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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/394/2021

ACPR/760/2021 du 09.11.2021 sur JTPM/519/2021 ( TPM ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : CONVERSION DE LA PEINE;PEINE PRIVATIVE DE LIBERTÉ DE SUBSTITUTION;DROIT TRANSITOIRE;SURSIS À L'EXÉCUTION DE LA PEINE;DIRECTIVE(INJONCTION)
Normes : LaCP.50; CPP.393; CPP.363; CP.42; CP.388; DPA.10; DPA.82; DPA.91

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/394/2021 ACPR/760/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 9 novembre 2021

 

Entre

A______, domicilié ______[GE],

recourant,

contre l'ordonnance rendue le 2 juillet 2021 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

et

L’ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES DOUANES, Traubenstrasse 16, 3003 Berne,

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3686, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé au greffe de la Chambre de céans le 16 juillet 2021, A______ recourt contre l'ordonnance rendue le 2 juillet 2021, notifiée le 7 juillet 2021, par laquelle le Tribunal d'application des peines et des mesures
(ci-après : TAPEM) a prononcé une peine privative de liberté de 90 jours en substitution de l’amende impayée de CHF 12'000.- qui lui avait été infligée par l'Administration fédérale des douanes (ci-après : AFD).

Le recourant demande, préalablement, qu'une audience soit tenue et que soit ordonnée la production du dossier en main de l'AFD. Il conclut, principalement, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision querellée, dans la mesure où, au vu de sa "situation", il n’y avait pas lieu de convertir l’amende en peine privative de liberté ; subsidiairement, à la suspension de l'exécution de la peine infligée en conversion, moyennant un délai d'épreuve et, cas échant, la mise en place de règles de conduite, telle que la poursuite de son suivi thérapeutique auprès de la Fondation B______ ; plus subsidiairement, au renvoi de la cause au TAPEM pour nouvelle décision.

b. Le 9 juillet 2021, A______ a demandé l'effet suspensif. La Direction de la procédure y a fait droit le 20 suivant (OCRP/30/2021).

B. Les faits pertinents pour l'issue du litige sont les suivants :

a. Une enquête instruite par l'AFD a établi que A______ a importé, du 2 janvier 2013 au 21 juin 2016, sans les déclarer, des denrées alimentaires et autres marchandises, en majeure partie destinées aux restaurants qu'il a successivement exploités et représentant un total de CHF 57'501.56 de redevances.

b. Par mandat de répression du 5 septembre 2019, l'AFD a déclaré A______ coupable de :

- soustraction douanière qualifiée, au sens des art. 118 al. 1 et 3, 124 let. b, 126 al. 2 et 128 de la loi sur les douanes du 18 mars 2005 (LD; RS 631.0);

- soustraction qualifiée de charges fiscales sur l'alcool, au sens des art. 54 al. 1 et 2, 59 et 59b de la loi fédérale sur l'alcool (LAlc; RS 680);

- soustraction de l'impôt sur la bière au sens des art. 35 al. 1 et 42 de la loi fédérale sur l'imposition de la bière (LIB; RS 641.411);

- soustraction de l'impôt sur les importations, au sens des art. 96 al. 4 let. a, 101 al. 4 et 103 al. 1 et 2 de la loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA; RS 641.20).

A______ a été condamné à une amende douanière de CHF 18'500.-, ainsi qu’aux frais de procédure (CHF 2'050.65).

L’AFD précisait avoir "tout particulièrement" tenu compte de sa situation personnelle et financière, de sa collaboration à l'enquête et de l'ancienneté de certains faits.

c.a. Le 4 octobre 2019, A______ a formé opposition, considérant le montant de CHF 18'500.- comme "largement excessif", compte tenu des circonstances de l'affaire, de sa situation personnelle et financière, ainsi que l'effet de la peine sur son avenir.

