Skip to main content

Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

1 resultats
P/24095/2020

AARP/463/2023 du 08.12.2023 sur JTDP/441/2023 ( PENAL ) , REJETE

Normes : CP.148a
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24095/2020 AARP/463/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 8 décembre 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], comparant par Me B______, avocat,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/441/2023 rendu le 6 avril 2023 par le Tribunal de police,

 

et

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, route de Chêne 54, case postale 6375, 1211 Genève 6,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 6 avril 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a acquittée de pornographie (art. 197 al. 4 du code pénal [CP]), mais reconnue coupable d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale (art. 148a ch. 1 CP) et condamnée à une peine pécuniaire de 180 jours-amende (art. 34 aCP) à CHF 80.- l'unité, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans. Le TP a débouté A______ de ses conclusions en indemnisation et l'a condamnée aux frais arrêtés à CHF 1'200.-, solde à charge de l'État.

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à son acquittement du chef d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale, à la condamnation du Service des prestations complémentaires (SPC) à lui payer CHF 2'000.-, avec intérêts à 5% dès le 14 décembre 2020, en réparation de son tort moral, frais à charge de l'État.

b.a. Selon l'acte d'accusation du 2 décembre 2021, il est encore reproché à A______ ce qui suit :

Elle a, le 21 décembre 2007, déposé une demande de prestations complémentaires suite à laquelle elle a, par décision du 28 janvier 2009, été mise au bénéfice desdites prestations rétroactivement au 1er juillet 2008. Au début de l'année 2019, dans le cadre de la mise à jour du dossier de A______, le SPC a constaté que celle-ci s'était régulièrement absentée de Suisse et ce pour de longues périodes. Il ressort notamment de l'analyse de ses relevés bancaires qu'elle était à l'étranger pendant une période d'environ cinq mois et demi en 2017 et sept mois et demi en 2018.

Ainsi, à Genève, entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2018, A______ a trompé le SPC, par le biais d'affirmations fallacieuses et de dissimulations, et conduit cette institution à se faire une représentation inexacte de sa situation personnelle, dans le but de l'amener à lui verser indûment des prestations financières à hauteur de CHF 108'273.-. Elle avait pourtant été informée de son obligation de communiquer au SPC toute modification de sa situation personnelle et financière, étant précisé que lui était adressé chaque fin d'année un courrier "Communications importantes" lui rappelant ses obligations. Elle a ainsi agi intentionnellement, dans le dessein de s'enrichir illégitimement à hauteur des prestations perçues indûment, de manière astucieuse, sachant et tablant sur le fait qu'il était difficile, si ce n'est impossible, pour le SPC de procéder à des vérifications minutieuses de la situation réelle et de s'apercevoir de la tromperie orchestrée par elle.

b.b. Il lui était également reproché, par acte d'accusation complémentaire du 24 août 2022, d'avoir, par le biais de son compte FACEBOOK, intentionnellement partagé et mis à disposition d'autres utilisateurs une image à caractère pédopornographique, faits dont elle a été acquittée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, née le ______ 1957, mère de deux filles (C______, née le ______ 1993, et D______, née le ______ 1997), de nationalités suisse, française et marocaine. Alors qu'elle était au bénéfice d'une rente de l'assurance invalidité, elle a demandé et obtenu les prestations du SPC selon la chronologie exposée dans l'acte d'accusation.

b. Le 11 décembre 2020, le SPC a déposé plainte pénale, exposant les éléments suivants :

b.a. Le formulaire de demande de prestations, rempli et signé par A______, comportait notamment (A-5 verso) l'indication : "Le requérant ou son représentant s'engage à informer l'Office sans retard de tout changement de la situation personnelle, des revenus, du patrimoine et des dépenses du requérant et des personnes à sa charge". Outre les communications adressées chaque année aux bénéficiaires leur rappelant leur devoir d'information, A______ avait également reçu, en octobre 2016, de la part du Conseiller d'État alors en charge du Département concerné, un courrier (A-110) signalant l'entrée en vigueur du nouvel art. 148a CP et rappelant que « tout bénéficiaire de prestations complémentaires cantonales perd son droit aux prestations s'il séjourne hors du canton plus de trois mois par année ». Elle avait encore reçu, en décembre 2016 et décembre 2017, les courriers évoquant l'obligation de renseigner, notamment le devoir d'annoncer toute absence du canton de Genève de plus de trois mois par année civile.

b.b. Le SPC a entrepris en janvier 2019 la mise à jour du dossier de A______ et constaté, à l'examen de ses relevés bancaires, qu'entre le 1er janvier 2017 et le 8 octobre 2018, l'intéressée s'était absentée de Suisse à plusieurs reprises et durant de longues périodes, sans qu'aucune annonce n'ait été faite.

b.c. Par décision du 17 juin 2019, le SPC a informé A______ de ce que son droit aux prestations était réexaminé en raison de ses nombreux séjours à l'étranger entre janvier 2017 et octobre 2018, et que, par conséquent le versement des prestations complémentaires en sa faveur était interrompu dès le 31 décembre 2016 ; le montant indument perçu se montait à CHF 108'273.-, correspondant à CHF 71'664.- pour les prestations complémentaires cantonales et fédérales et CHF 36'609.- s'agissant des subsides à l'assurance-maladie versés pour elle et ses filles, montant qui devait être remboursé dans un délai de 30 jours dès l'entrée en force de la décision.

A______ a formé opposition, le 12 août 2019, contre la décision de suspension de ses prestations, faisant notamment valoir que sa sœur et sa mère – laquelle était atteinte de la maladie d'Alzheimer à un stade avancé – habitaient au Maroc et qu'elle-même s'y rendait « de temps en temps », tout en résidant effectivement sur le territoire suisse, à l'adresse qu'elle occupait depuis plus de vingt ans.

La procédure d'opposition a été suspendue par le SPC, dans l'attente de l'issue de la présente procédure pénale.

b.d. Le 5 juillet 2019, le SPC a demandé à l'Office cantonal de la population et des migration (OCPM) une enquête de domiciliation. Il était relevé dans la demande que A______ avait déclaré avoir perdu son passeport suisse, n'avait pas présenté son passeport marocain et disposait d'un passeport français qui n'indiquait pas de séjour à l'étranger. Selon une « déclaration de perte, vol ou destruction » émise par la police genevoise (A-69), A______ avait perdu ou s'était fait voler son passeport suisse le 4 janvier 2019. Par ailleurs, le SPC a signalé qu'en août 2018 et en juin 2019, des courriers recommandés lui étaient revenus non réclamés. Le SPC a aussi évoqué une attestation de scolarisation établie à E______ [Maroc] le 26 septembre 2017, communiquée par A______, confirmant que D______ y était scolarisée en classe de terminale durant l'année scolaire 2017-2018.

b.e. L'OCPM a indiqué dans son rapport du 15 août 2019 (A-103 ss), que A______ n'était pas présente à son domicile, lors des visites effectuées les 6 et 13 août 2019 mais y avait été rencontrée le 14 août 2019, lors d'une visite qui avait permis d'attester une réelle présence, avec l'existence de nombreuses affaires et le fait que ses filles logeaient en ce lieu. Des valises qui n'avaient pas encore été vidées se trouvaient dans le salon.

L'examen du passeport français de l'intéressée avait montré des tampons d'entrées et de sorties mais uniquement pour l'année 2019. Le passeport suisse provisoire établi le 25 août 2016 avait été détruit le 6 juillet 2017, date de délivrance du passeport ensuite volé au Maroc fin 2018. Il n'était ainsi pas possible de contrôler les séjours effectués au Maroc.

