 139 II 121 consid. 5.3 ; 136 II 5 consid. 4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_499/2023 du 24 janvier 2024 consid. 4.2 ; 6B_854/2023 du 20 novembre 2023 consid. 3.1.6 ; 6B_149/2023 du 1er novembre 2023 consid. 1.3.4). Pour examiner la dangerosité d'une personne, l'importance de sa culpabilité joue notamment un rôle important (ATF 145 IV 364 consid. 3.5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_148/2022 du 17 novembre 2022 consid. 4.2.1 ; 2C_944/2020 du 31 mars 2021 consid. 4.2.2 ; 6B_177/2020 du 2 juillet 2020 consid. 2.4.5).

5.2. En l'espèce, l'infraction commise par l'appelant est intrinsèquement grave, comme l'illustre sa présence dans la liste des infractions conduisant en principe à une expulsion de Suisse. Cependant, le risque de récidive apparaît particulièrement faible au vu notamment de sa faible culpabilité, de sa prise de conscience, de son passé sans tache et de son intégration économique et, dans une moindre mesure, sociale en Suisse. Rien ne laisse en particulier penser qu'il représenterait à l'avenir un danger pour les enfants ou les personnes vulnérables. Son expulsion constituerait ainsi une mesure de sécurité abstraite. Or, un tel motif ne suffit pas pour expulser un citoyen européen et ainsi porter gravement atteinte à ses droits protégés par l'ALCP.

Partant, il doit être renoncé à l'expulsion de l'appelant. L'appel est sur ce point fondé.

6. 6.1. Selon l'art. 67 al. 3 let. d ch. 2 CP, s'il a été prononcé contre un condamné une peine pour une infraction de pornographie "dure", au sens de l'art. 197 al. 4 et 5 CP, dont le contenu concernait un ou plusieurs mineur(s), l'exercice de toute activité professionnelle et non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs lui est interdit à vie.

L'art. 67 al. 4bis CP permet au juge de renoncer à une telle sanction s'il n'a pas commis l'une des infractions listées à l'art. 67 al. 4bis let. a CP (1) et qu'il ne souffre pas d'un trouble pédophile (2), pour autant qu'il s'agisse d'un cas de très peu de gravité (3) et qu'une telle mesure ne paraisse pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres infractions passibles de cette même mesure (4) (ATF 149 IV 161 consid. 2.5.1 et 2.5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_852/2022 du 26 avril 2023 consid. 2.2.4). Lorsque ces conditions sont remplies, le juge pénal doit renoncer à l'interdiction à vie (ATF 149 IV 161 consid. 2.5.7 ; arrêts du Tribunal fédéral 7B_143/2022 du 18 juillet 2023 consid. 2.5.3 ; 6B_852/2022 du 26 avril 2023 consid. 2.3). La condition d'absence d'un pronostic de récidive s'examine comme celle applicable en matière de sursis, soit au regard du passé de l'auteur, de sa personnalité et tous les autres éléments pertinents pour estimer la vraisemblance d'une telle récidive (ATF 149 IV 161 consid. 2.5.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_852/2022 du 26 avril 2023 consid. 2.2.2).

Déterminer si un cas est de très peu de gravité s'analyse, d'une part, au regard de l'éventuelle faiblesse de la peine-menace de l'infraction commise et, d'autre part, de la culpabilité de l'auteur lorsqu'elle apparaît particulièrement légère, ce qui se reflète en principe dans la peine concrètement infligée (ATF 149 IV 161 consid. 2.5.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 7B_143/2022 du 18 juillet 2023 consid. 2.5.2 ; 6B_852/2022 du 26 avril 2023 consid. 2.2.1). À la lecture de la jurisprudence, il apparaît qu'ont été qualifiés de cas de très peu de gravité l'envoi à huit connaissances de l'auteur d'une vidéo où deux mineurs de moins de 16 ans ont des relations sexuelles par le biais de l'application Facebook Messenger à titre de plaisanterie de mauvais goût (cf. AARP/402/2023 du 19 octobre 2023 consid. 3.3.1 et 5.2.1) et le fait, pour un auteur majeur, d'avoir embrassé la joue et tenté de toucher les fesses d'une jeune fille de 13 ans contre son gré dans un ascenseur (cf. AARP/441/2023 du 14 décembre 2023 consid. 4.2.2 et 6.2). En revanche, le téléchargement de 236 images et six films à caractère pédophile à des fins de consommation personnelle (cf. arrêt du Tribunal fédéral 7B_143/2022 du 18 juillet 2023 consid. 2.6), de 136 images du même type (cf. ATF 149 IV 161 consid. 2.6.1), de la possession d'une vidéo du viol avec torture d'une enfant de deux ans (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_1027/2021 du 5 juin 2023 consid. 2.4.2) et du téléchargement de quatre images et deux films incluant des mineures dans des poses plus que suggestives et une relation sexuelle entre un mineur et des animaux (cf. 7B_479/2023 du 21 novembre 2023 consid. 2.4.1) n'ont pas été qualifiés de cas d'importance mineure, tout comme celui d'un auteur ayant pratiqué l'onanisme dans une piscine publique en présence d'une enfant de 11 ans (cf. arrêt du Tribunal cantonal vaudois CAPE 2023/389 du 31 octobre 2023 consid. 3.3.1).

