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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/5494/2019

AARP/412/2023 du 21.11.2023 sur JTDP/1320/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Normes : CP.173
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5494/2019 AARP/412/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 21 novembre 2023

 

Entre

A______, partie plaignante, comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1320/2022 rendu le 1er novembre 2022 par le Tribunal de police,

 

et


C______, domicilié ______, FRANCE comparant par Me D______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 1er novembre 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) a acquitté C______ des chefs de calomnie (art. 174 du code pénal [CP]) et de diffamation (art. 173 CP), a débouté A______ de ses conclusions civiles, a mis à sa charge la totalité des frais de procédure et l'a condamné à indemniser C______ à hauteur de CHF 21'498.85 pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à ce que C______ soit reconnu coupable de calomnie, subsidiairement de diffamation, et à ce qu'il soit condamné à lui verser un montant de CHF 36'980.- avec intérêts à 5% dès le 19 octobre 2022 pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure de première instance, une indemnité équitable pour les dépenses occasionnées par la procédure d'appel, ainsi que CHF 1.- pour son tort moral, frais de procédure à la charge de C______.

b. Selon l'acte d'accusation du 21 juin 2022, il est reproché ce qui suit à C______ :

Le 26 novembre 2018, il a publié sur le site internet du journal E______ un article portant atteinte à l'honneur de A______ de par les fausses assertions suivantes, les passages cités entre guillemets étant présentés comme des citations exactes du rapport commandé par le Conseil d'État genevois relatif au mandat d'enquête et d'analyse sur le fonctionnement du Département de l'instruction publique, de la culture et du sport, alors que tel n'était pas le cas :

·           "Le gouvernement genevois confirme les accusations portées contre A______" (titre) ;

·           "Selon un rapport commandé par le Conseil d'Etat, A______ a bien eu des relations sexuelles avec certaines de ses élèves, âgées de 15 à 18 ans" (sous-titre) ;

·           "On peut lire que A______ « serait parvenu à entretenir des relations sexuelles avec les trois autres élèves âgées de 15 à 18 ans »" (deuxième paragraphe) ;

·           "«L'emprise psychologique et les menaces de l'homme charismatique reviennent également dans les différentes auditions », constate le rapport" (troisième paragraphe) ;

·           "Quant à F______, ministre de l'Instruction publique à l'époque, elle reconnaît avoir menti à la presse en évoquant de « simples rumeurs ». En fait, elle aurait bien été informée que A______ entretenait des relations intimes avec certaines de ses élèves. Notamment par une enseignante à la retraite et « féministe »" (cinquième paragraphe).

·           "On peut lire que A______ « aurait tenté de séduire sans succès l'une de ses élèves âgée de 14 ans »" (deuxième paragraphe).

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, originaire de G______, a enseigné ______ et ______ dans divers établissements scolaires genevois entre 1984 et 2004.

b. C______ est un journaliste français. Correspondant du journal E______ en Suisse depuis 1997, il assure la couverture de l'actualité locale pour ce [journal] français, édité à H______ [France] et notamment diffusé en Suisse.

c. Depuis 2017, A______ fait l'objet d'une procédure pénale en France pour des accusations de viol et de violences, qu'il conteste. L’instruction de cette cause n’est pas terminée.

d. Dans son édition du ______ novembre 2017, [le journal] I______, soit pour lui J______, a publié, sous titre "Le professeur A______ séduisait ses élèves mineures" et sous-titre "D'anciennes élèves du G______, qui a enseigné des années au cycle et au collège, révèlent avoir été harcelées et même avoir eu des relations sexuelles avec lui, sous son emprise" ce qui suit : "C'est arrivé bien avant les deux accusations de viol en France. Et bien avant qu'il devienne le célèbre islamologue controversé. A______, 55 ans, a enseigné plusieurs années [à] Genève, où il n'a pas laissé que des bons souvenirs. I______ a découvert qu'il a tenté de séduire sans succès une de ses élèves de 14 ans. Il est même arrivé à ses fins avec trois autres, âgées entre 15 et 18 ans. Les faits remontent aux années 80 et 90, lorsque le professeur de ______ et de ______ œuvrait au Cycle de K______ puis au Collège de L______. Quatre Suissesses, que nous avons pu retrouver au fil de notre enquête, acceptent de témoigner. Une manière de soutenir celles qui osent dénoncer aujourd'hui les abus de cet homme. Ces Genevoises, non musulmanes, toutes actives dans la fonction publique, qui ont fondé une famille, craignent de parler à visage découvert. Elles décrivent l'emprise psychologique qu'exerçait sur elles leur brillant professeur. Des agissements dénoncés également par M______, un ancien de la garde rapprochée de A______. N______* [identité connue de la rédaction] avait 15 ans lorsque le jeune et séduisant A______ s'est rapproché d'elle. Comme d'autres, elle se souvient encore des mots du professeur, qu'elle trouvait bizarres: "Je me sens proche de toi. Tu es mature. Tu es spéciale. Je suis entouré de beaucoup de monde mais je me sens seul". Comme d'autres, elle a été invitée à rester dans la classe après les cours. Puis elle a accepté de boire des cafés avec lui en dehors de l'école. "J'étais à l'aise et mal à l'aise. La confusion s'était installée dans ma tête. A deux ou trois reprises, nous avons eu des relations intimes. A l'arrière de sa voiture. Il disait que c'était notre secret", confie celle qui n'avait alors pas la majorité […] O______* [identité connue de la rédaction] s'en souvient encore. Elle avait 14 ans lorsqu'il lui a fait des avances durant un trajet. "Il a mis sa main sur ma cuisse en me disant qu'il savait que je pensais à lui le soir avant de m'endormir. Ce qui était faux. C'était de la manipulation. Il disait qu'il pensait à moi mais qu'il était marié. J'étais mal, mais je ne pouvais rien dire. C'était mon prof". Dans son cas, il n'y a pas eu de passage à l'acte […] Cette emprise, P______* [identité connue de la rédaction] la ressent encore dans sa chair. "J'ai été abusée et violentée. Je me suis beaucoup efforcée d'oublier, mais tout ressort maintenant avec ces affaires…". La voix déraille. La mère de famille se confie pour la deuxième fois en plus de vingt ans. "Quand j'avais 18 ans, j'étais, comme d'autres élèves, captivée par le discours de ce professeur charismatique. Il m'a proposé des cafés en dehors des cours. Et puis j'ai eu des relations sexuelles avec lui. Il était marié et père de famille. Cela s'est passé trois fois, notamment dans sa voiture. C'était consenti mais très violent. J'ai eu des bleus sur tout le corps. Il m'a toujours faire croire que je l'avais cherché. L'histoire s'est sue et il m'a menacée, en exigeant le silence de ma part. Moi je n'avais rien compris! Mais c'était de l'abus de pouvoir pur et simple!" A l'époque, A______ avait même une double responsabilité en tant que doyen. La trame de l'histoire se répète quelques années plus tard avec Q______* [identité connue de la rédaction]. "J'avais 17 ans quand on a commencé à s'embrasser et 18 ans quand on a eu des rapports sexuels. C'était très régulier. Je pensais que cela s'arrêterait après ma matu, mais les liens ont perduré. J'étais fascinée, sous son contrôle. Il me prenait, me jetait, instaurait une relation de dépendance. Il a créé les bases d'une relation malsaine". La jeune femme n'a jamais été menacée, ni subi de violences physiques […] Toutes nos interlocutrices ont laissé échapper des confidences à l'époque et peinent à croire que le personnel encadrant n'en ait rien su. Plusieurs anciens fonctionnaires contactés se souviennent de rumeurs, sans avoir eu connaissance de dénonciations visant A______ […]".

e. En réaction à ce qui précède, C______ a publié un article sur le site internet de son employeur intitulé ""I______" accuse A______ d'avoir couché avec des mineures [titre] Professeur de ______ dans un collège à Genève en 1980-1990, l'islamologue aurait eu des relations sexuelles avec au moins trois adolescentes [sous-titre] (publié le ______/11/2017 - modifié le ______/11/2017 [source : site internet E______].