Interrogée sur les courriers revenus en retour, A______ avait déclaré n'avoir rien reçu et avoir bel et bien été présente à Genève en juin 2019, une blessure au pied l'ayant alors empêchée de se déplacer. D______ avait été scolarisée au Maroc pour l'année 2017-2018 suite à des problèmes de nature privée. Sa fille y résidait seule auprès de sa sœur. Elle n'avait rien à cacher en rapport avec ses relevés bancaires mais était surprise par la durée des absences qui en étaient déduites.

Selon le relevé des Services industriels de Genève, la consommation d'électricité du logement de A______ avait été de 1'845 kWh en 2017 et de 2'221 kWh en 2018, contre 2'442 kWh en 2015 et 2'715 kWh en 2016 (périodes de novembre à novembre) et une consommation moyenne, sur les 13 années présentées, de 3'163 kWh. Sur ce relevé figure une inscription manuscrite d'un auteur inconnu, indiquant "5 pièces consommation moyenne 3500 ® 3800 kW/h » (A-105).

c.a. Il ressort des éléments récoltés au cours de la procédure, en particulier des relevés de son compte bancaire et de sa carte de crédit, des informations collectées auprès des compagnies aériennes, ainsi que des documents médicaux versés par A______ que :

- en janvier et février 2017, aucune transaction n'a été effectuée à Genève ; des transactions sont en revanche effectuées au Maroc les 5, 7, 8, 12, 13, 22, 23, 30 et 31 (C-64 à 66), ainsi que le 20 février 2017 (hôtel à E______ ; dossier TP) ;

- en mars 2017, une transaction a lieu au Maroc le 4 (C-68 verso) puis une à l'aéroport de F______ à G______ [France] le 27 (C-69) ; suivent des transactions à Genève les 28 (retrait d'espèce de CHF 800.-), 30 et 31 mars 2017 ;

- en avril 2017, elle a effectué des transactions à Genève les 3, 4 et 5 (retrait d'espèce de CHF 182.30 le 3, retrait d'espèce de CHF 620.- le 4 ; C-70 et C-92), elle a ensuite pris un vol Genève-G______ et G______-E______ le 5 (C-26 ; dossier TP), effectuant des transactions de paiements à l'aéroport de F______ ce jour-là (C-70 verso), puis au Maroc les 23, 25 et 26 avril 2017 (C-71) ;

- en mai 2017, une dernière transaction a lieu au Maroc le 3 (C-73), puis les transactions se poursuivent à Genève à compter des 12 et 13 (retrait d'espèce de CHF 1'200.-) mai 2017 (C-73) ;

- en juin 2017, A______ a effectué un paiement par carte de crédit en faveur d'une agence de voyages en France, à H______ le 5 (dossier TP), le restant des transactions bancaires ayant eu lieu à Genève entre le 9 et le 26 (dont un retrait d'espèce de CHF 600.- le 12 et de CHF 200.- le 19 ; C-75 ss) ; elle a également eu des rendez-vous médicaux à Genève les 12, 26 et 27 juin 2017 (C-134 ; C-57) ;

- en juillet 2017, des transactions bancaires ont eu lieu à Genève les 4, 6, 8, 10, 12, 13, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 23 et 24 (y compris des retraits en espèces de CHF 100.- le 13, CHF 200.- le 18, CHF 300.- le 20, EUR 300.- le 21 et EUR 440.- le 24 ; C-77 ss), A______ a par ailleurs dû passer un scanner le 6 (C-55), avant un nouveau rendez-vous médical le 7, également à Genève (C-134), ses relevés de carte de crédit (dossier TP) font ensuite état, entre le 24 et le 26 juillet 2017, d'utilisations de sa carte de crédit en France (stations-services et hôtel dans les départements de I______ et de J______) puis en Espagne, la dernière utilisation ayant eu lieu pour un hôtel à K______ le 26 juillet 2017 ;

- en août 2017, aucune transaction n'a lieu jusqu'à un paiement en faveur de L______ [chaîne de cafés] de l'aéroport de F______ le 29 (C-81), des transactions ont ensuite lieu à Genève les 30 et 31 (retraits d'espèce de CHF 600.-) ;

- en septembre 2017, elle a fait deux transactions depuis Genève les 1er et 5, ainsi qu'un paiement en faveur de M______ [compagnie aérienne] à l'aéroport de Genève le 6 septembre (C-82), puis plus aucune transaction n'est faite jusqu'à la fin du mois, à l'exception d'un paiement par carte de crédit le 27 septembre en faveur d'un restaurant N______ à E______ au Maroc (dossier TP) ;

- en octobre 2017, aucune transaction n'a été faite depuis Genève, mais trois paiements ont eu lieu au Maroc, soit un paiement à O______ le 25 (C-85 verso) puis deux paiements à E______ les 30 et 31 (C-86 verso) ;

- en novembre 2017, la carte de débit et la carte de crédit ne sont pas utilisées, ni en Suisse ni à l'étranger ;

- en décembre 2017, A______ a pris un vol P______ [Maroc]-Genève le 14, date à laquelle elle a effectué un paiement à E______ et un retrait en espèces (MAD 2'341.- soit CHF 255.-) à P______ (C-90), puis elle a repris un vol de Genève à destination de P______ le 19, des paiements étant encore effectués au Maroc les 24 et 26 (C-90 recto et verso), puis en Espagne les 28 et 29, notamment en faveur de Q______ et R______ (C-94 recto et verso), compagnie assurant des liaisons entre le Maroc et l'Espagne (selon le site www.S______.com consulté le 29.03.2023) et en France (stations-services et relais autoroutiers) le 29 ; un retrait en espèces a enfin lieu le 30 décembre à Genève (CHF 250.- ; C-95) ;

- en janvier 2018, toutes les transactions bancaires ont lieu à Genève, à l'exception d'un péage en France le 11, l'intéressée a notamment retiré des sommes en espèces, les 3 (CHF 100.-), 5 (EUR 60.- et CHF 500.-) et 12 (CHF 50.-) janvier 2018 (C-95 ss) ; elle a également eu plusieurs rendez-vous médicaux à Genève les 8, 15, 16 et 19 (C-54), avant de nouveaux rendez-vous les 6 et 7 février 2018 (C-134) ;

- en février 2018, des transactions sont passées à Genève les 4, 5, 6, 7 et 9 (C-99 ss), puis des dépenses ont lieu par carte de crédit en France les 10 et 11 (restaurants et stations-services en direction du sud), puis en Espagne entre le 11 et le 13 (restaurants et stations-service), la dernière transaction en faveur de "T______ Port" (C-99 verso) ;

- de mars à juin 2018, aucune utilisation de carte bancaire n'est enregistrée à Genève alors que des transactions sont passées au Maroc les 17 et 18 mars (C-102), les 4, 7, 12, 13, 14, 17, 18, 19, 20, 22, 23, 24, 26 et 29 avril (C-104 ss), les 2, 6, 7, 11, 14, 19, 22, 24, 26 et 31 mai (C-107 verso ss), puis les 1er, 4, 5, 9, 15, 18, 21, 24 et 29 juin (C‑111 ss), la carte de crédit étant utilisée le 1er juin pour un paiement en faveur d'une université privée à U______ en Espagne (dossier TP) ; A______ a ensuite pris un vol P______-Genève, le 30 juin 2018 ;

- en juillet 2018, des transactions sont faites à Genève, les 1er, 2, 4 (retrait d'espèce de CHF 600.-), 6 et 7 (C-114 ss), puis, le 7 juillet A______ a pris un vol Genève-P______ (dossier TP) et le restant des transactions sont effectués au Maroc, les 9, 10, 12, 14, 15, 16, 19, 21, 25 et 31 juillet 2018 (C-115 ss) ;

