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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/2825/2023

AARP/461/2023 du 05.12.2023 sur JTDP/545/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 26.01.2024, 6B_66/2024
Normes : LStup.19a; CP.291
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/2825/2023 AARP/461/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 5 décembre 2023

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/545/2023 rendu le 10 mai 2023 par le Tribunal de police,

 

et

A______, sans domicile connu, comparant par Me B______, avocat,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, le Ministère public (MP) appelle du jugement du 10 mai 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) a condamné A______ à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 30.- l'unité pour rupture de ban (art. 291 al. 1 du code pénal [CP]), ainsi qu'à une amende de CHF 300.- pour consommation de stupéfiants (art. 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants [LStup]), frais à sa charge, en CHF 4'312.-, émolument complémentaire de jugement de CHF 600.- en sus. Le TP a encore ordonné la libération immédiate de A______ qui comparaissait détenu.

Le MP entreprend partiellement ce jugement, concluant à la condamnation de A______ à une peine privative de liberté de 12 mois pour les faits de rupture de ban.

L'annonce d'appel formée en personne par A______ le 18 mai 2023 n'a pas été suivie d'une déclaration d'appel.

b. Selon l'acte d'accusation du 5 avril 2023, il est reproché ce qui suit à A______ :

Il a, entre le 12 janvier 2023, lendemain de sa dernière condamnation, et le 4 février 2023, date de son interpellation, intentionnellement persisté à séjourner en Suisse, notamment à Genève, alors qu'il fait l'objet d'une décision d'expulsion judiciaire prononcée le 2 octobre 2020 par la Chambre pénale d'appel et de révision du canton de Genève (CPAR), pour une durée de huit ans.

Il a, entre le 12 janvier 2023, lendemain de sa dernière condamnation et le 4 février 2023, à Genève, régulièrement consommé des stupéfiants, notamment du crack.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ est né le ______ 1988, en Algérie, pays dont il est originaire. Arrivé en Suisse selon ses déclarations en 2006, il ne dispose d'aucun titre de séjour.

b. Son expulsion pénale facultative a été ordonnée le 3 avril 2019 pour une durée de cinq ans, une nouvelle expulsion facultative de huit ans étant prononcée le 2 octobre 2020.

c. Dans un courriel du 10 mars 2023, l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) indique qu'aucune décision n'a été rendue à l'encontre de A______ après "le prononcé de son expulsion", l'intéressé étant démuni de documents d'identité et n'étant pas identifié.

d. Devant le premier juge, A______ a expliqué qu'il n'avait pas pu obtenir ses papiers algériens car ses parents étaient décédés. Il avait contacté les autorités lorsqu'il était détenu à C______ et le Consul lui avait dit qu'il avait quitté l'Algérie trop jeune et était inconnu d'eux.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite.

b. Selon son mémoire d'appel, le MP persiste dans ses conclusions.

Le TP avait fait application de la Directive sur le retour alors que le nouvel art. 124a de la loi sur les étrangers et l'intégration (LEI), entré en vigueur le 22 novembre 2022, permettait justement de s'affranchir de cette Directive dans les cas de rupture de ban. L'art. 2 al. 2 de la Directive autorisait d'ailleurs précisément aux États membres de décider de ne pas appliquer la Directive notamment en cas de sanction pénale prévoyant ou ayant pour conséquence leur retour (let. b). Si aucune réserve spécifique n'avait été faite lors de la reprise de la Directive par la Suisse, étant relevé que la disposition du CP sur l'expulsion n'était alors pas en vigueur, le nouvel art. 124a LEI disposait désormais que la Directive ne s'applique plus en cas d'expulsion pénale.

A______ devait dès lors être condamné à une peine privative de liberté. Ce genre de sanction s'imposait également compte tenu de ses antécédents, nombreux et spécifiques, de sa faute, ainsi que de sa situation financière qui ne lui permettrait pas de s'acquitter d'une peine pécuniaire. Une quotité de 12 mois était adéquate pour le sanctionner à la hauteur de sa faute.

c. A______ conclut au rejet de l'appel.