Il avait créé et exploité deux restaurants, le premier, de septembre 2003 à juin 2015, qui avait dû être fermé à cause du non-renouvellement du bail, et un second, qui avait fait faillite en moins d'un an, en raison de "gros problèmes de trésorerie”. Depuis lors, sa situation économique et personnelle était difficile; il n'exerçait aucune activité lucrative et percevait des prestations de l'Hospice général. Il souffrait de dépression, ainsi que d'une addiction aux stupéfiants pour laquelle il suivait un traitement auprès de la Fondation B______.

Par ailleurs, il s'acquittait déjà des droits de douane (CHF 61'665.35) par mensualités de CHF 100.-, et ce, jusqu'en 2069.

Depuis l'affaire, il faisait "tout" pour retrouver du travail. Nonobstant sa dépression, il avait réussi à suivre des cours et obtenu un diplôme de tourisme en juin 2019, dans le but de se reconvertir professionnellement. Il était à la recherche d’un emploi, mais son âge était un obstacle.

Il requérait la réduction du montant de l'amende à CHF 5'000.-, afin d’éviter une inscription au casier judiciaire, ainsi qu'un arrangement de paiement, par mensualités de CHF 50.-.

c.b. Le 25 février 2020, l'AFD a reconsidéré le mandat de répression et notifié une nouvelle décision ramenant le montant de l'amende à CHF 12'000.-, auxquels s'ajoutaient des frais de procédure réduits (CHF 1'000.-). Elle a éliminé quelques infractions pour cause de prescription et rappelé avoir tenu compte de la situation de A______ dans sa première décision, mais concluait que celle-ci apparaissait toujours aussi difficile. Un paiement échelonné de ce qu'il devait serait assurément envisageable.

c.c. Par lettre du 5 mars 2020, A______ a déclaré ne pas contester cette décision, mais être incapable de payer CHF 13’000.-; il sollicitait la possibilité de s'acquitter de sa dette par acomptes mensuels de CHF 50.-.

d.a. Le 11 mars 2020, l'AFD a refusé, au motif que ce montant était trop faible par par rapport à la créance. Par ailleurs, elle déclarait annuler l'arrangement de paiement pour la dette de redevances, car celui-ci ne couvrait pas même les intérêts. Elle informait A______ de son intention de requérir une poursuite, dans la mesure où un éventuel acte de défaut de biens arrêterait le cours de ceux-ci.

d.b. Le 28 avril 2020, un commandement de payer l'amende a été notifié à A______, qui n'y a pas formé opposition.

d.c. Le 2 novembre 2020, l'AFD a reçu un acte de défaut de biens totalisant CHF 13'217.95.

e. Le 13 avril 2021, l'AFD a adressé au TAPEM une requête de conversion de l'amende en peine privative de liberté de substitution de 90 jours, en vertu des art. 2, 10, 22 et 91 de la loi fédérale sur le droit pénal administratif, du 22 mars 1974 (DPA ; RS 313.0).

f.a. A______ s'est déterminé le 31 mai 2021, soutenant que cette peine réduirait à néant ses chances d’intégration sociale et professionnelle. Il était toujours suivi par la Fondation B______, dans le cadre d'un accompagnement thérapeutique et d'un programme de substitution aux opiacés. Il était également pris en charge par l’Hospice général. Ainsi, sa situation personnelle l'empêchait de s’acquitter de sa dette, et ce, de manière non fautive. Il sollicitait un nouvel arrangement de paiement, par mensualités de CHF 80.- ou CHF 100.-, au vu de sa situation financière, ou la possibilité d'accomplir des travaux d’intérêt général.

f.b. À l'appui,il a notamment produit les pièces suivantes :

·         une attestation établie le 27 mai 2021 par la Fondation B______, confirmant son suivi psychiatrique et un traitement quotidien de substitution, depuis le 25 novembre 2016 ;

·         une attestation d'aide financière datée du 1er juin 2021, délivrée par l'Hospice général et confirmant sa prise en charge, depuis le 1er mars 2017 ;

·         des décomptes de prestations de l'Hospice général pour les mois d’avril, mai et juin 2021.