- en août et septembre 2018, aucune transaction n'est effectuée à Genève, alors que des transactions ont lieu au Maroc les 2, 4, 5, 10, 12, 13, 17, 19, 24, 25, 27 et 28 août 2018, dont des retraits en espèces pour août 2018 d'un total de CHF 950.74 (C-117 ss), ainsi que le 22 septembre 2018 un retrait de CHF 58.21 (C-121 verso) ;

- en octobre 2018, des transactions ont encore lieu au Maroc les 8 et 9 (C-123), A______ ayant voyagé sur un vol O______ [Maroc]-Genève le 9 (dossier TP), puis les transactions ont toutes lieu à Genève (y compris de nombreux retraits d'espèce de CHF 100.- le 9, de CHF 400.- le 10, de CHF 200.- le 11, de CHF 200.- le 12, de CHF 200.- le 13, de CHF 1'700.- le 16 et de CHF 400.- le 18 ; C-123 ss) ; du 19 au 21 octobre, A______ a effectué à un voyage à V______ [Grande-Bretagne] (billets [de la compagnie aérienne] W______ ; dossier TP) et effectué plusieurs paiements avec sa carte de crédit en Grande-Bretagne (dossier TP) ; les 22, 23 et 29 octobre, elle a eu des rendez-vous médicaux à Genève (C-134 ; C-53 et C-58) et a effectué des transactions dans cette ville entre le 21 et le 29 (y compris des retraits espèce de CHF 200.- le 22, CHF 200.- le 24, CHF 100.- le 26 et CHF 190.- le 27 ; C-124 verso ss) ; le 30 octobre 2018, elle a pris un vol Genève-O______ et a utilisé sa carte de crédit dans un restaurant à O______ ce jour-là (dossier TP) ;

- en novembre 2018, des transactions ont encore lieu au Maroc les 16, 17 et 19 (C-127), puis A______ a pris un vol O______-Genève le 24 (dossier TP), avant d'effectuer des transactions à Genève les 28, 29 et 30 (retrait d'espèce en CHF 300.-) (C-127 verso ss) ;

- en décembre 2018, des transactions sont effectuées à Genève jusqu'au 7 décembre (dont un retrait d'espèce de CHF 200.- le 6 ;C-129 ss), puis A______ effectué un voyage en avion Genève-O______, avec aller le 10 et retour le 17 décembre (dossier TP) ; des dépenses étant effectuées à Genève les 18 et 20 (C-130 verso) ; elle a ensuite effectué un voyage en Grande-Bretagne du 20 au 26 décembre, ayant embarqué sur un vol Genève-V______ et utilisé sa carte de crédit les 22, 23 et 24 [dans la ville de] X______ (C-131 ss et dossier TP) ; reprenant des transactions à Genève les 27, 28 (un retrait d'espèce de CHF 100.-) et 29 décembre (C-131 ss) avant de repartir pour V______ en avion le 30 et effectuant des transactions à X______ à nouveau le 31 décembre (dossier TP).

c.b. Sollicitées par le TP sur les vols effectués par A______, [la compagnie aérienne] AA_____ a répondu ne pas disposer d'informations concernant A______ et M______ a expliqué ne plus disposer des données relatives aux années 2017 et 2018.

d. A______ a contesté les faits reprochés tout au long de la procédure.

d.a. Dans un courrier au MP du 23 février 2021 (C-29), elle a réfuté avoir quitté la Suisse pour plus de 183 jours. Elle avait fait des allers-retours au Maroc, uniquement pour soigner sa mère vivant à E______. En 2017 et 2018, ses deux filles habitaient avec elle à Genève et il était dès lors hors de question qu'elle-même parte vivre au Maroc. Elle a produit un certificat médical daté du 26 janvier 2021 concernant sa mère indiquant notamment que "pendant la période allant de juillet 2017 à octobre 2018, sa fille Mme A______ a du séjourné au Maroc avec des allers retours pendant cette période vu que les infirmières qui s'occupaient de la maman ont démissionné sans préavis, et donc les deux filles de madame Y______ se sont elles même occupés d'elles à son domicile à E______ ne trouvant pas d'infirmière pendant toute cette période (sic)" (C-30).

d.b. Devant le MP (C-47 ss), A______ a confirmé avoir voyagé hors de Suisse en 2017 et 2018, sachant "qu'on a le droit à trois mois minimum". Il lui avait semblé normal de pouvoir aller à E______ au chevet de sa mère malade et mourante. Elle avait dû faire deux ou trois voyages en 2017 et trois ou quatre en 2018, sans se souvenir de la durée des voyages de 2017, sachant qu'en principe, elle ne s'éternisait pas et ne restait pas des mois, car cela ne l'intéressait pas. Elle avait voyagé avec plusieurs compagnies aériennes ainsi que par bateau.

Il était impossible que sa consommation électrique pour les années 2017 et 2018 ait été nettement inférieure aux moyennes de référence, puisque ses filles étaient en tout état présentes. Les chiffres ne montraient d'ailleurs pas de nette différence. Sa consommation avait été de CHF 2'400.- en 2015, de CHF 1'845.- en 2017 et de CHF 2'200.- en 2018.

Confrontée aux transactions à l'étranger ressortant de ses relevés bancaires, permettant d'attester une absence d'environ cinq mois et demi pour 2017 et sept mois et demi pour 2018, elle a relevé que ce n'était "pas d'affilée", mais qu'elle avait effectivement effectué des allers-retours. Elle n'avait "aucun intérêt à rester là-bas". Elle restait au Maroc une semaine, voire 15 jours, mais jamais six mois ou en tout cas pas d'affilée, n'ayant pas abandonné ses filles à Genève. C______ étudiait à [l'école] Z______ de Genève et D______ étant quant à elle scolarisée au Maroc mais revenant à Genève lors des vacances.

Pendant la période en question, elle avait elle-même eu beaucoup d'accidents et ses médecins étaient en Suisse, le Maroc étant le dernier endroit où elle irait se faire soigner.

d.c. A______ a persisté dans sa position dans un courrier du 16 septembre 2021 (C-138 ss) et sollicité le prononcé d'un classement. La documentation bancaire permettait d'établir qu'elle s'était trouvée hors de Suisse durant 26 jours en 2017 et 64 jours en 2018, elle-même étant dans l'impossibilité de reconstituer les dates précises de ses divers voyages à l'étranger. De multiples opérations bancaires effectuées en Suisse en 2017 et 2018 démontraient cependant sa présence quasi-permanente. Le court temps de vol entre Genève et O______, soit environ 3h10, permettait d'effectuer aisément des allers-retours entre les deux pays en l'espace de quelques jours. Enfin, les relevés de sa consommation électrique étaient dénués de toute pertinence. En définitive, n'ayant pas séjourné de manière ininterrompue pendant trois mois au Maroc et la durée totale de ses séjours à l'étranger ne dépassant pas six mois (183 jours) en 2017 et 2018, elle avait perçu à bon droit les prestations complémentaires cantonales et fédérales pour les années en cause. À titre subsidiaire, il devait être retenu que ses séjours à l'étranger étaient dictés par des raisons impératives et la maladie d'un proche représentait un fait justificatif.

d.b. Devant le premier juge, A______ a affirmé n'avoir pas fait attention aux différents courriers qui lui avaient été adressés par le SPC pour lui rappeler ses obligations, en l'absence d'intention d'aller trois mois où que ce soit. Elle ne connaissait pas vraiment la conséquence d'un séjour de plus de six mois (précisément 183 jours) à l'étranger au cours de la même année civile, elle n'y avait pas fait attention.

