Skip to main content

Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

1 resultats
P/17763/2022

AARP/13/2024 du 20.12.2023 sur JTDP/1178/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

P/17763/2022 AARP/13/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 20 décembre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Guglielmo PALUMBO, avocat, HABEAS Avocats Sàrl, rue du Général-Dufour 20, case postale 556, 1211 Genève 4,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1178/2023 rendu le 13 septembre 2023 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A.           Saisine de la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR)

a.a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 13 septembre 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 de la Loi fédérale sur la circulation routière [LCR]), de violation des règles de la circulation (art. 90 al. 1 LCR), de violation des obligations en cas d'accident (art. 92 al. 1 LCR), l'a condamné à une peine pécuniaire (ferme) de 70 jours-amende à CHF 90.-, à une amende de CHF 1'000.- et aux frais de la procédure.

a.b. A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à l'acquittement des chefs d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire et de violation des obligations en cas d'accident, et au prononcé d'une amende de CHF 500.-.

a.c. Le Ministère public (MP) conclut à la confirmation du jugement.

b. Selon l'ordonnance pénale du 18 novembre 2022, qui tient lieu d'acte d'accusation, il est reproché ce qui suit à A______ : il a, le 12 mai 2022, au volant de son véhicule, inattentif, heurté un véhicule tiers, lui causant des dégâts matériels et, consécutivement à l'accident, quitté les lieux sans remplir ses devoirs en cas d'accident, se dérobant ainsi aux mesures permettant de déterminer son incapacité de conduire.

B.            Faits résultant du dossier de première instance

a. Selon le rapport de police du 21 juin 2022, un accident avec dégâts matériels était survenu le 12 mai 2022 entre 20h30 et 22h00, au chemin 1______ no. 2______, à B______ [GE]. La chaussée était en ligne droite, plate, sèche. Il faisait nuit mais la visibilité était normale, compte tenu de l'éclairage artificiel. A______, conducteur du véhicule C______ immatriculé GE 3______, circulait sur ce chemin en direction du chemin 4______. À la hauteur du n° 2______, il avait heurté, avec l'avant-gauche de son véhicule, l'avant-gauche du véhicule D______ de E______ immatriculé GE 5______, correctement stationné. Il avait ensuite parqué son véhicule et quitté les lieux sans remplir ses devoirs en cas d'accident. Il avait cependant noté son numéro de téléphone sur un bout de papier, qu'il avait déposé sur le parebrise du véhicule de la lésée. Celle-ci avait fait appel à la police, au vu des dégâts. La face et l'aile avant-gauches de la D______ étaient fortement endommagées. Quant à sa C______, la face, l'aile et la roue avant-gauches étaient également fortement endommagées ; le parebrise était brisé. La police avait tenté de joindre A______ à 13 reprises, en vain, avant d'aller sonner à la porte de son domicile, en vain également. A______ s'était finalement présenté au poste sur mandat de comparution.

b.a. Auditionné à la police, A______ a déclaré que, le 12 mai 2022, il avait travaillé auprès de son employeur, F______ SàRL, sise à G______ [GE], jusqu'à 13h00. Il était rentré à son domicile, chemin 1______ no. 6______. Chez lui, il s'était endormi. Il s'était réveillé vers 18h15. Il s'était rendu aux café H______ à G______. Il y avait bu un café, seul. Il était reparti, pour se rendre chez lui, vers 21h00 – il n'avait pas bu d'alcool. Tandis qu'il circulait au chemin 1______, sa veste, posée sur le siège-avant passager, était tombée. Voulant la ramasser, il s'était baissé. Ne regardant plus la route, mais conduisant toujours, il avait dû dévier de sa trajectoire. Il avait heurté un véhicule stationné sur le côté gauche de la chaussée. Il avait été blessé : son cou avait dû taper l'autoradio – il avait une marque rouge. Il s'était stationné à proximité immédiate et était rentré chez lui pour prendre un bout de papier. Il y avait noté ses coordonnées pour que le/la propriétaire du véhicule puisse le contacter. Énervé, il est allé marcher aux Eaux-Vives, au bord du lac, pour se calmer. Il n'avait pas voulu fuir la police – pourquoi aurait-il voulu fuir la police ? Il pensait que le/la propriétaire de l'autre véhicule le contacterait pour qu'ils puissent faire un constat à l'amiable et que l'accident soit pris en charge par les assurances. Il n'avait pas répondu aux 13 appels, en numéro masqué, car il ne répondait pas aux numéros inconnus – il ne savait pas que c'était la police.