f. Dans son édition du ______ novembre 2017, [le journal] R______ a publié, sous titre "Comment A______ envoûtait ses élèves" : "Un nouveau témoignage dénonce l'ascendant psychologique exercé par l'enseignant sur ses élèves au Collège de L______. Cette femme est ressortie brisée de quatre ans de relation. Si les faits décrits ne sont pas pénaux, ils complètent le portrait d'un homme qui abusait de son charme […] Si S______ [prénom] est majeure à l'époque des faits et qu'elle ne dénonce aucune violence physique, elle raconte comment le charme d'un professeur s'est mué en un ascendant psychologique […]".

g. D'autres articles sont parus dans la presse écrite ou sur internet entre les ______ et ______ novembre 2017. T______ [journal], U______ [chaîne de télévision française] et I______ [journal] titraient, à ces occasions, respectivement: "A______ couchait avec mon amie. Je l'avais dénoncé à la direction de l'école" ; "A______ accusé d'avoir eu des relations sexuelles avec des élèves mineures" ; "La direction du Collège avait été alertée" ; "Un comité est lancé pour soutenir les anciennes élèves abusées" ; "Le directeur du Collège avait averti A______".

h.a. Dans un point presse du 21 mars 2018, le Conseil d'État genevois, à la demande du Département de l'instruction publique, de la culture et du sport [DIP], a désigné deux experts indépendants pour conduire une analyse de la gestion, au sein dudit département, de situations impliquant des collaborateurs ou des collaboratrices et portant sur l'intégrité sexuelle des élèves et/ou le harcèlement qu'ils auraient pu subir. L'analyse devait porter, en particulier, sur la période durant laquelle A______ avait enseigné et sur les situations que le DIP aurait eu à connaître au cours des 30 dernières années.

La désignation des experts faisait suite aux questions soulevées tant par les médias genevois que par certains membres du Grand Conseil genevois sur la thématique d'élèves victimes d'abus sexuels dans le cadre de l'enseignement scolaire, dont [les journaux] I______ du ______ novembre 2017 et R______ du ______ novembre 2017, notamment, s'étaient fait l'écho.

h.b. Le mandat confié aux experts décrivait ainsi l'"Objectif 1" :

" - Conduire une recherche documentée et recueillir d'éventuels témoignages destinés à établir si des affaires impliquant Monsieur A______ et portant sur des allégations d'atteintes à l'intégrité sexuelle d'élèves ont été portées à la connaissance du DIP.

- Si tel est le cas, déterminer les suites qui ont été données ou non par le DIP.

- Etablir les dysfonctionnements éventuels dans la gestion des faits signalés.

Cet examen doit porter sur la période du 1er février 1984 (date d'engagement de Monsieur A______) au 31 août 2004 (date de sa démission)".

i. Le rapport des experts, rendu à la fin octobre 2018, comprenant 32 pages, contient expressis verbis les passages suivants :

- "A. Préambule Suite aux révélations de plusieurs médias sur les plaintes pour viol déposées en France par des ressortissantes françaises contre A______, [le journal] I______ a, à son tour, publié dans son édition du ______ novembre 2017 des témoignages anonymes de quatre anciennes élèves du cycle d'orientation de K______ et du collège de L______, à Genève, selon lesquels « dans les années 90 » - soit environ 27 années auparavant - A______, alors qu'il était doyen et enseignant de ______ et de ______ au collège précité, de 1984 à 2004, aurait tenté de séduire sans succès l'une d'elle, âgée alors de 14 ans et serait parvenu à entretenir des relations sexuelles avec les trois autres élèves, âgées de 15 à 18 ans" ;

- "D'anciennes élèves ayant témoigné dans les médias ont, par l'intermédiaire de leur avocat respectif, pris contact avec les soussignés" ;

- "De l’audition d’une ancienne élève du CO de K______ - désignée dans le procès-verbal sous la lettre V______, assistée de son avocate et d’un avocat-stagiaire, et accompagnée de son compagnon -, il ressort que A______ a eu des attouchements et des propositions à connotation sexuelle avec au moins trois de ses élèves mineures du CO, dans les années 86, 87 et 88. Selon elle, A______ avait instauré la pratique d’inviter individuellement, en tant que maître de classe, tous ses élèves, garçons et filles, à prendre le repas de midi dans un restaurant sis en dehors du CO. A cet effet, il dressait une liste avec des dates que les élèves remplissaient à leur choix. Lorsque ce fut le tour de V______, il l’a prise en charge dans sa voiture, insista pour qu’elle s’installe sur le siège avant du passager et presque aussitôt posa sa main droite sur sa cuisse gauche, tout en lui tenant des avances inappropriées et intrusives. V______ a souligné n’avoir jamais entretenu de relations sexuelles avec A______" (p. 7, let. a) ;

- "Entendue le 29 octobre 2018, une autre ancienne élève du CO de K______, désignée sous la lettre W______, a indiqué avoir suivi en 1988-1989 sa dernière année avec A______ comme enseignant de ______ et maître de classe. Elle avait à cette époque-là 14-15 ans. Elle a expliqué que A______ invitait ses élèves - individuellement - à prendre le repas de midi dans un café hors établissement. Lorsque ce fut son tour, peu avant Noël 1988, A______ l’a perturbée par ses propos d’ordre intime, suggérant qu’elle avait des sentiments pour lui. Lors d’un voyage d’étude en mai 1989, à H______ [France], A______ a récidivé en lui tenant les mêmes propos. W______ a indiqué être de nouveau perturbée par ces propos tout en étant flattée, compte tenu de la personnalité de l’enseignant. Au retour de ce voyage, ils se sont rencontrés un soir dans un restaurant. A______ lui a proposé de la raccompagner en voiture mais, en chemin, il s’est arrêté sur un parking isolé, l’a embrassée et a eu des attouchements sexuels à son égard. Le même scénario s’est répété un soir avant les vacances d’été. Sous l’emprise de A______, leurs rencontres se sont poursuivies durant une année et demie. Toutefois, ils n’ont jamais entretenu de relations sexuelles. Elle a mis fin à leur relation après avoir appris que A______ se comportait de la même manière avec d’autres élèves du collège" (p. 7, let. b) ;

- "L'ancien directeur du Collègue de L______ […] a fait état de « bruits », selon lesquels A______ raccompagnait certains élèves en voiture […] Un ancien enseignant du Collège […] a encore indiqué que les rumeurs, selon lesquelles A______ entretenait des relations sexuelles avec des élèves féminines dans son véhicule, sur le parking du collège, et rapportées en 2008 par un de ses collèges, lui paraissaient « invraisemblables ». Ces mêmes rumeurs ont été également avancées par un autre de ses collègues, qui les situait plutôt en 2012. Qui croire? selon lui. f. Une ancienne enseignante [de l'établissement de formation] AC______ a exposé avoir entendu d'une de ses collègues, vers 1996, que A______ entretenait des relations sexuelles avec certaines élèves. Elle ignorait si sa collègue avait personnellement vu A______ agir de la sorte. Elle-même ne disposait d'aucun élément concret à ce sujet. Lorsque ces faits ont été relayés par la presse, à la fin 2017, elle a interpellé, par courriel, l’ancienne Conseillère d’Etat en charge du DIP pour lui rappeler qu'à l’époque (1996), elle l’avait avertie de ces rumeurs. Selon ses souvenirs, celle-ci lui avait indiqué qu’elle allait mener une enquête. Toutefois, étonnamment, elle n’avait jamais eu de retour, jusqu’à ce qu’elle apprenne par la presse, de nouveau, que l'ancienne Conseillère d'Etat aurait à l’époque téléphoné à l'ancien directeur du collège […] Vu le témoignage précité, il est apparu utile d'entendre l'ancienne Conseillère d'Etat, qui au surplus s'est exprimée à plusieurs reprises dans les médias, notamment sur le comportement de "séducteur" de A______ […] Lors de son audition, l’ancienne Conseillère d’Etat a indiqué n'avoir - jusqu'en 2002 - jamais eu vent de comportements déplacés de la part de A______ envers ses élèves. Jusqu’à cette date, le directeur du collège ne lui avait jamais rapporté de faits critiquables concernant A______ […] S’agissant des propos de l’ancienne enseignante à la presse, relayés notamment par [le journal] X______ du ______ novembre 2017, l’ancienne Conseillère d’Etat a précisé que : « Lorsque j'ai reçu son courriel, j'y ai répondu contrairement à mes règles habituelles. J'y ai répondu en affirmant - de façon erronée mais pour avoir la paix - que je me souvenais parfaitement du téléphone qu'elle évoquait. Dans les faits, je ne me souviens d'aucun téléphone avec Mme (Y______) et la probabilité que j'y ai répondu était quasi nulle, puisque les appels parvenaient à la centrale et non sur ma ligne privée. Je ne me souviens pas non plus de l'avoir appelée […] Lorsque j'ai indiqué que je me souvenais de ce qu'elle évoquait c'était pour éviter toute polémique. C'est une sottise de ma part d'avoir répondu de la sorte à cette dame. Quand la journaliste [du journal] X______ m'a téléphoné, - en possession du courriel que j'avais envoyé en réponse à Mme (Y______), je lui ai demandé à quelle période ce téléphone était censé avoir eu lieu. Cette dernière m'a répondu qu'elle ne pouvait pas le dire, pas plus que Mme (Y______) apparemment. Nous parlons donc ici d'un téléphone dont personne n'est capable de dire quand il a eu lieu »" (p. 9, 10 et 11, let. d, e, f et b.) ;

