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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/5601/2023

AARP/14/2024 du 18.12.2023 sur JTDP/519/2023 ( PENAL ) , ADMIS

Normes : LPG11E
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5601/2023 AARP/14/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 18 décembre 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant par Me B______, avocate,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/519/2023 rendu le 4 mai 2023 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104,
1211 Genève 8,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/519/2023 du 4 mai 2023, par lequel le Tribunal de police l'a déclarée coupable d'infraction à la loi pénale genevoise (art. 11E al. 1 let. b LPG) et lui a infligé une amende de CHF 450.- (peine privative de liberté de substitution : quatre jours), frais de la procédure, arrêtés à CHF 150.-, à sa charge.

Elle entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement.

b. Selon l'ordonnance pénale du 16 juin 2020 du Service des contraventions (SDC), l'infraction reprochée à A______ a consisté en un "Outrage public à la pudeur : Montrer des organes sexuels en public", commis le 6 mai 2020 à 17h34, à la rue 1______ no. ______, à Genève.

B. Les éléments pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. L'acte reproché à A______ s'inscrit dans le contexte d'une performance artistique dans l'espace d'art contemporain C______. Selon le rapport de contravention du 20 mai 2020, une brigade motorisée de la police avait aperçu deux personnes s'adonner, nues, à une performance artistique en ce lieu, soit un local vitré, à la vue des passants. Une contravention avait dès lors été infligée aux deux artistes, dont la prévenue.

b. Le 28 juin 2020, A______ a formé opposition, contestant avoir porté "outrage à la pudeur en raison d'exposition des organes sexuels". Elle s'était livrée à une intervention artistique qui n'exprimait aucune "volonté de provocation ou d'exhibition entraînant un outrage à la pudeur puisqu'elle ne peut être considérée comme un acte de caractère sexuel. Il s'agit d'une performance mettant en scène deux partenaires, masqués, munis de gants et d'un spray "désinfectant" et utilisant leurs corps nus comme un accessoire, un objet de cette action radicale qui cherchait à illustrer la période de crise provoquée par l'épidémie Covid19 que nous étions en train de vivre." Ella a également souligné qu'elle avait reçu l'autorisation verbale de D______, programmeur de l'espace où la performance avait eu lieu.

Le 13 mars 2023, le SDC a prononcé une ordonnance de maintien de la contravention : l'agent auteur du rapport de police en avait confirmé le contenu de sorte que l'infraction était "manifestement réalisée dans le cas particulier", la question de l'autorisation donnée ou non par D______ n'étant pas pertinente.

c. Dans le délai imparti pour présenter ses réquisitions de preuve, A______ a adressé au TP un courrier motivant son opposition à la contravention.

Elle était active à Genève en tant qu'artiste depuis plus de vingt ans et y avait présenté son travail dans de nombreux lieux d'art ainsi qu'en Suisse. En avril 2020, après l’allégement des mesures sanitaires elle avait engagé des démarches pour réaliser un travail artistique au C______. Elle était entrée en contact avec D______ et lui avait présenté son projet : un événement artistique éphémère, "s'infiltrant" dans les espaces publics et pour lequel aucune publicité n’était faite, soit un "happening".

Elle a ainsi décrit la performance : "... deux personnes, deux corps, enfermés dans cet espace. Munis de masques chirurgicaux, ils se désinfectaient à l'aide de vaporisateurs et se frottaient le corps avec des éponges râpeuses. Les personnages étaient d'abord habillés et à mesure qu'ils se désinfectaient, ils se déshabillent. [...] Dans ce travail, il n'y avait aucune dimension sexuelle ou sensuelle. Notre intention n'était pas de choquer, ni d'évoquer la sexualité. Pour nous, il s'agissait de parler de l'impact que la crise sanitaire avait eu sur les rapports humains et sociaux. L'Autre est suspect, porteur potentiel de maladie. Les corps doivent être sans cesse désinfectés en gage de rapports sociaux désormais réduits à leur plus strict minimum. Nous souhaitions évoquer cela et interpeller le passant à l'aide de ce happening."

Elle s'était assurée qu'une troisième artiste se tînt à proximité afin d'empêcher tout attroupement, mais seuls quelques passant s'étaient arrêtés. Il n'y avait pas eu de problème et personne ne s'était plaint.

D______ avait donné son accord. Il connaissait le contenu de son travail et possédait les autorisations nécessaires à cet effet. À l’appui de ses déclarations, elle a produit l’historique des échanges WhatsApp intervenus avec le programmeur de la galerie, notamment un lien vers un montage vidéo d’une performance similaire à celle litigieuse, E______, s’étant déroulée le 27 avril 2020 dans la vitrine d'un établissement à Genève.

Au moment des faits, elle était intimement persuadée de ce que la nudité, dans un cadre artistique, était autorisée à Genève. Pour appuyer ses propos, elle a notamment produit :

- un article de F______ du ______ juin 2016 sur un spectacle du programme de [la manifestation musicale] K______ à Genève soulevant la question "______". Et l'article de répondre par l'affirmative, faute de réglementation à Genève. Il appartenait à la police de faire la distinction entre une performance artistique, de l'exhibitionnisme, de la provocation gratuite, un état d'ébriété ou un délire psychotique ;

- un article [de] G______, paru le ______ juin 2015, intitulé "______" au sujet d'une artiste qui s’était déshabillée lors de [manifestation d'art contemporain] H______, précisant que cela était autorisé à Genève et Bâle, mais interdit à Lausanne.