C. Dans l'ordonnance querellée, le TAPEM considère que les conditions du prononcé d'une peine privative de liberté de substitution étaient réalisées, dans la mesure où A______ n'avait pas payé l'amende et que l'AFD avait tenté en vain d'en obtenir le recouvrement, mais s'était vue délivrer un acte de défaut de biens.

Par ailleurs, les conditions de l'art. 10 al. 2 aDPA, alors en vigueur, n’étaient pas réunies. En effet, aucune suspension de l'exécution de la peine infligée en conversion de l'amende ne pouvait être prononcée, dans la mesure où A______ ne remplissait pas les conditions d'un sursis, au sens de l'art. 42 CP ; le prénommé n'avait pas démontré être, sans sa faute, dans l'impossibilité de payer ce qu'il devait à l'AFD.

Il n'avait procédé à aucun versement, malgré les sommations de l'AFD, ce qui démontrait une absence de prise de conscience. Sa proposition de paiement de CHF 50.- avait été jugée insuffisante par l'AFD. Depuis lors, il n'avait entrepris aucune démarche auprès d'elle pour trouver un accord.

Concernant sa situation financière, il avait, certes, allégué être au bénéfice de l'Hospice général, mais n'avait pas établi être dans l'impossibilité de travailler, de réaliser un revenu et de commencer à s'acquitter de l'amende. Ainsi, faute d'avoir fourni la moindre indication ou pièce établissant son incapacité à réaliser des revenus, il n'avait pas apporté la preuve qu'il serait, sans sa faute, dans l'impossibilité de payer. Une impossibilité non fautive et subséquente de payer l'amende n'était pas démontrée.

D. a.a. À l'appui de son recours, A______ se plaint d'un établissement inexact et incomplet des faits. Le TAPEM avait retenu qu'il n'avait payé aucun montant à valoir sur l'amende et que "c'[était] en vain que l'AFD a[vait] tenté d'en obtenir le recouvrement". Or, s'il était exact qu'il n'avait pas payé la somme de CHF 12'000.-, la deuxième constatation était incorrecte, dès lors qu'il avait proposé un arrangement – certes d'un montant peu élevé, mais conforme à sa situation financière – qui avait été refusé par l'AFD. Dans ces circonstances, le TAPEM avait fait "preuve d'une certaine mauvaise foi" en retenant que l'AFD avait tenté "en vain" d'obtenir le recouvrement de la dette et en lui reprochant de n'avoir rien versé, alors même que l'AFD avait rejeté son plan de paiement. Si ce plan avait été accepté, il aurait pu commencer à s'acquitter de sa dette, et il n'en serait sans doute pas là aujourd'hui.

Par ailleurs, le TAPEM avait violé l'art. l'art. 10 al. 2 aDPA, d'une part, en retenant qu'il n'avait pas démontré être, sans sa faute, dans l'impossibilité de payer et, d'autre part, en considérant que les conditions du sursis n'étaient pas réalisées.

Le TAPEM avait jugé qu'il n'avait pas établi être dans l'impossibilité de travailler et de réaliser un revenu. Certes, la mention d'une incapacité de travail ne figurait pas dans l'attestation de la Fondation B______ du 27 mai 2021, et il avait pensé, "à tort", que le TAPEM la déduirait de ses déterminations du 31 mai 2021 et des documents produits. Depuis le 25 novembre 2016, et jusqu'à ce jour, il était "en arrêt maladie et dans l'incapacité de travailler" en raison de "troubles dépressifs accompagnés d'une dépendance aux opiacés", pour lesquels un programme de substitution et un accompagnement thérapeutique avaient été mis en place. Une demande de prestation d'assurance-invalidité était en cours. Partant, il se trouvait sans sa "faute dans l'impossibilité de payer cette amende en une seule fois".