- "Le 10 octobre 2018, Z______, assistée de son avocat, a expliqué avoir suivi, de 1993 à 1995, les 3ème et 4ème années de l'enseignement secondaire au collège de L______, en section ______. Durant ces deux années, A______ était son maître de classe et enseignant de ______. Dès le premier jour de classe, celui-ci a expliqué à ses élèves être un enseignant pas comme les autres, en ce sens qu'il aimait les connaître et se rapprocher d’eux, ce qui a surpris dans un premier temps Z______. Toutefois, petit à petit, A______ a su la mettre en confiance en louant ses capacités artistiques, en l'encourageant dans cette voie et en l’invitant à prendre des repas. Ce faisant, une relation privilégiée s’est installée entre l’enseignant et l’élève. Par contre, Z______ s’est coupée progressivement de son entourage, du fait que A______ lui expliquait que ses fréquentations ne lui permettaient pas de s'épanouir. En 1995, alors inscrite à l'Université, en automne, elle s’est sentie « un peu perdue » et isolée. Elle a ressenti le besoin de reprendre contact avec A______. Ainsi, un soir alors qu’elle l’attendait chez elle, ils ont entretenu leur première relation sexuelle. Elle n’a parlé à personne de cette relation, malgré sa souffrance, si ce n’est à un thérapeute qui la suivait, ce qui a déplu à A______, qui a mis un terme à leur relation. Celle-ci a toutefois repris dès la fin de sa thérapie et jusqu’à 1997, date à laquelle Z______ a cessé définitivement d’entretenir des relations sexuelles avec A______ qu’elle n’a plus revu jusqu’à l’année 2000" (p. 12, let. a) ;

- "Entendue le même jour, AA______, assistée de son avocat, a expliqué avoir suivi l'enseignement secondaire au collège de L______, de 1988 à 1992. A______ était son enseignant de ______ et son maître de classe lorsqu'elle se trouvait en 3ème et 4ème années. Il avait la réputation d'être un enseignant hors normes. Il menait des projets ______, comme par exemple ______. Ses projets enthousiasmaient ses élèves. Il partageait les repas ou buvait des cafés avec ses élèves, garçons ou filles, individuellement ou parfois en groupe, à l'extérieur de l'établissement. Elle-même était l’élue de A______ et s’en sentait flattée. Petit à petit, leurs rendez-vous à l’extérieur du collège se multipliaient. Ainsi, au début de la 4ème année, alors qu’elle était devenue majeure, leurs relations sont devenues « plus intimes ». A______ lui avait dit textuellement avoir attendu sa majorité pour entretenir avec elle des relations sexuelles, « contrairement à un de ses collègues ». Toutefois, pour elle qui était sous l’emprise psychologique de son enseignant, il ne s’agissait pas d’une relation amoureuse normale. Ces relations intimes ont pris fin rapidement suite à l’intervention de son petit ami, ancien élève [du Collège] de L______, qui s’est adressé directement à A______, puis à la doyenne du collège. Elle-même n’en a parlé à personne, si ce n’est à son petit ami, par crainte de subir les représailles de son enseignant et maître de classe […] A l'issue de son audition, AA______ a sollicité que son ancien ami […] soit entendu" (p. 13, let. b) ;

- Entendu le 12 octobre 2018, AB______ a déclaré ceci : "[…] Sa « petite amie » […] a expliqué que A______ l'avait embrassée alors qu'il l'avait ramenée en voiture. Après Pâques, elle lui a avoué avoir entretenu des relations sexuelles avec lui, la première fois dans une salle des maîtres d'un cycle d'orientation et une autre fois dans sa voiture. Vexé, AB______ a pris contact avec A______ et ils se sont donné rendez-vous dans un café, en ville. A______, qui a nié avoir eu des relations sexuelles avec sa « petite amie », lui a fait comprendre qu'il aurait des problèmes s'il en parlait à quiconque. Malgré la menace, AB______ a contacté la doyenne [du Collège] de L______, qui l'a reçu dans son bureau et lui a indiqué qu'elle allait rapporter ses propos au directeur du collège, tout en ajoutant que ses dires pourraient être considérés comme mensonge ou délation, à moins que sa « petite amie » ne dénonce les faits elle-même. Lorsqu'il a indiqué que cette dernière avait peur et qu'elle devait encore passer ses examens de maturité avec A______, la doyenne lui a fait comprendre que les éventuelles mesures de protection à prendre pour sa « petite amie » ne dépendaient pas d'elle" (p. 14, let. c) ;

- "Le dossier administratif concernant A______ ne contient aucun document, note ou élément de quelque ordre que ce soit permettant de retenir à son encontre la moindre suspicion d'atteintes à l'intégrité sexuelle d'élèves" ;

- Sur l'"Objectif 1", les experts ont conclu : "En conclusion, il résulte des déclarations de toutes les personnes entendues qu'il existe incontestablement une règle tacite dans le milieu de l'enseignement public, selon laquelle les relations sexuelles, entre un enseignant et un ou une élève, même majeur-e, ne sont pas acceptées dans le cadre scolaire, ni par la direction ni par les enseignants eux-mêmes. Alors que A______ enseignait à Genève, aucune des élèves supposées victimes ni aucun-e enseignant-e du collège n'a formulé de critiques ou de plaintes sur son comportement dans ses activités scolaires et parascolaires. Au surplus, les prétendues rumeurs sur un comportement d'abus sexuel de la part de A______ sur des élèves, notamment celles fournies par l’ancienne enseignante [de l'établissement de formation] AC______ et relayées par la presse en novembre 2017, ne reposent sur aucun fondement sérieux tant elles ont été colportées de manière confuse aussi bien sur la période concernée que sur leur contenu. De même, si une suite, certes insatisfaisante, a été donnée à la dénonciation du jeune homme sur les éventuelles relations sexuelles de A______ avec sa « petite amie », notamment par l’audition de celui-ci par le directeur, force est de relever que ce dernier a manqué d’à-propos, mais n’a pas failli à la règle selon laquelle la personne concernée devait dénoncer elle-même les actes subis. Enfin, très récemment, début juin 2018, lors du quarantième anniversaire du collège de L______, une ancienne élève, avocate et politicienne connue à Genève, a confirmé à un des enseignants en poste depuis la création du collège qu'elle avait elle-même été élève de A______ et n'avait jamais remarqué de comportement inadéquat de sa part au niveau sexuel, si ce n'est qu'il imposait son autorité en tant qu'enseignant de façon excessive. L'audition d’anciennes élèves ayant témoigné dans [le journal] I______ a également permis de constater que les comportements reprochés à A______ n'ont pas été rapportés aux membres des directions des collèges ou des RH du DIP. Aucun des témoignages recueillis n’a permis d'établir que le DIP aurait eu connaissance d'allégations un tant soit peu fondées d'atteintes à l'intégrité sexuelle de ses élèves de la part de A______ à l'époque où il enseignait au CO de K______ et [au Collège de] L______. Seules ses activités liées à son idéologie religieuse, à l'extérieur des établissements du DIP, et à son aura dû à des compétences reconnues généraient agacements et méfiance chez ses pairs et ses supérieurs hiérarchiques" (p. 16 et 17, let. e) ;

- "F. Conclusions Les soussignés rappellent que les affaires d'abus sexuel supposés et impliquant A______ ont fait l'objet de divers articles dans les médias genevois, au moment où le mouvement pour la libération de la parole sur le harcèlement et les violences sexuelles prenait de l'ampleur. Les cas mentionnés par la presse genevoise à la fin de l'année 2017 se rapportaient à des faits anciens de plus de 25 ans, dont les personnes qui s'en disaient victimes souhaitent demeurer anonymes. Il convient dès lors de rester prudent face aux investigations menées par des journalistes selon des critères qui pèsent aujourd'hui sur le dossier à un double titre :

- certaines personnes impliquées à des degrés divers dans la présente enquête se sentent accusées et adoptent une position défensive voire parfois agressive ;

- dans un tel contexte, peu neutre, les souvenirs des personnes susceptibles d'apporter des renseignements objectifs sont sujets à être d'autant plus dénaturés qu'ils sont très anciens.