Ce n’était qu’après avoir reçu l’ordonnance pénale du service des contraventions que A______ s’était rendue compte de l’illicéité de son acte, ayant ignoré que l'art. 11E LPG était entré en vigueur le 1er janvier 2018. Elle s’était fiée à la pratique artistique applicable jusque-là et aux déclarations de D______, qui lui avait donné l’assurance qu'il y avait toutes les autorisations nécessaires. Elle avait commis un "faux-pas", persuadée qu'elle avait été de ce qu'il y avait à Genève une marge de tolérance pour la nudité en public dans un cadre artistique.

Elle requérait l'audition de trois témoins, soit l'artiste qui s'était produit avec elle, un homme qui avait assisté au spectacle, en compagnie de son enfant âgé de six ans, et la collègue qu'elle avait chargée de gérer les distances sanitaires au besoin. Le TP a rejeté les réquisitions de preuve, estimant que l'audition des trois témoins n'était pas nécessaire au prononcé du jugement.

d.a. Le dossier du TP contient deux photographies du spectacle E______. La Cour comprend qu'elles ont été imprimées par le premier juge, au moyen du lien communiqué par la prévenue. On y observe, de profil, sur l'une, un homme et une femme, nus, portant masques et gants chirurgicaux, se faisant face, debout ; sur la seconde, l'un des deux protagonistes tend le bras pour asperger l'autre de spray désinfectant. L'entre-jambes de l'actrice n'est pas visible (contrairement au pénis de son partenaire, sur le second cliché), mais bien ses seins.

d.b. À l'audience, le TP a informé A______ de ce qu'il ne lui poserait que quelques questions complémentaires, vu les nombreuses indications qu'elle avait déjà données dans son courrier précité.

Il lui a ainsi demandé si elle s'était renseignée sur les autorisations nécessaires avant la performance E______ et si elle avait exposé à D______ que celle qu'elle envisageait à l'espace C______ comporterait de la nudité, ce dans l'idée de vérifier si des autorisations complémentaires étaient nécessaires.

Elle a répondu par la négative à la première interrogation, dès lors qu'elle était partie de l'idée qu'il appartenait à l'établissement de solliciter des autorisations. Elle avait bien expliqué à D______ que les deux acteurs seraient nus, non demandé si cela nécessitait une autorisation spécifique, car dans son esprit une telle performance était licite, ainsi qu'évoqué dans les deux articles de presse précités.

À l'heure de prendre la parole la dernière, elle a insisté sur le fait que la nudité dans le spectacle incriminé avait une valeur artistique. Elle était nécessaire à l'acte artistique et au message qu'elle souhaitait faire passer. Ledit spectacle n'avait causé aucun trouble à l'ordre public et n'avait pas vocation à ce faire.

d.f. Au titre de la détermination des faits, le jugement retient qu'en "l’occurrence, il est établi que la prévenue s’est livrée à une performance artistique dans l’espace C______ à [la rue] 1______ le 6 mai 2020 lors de laquelle elle est apparue entièrement nue, ses organes sexuels étant visibles au public au-travers des vitres de ladite galerie. La prévenue ne le conteste d'ailleurs pas." (consid. 1.3)

C. a. Informée de ce que la procédure d'appel serait instruite par la voie écrite, A______ produit un mémoire motivé tout en concluant, à titre préjudiciel, à la tenue de débats, au motif qu'elle se prévalait d'une violation de sa liberté d'expression, telle que garantie par l'art. 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), ce qu'elle devait pouvoir faire par la voie d'un recours effectif devant une instance nationale (art. 13 CEDH).

Pour le même motif, on ne saurait lui opposer le pouvoir de cognition de la juridiction d'appel, limité en matière contraventionnelle conformément à l'art. 398 al. 4 du code de procédure pénale (CPP), de sorte qu'elle produisait un enregistrement vidéo de la performance litigieuse ainsi que trois photographes.

Au fond, elle contestait avoir exhibé ses organes génitaux externes, soit, selon l'encyclopédie I______, les grandes lèvres, les petites lèvres, le vagin, les glandes vulvo-vaginale, et le clitoris. La performance avait eu lieu dans un local vitré. Elle avait certes été entièrement nue mais, ainsi que cela ressortait des pièces nouvelles produites, seuls ses poils pubiens avaient été visibles. Le rapport de police ne disait pas le contraire, indiquant uniquement qu'elle-même et son partenaire s'étaient adonnés, nus, à une performance artistique. Les éléments constitutifs de l'infraction consacrée par l'art. 11E al. 1 let. b LPG n'étaient donc pas réalisés.

Subsidiairement, elle développe des moyens tirés d'une contrariété de la loi cantonale avec l'art. 10 CEDH qu'il n'est pas nécessaire de reproduire ici, compte tenu du sort qui sera réservé à son premier moyen.