Par ailleurs, le TAPEM avait considéré, à tort, qu’il n’avait entrepris aucune démarche afin de convenir d'un accord avec l’AFD. Il avait tout tenté pour trouver un arrangement, en proposant un montant de CHF 50.-, qui était, certes, peu élevé, mais qu’il savait être en mesure de payer, au vu de sa situation financière. Il n’avait pas proposé de mensualité plus élevée, car il savait d’avance ne pas pouvoir honorer pareil engagement. Ainsi, son comportement démontrait une prise de conscience de l’illicéité de ses actes et une volonté de s’acquitter de sa dette. Partant, si l’amende devait être convertie, il sollicitait, subsidiairement, l’octroi d’un sursis.

a.b. Il a produit des pièces nouvelles, parmi lesquelles figurent :

·         une attestation établie le 16 juillet 2021 par la Fondation B______, complétant la précédente et confirmant le suivi psychiatrique et psychothérapeutique en cours, ainsi que le traitement pharmacologique commencé le 25 novembre 2016 en raison de troubles qui le rendaient totalement incapable de travailler depuis le début de son suivi, à l'exception de "quelques courtes périodes" en été 2018, durant lesquelles il avait essayé de chercher du travail temporaire; il en ressort aussi qu’une demande de prestation d'assurance-invalidité était en cours ;

·         des certificats médicaux attestant d'une incapacité totale de travailler pour cause de maladie, portant sur les périodes suivantes : décembre 2016 ; janvier 2017 à septembre 2017 et décembre 2017; janvier à décembre 2018; janvier, avril et décembre 2019; janvier, juillet et septembre 2020; janvier, avril et juin 2021.

b. Invité à se déterminer, le TAPEM maintient les termes de son jugement et renonce à formuler des observations.

c. L’AFD renonce à prendre position et s’en rapporte à justice.

d. Le recourant n'a pas répliqué.

E. L’extrait de casier judiciaire de A______, demandé par la Direction de la procédure, comporte uniquement la condamnation prononcée par l'AFD le 25 février 2020.


 

EN DROIT :

1.             En vertu de l'art. 50 LaCP, le TAPEM est compétent pour fixer la peine privative de liberté de substitution lorsque la peine pécuniaire ou l’amende ont été prononcées par l’administration (art. 10 DPA en relation avec les art. 36 al. 2, 106 al. 5 et 333 al. 2 à 5 CP), en l'occurrence pour statuer sur les demandes de conversions d'amendes de l'AFD en peines privatives de liberté de substitution. L'ordonnance rendue en la matière par le TAPEM constitue une décision judiciaire indépendante (art. 363 CPP), laquelle est susceptible, au plan cantonal, d'un recours, au sens de l'art. 393 al. 1 let. b CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_293/2012 du 21 février 2013).

En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1, art. 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP), par le condamné, qui a un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le Code de procédure pénale s'applique à la procédure de conversion (art. 82 DPA).

3.             Le recourant demande la tenue d’une audience et la production du dossier de l’AFD.

3.1.       L'art. 29 al. 2 Cst. ne confère aucun droit à l'oralité de la procédure et ne donne notamment pas aux parties le droit de s'exprimer verbalement devant l'autorité appelée à prendre une décision. Au regard de cette disposition, il suffit que chaque intéressé puisse fournir ses explications ou présenter son point de vue verbalement ou par écrit, en personne ou par l'intermédiaire d'un représentant (arrêt du Tribunal fédéral 6B_145/2009 du 28 mai 2009 consid. 3, avec références aux ATF 125 I 209 consid. 9b p. 219 et ATF 125 I 113 consid. 2a p. 115). Lorsque le recourant a eu la possibilité de s'exprimer sans limitation par écrit et en dernier lieu, la tenue d'une audience, au sens de l'art. 390 al. 5 CPP, qui n'a aucun caractère impératif (l'autorité "peut" ordonner des débats), ne se justifie pas, dès lors que le droit d'être entendu du prévenu a été pleinement respecté, étant précisé que c'est la forme écrite qui est prescrite pour la procédure de recours (art. 390 al. 1 à 4 CPP ; ACPR/422/2012 du 14 octobre 2012).

3.2.       En l'occurrence, le recourant a pu faire valoir librement et intégralement ses arguments dans le cadre de son mémoire de recours. Ses droits ont ainsi été pleinement respectés, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'appointer d'audience.