b.b. Au MP, A______ a persisté dans ses explications. Il contestait la violation des devoirs en cas d'accident et la dérobade : il ne s'était pas enfui le jour de l'accident et on lui reprochait d'avoir conduit sous l'effet de l'alcool alors que ce n'était pas le cas. Après avoir touché l'autre véhicule, il s'était tout de suite arrêté. Sous le choc, sa première préoccupation avait été d'aller chercher un papier pour y apposer ses coordonnées sur l'autre véhicule – cent mètres séparaient son domicile du lieu de l'accident. Personne n'avait assisté à celui-ci, de sorte que s'il avait voulu fuir ou se dérober, il aurait pu le faire et stationner son véhicule dans son parking privé, au sous-sol du bâtiment dans lequel il habitait. Or il avait voulu faire les choses bien, en laissant sa voiture à côté de l'autre ainsi qu'un papier, sur lequel il avait noté ses nom, adresse, numéro de téléphone, numéro de plaques et même la raison sociale de l'entreprise pour laquelle il travaillait. Il avait remarqué deux ou trois appels masqués, qu'il avait manqués. Il ne savait pas que c'était la police. Il s'attendait à recevoir un appel du ou de la lésé(e). Il ne savait pas qu'en cas d'absence du lésé il devait faire appel à la police et que l'apposition d'un bout de papier était insuffisante, sinon il aurait fait appel à la police, il n'avait rien à cacher. Il pensait avoir fait le nécessaire. Dans sa tête, il avait fait tout ce qu'il fallait ; il pensait avoir réglé la situation à l'amiable avec le/la propriétaire du véhicule lésé.

b.c. A______ a allégué, par la voix de son conseil, par courrier adressé au MP le 17 février 2023, qu'il avait "[…] estimé, faisant preuve de bon sens et on ne peut plus légitimement, qu'en agissant de la sorte il simplifierait les démarches administratives et serait contacté ensuite par le lésé afin de s'arranger amiablement cette manière de procéder étant même recommandée par l'Etat de Genève : "Si vous êtes impliqué dans un accident de la route n'ayant causé que des dégâts matériels, vous pouvez remplir un constat à l'amiable avec la personne conductrice de l'autre véhicule" [https://www.ge.ch/accidents-circulation/dommages-matiels-uniquement]. Une telle manière de faire est également préconisée par d'importantes compagnies d'assurance […]".

c.a. Le TP a versé au dossier l'ordonnance pénale du MP du 6 avril 2018, à teneur de laquelle il était "reproché à A______ d'avoir, à Genève, le 9 juillet 2017, aux alentours de 2h20, au chemin 1______, à la hauteur du n° 6______, au volant d'un véhicule de marque C______, [modèle no.] 7______, immatriculé GE 8______ / Suisse, circulé en état d'ébriété, étant précisé que l'éthylomètre a révélé une concentration d'alcool dans l'air expiré de 0.62 mg/l, [et] dévié de sa trajectoire sur la gauche, empiétant sur la ligne de sécurité, de sorte que son véhicule a entravé la voie de circulation venant en sens inverse, provoquant ainsi la collision de l'avant de son véhicule avec le cyclomoteur léger, immatriculé GE 9______ / Suisse, de I______, faisant chuter ce dernier et lui occasionnant notamment des œdèmes, des douleurs et une plaie de 1.5 centimètre à sa cheville gauche, ainsi qu'un hématome temporal à gauche […]".

c.b. Aux débats de première instance, A______ a réitéré ses explications.