Si sa carte bancaire n'avait pas été utilisée à Genève pendant de grandes périodes, de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois, c'est qu'elle se l'était fait voler à deux reprises, ayant déposé une plainte au Maroc, plainte pour laquelle elle ne disposait pas d'attestation ; elle ne se souvenait pas si la banque lui avait renvoyé une nouvelle carte. Elle avait alors utilisé l'e-banking et avait eu de l'argent en espèces sur elle. Elle n'avait pas déposé de plainte en Suisse pour le vol de sa carte bancaire.

Les achats effectués à F______, en France, notamment les 27 mars, 5 avril et 29 août 2017 pouvaient avoir été effectués à l'aéroport F______ alors qu'elle était en partance ou de retour du Maroc. Quant aux transactions effectuées en Espagne et en France, fin juillet 2017, fin décembre 2017 et courant février 2018, elle a expliqué s'être déjà rendue en bateau au Maroc, puisqu'elle ne pouvait pas prendre ses chiens en avion, et les dépenses évoquées correspondaient peut-être à des déplacements en bateau. Ses voyages en Grande-Bretagne en octobre 2018 et décembre 2018 étaient destinés à rendre visite à sa fille C______ qui étudiait alors à V______.

Elle ne s'était jamais installée au Maroc pour être aux côtés de sa fille D______, scolarisée dans ce pays, et résidant avec sa grand-mère et sa tante, elle-même se trouvant en danger au Maroc, pour des raisons personnelles qu'elle ne souhaitait pas détailler. Elle se rendait toutefois régulièrement dans ce pays, où elle avait ses parents et bénéficiait de la protection de son père, qui connaît la famille royale. Sa mère avait été victime d'une maladie d'Alzheimer foudroyante. Trois personnes étaient nécessaires pour s'occuper d'elle, dont deux avaient démissionné en même temps. Elle se rendait ainsi au Maroc pour aider sa sœur. Ses voyages au Maroc avaient pour but prioritaire d'aider sa mère et sa sœur. Lorsqu'il ne restait plus qu'une infirmière et qu'elle-même ne se trouvait pas au Maroc, sa sœur avait entrepris des démarches pour retrouver du personnel soignant, mais c'était compliqué.

C. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

a. Selon son mémoire d'appel, aux longs et souvent redondants développements, A______ persiste dans ses conclusions.

Résidant à Genève depuis bientôt 35 ans, elle s'était toujours efforcée de collaborer avec le SPC en fournissant les documents requis. La suppression des prestations avait été décidée sur la seule base d'un examen sommaire de ses relevés bancaires. Dans son rapport du 19 août 2019, tout en constatant une réelle présence d'elle-même et de ses filles, l'OCPM avait cependant retenu sur la base de sa consommation électrique et de ses relevés bancaires des absences supérieures au maximum admis. Le TP, après obtention de la liste des transactions par carte de crédit à l'étranger et de listes partielles de trajets en avions effectués par l'intéressée pour la période en cause, avait prononcé un verdict de culpabilité, en violation de sa présomption d'innocence, en appliquant de manière erronée la notion de domicile et les directives concernant les prestations complémentaires, et enfin en violation de l'art. 148a CP.

La présomption d'innocence avait été violée en lien avec la méthode de calcul retenue. Il était premièrement discutable de retenir qu'elle faisait un usage très régulier de sa carte bancaire lorsqu'elle était en Suisse qui mettrait en évidence ses périodes d'absence. Elle utilisait en effet peu sa carte (sous réserve de certains mois comme juillet 2017, janvier, octobre ou décembre 2018), payant la plupart de ses dépenses en espèce. En second lieu, le TP s'était fondé sur des informations partielles recueillies auprès des compagnies aériennes, dont certaines avaient répondu n'avoir trouvé aucune information la concernant, elle-même ne disposant plus du détail de ses vols mais ayant toujours affirmé qu'elle ne s'éternisait pas et ne restait pas des mois à l'étranger, avec la précision que certains de ses voyages avaient pu être payés par sa sœur ou sa mère.

Plus spécifiquement, seuls 47 jours d'absence étaient établis pour 2017 et 174 pour 2018 (mais sans séjour ininterrompu de 92 jours), les périodes retenues par TP l'ayant été indûment :

-          période du 8 janvier au 26 mars 2017 (78 jours) : rien n'indiquait qu'un voyage avait été fait aux alentours du 8 janvier 2017, des dépenses ayant été effectuées au Maroc avant cette date ; aucun élément ne permettait de retenir qu'elle était l'auteur de l'utilisation de sa carte de crédit le 20 février 2017 pour un hôtel à E______ ; cette seule transaction ne permettait au demeurant pas de retenir une présence au Maroc pour tout le mois de février ; l'unique transaction au Maroc le 4 mars 2017 n'était à elle seule pas non plus suffisante pour retenir une présence dans ce pays pendant le mois entier ; la transaction du 27 mars 2017 à F______ n'apportait aucune information sur ses circonstances et ne pouvait être retenue à charge.

-          période du 6 avril au 10 mai 2017 (35 jours) : la transaction retenue pour le début de cette période (à F______) ne pouvait être retenue pour les raisons indiquées plus haut ; la date du 6 avril avait été arrêtée sur la base des informations fournies par la compagnie aérienne sans la moindre pièce ; la fin du prétendu séjour avait été arrêté arbitrairement au 10 mai, alors que le dernier paiement au Maroc avait eu lieu le 3 mai et le premier à Genève le 12 mai.

-          période du 25 juillet au 28 août 2017 (35 jours) : rien ne prouvait avec certitude que les dépenses effectuées en France, puis en Espagne l'avaient été par l'appelante ; aucune dépense n'ayant été faite ni en Suisse ni au Maroc entre le 26 juillet et le 29 août 2017, rien ne permettait de retenir un séjour à l'étranger ; pour la date de retour liée à une dépense à F______, les arguments susexposés valaient aussi.

-          période du 28 septembre au 13 décembre 2017 (77 jours) : rien ne permettait d'affirmer que la dépense faite le 27 septembre au Maroc l'avait été par l'appelante ; elle ne conteste en revanche pas l'existence de trois transactions au Maroc entre le 25 et le 31 octobre (permettant de retenir un séjour de cinq jours), mais relève qu'aucune transaction n'a été constatée, ni en Suisse ni au Maroc, entre le 1er novembre et le 13 décembre ; les deux transactions du 14 décembre effectuées au Maroc l'avaient été le jour d'un vol retour P______-Genève, mais faute de vol aller, rien ne pouvait en être déduit.

-          période du 11 février au 29 juin 2018 (139 jours) : aucune transaction n'avait eu lieu entre le 14 février et le 16 mars 2018, ni en Suisse ni à l'étranger, de sorte que la thèse la plus favorable d'une présence en Suisse devait être retenue ; après deux opérations isolées au Maroc les 17 et 18 mars, une nouvelle période sans aucune transaction avait eu lieu entre les 19 mars et 3 avril 2018 ; une durée de 86 jours (entre le 4 avril et le 30 juin 2018) pouvait au maximum être retenue, non constitutive d'infraction.

-          période du 8 juillet au 8 octobre 2018 (93 jours) : un séjour maximal de 51 jours pouvait éventuellement être retenu entre les 7 juillet et 28 août 2018) ; faute d'informations sur leur contexte, les transactions isolées des 22 septembre, ainsi que 8 et 9 octobre ainsi encore que le vol retour du 9 octobre n'étaient pas suffisants, étant relevé qu'aucune transaction n'était intervenue entre les 29 août et 21 septembre 2018 et que rien ne permettait de retenir qu'elle était l'auteur de la transaction du 22 septembre.