Par ailleurs, la production du dossier en main de l'AFD n'est pas nécessaire pour trancher le litige.

4.             Le recourant reproche au TAPEM d'avoir violé l'art. 10 al. 2 aDPA, considérant que celui-ci aurait dû exclure la conversion de l'amende, car il se trouvait sans sa faute "dans l'impossibilité de payer cette amende en une seule fois".

4.1.       Conformément aux art. 91 al. 1 et 10 al. 1 DPA, l’amende, dans la mesure où ne peut être recouvrée, est convertie en arrêts. Contrairement au droit pénal ordinaire, l'administration n'a pas à fixer d'avance dans sa décision quel sera le quantum de la peine de substitution : c'est l'affaire du tribunal compétent (Basler Kommentar, Verwaltungsstrafrecht - J. ACHERMANN, Bâle 2020, n. 46 ad art. 10). Avec la révision du droit pénal des sanctions, les termes "arrêts" et "détention" doivent être compris comme aux art. 36 al. 1 CP et 106 al. 2 CP, soit dans le sens de "peine privative de liberté" (op. cit., n.30 ad art. 10). En règle générale, la condition du non-recouvrement est remplie lorsque l’autorité d’exécution de l’amende s’est vue délivrer un acte de défaut de biens (op. cit., n.31 ad art. 10; décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral SK.2020.44 du 21 décembre 2020 consid. 2.2).

4.2.       En l'espèce, le recourant s'est vu infliger une amende de CHF 18'500.-, par mandat de répression du 5 septembre 2019. Cette décision était une proposition de jugement (cf. Basler Kommentar, Verwaltungsstrafrecht - J. ACHERMANN, n. 35 ad art. 67). Le recourant s'y est opposé (art. 67 ss. DPA). Le 25 février 2020, l'AFD a reconsidéré sa décision (art. 69 al. 1 DPA) et réduit le montant de l'amende à CHF 12'000.-, par un prononcé pénal (art. 70 DPA).

Ce prononcé – qui s'est substitué au mandat de répression, mis à néant par l'opposition comme le ferait l'opposition valable à une ordonnance pénale (cf. implicitement l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_1304/2017 du 25 juin 2018 consid. 2.4.2.) – n'a pas été contesté, en ce sens que le recourant n'a pas demandé le jugement par un tribunal (art. 21 al. 1 et 72 al. 1 DPA). Le prononcé pénal de l'AFD est par conséquent entré en force (art. 72 al. 3 DPA).

L'intégralité du montant dû et exigible n'ayant pas été acquittée, un commandement de payer a été notifié au recourant, et la procédure de poursuite pour dette s'est achevée par la délivrance d'un acte de défaut de biens. Ainsi, la condition du non-recouvrement était réalisée, et la conversion entrait en considération.

4.3.       Les jugements rendus en application de l’ancien DPA doivent être exécutés conformément à l’ancien droit (art. 388 al. 1 CP, applicable par renvoi de l’art. 2 DPA). Ce principe vaut également pour la procédure en conversion de l’amende (ATF 141 IV 407 consid. 3.5.2 p. 415).

Il s'ensuit que le TAPEM a appliqué à bon droit, au titre de la lex mitior, l'art. 10 al. 2 DPA dans sa teneur en vigueur avant le 1er janvier 2020, car l’art. 10 al. 2 DPA actuel (cf. RO 2018 5275; 2019 4631) ne prévoit plus de sursis à l’exécution de la peine privative de liberté de substitution. L'ancienne teneur laissait au contraire au juge, outre la possibilité d’exclure la conversion, la possibilité de suspendre l’exécution de la peine infligée en conversion de l’amende, si les conditions prévues par l’art. 41 CP (actuellement art. 42 CP) étaient réalisées. En vertu de cette disposition, le juge peut exclure la conversion de l’amende lorsque le condamné apporte la preuve qu’il est, sans sa faute, dans l’impossibilité de payer. Il ne peut cependant exclure la conversion en cas d’infraction intentionnelle si, en outre, dans les cinq ans qui ont précédé l’infraction, le condamné a déjà été puni pour infraction à la même loi administrative, à moins qu’il ne se soit agi d’une inobservation de prescriptions d’ordre.