Les conclusions suivantes peuvent être tirées des auditions effectuées du 26 avril au 29 octobre 2018 et de l'analyse des dossiers archivés au DIP durant le mois de juillet 2018 (cf. ch. E 2.1, 2.2. et 2.3 supra) : 1. Les enseignants et les anciens élèves de L______ auditionnés s'accordent à admettre que, durant son parcours d'enseignant à Genève, A______ a su utiliser son charisme intellectuel dominant pour susciter, en particulier auprès de ses élèves féminines, admiration, voire fascination. Il a laissé l'image d'un enseignant brillant, admiré tant par ses collègues que par ses élèves tout en dégageant une impression de « séducteur » autoritaire. 2. L'approche de la problématique liée aux relations sexuelles entre enseignants et élèves paraît aujourd'hui différemment prise en compte qu'elle ne l'était dans les années 80-90, où discrétion et pudeur prévalaient. Les problèmes se réglaient sans publicité, ce qui confinait pour certaines personnes à une forme d'« omerta » […] 11. Aucun élément dégagé lors de leur enquête ne permet aux soussignés de conclure à un véritable dysfonctionnement du DIP dans le traitement des atteintes à l'intégrité sexuelle des élèves par des enseignants […] Il est recommandé au Conseil d'Etat de rendre public ce bilan dans le but, d'une part de redonner confiance aux élèves et à l'institution et d'autre part, de réaffirmer clairement l'absence de toute tolérance quant aux relations sexuelles entre enseignants et élèves" (p. 25, 26, 29 et 32).

j. Dans son édition du 22 novembre 2018, AD______ [station de radio privée], soit pour elle AE______, a publié, sous titre "Des manquements pointés du doigt dans l'affaire A______ à Genève" : "Pas de dysfonctionnements mais des manquements. C'est en substance le message qui ressort de l'enquête très attendue menée sur les abus à l'école dans le canton de Genève. AD______ s'est procuré le rapport confidentiel remis au Conseil d'Etat le 31 octobre dernier. L'analyse porte essentiellement sur la situation du collège de L______ où A______ a enseigné entre les années 90 et 2000. C'est la première fois que la parole des témoins figure dans un document officiel. Les auteurs du rapport, les anciens juges AF______ et AG______, ont enquêté sur trente ans et ont entendu une cinquantaine de personnes dont quatre anciennes élèves de A______ en poste entre 1984 et 2004 au cycle d'orientation de K______ puis au collège de L______. Toutes ont évoqué le comportement inapproprié, voire plus, de [A______], poursuivi aujourd'hui par la justice française pour des viols présumés. Alors qu'il était doyen et enseignant de ______, ce dernier aurait tenté de séduire sans succès l'une de ses élèves âgées de 14 ans et serait parvenu à entretenir des relations sexuelles avec les trois autres élèves âgées de 15 à 18 ans. Mais malgré plusieurs alertes aux doyens et directeurs de l'époque, le Département de l'instruction publique (DIP) n'a pas failli, selon les juges. Les experts rappellent qu'il faut rester prudent pour plusieurs raisons. Premièrement, certaines personnes impliquées se sentent « accusées » par l'enquête et adoptent une position défensive. D'autre part, après la vague du mouvement #metoo – la libéralisation de la parole des femmes –, certaines d'entre elles peuvent apporter des témoignages qui risquent d'être dénaturés car les faits remontent à plusieurs dizaines d'années […] Par ailleurs, F______ a admis avoir menti à la presse. Elle avait été informée que A______ aurait entretenu des relations intimes avec certaines de ses élèves. Une enseignante à la retraite et féministe a indiqué, à une journaliste, l'avoir avertie personnellement par téléphone dans les années 1990. Ce n'étaient que « des rumeurs », s'est défendue publiquement l'ancienne magistrate […] L'emprise psychologique et les menaces de l'homme charismatique reviennent également dans les différentes auditions […]".

k. Le ______ 2018, soit deux jours avant la publication du rapport des experts le ______ 2018, C______ a fait état dudit rapport sur le site internet de son employeur, dans un écrit de moins de sept cent mots, comportant quatre titre et sous-titres ainsi que six paragraphes (publié le ______/2018 à 15h47 - modifié le ______/2018 à 17h58 [source : site internet E______].

L'article de C______ a la teneur suivante : "Le gouvernement genevois confirme les accusations portées contre A______ [titre] Selon un rapport commandé par le Conseil d'Etat, A______ a bien eu des relations sexuelles avec certaines de ses élèves, âgées de 15 à 18 ans [sous-titre] A peine sorti de prison en France, A______ est rattrapé par son passé d'enseignant en Suisse. L'enquête, commandée par le gouvernement du canton de Genève sur les abus à l'école, porte principalement sur le Cycle d'orientation de K______ et sur le collège de L______, où A______ a enseigné ______ entre 1984 et 2004. Ce rapport confidentiel, remis au Conseil d'Etat (gouvernement) le 31 octobre dernier, vient d'être révélé par AD______. Les enquêteurs, deux anciens juges, ont entendu une cinquantaine de personnes, dont quatre anciennes élèves du prédicateur. On peut lire que A______ « aurait tenté de séduire sans succès l'une de ses élèves, âgée de 14 ans, et serait parvenu à entretenir des relations sexuelles avec les trois autres élèves âgées de 15 à 18 ans ». Le rapport rapporte que ce professeur de ______ invitait individuellement tous ses élèves, garçons et filles, à prendre les repas de midi dans un restaurant en dehors de l'école. « Lorsque ce fut le tour d'une des victimes présumées, il l'a prise de charge sur le siège avant du passager et posa sa main droite sur la cuisse gauche, en lui tenant des avances inappropriés et intrusives ». « Des bleus sur tout le corps » [sous-titre] Une autre élève fait état d'attouchements sexuels dans la voiture de A______. « L'emprise psychologique et les menaces de l'homme charismatique reviennent également dans les différentes auditions », constate le rapport. Ces informations ne font que confirmer les reportages parus dans la presse suisse dès novembre 2017. « Le professeur A______ séduisait ses élèves mineures » titrait le ______ novembre 2017 [le journal] I______. Une ancienne élève confiait avoir été « abusée et violentée ». « J'ai eu des relations sexuelles avec lui. Il était marié et père de famille. Cela s'est passé trois fois, notamment dans sa voiture. C'était consenti mais très violent. J'ai eu des bleus sur tout le corps. Il m'a toujours fait croire que je l'avais cherché », déclarait-elle. A______ avait alors aussitôt annoncé qu'il déposerait une plainte pénale contre X pour diffamation, voire calomnie. Un an plus tard, il ne l'a toujours pas fait. Sous l'angle pénal, en Suisse, un professeur qui a des rapports sexuels avec un élève de moins de 16 ans risque une peine de prison de cinq ans, et sur un mineur de 16 à 18 ans, trois années de détention. Mais dans l'affaire A______, il y a prescription. Pour le prédicateur, le préjudice ne peut être que moral. Mais ces révélations risquent d'avoir une influence sur la justice, en France, comme en Suisse où A______ est également mis en examen pour viol. La ministre était informée [sous-titre] […] Quant à F______, ministre de l'Instruction publique à l'époque, elle reconnaît avoir menti à la presse en évoquant de « simples rumeurs ». En fait, elle aurait bien été informée que A______ entretenait des relations intimes avec certaines de ses élèves. Notamment par une enseignante à la retraite et « féministe » […]".