Elle conclut à la couverture de ses frais de défense par CHF 5'492.71 (TVA comprise) pour 15 heures d'activité dont 3,75 heures au tarif de CHF 200.-/heure, 1,75 à celui de CHF 300.-/heure et 9,5 heures à celui de CHF 400.-/heure.

b. Les intimés ainsi que le TP concluent au rejet de l'appel, se référant aux considérants du jugement.


 

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

1.2. Conformément à l'art. 129 al. 4 LOJ, lorsque des contraventions font seules l'objet du prononcé attaqué et que l'appel ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, la magistrate exerçant la direction de la procédure de la juridiction d'appel est compétente pour statuer.

2. 2.1. L'art. 406 CPP dresse la liste des hypothèses dans lesquelles la juridiction d'appel peut instruire la procédure par la voie écrite. Selon l'al. 1 let. e de la disposition, tel est le cas lorsque seules des contraventions sont en jeu.

L'art. 406 CPP est caractérisé par une formulation potestative. Avant de renoncer aux débats, le juge doit examiner si l'application de cette disposition est compatible avec l'art. 6 § 1 CEDH. L'absence de débats en appel n'est pas nécessairement contraire à la garantie du procès équitable lorsqu'il s'agit de questions de fait qui peuvent être aisément tranchées sur la base du dossier et qui n'obligent pas à une appréciation directe de la personnalité de l'accusé. En revanche, le prévenu doit être entendu si la cour cantonale entend le condamner pour la première fois ou le condamner plus sévèrement (ATF 147 IV 127 consid. 2.3 ; 143 IV 483 consid. 2.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_253/2023 du 16 mars 2023 consid. 2.4).

L'art. 6 par. 1 (qui constitue une lex specialis par rapport à l'art 13 CEDH invoqué par l'appelante ; https://www.echr.coe.int/documents/d/echr/Guide_Art_13_FRA, p. 42) et l'art. 14 par. 1 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, (Pacte ONU II) accordent à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue publiquement, ce qui implique une procédure orale. Selon la jurisprudence de Strasbourg, l’absence de débats publics en deuxième ou troisième instance peut cependant se justifier par les caractéristiques de la procédure, à la condition qu’il y ait eu une audience publique en première instance. Ainsi, les procédures d’appel qui portent sur des points de droit et non de fait satisfont aux exigences de la CEDH même si la juridiction d’appel n’a pas donné à l’appelant la faculté de s’exprimer en personne devant elle. La juridiction d’appel peut également statuer sans débats lorsque les questions de fait contestées peuvent être tranchées de manière adéquate sur la base du dossier, lorsqu’une modification du jugement en défaveur de l’accusé est exclue ou lorsqu’une cause mineure ne soulève pas de question ayant trait à la personnalité et au caractère de l’accusé (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, ad art. 406 CPP, no 2 et les références).

2.2. En l'espèce, l'appelante a pu s'exprimer oralement devant le TP ; son droit à un recours effectif au juge a ainsi été respecté et il ne s'impose pas d'ordonner des débats en appel. Du reste, ainsi qu'on le verra ci-après, son grief tiré de la violation de la liberté d'expression n'aura pas à être examiné, le recours devant être admis indépendamment de la question de la compatibilité de la loi genevoise avec la CEDH, de sorte que l'argument de la violation de droits fondamentaux est sans pertinence.

3. 3.1.1. L'art. 9 CPP consacre la maxime d'accusation, laquelle découle également des art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst. ; droit d'être entendu), 32 al. 2 Cst. (droit d'être informé, dans les plus brefs délais et de manière détaillée, des accusations portées contre soi) et 6 par. 3 let. a CEDH (droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation).

Selon ce principe, l'acte d'accusation définit l'objet du procès (fonction de délimitation). Une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits. Il doit décrire les infractions qui sont imputées au prévenu de façon suffisamment précise pour lui permettre d'apprécier, sur les plans subjectif et objectif, les reproches qui lui sont faits (cf. art. 325 CPP). En effet, le prévenu doit connaître exactement les faits qui lui sont imputés et quelles sont les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (fonction de délimitation et d'information ; ATF 143 IV 63 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_834/2018 du 5 février 2019 consid. 1.1).

Un acte d'accusation qui ne décrit aucunement les faits reprochés, ni les éléments constitutifs des infractions envisagées, mais se borne à reproduire des passages du texte légal, ne satisfait pas aux réquisits de l'art. 325 al. 1 let. f CPP (ATF 140 IV 188 consid. 1.6; arrêts du Tribunal fédéral 6B_899/2010 du 10 janvier 2011 consid. 2.5 et 6B_670/2020 du 14 décembre 2020 consid. 1.4).

Selon l'art. 325 al. 1 CPP, l'acte d'accusation désigne notamment les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur ainsi que les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du ministère public. En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée au prévenu (ATF 143 IV 63 consid. 2.2 p. 65 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_461/2018 du 24 janvier 2019 consid. 5.1.)

Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation (immutabilité de l'acte d'accusation) mais peut s'écarter de l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public (art. 350 al. 1 CPP), à condition d'en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP). Il peut toutefois retenir dans son jugement des faits ou des circonstances complémentaires, lorsque ceux-ci sont secondaires et n'ont aucune influence sur l'appréciation juridique (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1023/2017 du 25 avril 2018 consid. 1.1, non publié in ATF 144 IV 189 ; 6B_947/2015 du 29 juin 2017 consid. 7.1 et les références).