C.           Procédure d'appel

a. Aux débats d'appel, A______ a rappelé qu'il ne contestait pas l'inattention avec dégâts matériels – c'était juste. Pour le surplus, il ne savait pas qu'il était obligatoire d'appeler la police ; il était désolé mais il n'était pas au courant. Le premier jugement était donc injuste, ce d'autant plus qu'on lui reprochait d'avoir bu alors que ce n'était pas le cas. Il s'était posé la question de savoir s'il devait appeler la police ou pas, mais il avait pensé que laisser un papier avec son adresse, son numéro de plaque et son nom, ainsi que son numéro de téléphone, pour un arrangement avec la propriétaire de l'autre voiture, était suffisant – il pensait que c'était la loi. Ce n'était qu'après, en prenant connaissance du jugement de première instance, qu'il avait su qu'il était obligatoire d'appeler la police. Pour lui, si celle-ci était intervenue en juillet 2017, c'était parce qu'il y avait eu un blessé ; c'était donc obligatoire, normal d'appeler la police et l'ambulance ; tandis que le 12 mai 2022, il n'avait fait que toucher un véhicule, c'était différent. Peu avant le heurt, il devait rouler à 30 km/h. Il n'avait pas freiné et son véhicule s'était arrêté contre l'autre. Le choc avait donc été assez fort. Les voitures n'avaient pas été fortement endommagées. Mais il y avait eu une "bosse" et le pneu de la sienne avait été touché ; il était vrai que son parebrise s'était brisé. Jamais il ne répondait aux appels masqués car ça pouvait être n'importe qui, comme un vendeur d'assurances, etc. – il produisait des captures d'écrans de son téléphone faisant état de 11 appels en "Numéro masqué inconnu". En constatant ces appels, il n'avait pensé ni à la dame – elle ne l'aurait pas appelé avec un numéro masqué – ni à la police. Il était allé marcher, après les faits, car il était stressé à cause de ce qu'il venait de lui arriver – il marchait beaucoup à cause d'un problème de santé. Trois mois après les faits, son assurance l'avait appelé pour lui dire que personne ne s'était manifesté. Il avait besoin de son permis de conduire car il commençait le travail à 04h00 et il n'y avait pas de bus à cette heure-ci ; changer de travail à 62 ans serait compliqué – la procédure administrative était suspendue dans l'attente du pénal.

b. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions. Il n'avait pas eu la volonté de violer ses obligations en cas d'accident et de se soustraire à des mesures. L'élément subjectif faisait défaut. L'appel à la police n'était que facultatif selon les directives de l'État. Il était victime d'une erreur sur l'illicéité. Les conséquences d'une condamnation sur sa situation personnelle seraient désastreuses, disproportionnées ; il risquait deux ans de retrait de permis. Subsidiairement, en cas de condamnation, il devait être fait application des art. 100 ch. 1 al. 2 LCR et 52 CP.

D.           Situation personnelle et antécédents

a. A______ est âgé de 62 ans, de nationalité portugaise, titulaire d'un permis C, marié, père d'un enfant majeur. ______ [métier] auprès de F______ SàRL, il réalise un salaire mensuel brut de CHF 4'400.-, soit CHF 3'708.- net. Son loyer est de CHF 1'951.-, sa prime d'assurance-maladie de CHF 600.- et la charge fiscale du couple s'élève à CHF 11'570.- par an. Son épouse a ses propres revenus (CHF 6'800.- brut par mois).

b. A______ a été condamné :

·         Le 28 mai 2014 par le MP à 30 jours-amende à CHF 50.-, assortis du sursis, délai d'épreuve 3 ans, pour violation grave des règles de la circulation.