l. Le 30 janvier 2019, A______ a déposé plainte pénale contre C______, estimant que l'article paru le ______ 2018 sur le site internet du journal E______ était attentatoire à son honneur, dès lors qu'il y était accusé d'avoir entretenu des relations sexuelles avec certaines de ses élèves, âgées de 15 à 18 ans, c'est-à-dire d'avoir commis des actes pénalement répréhensibles. Les allégations de C______ étaient en totale contradiction avec le contenu du rapport du Conseil d'État, en particulier avec les propos des élèves auditionnées qui étaient mineures à l'époque des faits. Les citations de C______, rapportées en guillemets, ne constituaient pas une conclusion du rapport, en particulier l'une d'elle qui n'était qu'une citation indirecte d'un article de I______ du ______ novembre 2017, exposée dans le préambule du rapport du Conseil d'État dans le but de contextualiser les événements. L'une des citations rapportées entre guillemets ne figurait même pas dans le rapport. Les propos de C______ portaient gravement atteinte à sa réputation. La bonne foi de C______ devait d'emblée être exclue, compte tenu du fait qu'il feignait, à dessein, de citer le rapport du Conseil d'État pour tenter de justifier, auprès de ses lecteurs, la véracité de ses propos attentatoires à l'honneur. La publication de C______ était constitutive de diffamation (art. 173 CP), voire de calomnie (art. 174 CP).

A______ dénonçait, en particulier, les passages suivants :

- Le titre de l'article : "Le gouvernement genevois confirme les accusations portées contre A______" et son sous-titre : "Selon un rapport commandé par le Conseil d'Etat, A______ a bien eu des relations sexuelles avec certaines de ses élèves, âgées de 15 à 18 ans" ;

- Dans le deuxième paragraphe : "On peut lire que A______ « aurait tenté de séduire sans succès l'une de ses élèves, âgée de 14 ans, et serait parvenu à entretenir des relations sexuelles avec les trois autres élèves âgées de 15 à 18 ans »" ;

- Dans le troisième paragraphe : "« L'emprise psychologique et les menaces de l'homme charismatique reviennent également dans les différentes auditions », constate le rapport" ;

- Dans le cinquième paragraphe : "Quant à F______, ministre de l'Instruction publique à l'époque, elle reconnaît avoir menti à la presse en évoquant de « simples rumeurs ». En fait, elle aurait bien été informée que A______ entretenait des relations intimes avec certaines de ses élèves. Notamment par une enseignante à la retraite et « féministe »".

m. Entendu par le Ministère public (MP), C______ a confirmé être l'auteur de l'article en cause, précisant que celui-ci n'avait pas été repris dans la version papier du journal. Il avait lu le rapport avant d'écrire son article – il ne s'était donc pas fondé exclusivement sur le compte-rendu que AD______ en avait fait. Son but était de montrer que les allégations parues dans la presse avaient été confirmées par le rapport. Il ne considérait pas que la phrase "les prétendues rumeurs sur un comportement d'abus sexuel de la part de A______ sur des élèves [sont infondées]" soit la conclusion du rapport. Celui-ci, pris dans son ensemble, confirmait l'existence de soupçons de relations sexuelles entre A______ et ses élèves, en particulier les témoignages qui y étaient cités. Il se référait au témoignage de l'élève V______, qui évoquait des attouchements et des propositions à connotation sexuelle avec au moins trois élèves mineures entre 1986 et 1988. Le président du Conseil d'État genevois avait lui-même commenté le rapport en disant qu'il faisait froid dans le dos et que A______ était un "prédateur". Il n'avait pas personnellement rédigé le sous-titre de son article ("Selon un rapport commandé par le Conseil d'Etat, A______ a bien eu des relations sexuelles avec certaines de ses élèves, âgées de 15 à 18 ans") : comme dans toutes les rédactions, les titres n'étaient pas le fait du journaliste lui-même, mais d'un secrétaire de rédaction. Ce sous-titre ne lui avait pas été soumis avant publication et il n'était pas intervenu à son sujet. Il était vrai que la phrase « L'emprise psychologique et les menaces de l'homme charismatique reviennent également dans les différentes auditions » ne figurait pas dans le rapport, mais les expressions "emprise psychologique " et "homme charismatique" y figuraient, à de réitérées reprises. Ce n'était donc pas une invention. Il aurait très bien pu écrire cette phrase sous sa plume. En ce sens, il la maintenait. Il regrettait toutefois les guillemets.

n.a. Au Tribunal, A______ a confirmé sa plainte pénale. Bien qu'il fût une personnalité publique depuis plus de 30 ans, il n'avait porté plainte pour diffamation qu'une seule fois, car il respectait la liberté d'expression. Là, il déposait plainte car cela dépassait les limites : un journaliste écrivait dans un journal de référence, en s'appuyant sur le rapport d'une autorité, tout en en trafiquant le contenu par l'usage impropre de guillemets notamment. C______, qui avait publié plus de 100 articles et deux ouvrages le concernant, était fasciné par sa personne et lui vouait de la haine. Celui-ci sortait un article avant même la publication du rapport, article qui disait le contraire de ce qu'il y avait dans le rapport. Ce rapport avait été exigé pour déterminer si les rumeurs et accusations portées contre lui étaient réelles ou non. Et le rapport constatait que non. Or selon l'article, le rapport confirmait un crime dont il aurait été l'auteur. La malveillance découlait du fait que l'article avait ensuite été repris par une soixantaine d'autres articles, lequel était donc à l'origine de la déferlante médiatique à son encontre car il était question, dans un journal de référence, E______, d'un rapport produit par une autorité étatique. C'était de la manipulation. Il était insulté, tout comme sa famille. Il rappelait qu'il était père, qu'il avait une profession et que, sur la base de cet article, des mensonges étaient colportés dans le monde entier. Il n'avait pas eu de relation sexuelle avec ses élèves. Il n'avait pas commis d'acte d'ordre sexuel avec elles. Ces questions étaient déplacées et le rapport confirmait ses réponses. Il contestait les déclarations de l'élève W______ en particulier, qui parlait d'attouchements sexuels. Le rapport ne parvenait pas à la conclusion qu'il y avait eu emprise de sa part sur ses élèves. Cela faisait 40 ans qu'il enseignait et il ne fallait pas confondre l'emprise avec le fait que ses élèves l'appréciaient. Il n'avait menacé personne, le "petit-ami" en particulier – tout cela n'était que des propos rapportés par des personnes qui devaient justifier de leur silence à l'époque des faits. Et C______ mentait sur le contenu des propos de la Conseillère d'État. Si celui-ci avait cité précisément une témoin le mettant en cause, il ne l'aurait pas poursuivi ; là, C______ écrivait que c'était le Conseil d'État qui le mettait en cause.

n.b. C______ a admis que, même si c'était un secrétaire de rédaction qui avait fait le choix du sous-titre – et du titre –, il s'agissait d'une phrase reprise de son article. À l'époque, il écrivait un livre sur A______ pour les éditions AH______ et, dans ce cadre, enquêtait et entendait des personnes. Il avait appelé un journaliste qu'il connaissait, à [la radio] AD______, au sujet du rapport. Il avait repris une phrase citée par AD______ ([il] « aurait tenté de séduire sans succès l'une de ses élèves, âgée de 14 ans, et serait parvenu à entretenir des relations sexuelles avec les trois autres élèves âgées de 15 à 18 ans », « L'emprise psychologique et les menaces de l'homme charismatique reviennent également dans les différentes auditions »). Il reconnaissait son erreur : il aurait dû dire que c'était AD______ qui avait utilisé ces termes et qu'ils provenaient d'une personne connaissant bien le rapport ; il aurait dû dire que, selon AD______, cette phrase se trouvait dans le rapport. Il ne l'avait pas précisé car il avait eu confiance en la personne, chez AD______, qui lui avait donné l'information. Pour lui, le contenu de son article reflétait la réalité du rapport. Suite à celui-ci, une soixantaine d'autres articles avaient été écrits sur le même thème, parfois avec des titres ou des sous-titres plus explicites, à savoir que A______ couchait avec ses élèves. Le président du Conseil d'État, AI______, s'était lui aussi exprimé postérieurement à son article, le ______ novembre 2017 – pour sa part il ne se serait pas permis d'utiliser le terme de "prédateur" –, et tout le monde s'accordait à dire que le rapport était accablant pour A______. Quant à la phrase relative à F______ ("elle reconnaît avoir menti à la presse en évoquant de « simples rumeurs »"), il admettait avoir peut-être exagéré. Là aussi, il s'était basé sur ce que les personnes connaissant le rapport lui avaient dit. Il n'avait pas lu la totalité du rapport mais les 32 pages versées au dossier. Il avait parlé aux personnes, dont des journalistes, qui avaient rencontré les quatre anciennes élèves de A______ ainsi que le petit-ami qui avait dénoncé les faits à la doyenne ; il n'avait pas eu de lien direct avec ces témoins. Ces personnes lui avaient dit que le rapport était édulcoré ; elles avaient plus insisté sur la gravité de ce qu'avait pu faire A______ que sur le rapport. Il avait vu le journaliste de AD______ un soir vers 19h00 et avait rédigé l'article le lendemain vers 09h00 – c'était une question de rapidité car l'information avait déjà été donnée par AD______ et il fallait y aller plus rapidement que les autres journaux.

