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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/5964/2022

AARP/435/2023 du 28.11.2023 sur JTDP/817/2023 ( PENAL ) , ADMIS

Descripteurs : PRESCRIPTION;FIXATION DE LA PEINE;AGGRAVATION DE LA PEINE;DROITS DE DOUANE;AMENDE
Normes : LD.118; LTVA.96.al1; LAlc.54.al2; LD.124; LD.7
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5964/2022 AARP/435/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 28 novembre 2023

 

Entre

OFFICE FÉDÉRAL DE LA DOUANE ET DE LA SECURITE DES FRONTIERES, Taubenstrasse 16, 3003 Berne,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/817/2023 rendu le 21 juin 2023 par le Tribunal de police,

 

et

A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me Guillaume FAUCONNET, avocat, DAYER AHLSTRÖM FAUCONNET, quai Gustave-Ador 38, case postale 6293, 1211 Genève 6,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF) appelle du jugement du 21 juin 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) a reconnu A______ coupable de soustraction douanière intentionnelle qualifiée
(art. 118 al. 1 et 3 en relation avec l'art. 124 et 7 de la loi sur les douanes [LD] ainsi que l'art. 1 al. 1 de la loi sur le tarif des douanes [LTaD]), de soustraction de l'impôt intentionnelle (art. 96 al. 1 de la loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée [Loi sur la TVA ; LTVA]) et de soustraction de charges fiscales qualifiées (art. 54
al. 2 de la loi fédérale sur l'alcool [LAlc]), a classé la procédure s'agissant des importations effectuées avant le 7 juin 2016 et l'a condamné à une amende de
CHF 2'000.-, peine privative de liberté de substitution de deux mois, ainsi qu'aux frais de la procédure en CHF 1'030.-, tout en renonçant à ordonner son expulsion de Suisse.

L'OFDF entreprend partiellement ce jugement, concluant au prononcé d'une amende de CHF 5'000.- à l'encontre de A______ et à sa condamnation au paiement des frais de la procédure administrative en CHF 1'030.-, dont CHF 600.- sont dévolus à l'OFDF, ainsi qu'aux frais de la procédure judiciaire.

b. Selon l'acte d'accusation de l'OFDF du 15 mars 2022, il était reproché à A______ d'avoir importé en Suisse à 138 [recte : 122] reprises, entre les
27 août 2015 et 4 juin 2018, [88 reprises, entre les 21 juin 2016 et 4 juin 2018] par les routes douanières de D______ ou E______ un total de 1'976.7 kg de marchandises d'une valeur de CHF 10'396.- destinées à être écoulées en tout ou en partie par sa société F______ Sàrl, sans les déclarer lors du passage du poste frontière. Ces marchandises ont représenté les redevances douanières impayées de CHF 6'736.30 de droits de douane [CHF 2'956.30 entre les 21 juin 2016 et 4 juin 2018], CHF 486.60 de droits de monopole de 12 achats de boissons alcoolisées [CHF 48.40 entre les 21 juin 2016 et 4 juin 2018] et CHF 688.65 de taxe sur la valeur ajoutée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure, étant très largement renvoyé à l'état de fait tel qu'exposé par le premier juge (art. 82 al. 4 du code de procédure pénal [CPP]) et rappelé ce qui suit :

a. Le 27 avril 2017, A______ a été intercepté, par une patrouille de gardes-frontières, au passage de la frontière de D______, route interdite en matière douanière et signalée comme telle par un panneau, au volant d'un véhicule automobile immatriculé au nom de F______ Sàrl, sise rue 1______ no. ______, à Genève. Il était en possession de marchandises achetées le jour-même principalement auprès de l'enseigne G______, sise à H______, en France, avec la carte dudit magasin établie au nom de F______ Sàrl. Le dédouanement de ces marchandises a été effectué par le bureau de douane de I______.

b. Sur la base de l'enquête administrative qui a suivi, comprenant une assistance administrative internationale avec la France, l'enquête pénale douanière a permis d'établir que, du 27 août 2015 au 4 juin 2018, A______ avait acquis des marchandises, principalement des denrées alimentaires, auprès du magasin G______ en France. Un tableau récapitulatif des marchandises acquise a été effectué par l'autorité.