Son domicile était en tout état à Genève, où elle réside depuis 1989, titulaire de la nationalité suisse, où elle remplit sa déclaration d'impôts, où ses filles ont majoritairement été scolarisées et où se trouvent ses médecins. La consommation moyenne d'électricité pour un logement similaire au sien ne constituait pas un moyen de preuve, ce d'autant plus que sa consommation avait déjà été dans le passé inférieure au seuil indiqué. Elle n'avait jamais décidé de déplacer son centre d'intérêts de vie de la Suisse vers le Maroc, et son droit aux prestations complémentaires n'avait ainsi jamais été interrompu.

Elle avait toujours été honnête avec le SPC, reconnaissant des voyages à l'étranger, toujours de courte durée, de sorte qu'il aurait été absurde d'exiger d'elle qu'elle en informât le SPC. Durant toute la procédure, on avait attendu d'elle qu'elle prouvât des faits négatifs (soit qu'elle n'avait pas séjourné à l'étranger plus que la durée autorisée) pour finalement se contenter de bribes de preuves complétées par des conjectures. Les supputations du SPC, du MP et du TP ne suffisaient pas à démontrer des séjours contrevenant aux dispositions légales. Les éléments constitutifs objectifs de l'infraction faisaient dès lors défaut.

Elle n'avait pas dépassé les jours à l'étranger autorisés par la loi, conformément aux directives applicables aux prestations complémentaires. Subsidiairement, ses séjours qui auraient dépassé cette limite avaient été dictés par des raisons impératives, en particulier pour cause de maladie d'une proche, laquelle était en l'espèce attestée par certificat médical, du fait de la démission soudaine et imprévisible des soignants s'occupant de sa mère, couplée à l'impossibilité de trouver rapidement des remplaçants qualifiés.

Au vu de l'acquittement à prononcer, elle concluait à ce que le SPC soit condamné à lui verser une indemnité pour le tort moral causé par la procédure, qui durait depuis plus de trois ans sans compter la procédure administrative parallèle. Nonobstant la suspension de la procédure d'opposition administrative, le SPC procédait désormais à des retenues sur prestations au titre de remboursement d'une dette contestée, ce qui l'avait placée dans une détresse financière et psychique manifestes.

b. Le MP conclut au rejet de l'appel en se référant à la motivation du jugement entrepris.

c. Le TP se réfère lui aussi à son jugement.

d. Le SPC n'a pas pris position sur l'appel.

D. A______ est actuellement retraitée, étant auparavant au bénéfice d'une rente de l'assurance-invalidité. Ses revenus sont constitués d'une rente AVS de CHF 1'361.-, ainsi qu'une rente de son ancien employeur AB_____ de CHF 284.-. Elle reçoit en outre CHF 200.- de la part de la commune AD______. Elle perçoit des prestations complémentaires à l'AVS de CHF 684.- de la part du SPC, institution qui participe également au paiement de son loyer à hauteur de CHF 1'084.-. Le SPC lui retient, depuis le 1er juillet 2022, un montant mensuel de CHF 222.- à titre de remboursement des prestations indûment versées. Sa prime d'assurance-maladie est entièrement prise en charge par les subsides du Service de l'assurance-maladie et elle paie le montant minimal d'impôts de CHF 25.- ou CHF 50.- par année. Elle ne dispose pas de fortune. Selon décompte de l'Office cantonal des poursuites (Y-53), elle a fait l'objet de nombreux actes de défaut de biens pour plus de CHF 41'200.-.

À teneur du casier judiciaire suisse, elle n'a aucun antécédent.

E. Me B______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 5h30 d'activité de collaborateur et 18h30 d'activité de l'avocat stagiaire, dont des entretiens avec la cliente de 30 minutes (collaborateur) et 3h30 (stagiaire), de même que 5h (collaborateur) et 15h (stagiaire) pour l'étude du jugement de première instance et la rédaction de l'appel motivé, lequel fait 22 pages hors pages de garde et de rappel des conclusions. En première instance, il a été indemnisé pour plus de 35h d'activité.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. L'art 148a al. 1 CP, entré en vigueur le 1er octobre 2016, punit quiconque, par des déclarations fausses ou incomplètes, en passant des faits sous silence ou de toute autre façon, induit une personne en erreur ou la conforte dans son erreur, et obtient de la sorte pour lui-même ou pour un tiers des prestations indues d'une assurance sociale ou de l'aide sociale.

La variante consistant à "passer des faits sous silence" englobe le comportement passif consistant à omettre d'annoncer un changement ou une amélioration de sa situation. Dès lors que les lois cantonales en matière d'aide sociale prévoient que tous les faits ayant une incidence sur les prestations doivent être déclarés, le simple fait de ne pas communiquer des changements de situation suffit à réaliser l'infraction. Cette variante consistant à "passer des faits sous silence" ne vise donc pas uniquement le fait de s'abstenir de répondre aux questions du prestataire (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1246/2020 du 16 juillet 2021 consid. 3.4 ; 6B_1030/2020 du 30 novembre 2020 consid. 1.1.2 ; 6B_1033/2019 du 4 décembre 2019 consid. 4.5.2 et 4.5.5 ; 6B_1015/2019 du 4 décembre 2019 consid. 4.5.2 et 4.5.5). À la différence de ce qui prévaut pour l'escroquerie, le comportement passif en question est incriminé indépendamment d'une position de garant, telle qu'elle est requise dans le cadre des infractions de commission par omission.

Sous l'angle subjectif, l'art. 148a CP décrit une infraction intentionnelle et suppose, s'agissant de la variante consistant à "passer des faits sous silence", que l'auteur ait conscience de l'existence et de l'ampleur de son devoir d'annonce, ainsi que la volonté de tromper. Le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1246/2020 du 16 juillet 2021, consid. 3.4).

2.1.2. Selon l'art. 4 al. 1 de la loi sur les prestations complémentaires (LPC), dans sa teneur inchangée depuis la période pénale, les personnes qui ont leur domicile (cf. art. 23 à 26 du code civil) et leur résidence habituelle (cf. art. 13 al. 2 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales [LPGA]) en Suisse ont droit à des prestations complémentaires dès lors qu'elles perçoivent une rente de vieillesse de l'assurance-vieillesse et survivants (AVS) (let. a), une rente de l'assurance-invalidité (AI) ou perçoivent des indemnités journalières de l'AI sans interruption pendant six mois au moins (let. c).

L'ayant droit est tenu de communiquer à l'assureur ou, selon le cas, à l'organe compétent toute modification importante des circonstances déterminantes pour l'octroi d'une prestation (art. 31 al. 1 LPGA). Une violation de cette obligation est érigée en délit par l'art. 31 al. 1 let. d LPC qui la punit, à moins qu'il ne s'agisse d'un crime ou d'un délit frappé d'une peine plus élevée par le CP, d'une peine pécuniaire n'excédant pas 180 jours-amende.

2.1.3. À teneur de la LPC en vigueur au moment des faits et jusqu'au 1er janvier 2021, l'interruption du droit aux prestations complémentaires était régie exclusivement par les Directives de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) en matière de prestations complémentaires (ci-après : DPC).