C______ a expliqué qu'en 2017, il y avait eu des "révélations". Des comités de soutien d'anciennes élèves s'étaient formés et il y avait eu une enquête portant sur les dysfonctionnements du DIP, enquête dont l'issue figurait dans le rapport. L'objet de son article était le rapport destiné au Conseil d'État. Il s'agissait de confirmer ou non les soupçons de J______ s'agissant d'éventuels abus commis par A______. Pour lui, c'était là le but du rapport. Ce qui intéressait la presse, en France, c'était ce qui concernait A______, ce qu'il avait fait ou non lorsqu'il était enseignant en Suisse. Or le rapport confirmait les accusations portées contre A______ : la synthèse des 32 pages permettait d'arriver à cette conclusion. Après son propre article, de nombreux journalistes en avaient écrit d'autres allant dans le même sens, ce qui confirmait ce qu'il pensait.

C______ a précisé que pour écrire son article, il s'était basé sur l'article de AD______. Il avait également lu un article [des journaux] I______, R______ et T______, ainsi que du site de [la chaîne de télévision] AJ______, évoquant le témoignage d'anciennes élèves.

C. a.a.a. Dans le cadre de la procédure d'appel, les conseils de A______ ont produit, le 5 octobre 2023, six articles de presse et allégué : "[…] La presse internationale a récemment rendu public le travail d'investigation [du réseau d'investigation journalistique] AK______ relatif aux « AL______ Secrets ». Il apparait que Monsieur AM______ et la société AN______ SA travaillaient pour le compte d'un Etat étranger, à savoir les Emirats Arabes Unis : ils surveillaient et propageaient des mensonges et des rumeurs sur des ressortissants suisses, dont Monsieur A______, de façon totalement illégale, en violation possible des articles 271 et 272 CP. Monsieur AM______, directeur de la société AN______ SA, a cherché à désinformer le public, à propager de fausses rumeurs concernant Monsieur A______ et a payé des journalistes, dont Monsieur C______ (selon les documents découverts par [le réseau] AK______), pour ce faire et ainsi anéantir la réputation de notre mandant. Il ressort de l'enquête de AK______ que ces « services » ont été proposés aux responsables émiratis lors d'une réunion qui s'est tenue en août 2017 à AL______ […] Les agissements illicites décrits supra démontrent à l'envie que Monsieur C______, sous couvert de journalisme, agissait illicitement pour les intérêts d'un Etat étranger, en étant indirectement financé pour ce dernier, dans le seul but de dire du mal de notre mandant, voire de détruire sa réputation […]".

Le 19 juillet 2023, A______ a dénoncé pénalement AM______, AN______ SA et C______ au Ministère public de la Confédération [MPC] pour soupçons d'infractions aux art. 271 et 272 CP – la procédure est en cours (SV.23.1______).

a.a.b. Aux débats d'appel, A______ a persisté dans sa plainte pénale. Le rapport rendu à la demande du Conseil d'État genevois disait des choses extrêmement claires, rapportant les propos de témoins. Or C______, journaliste rémunéré pour attenter à sa réputation, avait transformé les termes du rapport. Les deux mineures disaient clairement qu'il n'avait pas entretenu de relations sexuelles avec elles. C______ mentait donc dans son article, sur le témoignage de ces deux élèves en particulier. Il mentait encore lorsqu'il rapportait les propos de F______, en soutenant qu'elle avait menti. Lorsque l'on rapportait des propos en utilisant des guillemets alors que ces propos n'avaient pas été tenus, il s'agissait d'un mensonge. Pour sa part, il s'en tenait aux faits. Il avait travaillé dans plusieurs établissements scolaires, des cycles, des collèges, des institutions académiques et il n'y avait jamais eu la moindre plainte contre lui. Il pensait que C______ avait de la haine envers lui et qu'il le ciblait ; mais en apprenant l'existence d'une réunion à AL______, en août 2017, lors de laquelle AN______ SA, société genevoise, avait proposé au gouvernement émirati qu'il lui verse quelque 8,8 millions de dollars pour cibler des musulmans honnêtes et porter atteinte à leur réputation, et que C______ était rémunéré pour cela, tout était dit. Le mensonge, caractérisé, avait pour but d'induire le public en erreur et de salir sa personne. C______ transformait le rapport en utilisant des guillemets de façon impropre, de sorte qu'il ne pouvait justifier de sa bonne foi. L'article n'était pas maladroit : il était diffamatoire – quand on reprochait à un homme d'avoir commis un crime en couchant avec des élèves mineures, on n'était pas maladroit.

A______ a réclamé CHF 1.- à titre de réparation du tort moral. On l'accusait d'avoir eu des relations sexuelles avec des mineures, ce qui constituait un crime. Il était donc atteint dans sa dignité, dans son honneur en tant que personne, et dans sa déontologie de professeur.

a.b. C______ a persisté dans ses déclarations. Madame AE______, de AD______, lui avait remis le rapport des experts, de main à la main, la veille de la rédaction de son article. Il avait lu le rapport dans son intégralité avant de rédiger l'article. C'était donc sur le rapport qu'il s'était fondé et non sur l'article de AD______. Il avait connaissance, en rédigeant l'article, du rapport dans son entier, de la conclusion intermédiaire en pages 16 et 17 en particulier. Le contenu de la phrase "L'emprise psychologique et les menaces de l'homme charismatique reviennent également dans les différentes auditions" lui semblait, à l'époque comme aujourd'hui, correct. En parlant des "menaces de l'homme charismatique", il pensait aux menaces de A______ envers ses élèves pour qu'elles cèdent à ses avances. Le titre de l'article "Le gouvernement genevois confirme les accusations portées contre A______" n'était pas totalement exact, il aurait fallu préciser que c'était un rapport commandé par le Conseil d'État. Le président du gouvernement genevois avait été très clair en disant : "ce rapport fait froid dans le dos, on a affaire à un prédateur qui s'est servi de son poste d'enseignant pour assouvir ses besoins" ; ces propos avaient été rapportés dans la presse le 29 novembre 2018. Il s'était, quant à lui, excusé auprès du Procureur général, tout comme en première instance : il aurait dû préciser que les propos cités entre guillemets ne ressortaient pas du rapport mais lui avaient été rapportés par des tiers. Il maintenait toutefois que ces propos étaient exacts, ce qui expliquait que le Procureur général ne l'avait pas poursuivi.