Initialement prévenu de violation de domicile, dommages à la propriété, brigandage et/ou extorsion aggravée et menace, ainsi que rupture de ban et consommation de stupéfiants, il avait été placé en détention provisoire le 4 février 2023. Sa libération, demandée le 27 février 2023, lui a été refusée, refus confirmé sur recours le 21 mars 2023, le TF ayant cependant par arrêt du 11 mai 2023 (arrêt du Tribunal fédéral 1B_211/2023) annulé l'arrêt cantonal pour nouvelle décision. Le MP avait ensuite classé, par ordonnance du 28 mars 2023, tous les faits initialement reprochés, et dressé son acte d'accusation le 5 avril 2023, lui-même ayant été maintenu en détention provisoire puis de sûreté sur le seul reproche de rupture de ban.

Le 10 mai 2023, le premier juge avait fait application de la Directive sur le retour, prononcé une peine pécuniaire et ordonné sa mise en liberté. Or dans son arrêt du 11 mai 2023, le TF avait considéré lui aussi que la Directive sur le retour s'appliquait, relevant qu'aucune décision n'avait été prise depuis le prononcé de l'expulsion ni aucune demande de soutien formulée en vue de l'exécution de cette expulsion. Ne pouvant déterminer si d'autres démarches avaient été entreprises, le TF avait renvoyé la cause à l'autorité cantonale. Cette-dernière a cependant, par arrêt du 17 mai 2023, considéré que le recours était devenu sans objet du fait de sa mise en liberté.

Sur le fond, l'art. 291 CP prévoyait en effet une peine privative de liberté comme peine menace mais la Directive sur le retour posait le principe de la priorité des mesures de refoulement sur le prononcé d'une telle peine. Les principes dégagés de la jurisprudence européenne devaient être transposés à la rupture de ban (ATF 147 IV 232 consid. 1.2). Quant au nouvel art. 124a LEI, le TF avait, dans son arrêt du 11 mai 2023, précisé qu'il n'était pas pertinent.

L'art. 124a LEI ne permettait pas de s'affranchir de la Directive sur le retour pour d'autres motifs encore :

La rupture de ban visait certes le fait de demeurer en Suisse ou d'y entrer. Cependant, l'art. 121 al. 6 Cst. adopté ensuite de l'initiative populaire "Pour le renvoi des étrangers criminels" visait uniquement les entrées en Suisse et non le fait de persister à y séjourner malgré une expulsion. Le message du Conseil fédéral (FF 2020 3361, p. 3414ss) mentionnait des problématiques liées aux inscriptions dans les système SIS et SYMIC et c'était bien en lien avec ces problématiques qu'avait été adopté le nouvel at. 124a LEI et non pour permettre le prononcé de peine privative de liberté en cas de rupture de ban pour être demeuré (et non entré) en Suisse malgré une expulsion judiciaire pénale.

En outre, la Suisse n'avait pas fait usage de l'art. 2 par. 2 let. b de la Directive lors de la reprise par la Suisse de l'acquis Schengen.

De plus, l'art. 124a LEI résultait de l'initiative "Pour le renvoi des étrangers criminels" et la révision législative en découlant ne mentionnait que l'expulsion pénale alors que la rupture de ban (art. 291 CP) réprimait également le non-respect d'une expulsion administrative (art. 68 LEI). Il ne pouvait être envisagé une application à géométrie variable selon les cas de figure.

Enfin, la jurisprudence du TF reposait sur toute la jurisprudence européenne (ATF 143 IV 249), étant rappelé que le droit international primait le droit interne, de sorte que l'art. 124a LEI ne pouvait y déroger valablement.

Dès lors l'art. 124a LEI ne constituait pas un ancrage valide pour exclure l'application de la Directive sur le retour et pour le prononcé d'une peine privative de liberté.

En l'espèce, dès lors qu'aucune mesure coercitive n'avait été prise à son encontre en vue de l'exécution de son renvoi, il ne pouvait être condamné qu'à une peine pécuniaire. Le recours devait ainsi être rejeté.

d. Le TP se réfère à son jugement.

D. À teneur du jugement entrepris, A______ indique que ses parents sont décédés et que son frère vit en Italie. Il a arrêté son école obligatoire après trois ans et a effectué des stages de mécanique et de menuiserie, obtenant des diplômes. Il a quitté l'Algérie à l'âge de 13 ans. Il est célibataire, marié religieusement à une femme d'origine suisse, et père d'un enfant né à la fin de l'année 2022. Sa femme subvient à ses besoins et il perçoit des revenus de CHF 1'500.- environ par mois, grâce à de petits emplois, comme des déménagements.