Celles-ci précisaient (dans leur teneur inchangée pendant la période pénale) que lorsqu'une personne – également lors d'une période à cheval entre deux années civiles – séjourne à l'étranger plus de trois mois (92 jours) d'une traite sans raison majeure ou impérative, le versement de la prestation complémentaire est suspendu dès le mois suivant. Il reprend dès le mois au cours duquel l'intéressé revient en Suisse. Les jours d'arrivée et de départ ne sont pas considérés comme jours de résidence à l'étranger (DPC n° 2330.01). Lorsqu'au cours d'une même année civile, une personne séjourne plus de six mois (183 jours) à l'étranger, le droit à la prestation complémentaire tombe pour toute l'année civile en question. Le versement de la prestation complémentaire doit dès lors être supprimé pour le restant de l'année civile ; les prestations complémentaires déjà versées doivent être restituées. Lors de plusieurs séjours à l'étranger au cours de la même année civile, lesdits séjours sont additionnés au jour près. En cas de séjour à cheval entre deux années civiles, seuls les jours de l'année civile correspondante sont pris en compte. Les jours d'arrivée et de départ ne sont pas considérés comme jours de résidence à l'étranger (DPC n° 2330.02).

Lors d'un séjour à l'étranger dicté par une raison majeure, la PC peut continuer à être versée pour une année au maximum. Si le séjour à l'étranger se prolonge au-delà de douze mois, le versement de la PC prend fin dès le mois civil suivant. La PC est à nouveau versée dès le mois civil à partir duquel la personne est de retour en Suisse (DPC n° 2340.01). Seuls des motifs d'ordre professionnel, ou la poursuite d'une formation professionnelle, peuvent être considérés comme relevant d'une raison majeure, mais pas un séjour pour cause de vacances ou de visites (DPC n°2340.02).

En cas de séjour à l'étranger dicté par des raisons impératives, la prestation complémentaire continue d'être versée tant et aussi longtemps que l'intéressé garde le centre de tous ses intérêts en Suisse (DPC n°2340.03). Les raisons impératives ne peuvent être que des raisons inhérentes à la santé des personnes comprises dans le calcul prestation complémentaire (par ex. impossibilité de transport suite à maladie ou accident) ou d'autres circonstances extraordinaires qui rendent impossible tout retour en Suisse (DPC n°2340.04).

2.2.1. En l'espèce, afin de déterminer le droit aux prestations de l'appelante, la question déterminante n'est pas celle de son domicile, mais celle de sa résidence habituelle et en particulier de la durée de ses séjours à l'étranger entre 2017 et 2018 qui auraient dépassé la durée maximale admise par la loi. Selon les DPC en vigueur au moment des faits, la limite était fixée, sauf raisons majeures ou impératives, à 92 jours consécutifs mais au maximum 183 jours sur une année civile (le jour d'arrivée et le jour de départ n'étant pas décomptés).

2.2.2. L'appelante a toujours contesté avoir dépassé ces durées, admettant néanmoins avoir fréquemment voyagé au Maroc durant cette période. Ses dénégations ont néanmoins été contredites par les éléments du dossier. Il peut notamment être relevé qu'alors qu'elle expliquait être toujours restée à Genève, ne pouvant pas abandonner ses enfants en restant au Maroc, il a pourtant été établi que sa fille cadette a été scolarisée au Maroc durant l'année scolaire 2017-2018 et que l'aînée a étudié en Grande-Bretagne, à tout le moins durant l'automne 2018, étant précisé au surplus que ses filles étaient majeures et ne nécessitait donc pas des soins quotidiens de leur mère.

Sur la base des éléments matériels au dossier, soit les relevés bancaires, les relevés de carte de crédit, ainsi que les données recueillies auprès de compagnies aériennes (certes partielles) et les éléments médicaux produits par l'appelante, des périodes de présence ou absence de Suisse peuvent être établies.

Avec le TP, il peut être parti de la prémisse que les activités de l'appelante au moyen de sa carte de crédit et de sa carte bancaire, liée au compte sur lequel l'appelante perçoit l'intégralité des revenus qu'elle déclare, permettaient de déterminer ses lieux de séjour aux périodes concernées. L'appelante ne conteste d'ailleurs pas que, lorsque la carte est utilisée à Genève, au Maroc ou en Grande-Bretagne, elle s'y trouvait effectivement, se contentant pour la première fois en appel d'alléguer que l'utilisation ne prouve pas qu'elle en est l'auteur, sans apporter le moindre indice qui permettrait d'en douter effectivement. Le vol de sa carte bancaire au Maroc est évoqué pour expliquer l'absence de transaction durant plusieurs semaines mais l'appelante ne prétend pas que la carte volée aurait été utilisée par un tiers dans ce pays.

L'appelante fait également valoir que, lorsque ses cartes ne sont pas utilisées pendant des périodes plus longues, il ne pouvait être inféré qu'elle était restée à son dernier lieu d'utilisation. Il y a lieu toutefois de noter que la carte bancaire de l'appelante était régulièrement utilisée aux périodes où il est incontesté que celle-ci se trouvait à Genève. À titre d'exemple, en juin 2017 et en février 2018, l'utilisation de la carte est régulière, voire quotidienne, sa présence en Suisse étant par ailleurs établie par des rendez-vous médicaux.

La consommation d'électricité de son logement, en nette diminution en 2017 et 2018, demeure un indice, certes non exclusif, mais qui consacre une moindre présence de l'appelante à Genève.

2.2.3. Ainsi, les périodes d'absence suivantes doivent être considérées comme établies, sur la base des éléments qui suivent :

-          du 8 janvier 2017 au 26 mars 2017 (78 jours) : alors que l'instruction s'est circonscrite à partir du 1er janvier 2017, le TP a retenu une première opération bancaire au Maroc le 7 janvier 2017. Or, selon le relevé bancaire, la première transaction a lieu à P______ le 5 janvier 2017, de sorte que le TP aurait pu retenir une période plus longue, qu'il n'y a toutefois pas lieu de modifier au préjudice de l'appelante (art. 391 al. 2 CPP). Les transactions au Maroc sont ensuite régulières jusqu'au 31 janvier 2017. Il y a en revanche une inactivité jusqu'à une opération le 20 février, puis le 4 mars 2017 à E______, la carte n'étant pas non plus utilisée ensuite jusqu'à une transaction à l'aéroport F______ à F______ le 27 mars puis à Genève le 28 mars 2017. C'est à raison que le TP en a inféré que l'appelante est rentrée en avion du Maroc le 27 mars 2017, via G______, ce que l'appelante a admis comme possible même si elle n'a pu s'en souvenir précisément ;

-          du 6 avril 2017 au 3 mai 2017 (28 jours) : vu le vol pris par l'appelante en direction de E______ le 5 avril 2017 et attesté par pièce, mais sans que le dossier n'établisse de vol retour, il a été nécessaire de se fonder sur les activités bancaires de celle-ci pour la date du retour uniquement. Or, des opérations bancaires sont effectuées au Maroc entre le 23 avril 2017 et le 3 mai 2017, avant que la carte de débit ne soit à nouveau utilisée à Genève les 12 et 13 mai 2017, il se justifiait ainsi de fixer sa date de retour au 4 mai 2017, dès lors qu'il n'est pas impossible que l'appelante se soit trouvée à Genève entre le 4 et le 11 mai 2017 sans toutefois utiliser sa carte bancaire. La période considérée par le premier juge du 6 avril au 10 mai 2017, sera ainsi réduite du 6 avril 2017 au 3 mai 2017 (soit 7 jours de moins) ;

-          du 25 juillet 2017 au 28 août 2017 (35 jours) : sur la base de ses activités bancaires, l'appelante a entrepris dès le 24 juillet 2017, un déplacement en voiture à travers la France et l'Espagne et le 29 août 2017, elle règle des dépenses à l'aéroport F______, ce qui peut correspondre à un retour du Maroc, ce qu'elle a d'ailleurs envisagé comme possible. Dans la mesure où entre ces deux dates, soit pendant plus d'un mois, aucune transaction n'a eu lieu à Genève, alors qu'au début du mois de juillet les transactions étaient fréquentes et que les derniers retraits en espèces le 21 et 24 juillet ont été effectués en EUR, c'est à raison que le TP a retenu que l'appelante a séjourné hors du territoire suisse à cette période ;