3.1.2. Lorsque par la voie de l'opposition, l'affaire est transmise au tribunal de première instance, l'ordonnance pénale du ministère public tient lieu d'acte d'accusation (art. 356 al. 1 CPP).

À Genève, le législateur a fait usage de la faculté conférée par l'art. 17 al. 1 CPP pour déléguer au SDC la compétence de poursuivre et juger les contraventions (art. 11 al. 1 de la loi d'application du code pénale [LaCP]. La procédure pénale en matière de contraventions est régie, par analogie, par les dispositions applicables à l’ordonnance pénale (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit, ad art. 17 CPP, no 5). Dès lors, une ordonnance pénale du SDC, à l'instar d'une ordonnance pénale du MP, peut être portée devant le TP par la voie de l'opposition, et tient alors lieu d'acte d'accusation.

3.2. En matière contraventionnelle, l'appel ne peut être formé que pour le grief selon lequel le jugement est juridiquement erroné ou l'état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP).

Le pouvoir d'examen de l'autorité d'appel est ainsi limité dans l'appréciation des faits à ce qui a été établi de manière arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_362/2012 du 29 octobre 2012 consid. 5.2). En outre, aucune allégation ou preuve nouvelle ne peut être produite devant l'instance d'appel (art. 398 al. 4, 2e phrase CPP). Il s'agit là d'une exception au principe du plein pouvoir de cognition de l'autorité de deuxième instance qui conduit à qualifier d'appel "restreint" cette voie de droit (arrêt du Tribunal fédéral 1B_768/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.1).

3.3. Alors que le projet initial de loi proposé par la Conseil d'État érigeait en infraction la commission en public d'un acte contraire à la pudeur, sans autre définition de l'acte en cause, l'art. 11E LPG, intitulé "Outrage public à la pudeur", tel qu'adopté le 22 septembre 2017 et entré en vigueur le 1er janvier suivant, stipule en son al. 1 let. b que sera punie de l'amende la personne qui aura montré ses organes sexuels en public. Reste à déterminer ce qu'il faut entendre par organes sexuels.

3.3.1. La loi s'interprète en premier lieu pour elle-même, c'est-à-dire selon sa lettre, son esprit et son but ainsi que selon les valeurs sur lesquelles elle repose, conformément à la méthode téléologique. Le juge s'appuiera sur la ratio legis qu'il déterminera non pas d'après ses propres conceptions subjectives, mais à la lumière des intentions du législateur. Si la prise en compte d'éléments historiques n'est pas déterminante, l'interprétation doit néanmoins s'appuyer en principe sur la volonté du législateur et sur les jugements de valeur qui la sous-tendent, de manière reconnaissable, tant il est vrai que l'interprétation des normes légales selon leur finalité ne peut se justifier par elle-même, mais doit au contraire être déduite des intentions du législateur qu'il s'agit d'établir à l'aide des méthodes d'interprétation habituelles. L'interprétation de la loi doit être guidée par la pensée que ce n'est pas la lettre du texte légal qui représente la norme juridique, mais la loi comprise et concrétisée dans des états de fait. Le but de l'interprétation est de rendre une décision juste d'un point de vue objectif, compte tenu de la structure normative, et d'aboutir à un résultat satisfaisant fondé sur la ration legis. Il faut donc appliquer une méthode pluraliste plutôt que d'attribuer aux différents éléments d'interprétation un ordre de priorité. Les travaux préparatoires de la loi ne sont pris en considération que s'ils donnent une réponse claire à une question ambiguë. Une interprétation conforme à l'esprit de la loi peut s'écarter de la lettre du texte légal, le cas échéant au détriment du prévenu. Dans le cadre d'une telle interprétation de la loi, la méthode analogique peut aussi être utilisée mais uniquement comme moyen de l'interprétation conforme à l'esprit de la loi. Le principe nulla poena sine lege interdit au juge de se fonder sur des éléments que la loi ne contient pas c'est-à-dire de créer de nouveaux états de fait punissables ou de proposer une interprétation si extensive de ceux qui existent que l'esprit de la loi n'est plus exercé (ATF 139 IV 297 consid 4.3.1 traduit au JdT 2010 IV 13).

3.3.2.1. On retiendra tout d'abord que l'interprétation littérale permet d'exclure que l'art. 11E al. 1 let. b LPG vise la nudité intégrale, nudité et organes sexuels n'étant pas synonymes.

3.3.2.2. L'appelante propose exclusivement une interprétation littérale et soutient que les organes sexuels sont les organes génitaux, prenant appui sur l'encyclopédie I______.

Dans le même sens, [le dictionnaire] J______ définit les "parties sexuelles" comme le sexe de l'homme (pénis et testicule) et celui de la femme (vulve, clitoris, vagin) ; selon le Centre national de ressources textuelles et lexicales, les "organes sexuels" sont les organes externes et internes qui différencient les sexes et interviennent dans l'accouplement. En revanche, le dictionnaire de l'Académie française distingue les organes à "caractère sexuel primaire", soit ceux voués à la reproduction propre à chaque sexe et présents dès la naissance, de ceux à "caractère sexuel secondaire", également propres à chacun des deux sexes, mais qui se développent ultérieurement à la naissance, sous l'effet d’hormones. Ainsi, les trois premières définitions, y compris celle proposée par l'appelante, excluent la poitrine des organes sexuels, alors que la dernière opère une distinction qui permettrait de l'inclure, dans la catégorie des organes sexuels dits secondaires.