c.a. Le 25 juillet 2019, A______, entendu en qualité de prévenu à la suite de l'ouverture le même jour d'une enquête pénale administrative le concernant, a déclaré être associé gérant de la société F______ Sàrl, inscrite le ______ 2015, laquelle a notamment pour but d'exploiter un service traiteur comprenant la fabrication, la préparation, la fourniture de plats cuisinés et de boissons et le service y relatif. Il avait effectué tous les achats se trouvant dans le tableau récapitulatif établi à l'aide des factures du compte G______ de l'entreprise précitée. Le 20% des produits concernés était néanmoins destiné à sa consommation personnelle ainsi qu'à celle de sa famille. Il n’avait jamais fait de déclaration en douane pour ces marchandises. Au début, il ne s'était pas renseigné correctement, même s'il savait qu'il fallait annoncer ses achats au passage de la frontière. Il avait toutefois un peu minimisé cet aspect, ne transportant pas de marchandises importantes. Il était ainsi conscient d'avoir commis des actes répréhensibles mais sans gravité. Après avoir été intercepté en avril 2017, il avait continué à s'approvisionner chez G______ jusqu'en juin 2018, se trouvant "dans l'engrenage de l'habitude" ; il fallait du temps pour en changer.

Le 11 mars 2020, C______, assisté de son conseil, a apporté des précisions quant au tableau récapitulatif, préalablement modifié par l'autorité suite à ses premières remarques. Certaines marchandises n'étaient pas entrées en Suisse puisque les évènements auxquels elles se rapportaient s'étaient déroulés en France, devis à l'appui, et d'autres, portant la dénomination "halal", avaient été destinées à sa consommation personnelle.

Devant le premier juge, C______ a souligné avoir fait le nécessaire pour que de tels faits ne se reproduisent plus. Entre 2015 et 2018, il vivait en France et effectuait des achats sur le chemin lorsqu'il se rendait dans les locaux de la société [dans le quartier] J______ [GE], ce qui facilitait la logistique. Il avait toutefois fait la majorité des achats en Suisse. Comme cela ressortait des pièces produites, il s'acquittait régulièrement de la redevance fixée par l'AFD.

c.b. Selon le procès-verbal final du 6 avril 2020, établi par la Section antifraude douanière de la Direction d'arrondissement de Genève, les redevances douanières dues par A______ pour la période des 27 août 2015 au 4 juin 2018 sont celles retenues à l'acte d'accusation (voir supra let. A.b.).

À teneur de la décision de perception du 6 avril 2020 de l'Administration fédérale des douanes (AFD), devenue l'OFDF, le montant total des redevances à percevoir se montait à CHF 8'279.25, somme comprenant des intérêts moratoires de CHF 367.70.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. Selon son mémoire d'appel et sa réplique, l'OFDF persiste dans ses conclusions.

Si la prescription était acquise pour toutes les soustractions douanières et de charges fiscales commises avant le 7 juin 2016, il n'en allait pas de même s'agissant de celles de l'impôt sur les importations. Dans sa déclaration d'appel, l'OFDF avait "en particulier" contesté la quotité de la peine, mais également la violation du droit, ainsi que l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, dans le cadre desquels entrait l'examen de la prescription.

La peine encourue pour les soustractions douanières intentionnelles qualifiées était une amende dont le montant se situait en l'espèce dans le cadre légal de CHF 1.- à CHF 22'450.10. Vu la faute globale moyennement grave de A______, une amende de CHF 14'000.- semblait être une peine adaptée. Elle devait être augmentée de manière appropriée pour tenir compte des soustractions de l'impôt intentionnelles, commises par dol éventuel entre les 27 août 2015 et 4 juin 2018, et de charges fiscales qualifiées et la peine d'ensemble fixée à CHF 19'000.-. Il fallait toutefois prendre en compte la situation personnelle du prévenu et, compte tenu des répercussions de l'amende sur sa situation financière, de sa bonne coopération, de sa volonté de réparer le dommage causé et de la durée de la procédure, mais tout en préservant un effet dissuasif particulier et général, l'amende devait être arrêtée à
CHF 5'000.-.

c. A______ conclut, dans son mémoire réponse et sa duplique, au rejet de l'appel et à la condamnation de l'appelant au paiement de CHF 1'457.95 correspondant à ses frais de défense pour la procédure d'appel.