·         Le 6 avril 2018 par le MP à 60 jours-amende à CHF 60.- (ferme) pour lésions corporelles simples par négligence et conduite d'un véhicule en état d'ébriété (taux d'alcool qualifié).

EN DROIT :

1.             L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décision illégale ou inéquitable (art. 404 al. 2 CPP).

2.             2.1.1. À teneur de l'art. 31 al. 1 LCR, le conducteur devra rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence.

Celui qui viole les règles de la circulation prévues par la loi ou par les dispositions d’exécution émanant du Conseil fédéral est puni de l’amende (art. 90 al. 1 LCR).

2.1.2. L'art. 91a al. 1 LCR dispose qu'est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque, en qualité de conducteur d’un véhicule automobile, s’oppose ou se dérobe intentionnellement à une prise de sang, à un contrôle au moyen de l’éthylomètre ou à un autre examen préliminaire réglementé par le Conseil fédéral, qui a été ordonné ou dont le conducteur devait supposer qu’il le serait, ou quiconque s’oppose ou se dérobe intentionnellement à un examen médical complémentaire ou fait en sorte que des mesures de ce genre ne puissent atteindre leur but.

2.1.3. L'art. 92 al. 1 LCR dispose qu'est puni de l’amende quiconque viole, lors d’un accident, les obligations que lui impose la loi.

2.1.4. En cas d’accident où sont en cause des véhicules automobiles ou des cycles, toutes les personnes impliquées devront s’arrêter immédiatement. Elles sont tenues d’assurer, dans la mesure du possible, la sécurité de la circulation (art. 51 al. 1 LCR). S’il y a des blessés, toutes les personnes impliquées dans l’accident devront leur porter secours ; quant aux autres personnes, elles le feront dans la mesure qu’on peut exiger d’elles. Ceux qui sont impliqués dans l’accident, mais en premier lieu les conducteurs de véhicules, avertiront la police (al. 2). Si l’accident n’a causé que des dommages matériels, leur auteur en avertira tout de suite le lésé en indiquant son nom et son adresse. En cas d’impossibilité, il en informera sans délai la police (al. 3).

Le dépôt d'une carte de visite ou l'apposition d'une note indiquant le nom, l'adresse et le numéro de téléphone ne suffit pas (ATF 91 IV 22 consid. 2). En effet, il n'est pas certain que la personne lésée prenne connaissance du contenu de la note et, si oui, on ignore quand elle en prendra connaissance. Le fait de laisser un message écrit concernant un accident survenu de nuit, dont le lésé ne pourra éventuellement prendre connaissance que le lendemain matin, et donc plusieurs heures après l'accident, ne constitue pas une information immédiate du lésé au sens de l'art. 51 al. 3 phr. 1 LCR. Si, pour une raison quelconque, l'auteur du dommage n'informe pas immédiatement le lésé (ne serait-ce que parce qu'il ne veut pas le réveiller ou le déranger au milieu de la nuit), il doit immédiatement prévenir la police (arrêt du Tribunal fédéral 6S.281/2004 du 10 février 2005 consid. 1.2.1).

2.1.5. L'art. 91a al. 1 LCR vise à empêcher que le conducteur qui se soumet régulièrement à une mesure tendant au constat de l'incapacité de conduire soit moins bien traité que celui qui l'entrave ou s'y soustrait (ATF 146 IV 88 consid. 1.4.1 ; 145 IV 50 consid. 3.1). La dérobade est liée à la violation des devoirs en cas d'accident. En effet, ce n'est qu'en cas d'accident, où des éclaircissements sur le déroulement des événements s'avèrent nécessaires, que l'on peut dire que le conducteur devait s'attendre avec une haute vraisemblance à ce qu'une mesure visant à établir son alcoolémie soit ordonnée. Ainsi, les éléments constitutifs de la dérobade sont au nombre de deux. Premièrement, l'auteur doit violer une obligation d'aviser la police en cas d'accident, alors que cette annonce est destinée à l'établissement des circonstances de l'accident et est concrètement possible. Deuxièmement, l'ordre de se soumettre à une mesure de constatation de l'état d'incapacité de conduire doit apparaître objectivement comme hautement vraisemblable au vu des circonstances (ATF 142 IV 324 consid. 1.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1105/2022 du 27 avril 2023 consid. 1.1.1).