4.4.       L’impossibilité de payer peut être admise lorsque la situation financière du condamné s’est brusquement détériorée après le jugement, sans qu’il ne soit responsable de cette détérioration (Basler Kommentar, Verwaltungsstrafrecht - J. ACHERMANN, n.36 ad art. 10). La perte imprévisible d’un emploi ou des dépenses liées à une maladie ou à un accident de la personne condamnée ou des personnes économiquement dépendantes de celle-ci peuvent notamment entrer en considération (op. cit. n.36 ad art. 10). Un condamné ne peut en revanche justifier son absence de paiement par une mauvaise situation financière qui prévalait déjà au moment du jugement, puisque celle-ci a déjà été prise en compte au moment de la fixation de la peine. Toute autre approche reviendrait à une situation dans laquelle toute personne condamnée à une amende de droit pénal administratif pourrait, de facto, obtenir un réexamen du contenu du jugement de condamnation quant à la question de la fixation du montant de l’amende. Cette possibilité n’est pas prévue par la loi et ne serait pas compatible avec le principe de l’autorité de la chose jugée. Si le condamné s’oppose au montant de l’amende, il doit faire appel du jugement de condamnation. La procédure de conversion ne peut pas conduire au réexamen du jugement définitif prononçant l’amende (décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral SK.2020.44 du 21 décembre 2020 consid. 2.4 et SK.2020.9 du 17 juin 2020 consid. 4.1).

4.5.       Aussi convient-il d'examiner si, à l'aune de ces critères, le recourant était dans l'impossibilité de payer l'amende qui lui a été infligée de manière définitive.

Pour fixer le montant de celle-ci dans son prononcé du 25 février 2020 – montant qui pouvait atteindre jusqu'à sept fois et demi le montant des charges fiscales soustraites (art. 118 al. 3 LD et 54 al. 2 LAlc) –, l'AFD a tenu compte de la situation personnelle et financière du recourant. Ce dernier avait allégué n'exercer aucune activité lucrative, percevoir des prestations de l'Hospice général et souffrir de dépression, ainsi que d'une addiction aux stupéfiants pour laquelle il suivait un traitement auprès de la Fondation B______.

Or, il se prévaut exactement de la même situation dans son recours.

Partant, sa situation financière est identique à celle qui prévalait au moment de la fixation de l'amende. L'exception tirée d'une impossibilité de payer ne peut être retenue.

La conversion de l'amende en peine privative de liberté de substitution doit ainsi être confirmée.

4.6. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, le mécanisme de conversion d'amende prévu à l'art. 10 al. 3 DPA demeure applicable dans le nouveau droit des sanctions (ATF 141 IV 407 consid. 3 p. 410 s.). En appliquant le taux de conversion d'un jour d'arrêts pour CHF 30.-, tel que prévu à cette disposition légale, mais sans pouvoir dépasser trois mois (même disposition), et en considérant le montant impayé (CHF 12'000.-), le premier juge devait fixer la peine privative de liberté de substitution au maximum possible, soit à trois mois d'arrêts.

C'est ce qu'a fait le TAPEM à bon droit, en l'occurrence.

5.             Le recourant reproche au TAPEM d'avoir violé les art. 10 al. 2 aDPA et 42 CP, au motif que la peine de substitution aurait dû être assortie d'un sursis complet.

5.1.       L’art. 10 al. 2 aDPA spécifiait, tout comme pour l’exclusion de la conversion, qu’un sursis à l’exécution de la peine privative de liberté de substitution était exclu en cas d’infraction intentionnelle si, dans les cinq ans qui ont précédé l’infraction, le condamné a déjà été puni pour une infraction à la même loi administrative, à moins qu’il ne se fût agi d’une inobservation de prescriptions d’ordre.