Selon l'extrait de casier judiciaire (état au 5 décembre 2023), A______ a été condamné en Suisse :

- le 30 septembre 2011 par la CPAR à une peine privative de liberté de 15 mois, pour lésions corporelles simples avec moyen dangereux ;

- le 9 décembre 2011 par le TP à une peine privative de liberté de deux mois, pour séjour illégal ;

- le 10 février 2014 par la CPAR à une peine privative de liberté de trois ans pour tentative de brigandage en bande ;

- le 30 septembre 2016 par la CPAR à une peine privative de liberté de quatre ans, une peine pécuniaire de 20 jours-amende à CHF 10.- le jour et à une amende de CHF 100.-, pour contravention à la LStup, séjour illégal, tentative de vol, opposition aux actes de l'autorité, dommages à la propriété, vol et lésions corporelles graves ;

- le 18 mai 2017 par la CPAR à une peine privative de liberté de 45 jours, pour rixe ;

- le 18 mars 2019 par le MP à une peine pécuniaire de 15 jours-amende, à CHF 10.- le jour, pour dommages à la propriété ;

- le 3 avril 2019 par la CPAR à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à CHF 10.- le jour, à une amende de CHF 100.- et à l'expulsion du territoire suisse pour une durée de cinq ans, pour contravention à la LStup et séjour illégal ;

- le 2 octobre 2020 par la CPAR à une peine privative de liberté de 10 mois et à l'expulsion du territoire suisse pour une durée de huit ans, pour tentative de vol, rupture de ban du 19 juin 2019 au 19 juillet 2019, tentatives de lésions corporelles simples, menaces et séjour illégal ;

- le 18 décembre 2020 par le TP à une peine privative de liberté de cinq mois, partiellement complémentaire au jugement du 2 octobre 2020, pour rupture de ban du 20 juillet au 14 août 2020 et vol ;

- le 11 janvier 2023 par le TP à une peine pécuniaire de 240 jours-amende, à CHF 10.- par jour, et à une amende de CHF 100.-, pour contravention à la LStup et rupture de ban, le 7 février 2022, du 9 février au 2 août 2022, du 4 août 2022 au 26 septembre 2022, du 23 octobre au 21 novembre 2022, du 28 septembre au 21 octobre 2022 ;

- le 11 juin 2023 par le MP à une peine pécuniaire de 180 jours amende à CHF 10.- le jour, pour rupture de ban du 11 mai 2023 au 10 juin 2023 ;

- le 14 juin 2023 par le MP à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 10.- le jour ainsi qu'à une amende de CF 500.- pour appropriation illégitime, empêchement d'accomplir un acte officiel, rupture de ban le 12 juin 2023 et consommation de stupéfiants.

A______ fait par ailleurs l'objet de deux procédures en cours devant le MP pour contravention en matière de stupéfiants, brigandage, infraction à la loi sur les armes et rupture de ban, ainsi que pour lésions corporelles graves, menaces, brigandage, contrainte, séquestration ou enlèvement et infractions à la loi sur les stupéfiants et à la loi sur les étranges.

E. Me B______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant au tarif de stagiaire 1h30 d'entretien à la prison et 7h45 de rédaction des écritures d'appel.

Il a été indemnisé par le TP pour plus de 50 heures d'activité.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. Se rend coupable de rupture de ban au sens de l'art. 291 CP celui qui aura contrevenu à une décision d’expulsion du territoire de la Confédération ou d’un canton prononcée par une autorité compétente. La peine menace est une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire.

2.1.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1).

2.1.3. Bien que la récidive ne constitue plus un motif d'aggravation obligatoire de la peine (art. 67 aCP), les antécédents continuent de jouer un rôle très important dans la fixation de celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1202/2014 du 14 avril 2016 consid. 3.5 ; M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER [éds], Basler Kommentar Strafrecht I : Art. 1-110 StGB, Jugendstrafgesetz, 4ème éd., Bâle 2019, n. 130 ad art. 47 CP ; R. ROTH / L. MOREILLON (éds), Code pénal I : art. 1-100 CP, Bâle 2020, n. 54 ad art. 47 CP).

2.1.4. En matière d'infraction à la législation sur les étrangers, le préjudice pour la collectivité ne doit pas être sous-estimé, y compris au plan matériel, puisque cela mobilise constamment les nombreux acteurs appelés à les réprimer (AARP/329/2023 du 4 septembre 2023 consid 3.2.1 ; AARP/64/2023 du 20 janvier 2023 consid. 4.3).