Il y a de manière générale lieu de s'attendre à un contrôle de l'alcoolémie à l'alcootest en cas d'accident, sous réserve que celui-ci soit indubitablement imputable à une cause totalement indépendante du conducteur (ATF 142 IV 324 consid. 1.1.2 et 1.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1105/2022 du 27 avril 2023 consid. 1.1.2).

Sur le plan subjectif, l'infraction est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (ATF 146 IV 88 consid. 1.4.1 ; 145 IV 50 consid. 3.1). L'élément constitutif subjectif de l'infraction à l'art. 91a al. 1 LCR est réalisé sous la forme du dol éventuel lorsque le conducteur connaissait les faits fondant une obligation d'avertir la police ainsi que la haute vraisemblance de la constatation de l'état d'incapacité de conduire, et que l'omission de l'annonce à la police prescrite par l'art. 51 LCR ne peut raisonnablement s'expliquer que par l'acceptation du risque d'une entrave aux mesures de constatation (ATF 131 IV 36 consid. 2.2.1 ; 126 IV 53 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1105/2022 du 27 avril 2023 consid. 1.7.2). Aucun dessein spécial n'est requis. Il n'est ainsi pas déterminant que l'auteur se soit senti ou non en incapacité de conduire ou qu'il soit finalement constaté qu'il se trouvait dans cet état (arrêts du Tribunal fédéral 6B_118/2022 du 31 octobre 2022 consid. 2.1 ; 6B_841/2020 du 13 août 2020 consid. 1.1). La soustraction à la constatation de l'incapacité est une infraction de résultat qui suppose, pour être consommée, qu'il soit impossible d'établir de manière probante l'état de la personne au moment déterminant par le moyen de l'une des mesures spécifiques prévues (ATF 115 IV 51 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1105/2022 du 27 avril 2023 consid. 1.1.1 et 1.7.2).

2.1.6. Selon l'art. 21 CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d'agir que son comportement est illicite n'agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l'erreur était évitable.  

L'erreur sur l'illicéité vise le cas où l'auteur agit en ayant connaissance de tous les éléments constitutifs de l'infraction, et donc avec intention, mais en croyant par erreur agir de façon licite (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 ; ATF 141 IV 336 consid. 2.4.3). La réglementation relative à l'erreur sur l'illicéité repose sur l'idée que le justiciable doit faire tout son possible pour connaître la loi et que son ignorance ne le protège que dans des cas exceptionnels (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_524/2016 du 13 février 2017 consid. 1.3.2 ; 6B_1102/2015 du 20 juillet 2016 consid. 4.1). Pour exclure l'erreur de droit, il suffit que l'auteur ait eu le sentiment de faire quelque chose de contraire à ce qui se doit ou qu'il eût dû avoir ce sentiment (ATF 104 IV 217 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_524/2016 du 13 février 2017 consid. 1.3.2).

Le Tribunal fédéral a considéré que seul celui qui avait des "raisons suffisantes de se croire en droit d'agir" pouvait être mis au bénéfice de l'erreur sur l'illicéité. Une raison de se croire en droit d'agir est "suffisante" lorsqu'aucun reproche ne peut être adressé à l'auteur du fait de son erreur, parce qu'elle provient de circonstances qui auraient pu induire en erreur toute personne consciencieuse (ATF 128 IV 201 consid. 2 ; ATF 98 IV 293 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_716/2018 du 23 octobre 2018 consid. 1.1). Ainsi, l'erreur de droit ne peut être invoquée que par celui qui a des raisons suffisantes de penser qu'il ne fait rien d'illégal, et non par celui qui considère simplement que l'acte n'est pas punissable (ATF 128 IV 201 consid. 2 ; 104 IV 217 consid. 2).