Dans son mémoire d'appel, l'OFDF contestait la portée de la prescription prononcée par le premier juge, laquelle était en lien avec la culpabilité. Or, seule la question de la quotité de la peine avait été abordée dans la déclaration d'appel. Dans tous les cas, les quelques CHF 340.- de TVA que l'OFDF tentait de réintégrer à la culpabilité ne justifiaient en rien l'augmentation de l'amende à CHF 5'000.-, de sorte qu'il convenait de retenir que toutes les importations antérieures au 7 juin 2016 étaient prescrites.

L'appelant substituait en réalité sa propre appréciation à celle du juge, ce qui n'était pas suffisant pour démontrer une violation du droit, telle que soulevée. L'amende à laquelle concluait l'OFDF correspondait à celle requise dans son acte d'accusation, lequel ne prenait pas en compte la prescription de près d'un tiers des infractions retenues. Dans une décision de la Cour suprême du canton de Berne (SK.2______), un prévenu avait été condamné à une amende de CHF 2'500.- pour CHF 222'729.50 de droits de douane éludés. Le paiement effectué par le prévenu des montants fixés dans la décision de perception de l'AFD démontrait qu'il avait réparé le dommage causé et pris conscience de sa faute, ce que l'appelant passait totalement sous silence et qui constituait pourtant une circonstance atténuante. La situation financière de l'intimé était loin d'être "bonne", compte tenu de son maigre salaire. L'intimé avait en outre pleinement collaboré à l'enquête et admis les faits reprochés. Il n'avait, par ailleurs, aucun antécédent judiciaire. Enfin, les faits étaient anciens, si bien que le prévenu devait être mis au bénéfice de la circonstance atténuante de l'art. 48 let. e du code pénal suisse (CP).

d. Le TP se réfère intégralement au jugement rendu.

D. A______, de nationalité française, est né le ______ 1988 à K______, au Maroc. Il est venu en France à l'âge de six mois, y a effectué sa scolarité et obtenu un BTS en commerce. Il a travaillé en France jusqu'en 2013, puis en Suisse, où il s'est installé en 2018, à la suite de son mariage avec une suissesse, avec laquelle il a eu trois enfants de nationalité suisse. Peu avant la pandémie du Covid-19, en 2020, il est parti vivre en France, à L______. Il est titulaire d'un permis G en Suisse.

Entre janvier et juin 2023, son salaire net mensuel relatif à son activité de traiteur a fluctué entre CHF 1'334.- et CHF 2'550.-. En 2022, son salaire mensuel s'est monté en moyenne à CHF 2'323.-. Son loyer est de CHF 400.- par mois. Il verse CHF 500.- de cotisations mensuelles d'assurance-maladie. Il a des dettes personnelles à hauteur de CHF 2'000.-, relatives à des cotisations AVS. Sa société, qui a bénéficié d'un crédit COVID, est également endettée de CHF 17'000.-, qu'elle rembourse chaque semestre. Elle a également d'autres dettes mais selon un échéancier convenu avec les créanciers. La situation de la société n'est pas saine mais en cours d'assainissement. Pour autant, elle ne risque pas la faillite.

A______ n'a pas d'antécédent.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

2. 2.1. Aux termes de l'art. 404 al.1 CPP, la juridiction d’appel n'examine que les points attaqués du jugement de première instance, lesquels doivent être désignés de manière définitive dans la déclaration d'appel (art. 399 al. 4 CPP).

2.2. En l'espèce, aux termes de sa déclaration d'appel, l'OFDF conteste le classement du chef de soustraction de l'impôt intentionnelle (p. 8), de sorte que la Cour de céans peut librement examiner la question de la prescription (art. 391 al. 2 CPP
a contrario).

3. 3.1.1. En cas de soustraction, de mise en péril de contributions ou d'obtention illicite d'un remboursement, d'une réduction ou d'une remise de contributions, le délai de prescription de l'action pénale, initialement de cinq ans (art. 11 al. 2 de la loi fédérale sur le droit pénal administratif [DPA]), a été augmenté à sept ans par la jurisprudence (ATF 143 IV 228 consid. 4.4. ; 134 IV 328 consid. 2.1 = JdT 2010 IV 164).

La prescription ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu (art. 97 al. 3 CP).