-          du 28 septembre 2017 au 13 décembre 2017 (77 jours) : au début du mois de septembre 2017, l'appelante a utilisé sa carte bancaire, notamment pour un paiement à M______ le 6 septembre 2017, ce qui laisse à penser qu'elle a pu réserver un vol pour partir à l'étranger, même si la compagnie aérienne n'a pas été en mesure de le confirmer. Par la suite, la première opération bancaire au Maroc a lieu le 27 septembre 2017, de sorte qu'il peut être admis que l'appelante s'y trouvait à tout le moins depuis cette date, celle-ci n'invoque d'ailleurs pas que sa carte serait utilisé par une autre personne, se contentant, pour la première fois en appel, de relever qu'il n'était pas établi qu'elle était l'auteure de la transaction, sans avancer le moindre indice contraire. Il y a ensuite eu des opérations bancaires au Maroc fin octobre 2017 de sorte qu'il est établi qu'elle s'y trouvait à ces dates, or, bien que l'appelante n'utilise plus ses cartes bancaires pendant tout le mois de novembre 2017, une dernière utilisation a lieu au Maroc le 14 décembre 2017, date à laquelle il est établi qu'elle voyage en avion de P______ à Genève. Ainsi, au vu de l'absence de toute transaction au moyen de sa carte bancaire en Suisse depuis début septembre 2017 et le fait qu'aucun rendez-vous médical n'ait été fixé durant les mois de septembre, octobre et novembre 2017, il doit être retenu que l'appelante avait bien quitté le territoire et n'est revenue en Suisse que le 14 décembre 2017. C'est donc à raison que le TP a retenu que l'appelante a séjourné hors du territoire suisse durant toute cette période ;

-          du 20 décembre 2017 au 28 décembre 2017 (9 jours) : cette période a été correctement fixée par le TP et n'est pas spécifiquement contestée par l'appelante, dans la mesure où elle est établie par le vol Genève-P______ du 19 décembre 2017, les opérations bancaires au Maroc les 24 et 26 décembre 2017, et les paiements effectués les 28 et 29 décembre 2017 qui démontrent un déplacement en bateau et voiture depuis le Maroc, en passant par l'Espagne et la France ;

-          du 11 février 2018 au 29 juin 2018 (139 jours) : les transactions passées en France (départements de I______, de J______ et de AC_____) les 10 et 11 février 2018, puis en Espagne entre le 11 et le 13 février 2018, dont une dernière transaction en faveur de "T______ PORT" soit le port permettant de rejoindre le Maroc, correspondent manifestement à un voyage en voiture et bateau vers le Maroc, ce que l'appelante a admis faire de temps en temps pour pouvoir emmener ses chiens. Il est ainsi établi qu'elle s'est rendue au Maroc à ces dates, et qu'elle a quitté la Suisse dans ce but le 10 février 2018. Avant son départ, l'appelante a encore utilisé sa carte bancaire à Genève le 9 février 2018 puis l'intégralité des transactions, soit de nombreux paiements et des retraits en espèces, ont lieu au Maroc entre le 17 mars 2018 et le 29 juin 2018, de sorte qu'il est établi qu'elle s'y trouvait, même si aucune transaction n'est passée pendant quelques jours fin mars 2018, étant précisé que la transaction du 18 mars 2018 représente un retrait en espèces. Il sera d'ailleurs relevé qu'aucune transaction bancaire n'a lieu en Suisse entre le 9 février 2018 et le 1er juillet 2018 et que la n'appelante ne s'est pas non plus rendue à des rendez-vous médicaux durant cette période. Enfin, il est avéré que le 30 juin 2018, elle embarque sur un vol P______-Genève ce qui permet d'inférer qu'elle a bien effectué un trajet aller plus tôt ;

-          du 8 juillet 2018 au 8 octobre 2018 (93 jours) : cette période a été correctement établie par le TP sur la base principalement des vols Genève-P______ le 7 juillet 2018 et O______-Genève le 9 octobre 2018 et des nombreuses transactions effectuées, uniquement au Maroc, entre ces deux dates à l'exclusion de transactions depuis la Suisse. S'il n'y a aucune transaction entre le 29 août et le 22 septembre, il demeure qu'au mois d'août 2018, l'appelante avait déjà retiré plus de CHF 950.- en espèces, lesquels ont pu être utilisés au Maroc entre ces deux dates ;

-          les périodes du 20 octobre 2018 (1 jour), du 31 octobre 2018 au 23 novembre 2018 (24 jours), du 11 décembre 2018 au 16 décembre 2018 (6 jours), du 21 décembre 2018 au 25 décembre 2018 (5 jours), et du 31 décembre 2018 (1 jour), ont été correctement établies sur la base des vols effectués par l'appelante et les transactions bancaires passées à l'étranger, cette dernière ne les conteste d'ailleurs pas.

En résumé, sur la base des considérations qui précèdent, l'appelante a séjourné hors du territoire suisse durant un total de 227 jours en 2017 et de 269 jours en 2018. Ces périodes sont manifestement plus longues que les séjours à l'étranger admis selon les DPC de 183 jours (correspondant à six mois) par année civile. Par ailleurs, l'appelante a effectué deux séjours de plus de 92 jours consécutifs en 2018.

2.2.4. Dans ces circonstances, et dans le mesure où ces absences sont demeurées inférieures à 12 mois, il y a lieu d'examiner si une raison majeure ou impérative pouvait les justifier.

Les explications de l'appelante au sujet de sa mère malade n'entrent dans aucune des justifications valables au titre des DPC. Les raisons "majeures" se rapportant uniquement à des motifs d'ordre professionnel, alors que les raisons "impératives" se rapportent à la santé des personnes comprises dans le calcul des prestations complémentaires ou d'autres circonstances extraordinaires qui rendent impossible tout retour en Suisse. En effet, la mère de l'appelante n'était pas une personne comprise dans le calcul des prestations et l'état de santé de celle-ci, certes précaire jusqu'à son décès, ne rendait pas impossible tout retour en Suisse, au vu des nombreux aller-retour de l'appelante, qui a en outre voyagé vers la Grande-Bretagne. Au surplus, comme l'a à juste titre soulevé le TP, les dépenses de l'appelante lorsqu'elle était au Maroc, montrent qu'elle n'est pas constamment restée à E______ où se trouvait sa mère malade, mais se rendait également à O______, ville située à plus de 300 km.

En fin de compte, il doit en être conclu que l'appelante n'avait plus droit aux prestations complémentaires du SPC pour les années 2017 et 2018. Elle a ainsi perçu des prestations indues pendant cette période.

2.2.5. L'appelante savait qu'une telle situation, ayant une influence sur son droit aux prestations, devait être annoncée au SPC. Ses obligations d'information lui avaient été communiquées dans le formulaire de demande de prestations, puis régulièrement, notamment dans les "communications importantes" transmises chaque année. Le fait qu'elle explique ne pas y avoir fait attention, faute d'avoir l'intention de se rendre à l'étranger plus de trois mois, ne saurait l'en dédouaner, ce d'autant qu'elle a finalement fait des séjours de plus de 92 jours en 2018.

Ainsi, sous l'angle subjectif, c'est avec conscience et volonté que l'appelante a adopté une attitude passive, en choisissant de passer son silence le fait qu'en 2017 et 2018, elle s'était trouvée durant la majeure partie de l'année à l'étranger, tout en continuant de percevoir les prestations allouées par le SPC, auxquelles il aurait été mis fin si son absence de Suisse avait été connue. À défaut de cette information et ainsi induit en erreur, le SPC a continué de verser les prestations sur la base des informations fournies lors de la demande de prestations, prestations indues qui se sont montées à CHF 108'273.- sur les deux années concernées selon décompte de ce service.