En matière de violation des devoirs en cas d'accident, il est difficile d'envisager une erreur de droit, dans la mesure où le comportement en cas d'accident, tel qu'il est décrit par la loi, est une norme essentiellement fondée sur la morale collective et le bon sens, à la différence des règles ordinaires sur la circulation qui revêtent une caractéristique plus technique, plus artificielle ; tout être normalement éduqué saura qu'il doit secourir une personne qu'il a mise en danger, alors que le bons sens commun ne dicte pas de rouler à droite. Par ailleurs, à tout le moins dans les grandes lignes, ces devoirs ont été enseignés aux titulaires d'un permis de conduire dans le contexte de l'enseignement des premiers secours. Quant à l'erreur de droit sous l'angle de l'art. 91a LCR, on peut se référer à ce qui vient d'être exposé dans le contexte de l'art. 92 LCR, étant précisé que la nature de cette règle semble peu compatible avec l'ignorance justifiée des règles relatives à l'obligation de se soumettre à des mesures d'investigation relatives à l'état de l'auteur (Y. JEANNERET, Les dispositions pénales de la LCR, Berne 2007, n. 150 ad art. 92 et 52 ad art. 91a).

2.2.1. L'appelant a perdu la maîtrise de son engin, vraisemblablement en voulant ramasser sa veste, tombée dans l'habitacle de son véhicule. La condamnation pour violation simple des règles de la circulation (art. 31 al. 1 et 90 al. 1 LCR), justifiée, n'est pas attaquée.

L'appelant n'a pas immédiatement averti la lésée de la présence de dégâts matériels sur son véhicule (D______). En l'absence de cette dernière sur les lieux de l'accident, dans l'impossibilité de lui remettre tout de suite ses coordonnées, il devait contacter la police, sans délai, ce qu'il n'a pas fait. Il ne pouvait quitter les lieux sans l'autorisation des forces de l'ordre. Apposer un papier avec ses nom et adresse, voire d'autres indications encore, sur le parebrise du véhicule sinistré était insuffisant à l'aune de l'art. 51 al. 3 LCR. Le prévenu a fait le choix d'un tel comportement ; il a agi intentionnellement. Il a, partant, violé ses obligations en cas d'accident, de sorte que c'est à juste titre qu'il a été sanctionné pour infraction à l'art. 92 al. 1 LCR.

Il en découle, sous l'angle de l'art. 91a al. 1 LCR, que le premier élément constitutif de la dérobade est rempli. Par ailleurs, la probabilité qu'un ordre fût donné, sur place, de se soumettre à une mesure de constatation de l'état d'incapacité de conduire était élevée au vu des circonstances. D'abord, de manière générale, il y a lieu de s'attendre à un contrôle de l'alcoolémie à l'alcootest en cas d'accident, quand la cause de celui-ci est imputable au conducteur, comme ici. Ensuite, une perte de maîtrise, sans véritable explication, de nuit, sur un tronçon rectiligne et sec, après que le conducteur, connu pour des antécédents spécifiques, venait de passer plus de deux heures dans un débit de boissons, en présence de deux véhicules fortement endommagés de surcroît, constituaient autant d'éléments rendant hautement vraisemblable une mesure d'investigation, par la police, de sa capacité de conduire ; de sorte que le deuxième élément constitutif de la dérobade est rempli. Subjectivement, l'appelant, qui connaissait cet état de fait, devait s'attendre à un contrôle de l'alcoolémie, indépendamment de savoir s'il avait effectivement consommé de l'alcool ou pas – il semble qu'il n'ait bu qu'un café. Il a donc, en quittant les lieux, à tout le moins accepté de rendre impossible tout contrôle de sa capacité de conduire. Les conditions d'application de l'art. 91a al. 1 LCR sont ainsi réalisées.