Dans le domaine juridique, le Tribunal fédéral, prenant appui sur J______, a jugé que n'est sexuel que ce qui est destiné à la reproduction humaine (ATF 103 IV 167, consid. 2). Certes, dans la jurisprudence sur les "mains baladeuses", ce même Tribunal fédéral paraît contredire son précédent raisonnement dans la mesure où il retient que l'auteur qui touche par surprise "les organes sexuels (…) tels que les seins ou les fesses d'une femme, même par-dessus ses habits" se rend coupable de l'infraction à l'art. 198 al. 2 CP pour autant que le geste ait une connotation sexuelle (arrêts du Tribunal fédéral 6B_249/2021 du 13 septembre 2021 consid. 3.5.3. ; 6B_859/2022 du 6 mars 2023 consid. 1.3.), sans se préoccuper de l'absence d'utilité reproductive des seins et des fesses. Il est cependant difficile d'affirmer sur la base de la lecture de ces derniers arrêts que le Tribunal fédéral a voulu consacrer un revirement de jurisprudence et estime véritablement que les seins (ou les fesses) sont des organes sexuels plutôt qu'une partie du corps impliquée dans la sexualité, car ce n'était pas la question qu'il devait trancher et qu'il ne l'a donc pas abordée. Le doute est d'autant plus permis que le bien juridique protégé par l'art. 198 CP est l'intégrité sexuelle de la victime d'attouchements imposés, non la pudeur de personnes confrontées à une forme de nudité. Le Tribunal fédéral a donc pu utiliser une expression générique qu'il ne reprendrait pas dans un contexte tel le présent.

Pour certains auteurs de doctrine, les organes sexuels sont les organes génitaux, soit les organes associés aux fonctions reproductives, ce qui ne comprend pas les seins féminins (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, no 12 ad art. 194 CP ; M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht I : Art. 1-136 StGB, 4ème éd., Bâle 2019, N 9g ad art. 194 CP ; J. HURTADO POZO, Droit pénal : partie spéciale, nouv. éd., Genève/Zurich/Bâle 2009, N 3079 p. 912). QUELOZ considère en revanche que les seins féminins doivent être qualifiés d'"organes génitaux" dans la mesure où ils servent à l'allaitement, soit une étape consécutive à la conception, tandis que d'après DE SENARCLENS, dans une approche plus sociologique que juridique, ce sont des organes tantôt sexuels, tantôt fonctionnels, selon qu'on les envisage de manière sexualisée ou non, au même titre qu'une bouche ou une main (C. DE SENARCLENS / N. QUELOZ, Avis d'experts, Et si on enlevait le haut ?, https://avisdexperts.ch/videos/view/3806, vidéo publiée le 16 mars 2015, lien consulté pour la dernière fois le 23 novembre 2023).

Par souci d'exhaustivité on mentionnera encore que le Tribunal de police genevois a retenu qu'il n'était pas établi qu'en baissant son pantalon et sa culotte pour se soulager dans un lieu public, un individu avait montré ses organes sexuels, ce qui permet de comprendre qu'il a estimé que des fesses n'en étaient pas (JTDP/227/2021).

De même, le Tribunal d'arrondissement de Lausanne a considéré dans un jugement PE22.00432 consid. 8 du 19 mai 2022, concernant des manifestantes qui avaient défilé le torse dévêtu en ville de Lausanne, que des seins, quand bien même susceptibles d'être érogènes, au même titre que des lèvres ou des mains, n'étaient pas des organes sexuels car non impliqués dans la fonction reproductive, par référence à l'ATF 103 IV 167 précité.

3.3.3. Si les travaux parlementaires sur le projet de modification de la LPG ne contiennent aucune définition de ce que sont les organes visés, l'adjectif de "génitaux" est utilisé à trois reprises en lieu et place de celui de "sexuels" (Mémorial des séances du Grand conseil de la République et canton de Genève, 2017-2018/VI, Volume des annexes, p. 22 et p. 23). En particulier, il est exposé que la disposition "vise le simple fait d'exhiber ses organes génitaux en public" (p. 22). En réponse à l'interrogation d'un député au sujet de la punissabilité de la "baignade seins nus", le prof. STRÄULI, qui assistait le législateur en sa qualité de professeur de droit pénal, a précisé que la base légale envisagée concernait "les organes reproducteurs, à l'exclusion du derrière et de la poitrine" de sorte que la novelle proposée ne prohiberait pas la baignade seins nus ou en string (p. 23). La suggestion d'un député de reformuler le texte proposé en remplaçant "sexuels" par "génitaux" n'a pas donné lieu à discussion (le prof STÄULI relevant cependant qu'une telle modification ne poserait pas de problème [p. 24]), ni à proposition d'amendement, de sorte qu'on ignore si cela a été jugé sans intérêt, les deux termes étant tenus pour synonymes, ou si au contraire les députés ont estimé que les organes visés étaient plus nombreux que les parties génitales. L'usage indifférencié tantôt de l'un, tantôt de l'autre, adjectif, l'absence de débat, et, surtout, les précisions apportées par STRÄULI, accréditent cependant fortement la première hypothèse.