C______ a rappelé que c'était un secrétaire de rédaction qui avait rédigé le titre de l'article. La rédaction, à H______ [France], savait qu'il y avait eu un article de Madame J______ précédemment. Il était dans l'incapacité de donner le nom du secrétaire de rédaction, plus de quatre ans après les faits. Il s'associait au sous-titre de l'article ; il y avait eu 65 articles de synthèse du rapport des experts qui allaient tous dans le même sens. Le fait que A______ avait eu des relations sexuelles avec des mineures lui avait été rapporté par des personnes connaissant bien le dossier et c'était ce qu'avaient déclaré les jeunes filles en question, ce qui ressortait de leurs témoignages. Ces indications lui avaient été données par des tiers, dont une journaliste et une élue, et il avait fait l'erreur de ne pas mentionner qu'elles lui avaient été rapportées par elles. On lui avait dit que le rapport était édulcoré. Il s'était excusé auprès du Procureur général s'agissant des principes de rédaction mais il maintenait que les informations qu'il avait données étaient exactes. Il n'avait pas rédigé l'article conformément à ce qui devait être acté quand on était journaliste. Il connaissait AN______ SA ; ils avaient eu des échanges d'informations, dans les deux sens. Cette société l'avait défrayé pour des déplacements, repas et nuits d'hôtel, mais ne l'avait pas rémunéré. Jamais il n'avait reçu le moindre centime pour l'article en question.

C______ n'a pas acquiescé à l'action civile.

b.a. Par la voix de ses conseils, A______ persiste dans ses conclusions. L'enjeu était de déterminer si C______ avait retranscrit fidèlement le rapport. Tel n'était pas le cas. C______ avait dissimulé le vrai, trompé le public et porté atteinte à sa personne en lui prêtant un comportement criminel. Aucune des deux élèves mineures n'avait dit ce que l'article disait. On ne l'avait, quant à lui, jamais entendu ; jamais il n'avait pu s'expliquer. Il fallait douter que C______ n'ait écrit ni le titre ni le sous-titre. Peu importait : celui-ci ne les infirmait pas et s'y associait. Les journalistes ne jouissaient d'aucun privilège et devaient faire preuve d'une prudence particulière en cas de large diffusion d'un article. Les éléments constitutifs de l'art. 174 CP étaient ainsi réunis. Sous l'angle de l'art. 173 CP, le droit à la preuve libératoire devait être écarté et, en tout état, la bonne foi niée.

A______ dépose un état de frais pour la procédure préliminaire et de première instance qui comptabilise au total, estimation de la durée de l'audience à hauteur de quatre heures comprise, 31 heures et 48 minutes d'activité de chefs d'Etudes à CHF 450.-/heure, 37 heures et 18 minutes d'activité de collaborateur à CHF 350.-/heure et 64 heures et six minutes d'activité d'avocat-stagiaire à CHF 150.-/heure. Il produit également un état de frais complémentaire en lien avec la procédure d'appel, qui comptabilise au total 22 heures et six minutes d'activité de chefs d'études au tarif horaire de CHF 450.-, 8 heures et 54 minutes d'activité de collaborateur au tarif horaire de CHF 350.- et quatre heures d'activité de stagiaire à CHF 150.-/heure.

b.b. Par la voix de son conseil, C______ conclut à l'acquittement. Pour les titre et sous-titre, sa responsabilité n'était pas engagée (art. 28 CP). Il admettait que son article n'était pas conforme aux canons journalistiques (guillemets). C'était toutefois une brève, visant une actualité brûlante et devant être rédigée au plus vite. Il fallait avoir une conception large de la notion de "relations sexuelles", qui englobait les actes d'ordre sexuel avec des enfants. L'article s'adressait à un large public et disait que ce n'était pas là le comportement qu'un enseignant devait avoir, que de partager un acte d'ordre sexuel avec des collégiennes. Les termes "emprise" et "charismatique" figuraient bien dans le rapport et la "menace" ressortait du témoignage de AB______. Il n'avait donc pas trompé le public sur le rapport. La preuve libératoire, à laquelle il devait être admis, était ainsi rapportée. La Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) n'avait pas à se saisir du volet F______ pour le surplus, qui ne concernait pas le plaignant.

C______ produit trois notes d'honoraires complémentaires relatives à l'activité déployée par son défenseur de choix dans le cadre de la procédure d'appel, qui s'élèvent respectivement à CHF 4'173.75, CHF 8'505.- et CHF 4'838.75, hors durée effective de l'audience d'appel, soit quatre heures et 10 minutes.

D. a. C______ est âgé de 73 ans, de nationalité française, célibataire, sans enfant à charge. Correspondant permanent pour le journal E______ à Genève, il perçoit un salaire de EUR 2'000.- par mois.

b. C______ n'a pas d'antécédent inscrit au casier judiciaire suisse.


 

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. Selon l'art. 3 al. 1 CP, le Code pénal est applicable à quiconque commet un crime ou un délit en Suisse. Un crime ou un délit est réputé commis tant au lieu où l'auteur a agi ou aurait dû agir qu'au lieu où le résultat s'est produit (art. 8 al. 1 CP).

Les délits contre l'honneur ne sont pas des infractions de lésions ou de résultat mais sont considérés comme de simples délits formels (SJ 2005 I 461 consid. 3.6 ; B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, Vol. II, 3ème éd., n. 46 ad art. 173). Il convient toutefois de relativiser la portée de la classification typologique des infractions et d'admettre un rattachement territorial fondé sur le lieu de survenance du résultat également en matière de délits formels et de délits de mise en danger abstraite. Il suffit que, selon l'idée de l'auteur, le résultat dût se réaliser en Suisse (ATF 141 IV 336 consid. 1.2). En cas de propos attentatoires à l'honneur tenus à l'étranger par voie d'internet, l'auteur des propos ne sera punissable en Suisse que dans la mesure où il a agi en sachant qu'il serait lu par le public suisse ou par une catégorie de personnes en faisant partie, tout en le voulant ; à cet égard, le caractère ciblé du public auquel s'adresse l'écrit diffamant est déterminant (SJ 2005 I 461 consid. 3.8).

2.1.2. La procédure ne permet pas de déterminer où C______ a rédigé l'article incriminé. S'il l'a rédigé en Suisse, le Code pénal est assurément applicable. À supposer qu'il l'ait rédigé en France, l'intimé savait qu'il serait lu en Suisse, vu la nature du sujet abordé : commandé par le Conseil d'État, le rapport visait le DIP, son fonctionnement, l'un de ses anciens enseignants en particulier, soit l'appelant, citoyen suisse alors domicilié à Genève, de sorte que l'article était davantage susceptible d'intéresser le lecteur genevois que le lecteur français. Il faudrait donc admettre que le complexe de faits à juger doive être rattaché à la Suisse. Les parties, la défense en particulier, ne contestent au demeurant pas la compétence de la Cour de céans.

2.2.1. Pour les délits contre l’honneur, l’action pénale se prescrit par quatre ans (art. 178 al. 1 CP). La prescription ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu (art. 97 al. 3 CP). Sont des jugements de première instance, au-delà desquels la prescription ne court plus, non seulement les prononcés de condamnation, mais également ceux d'acquittement – il n'y a pas de raison objective de s'écarter du texte clair de la loi (ATF 139 IV 62 consid. 1.5.9).

2.2.2. Les faits poursuivis datent du 26 novembre 2018. Le jugement du TP a été rendu le 1er novembre 2022. La prescription ne court donc plus depuis cette date. Il n'existe, partant, pas d'empêchement de procéder. Ce point n'est pas davantage discuté par les parties.

2.3.1.1. La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe "in dubio pro reo", concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait (ATF 148 IV 409 consid. 2.2).

2.3.1.2. À teneur de l'art. 173 CP, quiconque, en s’adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l’honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, quiconque propage une telle accusation ou un tel soupçon, est, sur plainte, puni d’une peine pécuniaire (ch. 1). L’auteur n’encourt aucune peine s’il prouve que les allégations qu’il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu’il a des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies (ch. 2). L’auteur n’est pas admis à faire ces preuves et il est punissable si ses allégations ont été articulées ou propagées sans égard à l’intérêt public ou sans autre motif suffisant, principalement dans le dessein de dire du mal d’autrui, notamment lorsqu’elles ont trait à la vie privée ou à la vie de famille (ch. 3). Si l’auteur reconnaît la fausseté de ses allégations et les rétracte, le juge peut atténuer la peine ou renoncer à prononcer une peine (ch. 4). Si l’auteur ne fait pas la preuve de la vérité de ses allégations ou si elles sont contraires à la vérité ou si l’auteur les rétracte, le juge le constate dans le jugement ou dans un autre acte écrit (ch. 5).