2.2.2. L'appelant invoque l'erreur sur l'illicéité.

Le prévenu soutient qu'il ignorait son obligation légale d'avertir la police. Il pensait qu'en s'abstenant, tout en déposant un papier sur le parebrise de la lésée en vue d'un règlement à l'amiable, il agissait de façon licite. Il a été constant sur ce point, que ce soit devant les autorités de poursuite pénale ou par-devant les juridictions de fond. Certes, tout un chacun sait qu'il convient d'appeler la police en présence d'un blessé car il serait humainement et moralement répréhensible d'abandonner une personne en péril. Mais il est concevable que d'aucuns ignorent qu'un avis sur un parebrise, en cas de dégâts matériels, s'avère insuffisant.

Cela étant, le fait que le prévenu s'est posé la question, sur les lieux de l'accident, de savoir s'il devait appeler on non la police suggère qu'il a eu un doute quant au contenu de ses devoirs, sur la licéité d'une abstention. Or le sentiment de faire quelque chose de contraire à ce qui se doit exclut déjà l'erreur de droit. De même, le fait d'avoir choisi de ne pas répondre à 11 ou 13 appels masqués, au sujet desquels il ne pouvait exclure que ce fût la police au vu de l'insistance et de l'heure tardive, suscite l'interrogation ; cette attitude donne à penser que l'appelant craignait de répondre, qu'il devait considérer que la réaction qu'il avait eue sur place, plus tôt dans la soirée, n'avait sans doute pas été la bonne. Le fait qu'il minimise le nombre de ces appels ("deux ou trois appels masqués") va dans ce sens.

Ces éléments tendent à démontrer que le prévenu a agi avec la conscience d'une illicéité éventuelle.

Par ailleurs, l'appelant savait, pour l'avoir vécu cinq ans auparavant, que la police pouvait être dépêchée sur les lieux d'un accident, en tous cas en présence d'un blessé, et y ordonner toute mesure utile sur une personne. C'était là son expérience. Cet antécédent devait donc l'amener à envisager, le 12 mai 2022, en quittant les lieux sans appeler la police et sans se mettre à la disposition de celle-ci, qu'il puisse faire quelque chose d'illégal. Il n'avait en tout cas pas de raison suffisante de se croire en droit d'agir.

Rien n'indique que l'appelant ait connu et eu à l'esprit, le soir en question, les recommandations de l'État incitant les usagers, sur son site, à recourir au constat à l'amiable en cas de dégâts matériels. Même si ce fut le cas, cette recommandation supposait la présence sur place de tous les usagers impliqués, en vue du remplissage, conjoint, de la formule ad hoc. Or ce cas de figure faisait défaut.

L'erreur sur l'illicéité, d'application restrictive, difficilement envisageable en cas d'infraction aux art. 91a et 92 LCR selon la doctrine, doit par conséquent être exclue.

Le jugement entrepris sera confirmé.

3.1.1. Le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir. La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 CP).

3.1.2. Si la culpabilité de l’auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l’autorité compétente renonce à lui infliger une peine (art. 52 CP).

L'exemption de peine suppose que le fait en question apparaisse, quant à la faute et aux conséquences de l'acte, comme d'une gravité significativement moindre que le cas typique du comportement réprimé (ATF 138 IV 13 consid. 9).

3.1.3. Dans les cas de très peu de gravité, le prévenu sera exempté de toute peine (art. 100 ch. 1 al. 2 LCR).

L'art. 100 ch. 1 al. 2 LCR doit s'appliquer dans des cas bagatelle, lorsqu'une amende de principe, même symbolique, apparaît comme choquante parce que manifestement trop sévère et en inéquation avec la faute commise (Y. JEANNERET, op. cit., n. 15 ad art. 100).