3.3.4. Sous l'angle téléologique, l'art. 11E LPG protège, d'après son titre ("Outrage public à la pudeur"), la pudeur ou la décence publique.

Comme relevé lors des travaux de la commission parlementaire, la pudeur est non seulement une notion juridique indéterminée, mais elle est également évolutive, notamment en fonction de l'époque (p. 17 et s.). Dans la société actuelle, la vision d'une paire de seins nus ne devrait pas être considéré comme un fait rare (MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, no 12 ad art. 194 CP), et, par voie de conséquence, ne devrait pas être considérée comme portant atteinte à la décence publique.

Aucun enseignement ne peut être tiré du célèbre arrêt publié aux ATF 138 IV 13 (SJ 2013 I 378) sur les randonnées naturistes, aux fins d'identifier si la pudeur dans un canton urbain tel Genève est susceptible d'être outragée par le dévoilement de seins en public : le contrevenant était de sexe masculin et cette jurisprudence ne fait que constater qu'il n'est pas arbitraire de considérer que le fait de ne pas couvrir, dans le contexte d'une balade dans la nature, au moins ses "Intimbereichs", soit les "parties intimes", sans les définir, est susceptible de contrevenir aux bonnes mœurs et convenances selon les mentalités et conception dominantes à Appenzell Rhodes-Intérieures. Dans son raisonnement le Tribunal fédéral a notamment pris appui sur le fait que la randonnée naturiste se distinguait grandement de la baignade, du bain de soleil ou d'activités sportives et autres jeux exercés dans un état de nudité complet mais dans un terrain délimité, et était totalement insolite, même au regard de la pratique naturiste traditionnelle, de sorte qu'elle brisait les tabous. Et la Haute Cour d'opposer au recourant, qui faisait valoir que la société actuelle était accoutumée à la nudité par l'influence des médias, que néanmoins personne ne se promenait nu. Le contexte appréhendé par le Tribunal fédéral est ainsi très différent de celui de la cause d'espèce. Les circonstances de la présente affaire, soit celles d'une performance artistique, jouée en ville, dans un espace vitré mais clos, ce qui exclut toute déambulation, se rapprochent davantage des activités dans un espace restreint, évoquées dans l'arrêt, ou de l'exposition à la nudité à laquelle la société d'aujourd'hui est accoutumée, plaidée par le recourant.

3.3.5. L'approche systématique n'appelle pas de remarque particulière, si ce n'est qu'elle tend à confirmer que l'objectif de l'art. 11E let. b était de protéger la pudeur publique, par opposition à l'intégrité sexuelle et la pudeur personnelle, puisqu'elle avait pour but de combler un vide juridique, ces deux dernières notions étant déjà exhaustivement (ATF 138 IV 13 consid. 3.3.1) protégées par les art. 194 et 198 CP (ibidem, consid. 3.1).

3.3.6. Il résulte de ce qui précède que la seule interprétation littérale ne permet pas d'exclure avec certitude que la notion d'organes sexuels comprend les seins, mais elle ne permet certainement pas de l'affirmer, la balance penchant plutôt pour la négative. En droit pénal, une telle incertitude commande une interprétation restrictive, dans le respect du principe de la légalité.

Une interprétation restrictive, excluant les seins de la notion d'organes sexuels, s'impose d'autant plus que l'analyse des travaux parlementaires et l'interprétation téléologique permettent de retenir que le législateur n'avait pas l'intention de sanctionner une femme qui aurait dévoilé sa poitrine, l'objectif étant de préserver la pudeur publique, une notion évolutive qui doit être envisagée selon les conceptions actuelles alors que, sous nos cieux, la vision d'une "paire de seins nus", pour reprendre l'expression de ZERMATTEN dans le Commentaire romand, n'est pas tenue pour plus outrageante que celle d'une paire de fesses, à tout le moins en l'absence de tout contexte sexualisé.

Il sera donc retenu que l'art. 11E al. 1 let. b LPG érige en contravention uniquement le fait d'exposer ses organes génitaux stricto sensu ou à caractère primaire, à l'exclusion des seins.

3.4.1. La formulation de l'ordonnance pénale du SDC pose difficulté, dans la mesure où il n'y est nullement décrit de quelle manière l'appelante aurait montré ses organes génitaux en public (lesquels ? en faisant quels gestes ou en adoptant quelle position ?). De fait, l'ordonnance pénale comporte seulement les indications pertinentes s'agissant du lieu et du moment où l'acte répréhensible aurait été commis ; pour le surplus, elle se contente de reproduire la disposition légale.

Cela s'explique sans doute par l'imprécision initiale du rapport de police, qui rapporte que des policiers avaient aperçu deux personnes s'adonner, nues, à une performance artistique dans un local vitré, à la vue des passants, sans autre description de ce qui était visible, ou non, de leurs organes sexuels. Or, selon la posture qu'elle adopte, une personne nue ne dévoile pas nécessairement ses organes sexuels, à tout le moins pas une femme, les organes génitaux masculins étant davantage visibles.