3.1.2. En matière de TVA, la prescription de l’action pénale est réglée de façon spéciale par l’art. 105 LTVA et donc à l’exclusion des dispositions de la DPA
(art. 101 al. 1 LTVA).

Elle est déterminée (sauf en cas de crime) par référence, tout d’abord, à un délai pour engager la poursuite pénale, à savoir qu'une procédure pénale doit être ouverte avant l’expiration de ce délai, soit sept ans dans le domaine de l'impôt sur les importations (art. 105 al. 1 let. c LTVA) et, ensuite, une fois la procédure engagée, par un autre délai régissant "le droit de poursuivre une procédure pénale engagée", à savoir que la procédure engagée doit aboutir à une décision pénale ou un jugement de première instance dans les cinq ans (art. 105 al. 4 LTVA ; H. TORRIONE, Les infractions fiscales en matière d'impôts directs et dans le domaine de l'impôt anticipé, des droits de timbre et de la TVA in Les procédures en droit fiscal, 4ème éd., Berne 2021,
p. 1093ss). Les deux délais de prescription susmentionnés se cumulent. Le délai de prescription peut expirer au plus tard douze ans après la commission de l'infraction et non pas sept (arrêt du Tribunal fédéral 6B_938/2020 du 12 novembre 2021 consid. 3 non publié aux ATF 148 IV 96).

La prescription ne court plus si une décision pénale ou un jugement de première instance a été rendu avant l'échéance du délai de prescription (art. 105 al. 2 LTVA).

3.1.3. La prescription de l'action publique est un empêchement définitif de procéder, qui entraîne le classement de la procédure en tant qu'elle porte sur les faits prescrits (art. 329 al. 1 let. c et al. 4 CPP, applicables par renvoi de l'art. 379 CPP).

3.2. En l'espèce, la prescription est acquise pour toutes les soustractions douanières et de charges fiscales commises avant le 21 juin 2016, date du jugement entrepris, et non avant le 7 juin 2016, comme retenu par le premier juge.

Il n'en va pas de même pour les soustractions de l'impôt, puisque l'enquête pénale administrative a été ouverte le 25 juillet 2019, soit moins de sept ans après la commission de la première infraction (art. 105 al. 1 let. c LTVA), en août 2015, et que le jugement de première instance a été rendu moins de cinq ans après cette date (art. 105 al. 4 LTVA).

Un classement sera donc prononcé uniquement pour les chefs de soustraction douanière intentionnelle qualifiée (art. 118 al. 1 et 3 en relation avec les art. 124 et
7 LD, ainsi que l'art. 1 al. 1 LTaD) et de soustraction de charges fiscales qualifiées (art. 54 al. 2 LAlc) pour la période du 27 août 2015 au 20 juin 2016.

Restent ainsi objet de la procédure 88 importations, correspondant à CHF 2'956.95 de droits de douane soustraits entre les 21 juin 2016 et 4 juin 2018, à CHF 48.40 de droits de monopole soustraits entre les 21 juin 2016 et 4 juin 2018, ainsi que 122 importations, correspondant à CHF 688.65 de TVA soustraite entre les 27 août 2015 et 4 juin 2018.

3.3. L'appelant a été reconnu coupable de soustraction douanière intentionnelle qualifiée (art. 118 al. 1 et 3 en relation avec les art. 124 et 7 LD, ainsi que l'art. 1
al. 1 LTaD), de soustraction de l'impôt intentionnelle (art. 96 al. 1 LTVA) et de soustraction de charges fiscales qualifiées (art. 54 al. 2 LAlc), ce qui n'est pas contesté.

L'infraction de soustraction de l'impôt intentionnelle est passible d'une amende de CHF 400'000.- au plus, alors que les infractions de soustraction douanière intentionnelle qualifiée et de soustraction de charges fiscales qualifiées sont quant à elles punies d'une amende pouvant atteindre le quintuple du montant des droits de douane soustrait ou, respectivement, du montant des charges fiscales soustraites ou de l'avantage fiscal obtenu, et, en cas de circonstances aggravantes, augmentée de moitié, une peine privative de liberté d'un an au plus pouvant également être prononcée.