3.2. La faute du prévenu n'est pas négligeable. Auteur et responsable d'un accident de la circulation, il n'a pas respecté ses devoirs et s'est dérobé au(x) test(s) propre(s) à établir son (éventuelle) alcoolémie. Son mobile relève d'une mauvaise appréciation de l'étendue de ses obligations, voire de la volonté d'échapper à la sanction. Il a néanmoins laissé ses coordonnées à disposition de la détentrice lésée pour qu'elle puisse le solliciter, lui ou son assureur. Il s'est donc montré correct à cet égard. Il a admis les faits, s'est expliqué, a collaboré. Sa situation personnelle n'explique pas ses agissements, hormis peut-être une possible méconnaissance de la loi. La prise de conscience fait défaut, aucun regret n'est exprimé. La sanction administrative à venir péjorera vraisemblablement sa situation, compte tenu de la nécessité, pour lui, de disposer du permis de conduire à des fins professionnelles, pour se rendre de nuit (04h00) au travail, ce dont il faut tenir compte (JdT 1992 I 783 consid. 2d ; L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS, Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2021, n. 93 ad art. 47). Il a des antécédents judiciaires.

Au vu de l'ensemble des circonstances, les unités pénales fixées par le premier juge, qui n'a pas tenu compte de l'ensemble des éléments visés supra, en premier lieu des éléments à décharge, seront réduites de moitié (art. 34 al. 1 CP). Le montant du jour-amende sera fixé à CHF 70.- [[CHF 3'708.- - [CHF 600.- + CHF 385.- ((CHF 11'570.- x 40 %) : 12) + CHF 680.- (CHF 1'700.- x 40 % (minimum vital))]] : 30] – les frais de logement ne peuvent être déduits (ATF 142 IV 315 consid. 5.3.4)
– (art. 34 al. 2 CP).

Le pronostic n'apparait pas sous un jour favorable, faute de reconnaissance des infractions et en présence de deux antécédents judiciaires spécifiques (LCR), dont le dernier, bien que sanctionné par une peine ferme, n'a pas suffi à détourner l'appelant de la récidive. Le sursis ne sera donc pas accordé.

L'amende venant réprimer les contraventions sera arrêtée à CHF 500.- pour la perte de maîtrise, montant au demeurant non-attaqué (art. 391 al. 2 CPP). Cette peine, de base, sera augmentée dans une juste proportion de CHF 200.- (peine hypothétique : CHF 300.-) pour sanctionner la violation des devoirs en cas d'accident, ce qui ramène l'amende à CHF 700.- (art. 49 al. 1, 104 et 106 al. 1 CP).

Une exemption de peine n'entre en considération ni sous l'angle de l'art. 100 ch. 1 al. 2 LCR, en l'absence d'un cas bagatelle, ni sous l'angle de l'art. 52 CP, la faute de l'appelant n'apparaissant pas de gravité significativement moindre que le cas typique du comportement réprimé.

4. L'appelant, qui succombe (culpabilité) mais obtient néanmoins une décision plus favorable (peine), sera condamné aux 2/3 des frais de la procédure d'appel, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 14 al. 1 let. e RTFMP). Le solde sera laissé à la charge de l'État (art. 423 CPP).

Il n'y a pas lieu de revoir les frais de première instance.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement rendu le 13 septembre 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/17763/2022.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 LCR), de violation simple des règles de la circulation routière (art. 31 et 90 al. 1 LCR) et de violation des obligations en cas d'accident (art. 51 al. 3 et 92 al. 1 LCR).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 35 jours-amende (art. 34 al. 1 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 70.- (art. 34 al. 2 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 700.- (art. 106 al. 1 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de sept jours (art. 106 al. 2 CP).

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne A______ aux 2/3 des frais de la procédure d'appel, qui s'élèvent à CHF 1'715.-, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 14 al. 1 let. e RTFMP).

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à CHF 1'519.-, émolument complémentaire de CHF 600.- compris (art. 426 al. 1 CPP).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Fabrice ROCH

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'519.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

80.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

60.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'715.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'234.00