Cette imprécision s'est répercutée dans l'ordonnance de maintien de la contravention, le SDC retenant que l'infraction était "manifestement réalisée" du fait que l'auteur du rapport de police en avait confirmé la teneur, puis sur les débats de première instance, à l'occasion desquelles la supposée contrevenante a uniquement été interrogée sur sa nudité, non sur la mesure dans laquelle ses organes génitaux auraient été exhibés.

Le premier juge a ensuite retenu que lors de la performance, les organes sexuels de l'appelante avaient été visibles, mais cette conclusion ne repose sur aucun élément du dossier, n'a nullement été instruite et est hâtive ainsi que non motivée. Elle repose soit sur la prémisse que les seins seraient des organes sexuels (le cliché versé au dossier d'une performance similaire permettant de présumer que les seins de l'artiste étaient visibles), soit sur celle selon laquelle les organes génitaux sont nécessairement rendus visibles du seul fait de la nudité du corps qui les porte, prémisses erronées l'une comme l'autre, ainsi que développé ci-dessus.

Il est également inexact que l'appelante n'aurait pas contesté avoir montré ses organes sexuels. Lors des débats de première instance, celle-ci a admis s'être livrée, nue, à une performance à l'attention des passants, mais elle ne s'est pas exprimée sur la définition de la notion d'organes sexuels, ni ne s'est déterminée sur la question de la visibilité de ses organes génitaux, n'ayant pas été interpellée à cet égard, que ce soit par l'ordonnance pénale, faute d'exposé des faits reprochés, ou par le juge. Précédemment, dans ses descriptions écrites de la performance, elle ne s'était pas davantage prononcée sur ces points, n'en ayant sans doute pas entrevu la pertinence. En appel, désormais représentée par une avocate, elle conteste à bon escient que les seins seraient des organes sexuels et nie avoir dévoilé lesdits organes, indiquant que seuls ses poils pubiens étaient visibles.

En définitive, le jugement procède soit d'un établissement des faits arbitraire soit d'un raisonnement juridique que le Cour tient pour erroné, l'exposition de la poitrine féminine nue ne tombant pas sous le coup de l'art. 11E al. 1 let. b LPG.

3.4.2. Ne pouvant se fonder sur les faits tels qu'établis en première instance, la juridiction d'appel doit le faire à son tour (art. 398 al. 4 CPP a contrario). En prolongement, elle pourrait, exceptionnellement face à une contravention, administrer de nouvelles preuves.

Sur la base des éléments du dossier, il est établi que l'appelante s'est livrée à la performance litigieuse, comme constaté par la police, avec les précisions apportées par l'intéressée elle-même sur son contenu. Ainsi qu'on l'a vu, ces éléments permettent uniquement de tenir pour établi que la supposée contrevenante était dans son plus simple appareil, ce qui ne comporte pas nécessairement que ses organes sexuels, soit ses organes génitaux, ont été montrés au public, alors qu'elle le conteste.

Pour tenter d'infirmer dite contestation, il faudrait interroger des personnes qui y ont assisté, par exemple les témoins dont elle avait en vain requis l'audition en première instance, et/ou visionner le support vidéo qu'elle produit. On ne saurait cependant procéder de la sorte, car cela reviendrait à tenter de compléter l'ordonnance tenant lieu d'acte d'accusation en identifiant quels sont les gestes typiques supposément commis, ce que la maxime d'accusation proscrit.

Administrer ces preuves en appel est d'autant moins envisageable qu'il s'agirait de surcroît uniquement de tenter de pallier l'absence d'éléments à charge dans le dossier. Il importe peu, s'agissant de la vidéo, que ce soit l'appelante elle-même qui en propose le visionnement, dans la mesure où elle l'a fait en s'appuyant sur son argumentation subsidiaire tirée de la violation de la liberté d'expression. Ce serait déloyal (art. 5 al. 3 Cst) que de la prendre au mot dans une démarche dont la seule utilité serait de, possiblement, renverser son moyen principal, soit celui de l'absence de preuve de ce que les éléments constitutifs de l'infraction sont réalisés, sans examen de la question de la compatibilité de la norme avec la liberté d'expression, à tout le moins telle qu'appliquée sans nuances à la nudité intégrale dans l'espace public par le SDC puis le TP.

En définitive, il convient de rejeter les réquisitions de preuve de l'appelante et, cela fait, de constater que l'ordonnance pénale valant acte d'accusation ne permet pas d'identifier les faits supposés commis, sans préjudice de ce que, en tout état, le dossier n'établit pas que l'artiste aurait, lors de sa performance, montré ses organes sexuels en public au sens de l'art. 11E al. 1 let. b LPG, autant de motifs de prononcer son acquittement. L'appel et partant admis et le jugement entrepris reformé en ce sens.

4. 4.1. L'appelante obtenant gain de cause, les frais de la procédure d'appel doive être laissés à la charge de l'État, de même que ceux de première instance et du SDC, ensuite de l'acquittement prononcé (art. 428 CPP).