2.2.6. Les éléments constitutifs de l'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale au sens de l'art. 148a al. 1 CP sont réalisés.

Le verdict de culpabilité sera ainsi confirmé et l'appel rejeté, la modification minime de l'un des séjours à l'étranger n'ayant pas d'incidence sur le dispositif.

3. 3.1.1. L'infraction à l'art. 148a al. 1 CP est sanctionnée d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire.

3.1.2. Les faits ont été commis à la fois avant et après la modification du droit des sanctions du 1er janvier 2018, sans que l'infraction à l'art. 148a al. 1 CP ne constitue un délit continu (cf. AARP/142/2022 du 19 mai 2022 et références citées). La nouvelle mouture des art. 34 et 41 CP, prévoyant la possibilité de prononcer une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus, est plus favorable à l'appelante, dès lors que le prononcé d'une peine pécuniaire lui est acquis. C'est donc bien le nouveau droit qui sera appliqué, en vertu du principe de la lex mitior (art. 2 al. 2 CP).

3.2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

3.2.2. Conformément à l'art. 34 CP, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende, le juge fixant leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). Un jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus. Le juge en arrête le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).

3.3. L'appelante ne conteste, à juste titre, pas la peine prononcée par le premier juge, au-delà de l'acquittement plaidé.

Le premier juge a adéquatement qualifié la faute de l'appelante de non négligeable. L'appelante a dissimulé au SPC des informations importantes pour déterminer son droit aux prestations, alors que son attention avait été expressément attirée, chaque année, sur son obligation de renseigner ce service et notamment de l'aviser en cas d'absence de plus de trois mois par année civile. Elle a agi par légèreté mais aussi par appât du gain, afin de conserver le bénéfice de prestations financières régulières alors qu'elle ne remplissait temporairement plus les conditions pour les percevoir. L'intéressée a ainsi perçu des prestations sociales auxquelles elle n'avait plus droit pour un montant conséquent dépassant la centaine de milliers de francs.

Sa situation personnelle ne justifie pas son comportement. Elle aurait tout à fait pu aviser le SPC de la maladie de sa mère, mais a choisi de ne pas le faire sachant que ses séjours prolongés à l'étranger auraient une incidence sur son droit aux prestations.

Sa collaboration est sans particularité. Si elle a contesté l'infraction en minimisant largement ses séjours à l'étranger, prétextant que ses deux filles vivaient à Genève alors que tel n'a pas été le cas pendant l'entier de la période pénale, elle a néanmoins admis se rendre très régulièrement au Maroc et a produit des documents en lien avec ses séjours, en particulier des pièces bancaires et médicales.

En revanche, elle n'a fait preuve d'aucune prise de conscience de l'illicéité des actes commis et elle n'a rien entrepris de son propre chef pour réparer le dommage causé, la retenue mensuelle sur rente auquel elle est soumise lui ayant été imposée.

L'appelante n'a pas d'antécédent, facteur neutre sur la peine.

Au vu de ce qui précède, une peine pécuniaire de 180 jours-amende est appropriée pour sanctionner l'infraction, et ce indépendamment de l'application du nouveau droit des sanctions. Le montant du jour-amende, arrêté à CHF 80.- par le premier juge, est adéquat au regard de la situation financière de la prévenue.

L'octroi du sursis est acquis à l'appelante (art. 391 al. 2 CPP), de sorte qu'il sera confirmé, de même que la durée du délai d'épreuve fixée à trois ans.

Partant, le jugement de première instance sera intégralement confirmé.

4. L'appelante, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP), qui comprennent un émolument de décision de CHF 1'500.-. Il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de première instance.

5. Vu l'issue de l'appel, les conclusions en indemnisation de l'appelante seront rejetées. Il sera par ailleurs relevé que celles-ci étaient dirigées contre la partie plaignante, de sorte qu'elles auraient dû être examinées sous l'angle de l'art. 432 CPP et que les retenues sur prestations opérées par le SPC au titre de remboursement ne sont pas relevantes sous l'angle de cette disposition.

6. 6.1.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique, lequel prévoit à son alinéa 2 que seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1362/2021 du 26 janvier 2023 consid. 3.1.1 [considérant non publié à l'ATF 149 IV 91]).

On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. M. REISER / B. CHAPPUIS / F. BOHNET (éds), Commentaire romand, Loi sur les avocats : commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats (Loi sur les avocats, LLCA), 2ème éd. Bâle 2022, n. 257 ad art. 12). Dans le cadre des mandats d'office, l'État n'indemnise ainsi que les démarches nécessaires à la bonne conduite de la procédure pour la partie qui jouit d'une défense d'office ou de l'assistance judiciaire. Il ne saurait être question d'indemniser toutes les démarches souhaitables ou envisageables. Le mandataire d'office doit en effet gérer son mandat conformément au principe d'économie de procédure (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3). Par voie de conséquence, le temps consacré à la rédaction d'écritures inutiles ou reprenant une argumentation déjà développée, fût-ce devant une autorité précédente, ne saurait donner lieu à indemnisation ou à indemnisation supplémentaire (AARP/295/2015 du 12 juillet 2015 consid. 8.2.2.3, 8.2.2.6, 8.3.1.1 et 8.3.2.1).

6.1.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de trente heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; AARP/51/2023 du 20 février 2023 consid. 8.1.2), de même que d'autres documents ne nécessitant pas ou peu de motivation ou autre investissement particulier en termes de travail juridique, telle l'annonce d'appel (AARP/184/2016 du 28 avril 2016 consid. 5.2.3.2 et 5.3.1 ; AARP/149/2016 du 20 avril 2016 consid. 5.3 et 5.4 ; AARP/146/2013 du 4 avril 2013).

6.2. En l'occurrence, il se justifie de retrancher de l'état de frais du défenseur d'office une partie des activités. En effet, un total de 20h consacrées à la rédaction de l'appel motivé, dont les développements sont parfois difficiles à saisir et souvent redondants, est clairement excessif. Le défenseur était constitué depuis juin 2021 et avait déjà plaidé la cause en première instance, étant précisé qu'elle n'a connu aucun rebondissement en appel, de sorte que les arguments développés se recoupent avec ceux plaidés en première instance. Il sera ainsi ramené à un total de 10h (dont 3h au tarif collaborateur et 7h au tarif stagiaire).

Pour les mêmes raisons, le temps dédié aux entretiens avec la cliente sera ramené à 1h30 (dont 00h30 au tarif collaborateur et 1h au tarif stagiaire), suffisante pour discuter la stratégie à adopter en appel.

En conclusion, la rémunération de Me B______ sera arrêtée à CHF 1'664.50 correspondant à 3h30 d'activité au tarif de CHF 150.-/heure et 8h au tarif de CHF 110.-/heure, plus la majoration forfaitaire de 10% et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 119.-.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/441/2023 rendu le 6 avril 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/24095/2020.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'675.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Arrête à CHF 1'664.50, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Acquitte A______ de pornographie (art. 197 al. 4 CP).

Déclare A______ coupable d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale (art. 148a ch. 1 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 180 jours-amende (art. 34 aCP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 80.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Déboute A______ de ses conclusions en indemnisation (art. 429 CPP).

Fixe à CHF 5'678.70 l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, arrêtés à CHF 1'200.- (art. 426 al. 1 CPP).

Laisse le solde des frais de la procédure à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP)."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Catherine GAVIN

e.r.

Delphine GONSETH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'200.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

100.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'675.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'875.00