3.3.1. Les art. 128 al. 1 LD, 103 al. 1 LTVA et 59 al. 1 LAlc prévoient que la DPA s'applique à la poursuite et au jugement des infractions à la LD, LTVA et LAlc. Aux termes de l'art. 2 DPA, les dispositions générales du code pénal suisse sont applicables aux actes réprimés par la législation administrative fédérale, à moins que cette loi ou une loi administrative spéciale n'en dispose autrement.

3.3.2. Les nouvelles dispositions sur le droit des sanctions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2018. En l'espèce, l'application de l'ancien ou du nouveau droit ne conduit pas à une solution différente, de sorte que le nouveau droit ne s'applique pas au titre de "lex mitior".

3.3.3. À l'instar de toute autre peine, l'amende (art. 106 CP) doit être fixée conformément à l'art. 47 CP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_337/2015 du 5 juin 2015 consid. 4.1 ; 6B_988/2010 du 3 mars 2011 consid. 2.1 ; 6B_264/2007 du
19 septembre 2007 consid. 4.5).

Le juge doit ensuite, en fonction de la situation financière de l'auteur, fixer la quotité de l'amende de manière qu'il soit frappé dans la mesure adéquate (ATF 129 IV 6 consid. 6.1 = JdT 2005 IV ; 119 IV 330 consid. 3). La situation économique déterminante est celle de l'auteur au moment où l'amende est prononcée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_547/2012 du 26 mars 2013 consid. 3.4).

3.3.4. Le juge prononce dans son jugement, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus (art. 106 al. 2 CP).

Selon l'art. 10 al. 1 DPA, dans la mesure où l'amende ne peut être recouvrée, le juge la convertit en arrêts. Avec la révision du droit pénal des sanctions, le terme "arrêts" doit être compris comme aux art. 36 al. 1 CP et 106 al. 2 CP, soit dans le sens de "peine privative de liberté" (ACPR/760/2021 du 9 novembre 2021 consid. 4.1).

Selon l'art. 10 al. 3 DPA, en cas de conversion, un jour d'arrêts ou de détention sera compté pour CHF 30.- d'amende, mais la durée de la peine ne pourra dépasser trois mois.

3.3.5. L’art. 9 DPA exclut le principe d’aggravation (Asperationsprinzip) inscrit à l’art. 49 CP pour les amendes.

L’art. 101 al.1 LTVA exclut l’application de l’art. 9 DPA (exclusion de l'exclusion), rendant à nouveau applicable le principe d’aggravation de l’art. 49 CP. Le champ d’application du principe d’aggravation en matière de TVA est toutefois limité. D’après l’art. 101 al. 4 LTVA, lorsqu’il s’agit d’infractions qui relèvent de la compétence de l’OFDF, comme c'est le cas en matière d'impôt sur les importations, il ne s’applique que si elles ont été commises en concours idéal (l'acte punissable). Dès lors, si un acte constitue à la fois une soustraction ou un recel de l'impôt sur les importations et une infraction à d'autres dispositions fédérales réprimées par l'Administration fédérale des contributions (AFC), la peine est celle qui sanctionne l'infraction la plus grave, et peut être augmentée de manière appropriée. Le cumul des peines s'applique en revanche aux infractions commises en concours réel (un ou plusieurs actes), dans le domaine de compétence de l'OFDF, c'est-à-dire par la non-déclaration de marchandises lors de leur importation en Suisse à différents moments ou dans différents lieux (ATF 148 IV 96 consid. 4.5.2 à 4.7).

La LD limite également le principe de l'aggravation au concours idéal en prévoyant que si une infraction constitue à la fois une infraction douanière et une infraction dont la poursuite incombe à l'OFDF, la peine encourue est celle qui est prévue pour l'infraction la plus grave et qu'elle peut être augmentée de façon appropriée (art. 126 al. 2 LD). L'art. 126 LD conduit de facto à une exclusion de l'art. 9 DPA dans le champ d'application de la disposition (ATF 148 IV 96 consid. 4.5.4).