4.2.1. L'indemnité de l'art. 429 al. 1 let. a CPP est en principe due par l'État (Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale (CPP) du 21 décembre 2005, FF 2006 1309), en vertu de sa responsabilité causale dans la conduite des procédures pénales (ATF 142 IV 237 consid. 1.3.1 p. 239). Encore faut-il que l'assistance d'un avocat ait été nécessaire, compte tenu de la complexité de l'affaire en fait ou en droit, et que le volume de travail de l'avocat était ainsi justifié (Message, ibid.). Une partie de la doctrine prône qu'aussitôt qu'une procédure touchant à un crime ou à un délit n'est pas classée suite à l'audition du prévenu, celui-ci a droit à l'assistance d'un avocat (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Strafprozessordnung – Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2e éd., Bâle 2014, n. 14 ad art. 429). Les honoraires d'avocat se calculent selon le tarif local, à condition qu'ils restent proportionnés (N. SCHMID / D. JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung : Praxiskommentar, 3ème éd, Zurich 2017, n. 7 ad art. 429). Le juge dispose d'une marge d'appréciation à cet égard, mais ne devrait pas se montrer trop exigeant dans l'appréciation rétrospective qu'il porte sur les actes nécessaires à la défense du prévenu (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, op. cit., n. 19 ad art. 429). Le Tribunal fédéral considère que, avec la doctrine majoritaire, l'indemnité visée par l'art. 429 al. 1 let. a CPP doit correspondre au tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule et englober la totalité des coûts de défense (ATF 142 IV 163 consid. 3 p. 162 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.3). En effet, l'indemnisation prévue à l'art. 429 al. 1 let. a CPP tend à ce que l'État répare la totalité du dommage en relation avec la procédure pénale (Message, p. 1313). Bien que le canton de Genève ne connaisse pas de tarif officiel des avocats, il n'en a pas moins posé, à l'art. 34 de la loi sur la profession d'avocat (LPAv), les principes généraux devant présider à la fixation des honoraires, qui doivent en particulier être arrêtés compte tenu du travail effectué, de la complexité et de l'importance de l'affaire, de la responsabilité assumée, du résultat obtenu et de la situation du client.

Sur cette base, le Tribunal fédéral retient en principe qu'un tarif horaire de CHF 400.- pour un chef d'étude (ATF 135 III 259 consid. 2 p. 261 ss. ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 consid. 2.3 et 2C_25/2008 du 18 juin 2008 consid. 4.2.5) n'est pas arbitrairement bas pour le canton de Genève (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1078/2014 du 9 février 2016 consid. 4.3 et les références = SJ 2017 I 72).

La Cour de justice applique au chef d'étude un tarif horaire de CHF 450.- (arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 = SJ 2012 I 172 ; ACPR/279/2014 du 27 mai 2014) ou de CHF 400.- (ACPR/282/2014 du 30 mai 2014), notamment si l'avocat concerné a lui-même calculé sa prétention à ce taux-là (ACPR/377/2013 du 13 août 2013). Elle retient un taux horaire de CHF 350.- pour les collaborateurs (AARP/65/2017 du 23 février 2017) et de CHF 150.- pour les avocats stagiaires (ACPR/187/2017 du 22 mars 2017 consid 3.2 ; AARP/65/2017 du 23 février 2017).

4.2.2. En l'espèce, quand bien même il ne s'agissait que d'une contravention, la question à résoudre nécessitait manifestement des compétences juridiques que l'appelante ne possédait pas. Par ailleurs, le reproche fait touchait à l'exercice de son activité professionnelle et à son expression artistique, de sorte qu'il revêtait une importance de principe. Cela justifiait qu'elle recourût aux services d'une avocate, après avoir échoué à convaincre seule le SDC puis le TP. Aussi, vu l'issue de la cause, l'appelante prétend valablement à la couverture de ses frais de défense, conformément à l'art. 429 al. 1 let. a CPP, pour autant qu'ils puissent être qualifiés de raisonnables.

4.2.3. Le relevé d'opérations produit n'indique pas le statut des prestataires des services facturés. On imagine que les trois tarifs pratiqués sont ceux d'une stagiaire (CHF 200.-/heure), de la collaboratrice de l'étude (CHF 300.-/heure), enfin de l'avocate constituée (CHF 400.-/heure), de sorte que le taux appliqué au titre de l'activité de la première doivent être ramenés à celui admis à Genève. Pour le surplus, si l'activité déployée a été importante, en particulier celle de la cheffe d'étude, eu égard notamment à son expérience, on peut encore admettre qu'elle relevait de ce qui était nécessaire à la défense, étant notamment observé que tout un volet de l'argumentation n'a en définitive pas eu à être examiné mais qu'on ne saurait reprocher au conseil juridique de l'avoir développé afin de couvrir toutes les hypothèses.

4.2.4. L'appelante sera partant couverte de ses frais de défense par CHF 5'266.57 (TVA par CHF 376,57 comprise) pour 3,75 heures à CHF 150.-, 1,75 heure à CHF 300.- et 9,5 heures à CHF 400.-.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA PRESIDENTE DE LA CHAMBRE PENALE D'APPEL ET DE REVISION :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/519/2023 rendu le 4 mai 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/5601/2023.

Statuant sur questions préjudicielles

Rejette les réquisitions de preuve de A______ et sa demande de débats oraux.

Statuant sur le fond

Admet l'appel.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ d'infraction à la loi pénale genevoise (art. 11E al. 1 let. b LPG).

Lui alloue une indemnité de CHF 5'266.57 en couverture de ses frais de défense (at. 429 al. 1 let. a CPP).

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.