2.1.5. L'Assemblée fédérale a approuvé, par arrêté fédéral du 18 juin 2010, la reprise de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (Directive sur le retour) en tant que développement de l'acquis de Schengen (RO 2010 5925). Les juridictions suisses doivent ainsi faire leur possible pour mettre en œuvre la jurisprudence européenne relative à cette directive (arrêts 6B_1189/2015 du 13 octobre 2016 consid. 2.1 ; 6B_320/2013 du 29 août 2013 consid. 3.1 ; 6B_173/2013 du 19 août 2013 consid. 1.4).

Sur cette base, le TF a eu l'occasion de préciser qu'en cas de condamnation pour la seule rupture de ban, comme en cas de seul séjour illégal, conformément à la jurisprudence européenne constante relative à l'application de la Directive sur le retour, une peine privative de liberté ne peut être infligée que si toutes les mesures raisonnables ont été entreprises en vue de l'éloignement, respectivement si celui-ci a échoué en raison du comportement de l'intéressé (ATF 147 IV 232 consid. 1.6).

L'art. 2 par. 2 let. b de la Directive sur le retour dispose cependant que les États membres peuvent décider de ne pas appliquer la directive aux ressortissants de pays tiers faisant l'objet d'une sanction pénale prévoyant ou ayant pour conséquence leur retour, conformément au droit national, ou faisant l'objet de procédures d'extradition.

2.1.6. L'art. 124a LEI, introduit par l’annexe 1 ch.1 de l’Arrêté fédéral du 18 décembre 2020 portant approbation et mise en œuvre des échanges de notes entre la Suisse et l’UE concernant la reprise des bases légales concernant l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen (SIS), est entré en vigueur le 22 novembre 2022 (RO 2021 365 ; 2022 636 ; FF 2020 3361).

Il dispose désormais que la directive 2008/115/CE469 ne s’applique pas à la décision et à l’exécution de l’expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP ou 49a ou 49abis du Code pénal militaire (CPM ; FF 2020 3361 p. 3414 à 3416 ; FF 2020 9723 p. 9729 ; Modification de la directive LEI, Directives Domaine des étrangers, Confédération suisse, état au 1er octobre 2023, ch. 8.2 et 8.4.2.1.2, http : //www.sem.admin.ch/dam/sem/fr/data/rechtsgrundlagen/weisungen/auslaender/chronologie/2022-10-01-weisungsaenderung-aig.pdf.download.pdf/2022-10-01-weisungsaenderung-aig-f.pdf).

Le TF a certes, dans l'arrêt 1B_211/2023 cité par la défense, relevé que "l'art. 124a LEI, dont se prévaut le Ministre public dans ses observations, n'est pas pertinent en l'espèce, la cause n'ayant pas pour objet une décision d'expulsion, respectivement son exécution". Cependant, l'arrêt en cause, rendu par la 1ère Cour de droit public, statuait en matière de détention avant jugement.

Sur le fond, le TF a, dans un arrêt 6B_1092/2021 du 23 mai 2022 rendu par la Cour de droit pénal, indiqué qu'en l'état du droit alors applicable, le prononcé d'une décision d'expulsion au sens de l'art. 66a CP ne faisait pas obstacle à l'application de la directive sur le retour, ajoutant cependant la précision suivante : "(cf. projet d'art. 124a LEI qui prévoit que la directive sur le retour ne s'applique pas à la décision et à l'exécution de l'expulsion au sens de l'art. 66a ou 66a bis CP; Arrêté fédéral portant approbation et mise en œuvre des échanges de notes entre la Suisse et l'UE concernant la reprise des bases légales concernant l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen [SIS] [Développements de l'acquis de Schengen] du 18 décembre 2020; FF 2020 9729)".

2.2.1. En l'espèce, la question pourra rester ouverte de savoir si les mesures raisonnables ont été entreprises en vue de l'éloignement de l'intimé, respectivement si celui-ci a échoué en raison du comportement de l'intéressé.

En effet, la période pénale visée dans l'acte d'accusation est postérieure à l'entrée en vigueur de l'art. 124a LEI. De lege lata, la Directive n'est ainsi désormais plus applicable et le prononcé d'une peine privative de liberté possible (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_1092/2021 du 23 mai 2022).