3.3.6. Selon la jurisprudence, l'application de l'art. 49 al. 1 CP doit en principe être écartée en cas de condamnation pour une infraction par métier (ATF 76 IV 101), l'infraction devant être appréhendée comme un tout (ATF 145 IV 377 consid. 2.3.3) sans qu'il ne faille fixer une peine pour chaque infraction. Lorsque le délinquant décide à plusieurs reprises, à des époques distinctes, de commettre une série d'infractions indépendantes les unes des autres, par métier, la volonté délictuelle est telle que le juge doit pouvoir, pour fixer la peine, faire application de l'art. 49
al. 1 CP, qui s'applique donc à ces séries successives d'infractions. Dans ce cas, en effet, la répétition dénote une propension à la délinquance justifiant, le cas échéant, une sanction supérieure au maximum de la peine prévue pour l'infraction par métier (ATF 116 IV 121 consid. 2b/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_36/2019 du
2 juillet 2019 consid. 3.6.1).

3.3.7. L'art. 48 let. e CP conduit à l'atténuation de la peine à la double condition que l'intérêt à punir ait sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l'infraction et que l'auteur se soit bien comporté dans l'intervalle.

L'atténuation de la peine en raison du temps écoulé depuis l'infraction procède de la même idée que la prescription. L'effet guérisseur du temps écoulé, qui rend moindre la nécessité de punir, doit aussi pouvoir être pris en considération lorsque la prescription n'est pas encore acquise, si l'infraction est ancienne et si le délinquant s'est bien comporté dans l'intervalle. Cela suppose qu'un temps relativement long se soit écoulé depuis le jour de l'infraction jusqu'à celui où les faits sont définitivement constatés et que la prescription de l'action pénale est près d'être acquise. Cette condition est en tout cas réalisée lorsque les deux tiers du délai de prescription de l'action pénale sont écoulés. Le juge peut toutefois réduire ce délai pour tenir compte de la nature et de la gravité de l'infraction. Le juge doit se référer à la date à laquelle les faits ont été souverainement établis, et non au jugement de premier instance. Ainsi, lorsque le condamné a fait appel, il faut prendre en considération le moment où le jugement de seconde instance a été rendu dès lors que ce recours a un effet dévolutif (ATF 140 IV 145 consid. 3.1).

Les délais de prescription spéciaux, plus courts que les délais ordinaires, tel celui prévu par l'art. 109 CP pour les contraventions ou par l'art. 178 al. 1 CP pour les délits contre l'honneur, ne sont pas pris en considération (ATF 132 IV 1
consid. 6.1.1).

3.3.8. Compte tenu des nombreux paramètres qui interviennent dans la fixation de la peine, une comparaison avec des affaires concernant d'autres accusés et des faits différents est d'emblée délicate (ATF 123 IV 49 consid. 2e ; 120 IV 136 consid. 3a). Les disparités en cette matière s'expliquent normalement par le principe de l'individualisation des peines, voulu par le législateur (ATF 141 IV 61 consid. 6.3.2 ; 135 IV 191 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_353/2016 du 30 mars 2017 consid. 3.2).

3.4.1. En l'espèce, la faute de l'intimé est globalement moyennement grave, comme l'a relevé l'OFDF, qui a également qualifié la gravité des infractions commises de relative. Il a agi à 88 reprises sur une période pénale de deux ans s'agissant des chefs de soustraction douanière intentionnelle qualifiée et de charges fiscales qualifiées, ainsi qu'à 122 reprises sur une période pénale de presque trois ans s'agissant du chef de soustraction de l'impôt. Il n'a en outre pas cessé spontanément son activité illicite et a même continué, par "habitude", ses agissements délictuels pendant plus d'un an après son interception par la patrouille de gardes-frontières, ce qui dénote une volonté délictuelle non négligeable.

Il a causé un dommage à la collectivité pour un mobile égoïste, relevant uniquement de l'appât du gain.

Sa collaboration a été bonne. Il a immédiatement admis les faits reprochés, ce qui a contribué à simplifier et accélérer l'enquête, et a exprimé sa volonté de procéder au paiement de sa créance.

Sa prise de conscience est bonne, l'intimé ayant indiqué faire le nécessaire pour que cela ne se reproduise plus.

Sa situation personnelle ne justifie pas ses agissements.

Il n'a pas d'antécédents.

Il y a concours d'infractions, facteur aggravant de la peine.

Au vu de ces éléments, comme retenu par le premier juge, une peine privative de liberté n'entre pas en considération.

S'agissant des art. 118 al. 1 et 3 LD, ainsi que 54 al. 2 LAlc, soit les infractions commises par habitude, la Cour est d'avis qu'il convient de suivre le premier juge et de fixer une peine d'ensemble, comme c'est le cas pour l'aggravante du métier, à l'exclusion d'un éventuel cumul de peines. En revanche, les différentes infractions commises entrent en concours entre elles.