5.2.       Aux termes de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

Le juge doit poser un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit accorder le sursis. Celui-ci est ainsi de règle, et le juge ne peut s'en écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 185 s.; ATF 134 IV 1 consid. 4.2.2 p. 5). Il prime en cas d'incertitude (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 185 s.; ATF 134 IV 140 consid. 4.2 p. 143 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1339/2016 du 23 mars 2017 consid. 1.1.1).

La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner le prévenu de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère du prévenu et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 185 s.).

L’octroi du sursis peut être refusé lorsque l’auteur a omis de réparer le dommage comme on pouvait raisonnablement l’attendre de lui (art. 42 al. 3 CP).

5.3.       En l’espèce, le recourant a commis intentionnellement les infractions pour lesquelles il a été sanctionné. En revanche, dans les cinq ans précédant les faits réprimés, il n'a pas fait l’objet d’une condamnation pour une infraction à la LD, Lalc, LBI, LTVA ou une toute autre loi administrative. L’octroi d’un sursis à l’exécution de la peine n’est ainsi pas exclu d’emblée, selon l’art. 10 al. 2 aDPA.

Reste à déterminer si les conditions de l’octroi d'un sursis, au sens de l’art. 42 CP, étaient réalisées.

En l’occurrence, la peine privative de liberté de substitution de trois mois n’atteint de loin pas le plafond de deux ans.

La faute de l’appelant est importante. Il a importé du 2 janvier 2013 au 21 juin 2016, sans annonce douanière, par différents passages-frontières de la région genevoise, des denrées alimentaires et autres marchandises, en majeure partie destinées aux restaurants qu'il exploitait successivement, et ce, en éludant CHF 57'501.56 de redevances.

Le mobile du recourant était purement égoïste, et sa situation personnelle ne permettait pas de justifier ou d’expliquer ses actes. Ce dernier en avait conscience. Il a par la suite démontré son intention de s’acquitter de l'amende infligée, en proposant à deux reprises, mais en vain, un arrangement de paiement. Au vu de sa situation financière à l’époque du prononcé sur reconsidération, on ne voit pas comment il aurait pu proposer davantage, et l’AFD n’allègue pas qu’il eût été en mesure de le faire. Le fait que le recourant ait réitéré une proposition de paiement, de CHF 80.- ou 100.- par mois, dans ses observations au TAPEM démontrerait plutôt sa volonté de s’acquitter de son dû, fût-ce dans une mesure infime.

En outre, le recourant n’a aucun autre antécédent judiciaire.

Par ailleurs, les infractions pour lesquelles il a été déclaré coupable ont été commises dans le cadre de son activité professionnelle de restaurateur, laquelle a pris fin par suite de la faillite du second établissement qu'il exploitait. Depuis lors, il n’exerce plus d'activité lucrative. Il a allégué et établi avoir suivi une formation en vue d'une reconversion professionnelle. Dans ces circonstances, le risque de récidive d'infractions analogues apparaît considérablement limité.

La réparation du dommage correspond, en l'espèce, au paiement des redevances éludées.

À teneur du dossier, ce paiement aurait fait l’objet d’un accord, qui fut annulé par l’AFD le 11 mars 2020, dès lors que les versements mensuels du recourant ne couvraient pas les intérêts de la créance. On doit donc considérer que, jusqu'à cette date, le recourant avait bel et bien commencé à s'acquitter de sa dette, dans une mesure que l'AFD avait agréée.

Par ailleurs, les attestations médicales (produites avec le recours) tendent à montrer que le recourant est en incapacité totale de travail depuis la fin 2016. Dans ces circonstances, on ne voit pas comment le recourant pourrait se voir reprocher d'avoir omis d'éteindre sa dette douanière, autant que faire se pouvait, ou de n'avoir plus fait de proposition à l'AFD après l'annulation par celle-ci de l'accord passé à ce propos. Au demeurant, l'acte de défaut de biens participe aussi à la démonstration d'une incapacité de réparer le dommage causé.