6.2. En l'occurrence, l'appelant n'a pas été condamné au titre d'une infraction listée à l'art. 67 al. 4bis let. a CP et rien ne laisse penser qu'il souffre d'un trouble psychique de type pédophile au sens de l'art. 67 al. 4bis let. b CP, de sorte qu'une renonciation à une interdiction à vie d'exercer une activité impliquant des contacts réguliers avec des mineurs n'apparaît pas d'emblée exclue.

L'infraction de l'art. 197 al. 4 2ème phr. CP est une infraction grave, de sorte qu'il y a lieu de se montrer sévère dans l'appréciation de la clause d'exception de l'art. 67 al. 4bis CP. Néanmoins, il faut souligner que la culpabilité concrète de l'appelant est faible, que rien ne laisse penser qu'il représenterait à l'avenir un risque pour la sécurité des mineurs, que son casier judiciaire est vierge et qu'il a fait preuve d'une notable prise de conscience. À cette aune, une interdiction viagère d'exercer une activité engendrant des contacts réguliers avec des mineurs, entraînant une inscription à vie de cette interdiction et du jugement l'ayant ordonnée au casier judiciaire (art. 30 al. 1, al. 2 let. m et al. 3 let. c de la Loi sur le casier judiciaire [LCJ]) apparaît disproportionnée. Cela vaut d'autant plus que la condamnation de l'appelant figurera en tout cas jusqu'à la fin de son délai d'épreuve sur l'extrait de son casier destiné aux particuliers (cf. art. 41 LCJ en lien avec l'art. 40 al. 3 let. b LJC) et que les autorités pénales pourront en tenir compte à l'avenir sans absolue limite de temps (arrêt du Tribunal fédéral 7B_215/2023 du 30 novembre 2023 [destiné à la publication aux ATF] consid. 2.2.3). Enfin, la pratique récente ressortant de la jurisprudence laisse conclure que le cas d'espèce se rapproche clairement plus de ceux où un cas de peu de gravité a été retenu que de ceux où un tel cas a été exclu.

En conclusion, il convient de renoncer au prononcé d'une interdiction à vie de l'exercice de toute activité professionnelle et non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs. L'appel est sur ce point bien-fondé.

7. 7.1.1. Selon l'art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné. Selon l'art. 426 al. 3 let. a CPP, le prévenu ne supporte pas les frais que le canton a occasionnés par des actes de procédure inutiles ou erronés. Seuls les actes d'emblée objectivement inutiles sont visés par cette disposition (arrêts du Tribunal fédéral 6B_780/2022 du 1er mai 2023 consid. 5.4 ; 6B_1321/2022 du 14 mars 2023 consid. 2.1). Selon l'art. 428 al. 3 CPP, si l'autorité d'appel rend une nouvelle décision, elle se prononce également sur les frais fixés par l'autorité inférieure.

7.1.2. Selon l'art. 428 al. 1, première phrase, CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé ; pour déterminer si une partie succombe ou obtient gain de cause, il faut examiner dans quelle mesure ses conclusions sont admises en deuxième instance (arrêts du Tribunal fédéral 6B_182/2022 du 25 janvier 2023 consid. 5.1 ; 6B_143/2022 du 29 novembre 2022 consid. 3.1 et 11.2). Seul le résultat de la procédure d'appel elle-même est ainsi déterminant (ATF 142 IV 163 consid. 3.2.1).

7.2.1. Eu égard aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, aucun acte des autorités pénales ne peut être qualifié de superflu. Il n'existe donc pas de motif de s'écarter de la règle générale de l'art. 426 al. 1 CPP. Il s'ensuit que l'intimé sera condamné à payer à l'État CHF 1'724.-.

7.2.2. En ce qui concerne la procédure d'appel, l'appelant succombe sur sa culpabilité et sur la quotité de sa peine mais l'emporte sur l'expulsion et sur l'interdiction à vie de travailler avec des enfants.

Dans ces circonstances la moitié des frais de la procédure d'appel, lesquels s'élèvent à CHF 1'705.00, y compris un émolument d'arrêt de CHF 1'500.-, seront mis à sa charge, le solde devant être supporté par l'État.

8. L'appelant n'a pas appelé du rejet de sa requête d'indemnisation en première instance. Sur ce point, ce jugement est donc entré en force (cf. ATF 148 IV 89 consid. 4.3 ; AARP/383/2023 du 4 octobre 2023 consid. 1.1.2). En outre, il a expressément renoncé à requérir une indemnisation en procédure d'appel. Il s'ensuit qu'aucune indemnité ne doit lui être allouée en lien avec la présente procédure.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1364/2023 rendu le 25 octobre 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/4126/2022.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de pornographie (art. 197 al. 4 2ème phrase CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende.

Fixe le montant du jour-amende à CHF 50.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans.

Avertit A______ de ce que, s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine.

Renonce à expulser A______ de Suisse.

Renonce à prononcer à l'encontre de A______ une interdiction à vie d'exercer une activité professionnelle et toute activité non professionnelle impliquant des contacts réguliers avec des mineurs (art. 67 al. 4bis CP).

Condamne A______ à payer à l'État CHF 1'724.- au titre des frais de la procédure préliminaire et de première instance.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'705.00, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.-, met la moitié de ceux-ci, soit CHF 852.50, à la charge de A______ et laisse le solde à la charge de l'État.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ eu égard à la procédure préliminaire et de première instance.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, à l'Office fédéral de la police et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Sarah RYTER

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'724.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

70.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'705.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'429.00