Comme relevé à juste titre par le MP, l'absence de réserve selon l'art. 2 par. 2 let. b de la Directive au moment de la reprise de l'acquis Schengen n'est pas relevant dès lors que l'expulsion pénale n'était pas encore prévue dans le CP. Compte tenu des modifications législatives intervenues depuis lors, adoptées et communiquées en bonne et due forme (cf. FF 2020 9729), la jurisprudence européenne précédemment rendue n'a plus de portée en droit interne.

Quant à l'ancrage constitutionnel de l'art. 124a LEI, il réside comme le préambule de la LEI l'indique dans l'art. 121 al. 1 Cst. L'initiative populaire "pour le renvoi des criminels étrangers" n'a ainsi pas eu d'influence, au-delà du fond, sur la compétence de la Confédération en matière de législation sur l’entrée en Suisse, la sortie, le séjour et l’établissement des étrangers. L'art. 121 al. 6 Cst. n'est dès lors d'aucun secours à l'appelant.

Enfin, l'intimé ne saurait arguer d'une application à géométrie variable de l'art. 124a LEI pour se soustraire aux conséquences d'une nouvelle norme juridique dont le contenu ne souffre aucune ambiguïté.

2.2.2. Concrètement, et nonobstant la brièveté de la période pénale, du 12 janvier au 4 février 2023 seulement, la faute de l'intimé n'est pas négligeable. Son comportement dénote un mépris total des décisions prononcées à son encontre et de la législation en vigueur. Il est resté en Suisse malgré le prononcé de deux décisions d'expulsion. Il a récidivé dès le lendemain de sa dernière condamnation.

Il a agi par pure convenance personnelle, soit pour des mobiles égoïstes.

Sa situation personnelle, bien que précaire, n'explique pas ses agissements.

La collaboration de l'intimé a été bonne dans la mesure où il a admis les infractions qui lui sont reprochées ; sa prise de conscience est en revanche inexistante, dès lors qu'il persiste à rester en Suisse.

Ses antécédents sont très mauvais, dans la mesure où il avait été condamné à dix reprises au moment des faits, dont quatre pour séjour illégal et deux pour rupture de ban et qu'il a été condamné à nouveau à deux reprises depuis les faits. Il apparait ainsi durablement et profondément ancré dans la délinquance.

Vu les peines pécuniaires et les travaux d'intérêt général déjà prononcés sans aucun effet dissuasif, vu également sa situation financière, seule une peine privative de liberté est envisageable.

Malgré ce qui précède, une peine privative de liberté de 12 mois paraît excessive, une durée de six mois semblant plus adéquate.

Le caractère ferme de la peine n'est pas contesté et au demeurant justifié.

L'appel du MP est ainsi partiellement admis et le jugement entrepris réformé sur ce point.

4. L'intimé, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP). Il n'y a dès lors pas lieu de revoir les fais de première instance, y compris l'émolument complémentaire mis à sa charge de fait de son annonce d'appel (art. 428 al. 3 CPP a contrario).

5. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me B______, défenseur d'office de A______, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale.

La rémunération de Me B______ sera partant arrêtée à CHF 1'172.85 correspondant à 9h15 au tarif de CHF 110.-/heure plus la majoration forfaitaire de 10% et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 83.85.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Déclare irrecevable l'appel formé par A______.

Reçoit l'appel formé par le Ministère public contre le jugement JTDP/545/2023 rendu le 10 mai 2023 par le tribunal de police dans la procédure P/2825/2023.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de rupture de ban (art. 291 al. 1 CP) et de consommation de stupéfiants (art. 19a LStup).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de six mois, sous déduction de 96 jours de détention avant jugement.

Condamne A______ à une amende de CHF 300.-.

Prononce une peine privative de liberté de substitution de trois jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à CHF 4'312.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.-, ainsi qu'à l'émolument complémentaire de CHF 600.-.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______.

Prend acte de ce que l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseur d'office de A______, a été fixée à CHF 8'830.95 pour la procédure préliminaire et de première instance.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'315.-, lesquels comprennent un émolument de jugement de CHF 1'200.-.

Met ces frais à la charge de A______.

Arrête à CHF 1'172.85, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, à l'Office fédéral de la police, au Secrétariat d'État aux migrations et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

Le greffier :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Catherine GAVIN

e.r.

Delphine GONSETH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

4'912.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

40.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'200.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'315.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

6'227.00