Les faits datant de 2016 à 2018 et, en raison également du bon comportement du prévenu depuis environ cinq ans, l'amende devra être atténuée en application de
l'art. 48 let. e CP.

L'infraction abstraitement la plus grave est celle prévue par l'art. 118 al. 1 et 3 LD. L'intimé a soustrait la somme de CHF 2'956.95 de droits de douane. En application de l'art. 118 al. 1 LD, la peine encourue est une amende pouvant atteindre le quintuple du montant des droits de douane soustraits et s'élève donc à
CHF 14'784.75. En sus, l'aggravante de l'art. 128 al. 3 LD étant réalisée, le montant maximal de l'amende peut être augmenté de moitié. Par conséquent, l'amende encourue s'élève au maximum à CHF 22'177.10, montant pouvant être augmenté de façon appropriée, en application de l'art. 126 al. 2 LD, pour tenir compte des autres infractions commises en concours idéal.

3.4.2. Au vu des éléments ci-dessus, la peine pour l'infraction de soustraction douanière intentionnelle qualifiée sera fixée à CHF 4'200.-. La peine sera augmentée de CHF 600.- (peine théorique de CHF 1'200.-) pur tenir compte de l'infraction à l'art. 54 al. 2 LAlc, et de CHF 200.- (peine théorique de CHF 400.-) pour tenir compte de l'infraction à l'art. 96 al. 1 LTVA.

L'intimé sera donc condamné à une peine d'ensemble de CHF 5'000.-.

Au vu du taux de conversion et du maximum légal de la peine privative de liberté de substitution, celle-ci sera fixée à trois mois.

Au-delà du fait que la jurisprudence bernoise citée par l'intimé (SK.2______) semble se référer à une violation de l'obligation de communiquer au sens de la loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, non pertinente dans le cas d'espèce, dans la mesure où la sanction retenue se situe dans la fourchette basse du cadre légal de la peine, cette dernière ne saurait, dans tous les cas, constituer une violation de l'égalité de traitement.

3.4.3. L'appel est partant admis et le jugement réformé dans ce sens.

4. 4.1. Il n'y a pas lieu de revoir les frais de la procédure de première instance, dès lors que l'intimé est reconnu coupable de tous les faits qui lui sont reprochés (art. 426
al. 1 et 428 al. 3 CPP).

4.2. L'OFDF obtient intégralement gain de cause, de sorte que l'intimé supportera les frais de la procédure d'appel, comprenant un émolument de CHF 1'500.- (art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).

5. Vu l'issue de la procédure, le prévenu sera débouté de ses conclusions en indemnisation (art. 429 al. 1 CPP a contrario).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières contre le jugement JTDP/817/2023 rendu le 21 juin 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/5964/2022.

L'admet.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Classe la procédure des chefs de soustraction douanière intentionnelle qualifiée (art. 118
al. 1 et 3 en relation avec les art. 124 et 7 LD, ainsi que l'art. 1 al. 1 LTaD) et de soustraction de charges fiscales qualifiées (art. 54 al. 2 LAlc) pour la période du
27 août 2015 au 20 juin 2016 (art. 329 al. 5 CPP).

Déclare A______ coupable de soustraction douanière intentionnelle qualifiée
(art. 118 al. 1 et 3 en relation avec les art. 124 et 7 LD, ainsi que l'art. 1 al. 1 LTaD), de soustraction de l'impôt intentionnelle (art. 96 al. 1 LTVA) et de soustraction de charges fiscales qualifiées (art. 54 al. 2 LAlc).

Condamne A______ à une amende de CHF 5'000.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de trois mois.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Renonce à ordonner l'expulsion de Suisse de A______ (art. 66a al. 2 CP).

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à CHF 1'030.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'675.-, qui comprennent un émolument de jugement de CHF 1'500.-.

Déboute A______ de ses conclusions en indemnisation (art. 429 al. 1 CPP).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, à l'Office cantonal de la population et des migrations, au Service des contraventions et au Service de l'application des peines et mesures.

 

La greffière :

Anne-Sophie RICCI

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'030.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

100.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'675.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'705.00