Tout bien considéré, on peut donc encore admettre, contrairement au premier juge, que le recourant bénéficie d’un sursis à l’exécution de la peine privative de liberté de substitution.

Le recours doit être admis sur ce point.

6.             Le recourant propose la mise en place de règles de conduite telles que la poursuite du suivi thérapeutique auprès de la Fondation B______.

6.1.       Si le juge suspend totalement ou partiellement l’exécution d’une peine, il impartit au condamné un délai d’épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).

6.2.       Selon l'art. 44 al. 2 CP, le juge qui suspend l'exécution de la peine peut ordonner une assistance de probation et imposer des règles de conduite pour la durée du délai d'épreuve.

La règle de conduite doit être adaptée au but du sursis, qui est l'amendement durable du condamné. Elle ne doit pas avoir un rôle exclusivement punitif et son but ne saurait être de lui porter préjudice. Elle doit être conçue en premier lieu dans l'intérêt du condamné et de manière à ce qu'il puisse la respecter; elle doit par ailleurs avoir un effet éducatif limitant le danger de récidive (ATF 130 IV 1 consid. 2.1 p. 2 s.; arrêt du Tribunal fédéral 6B_626/2008 du 11 novembre 2008 consid. 6.1). Le choix et le contenu de la règle de conduite doivent s'inspirer de considérations pédagogiques, sociologiques et médicales (ATF 107 IV 88 consid. 3a p. 89 concernant l'art. 38 ch. 3 aCP).

6.3.       In casu, un délai d’épreuve de cinq ans apparaît adéquat, pour être notamment proportionné à la période pénale et prémunir contre toute récidive, dans la mesure où les actes reprochés n'ont pas été exclusivement commis à des fins professionnelles.

Quant à elle, la règle de conduite proposée par le recourant n’apparaît pas en lien avec les faits reprochés et ne serait pas de nature à éviter un risque de récidive d'infractions du même genre. En revanche, les attestations de l'Hospice général (produites avec les déterminations écrites du recourant au TAPEM, du 31 mai 2021) dévoilent quelque CHF 2'400.- d'aide mensuelle au printemps 2021, soit postérieurement à la délivrance de l'acte de défaut de biens. Or, le rachat par acomptes d'un acte de défaut de biens est une règle de conduite qui n'est pas contraire à l'art. 42 CP (ATF 103 IV 134 consid. 2 p. 136; arrêt du Tribunal fédéral 6B_142/2016 du 14 décembre 2016 consid. 8.1.).

Dès lors, le recourant sera astreint au paiement d'acomptes, dont il a lui-même fixé le montant à CHF 100.- par mois.

7.             Vu cette issue, point n’est besoin d’examiner le grief de l'établissement inexact et incorrect des faits.

8.             Partiellement fondé, le recours sera admis.

9.             Le recourant, n'obtenant que partiellement gain de cause, devrait en principe supporter une partie des frais de la procédure de recours. Sa situation pécunaire peu favorable commande toutefois, exceptionnellement, de l'en exonérer et de les laisser à la charge de l'État.

10. Le recourant a procédé sans avocat, de sorte qu'il n'a pas de dépens à faire valoir (art. 429 cum 436 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Admet partiellement le recours et annule l’ordonnance attaquée, en tant qu’elle refuse le sursis à la peine privative de liberté de substitution.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à cinq ans.

Impose à A______, à titre de règle de conduite, le rachat, par acomptes mensuels de CHF 100.-, la première fois le 1er janvier 2022, de l'acte de défaut de biens délivré le 2 novembre 2020 à l'Administration fédérale des douanes (ADB °1______).

Avertit A______ que, s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve susmentionné ou s'il ne respectait pas la règle de conduite à lui imposée, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue mise à exécution, sans préjudice d'une nouvelle peine.

Confirme l'ordonnance attaquée pour le surplus.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l’État.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, au Tribunal de l'application des peines et des mesures et à l'Administration fédérale des douanes (réf. 2______).

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).