2.3.1.3. L'art. 173 ch. 1 CP protège la réputation d'être une personne honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'homme (ATF 132 IV 112 consid. 2.1). Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut se fonder non pas sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon la signification qu'un destinataire non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (ATF 148 IV 409 consid. 2.3.2 ;
133 IV 308 consid. 8.5.1). Selon la jurisprudence, un texte doit être analysé non seulement en fonction des expressions utilisées, prises séparément, mais aussi selon le sens général qui se dégage du texte dans son ensemble. Ce qui précède ne signifie cependant pas qu'il faille faire abstraction de l'impact particulier d'un titre ou d'un intertitre. Rédigés en plus gros caractères et en gras, ceux-ci frappent spécialement l'attention du lecteur. Très généralement, ils sont en outre censés résumer très brièvement l'essentiel du contenu de l'article. De plus, il n'est pas rare que des lecteurs, parce qu'ils n'en prennent pas la peine ou parce qu'ils n'en ont pas le temps, ne lisent que les titre et intertitre, par lesquels ils peuvent être induits en erreur si leur contenu ne correspond pas à celui de l'article (arrêt du Tribunal fédéral 6S_862/2000 du 20 mars 2001 consid. 1a). Aussi la jurisprudence a-t-elle admis le caractère diffamatoire d'un intertitre faisant état d'une escroquerie à l'assurance, quand bien même il ressortait de l'article qu'aucune condamnation de ce chef n'avait encore été prononcée (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.3 ; 116 IV 31 consid. 5b).

Du point de vue subjectif, l'art. 173 ch. 1 CP exige que l'auteur ait eu conscience du caractère attentatoire à l'honneur de ses propos et qu'il les a néanmoins proférés (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.6).

2.3.1.4. La jurisprudence et la doctrine interprètent de manière restrictive les conditions énoncées à l'art. 173 ch. 3 CP. En principe, l'accusé doit être admis à faire les preuves libératoires et ce n'est qu'exceptionnellement que cette possibilité doit lui être refusée. Pour que les preuves libératoires soient exclues, il faut, d'une part, que l'accusé ait tenu les propos attentatoires à l'honneur sans motif suffisant (d'intérêt public ou privé) et, d'autre part, qu'il ait agi principalement dans le dessein de dire du mal d'autrui. Ces deux conditions doivent être réalisées cumulativement pour refuser les preuves libératoires. Ainsi, l'accusé sera admis aux preuves libératoires s'il a agi pour un motif suffisant (et ce, même s'il a agi principalement pour dire du mal d'autrui) (ATF 132 IV 112 consid. 3.1 ; 116 IV 31 consid. 3).

2.3.1.5. Selon la jurisprudence relative à l'art. 173 ch. 2 CP, l'accusé qui a allégué la commission d'une infraction doit en principe apporter la preuve de la vérité par la condamnation pénale de la personne visée. Une exception est admise dans un cas où la poursuite pénale n'est plus possible en raison de la prescription ; dans ce cas, l'accusé doit être autorisé à apporter la preuve de la vérité ou celle de sa bonne foi par d'autres moyens (ATF 132 IV 112 consid. 4.3). Un accusé apporte la preuve de la vérité s'il établit que ce qu'il a dit est vrai ; il peut apporter même des éléments de preuve qui lui étaient inconnus au moment où il s'est exprimé, car la seule question pertinente est celle de la véracité du propos (ATF 124 IV 149 consid. 3a ; 122 IV 311 consid. 2c).

Il résulte de l'art. 173 ch. 2 CP que la bonne foi ne suffit pas, il faut encore que l'accusé établisse qu'il avait des raisons sérieuses de croire à ce qu'il disait. Un devoir de prudence incombe à celui qui porte atteinte à l'honneur d'autrui. Il ne saurait s'avancer à la légère. Pour échapper à la sanction pénale, l'accusé de bonne foi doit démontrer qu'il a accompli les actes que l'on pouvait exiger de lui, selon les circonstances et sa situation personnelle, pour contrôler la véracité de ses allégations et la considérer comme établie. L'accusé doit prouver qu'il a cru à la véracité de ses allégations après avoir fait consciencieusement tout ce que l'on pouvait attendre de lui pour s'assurer de leur exactitude. Une prudence particulière doit être exigée de celui qui donne une large diffusion à ses allégations par la voie d'un média (ATF 116 IV 205 consid. 3 et 3b). L'accusé ne saurait se fier aveuglément aux déclarations d'un tiers. Pour dire si l'accusé avait des raisons sérieuses de tenir de bonne foi pour vrai ce qu'il a dit, il faut se fonder exclusivement sur les éléments dont il avait connaissance à l'époque de sa déclaration ; il n'est pas question de prendre en compte des moyens de preuve découverts ou des faits survenus postérieurement. Il faut donc que l'accusé établisse les éléments dont il disposait à l'époque (ATF 128 IV 53 consid. 2a ; 124 IV 149 consid. 3b ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_479/2022 du 9 février 2023 consid. 5.2 ; 6B_1296/2021 du 30 juin 2022 consid. 5.1.2).

Comme pour la preuve de la vérité, l'auteur supporte, s'agissant de la preuve de la bonne foi, le fardeau de la preuve, la charge de la preuve et le risque de la preuve (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ, Commentaire romand, Code pénal II, Bâle 2017, n. 40 ad art. 173).

2.3.1.6. Lorsqu’une infraction a été commise et consommée sous forme de publication par un média, l’auteur est seul punissable (art. 28 al. 1 CP).

Exception faite du régime particulier découlant de l'art. 28a CP (protection des sources), le journaliste ne bénéficie d'aucun privilège en cas d'atteinte à l'honneur par voie de presse (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.5).

La publication est de nature à accroître le préjudice et implique en principe un devoir étendu de vérification. Si la communication de presse répond à un intérêt public et s'il y a urgence, on peut se montrer moins sévère en tenant compte des conditions dans lesquelles la presse d'information doit travailler, mais on doit aussi, d'un autre côté, apprécier la gravité de l'atteinte, notamment en raison de sa large diffusion. S'il n'est pas possible d'appuyer un soupçon ou une affirmation sur des bases suffisantes, il faut s'abstenir (B. CORBOZ, op. cit., n. 80 et 86 ad art. 173).

L'auteur d'un écrit est notamment celui qui le conçoit et le rédige lui-même ou le fait rédiger par un tiers ou encore le transmet à la presse pour publication comme étant l'expression de sa pensée. Si l'écrit est le fruit d'une collaboration entre plusieurs auteurs, ils seront tous poursuivis (ATF 128 IV 53 consid. 5e). Les règles de droit commun de la participation s’appliquent, ce qui est notamment le cas si plusieurs auteurs signent un article délictueux ; lorsque des intervenants spécifiques aux médias excèdent les bornes de leur fonction habituelle, ils seront considérés comme auteurs principaux, coauteurs, complices ou instigateurs (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS, Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 25 ad art. 28).

Est un coauteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux ; il faut que, d'après les circonstances du cas concret, la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction. La seule volonté quant à l'acte ne suffit pas ; il n'est toutefois pas nécessaire que le coauteur ait effectivement participé à l'exécution de l'acte ou qu'il ait pu l'influencer. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant. Il n'est pas nécessaire que le coauteur participe à la conception du projet ; il peut y adhérer ultérieurement. Il n'est pas non plus nécessaire que l'acte soit prémédité ; le coauteur peut s'y associer en cours d'exécution. Ce qui est déterminant c'est que le coauteur se soit associé à la décision dont est issue l'infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.1).

2.3.1.7. L'art. 174 ch. 1 CP dispose : quiconque, connaissant la fausseté de ses allégations et en s’adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l’honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, quiconque propage de telles accusations ou de tels soupçons, alors qu’il en connaît l’inanité, est, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. Le calomniateur est puni d’une peine privative de liberté d’un mois à trois ans ou d’une peine pécuniaire de 30 jours-amende au moins s’il cherche de propos délibéré à ruiner la réputation de sa victime (ch. 2).

La calomnie est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue en cela que les allégations attentatoires à l'honneur sont fausses, que l'auteur doit avoir eu connaissance de la fausseté de ses allégations et qu'il n'y a dès lors pas de place pour les preuves libératoires prévues dans le cas de la diffamation. Sur le plan objectif, la calomnie implique donc la formulation ou la propagation d'allégations de fait fausses, qui soient attentatoires à l'honneur de la personne visée. Sur le plan subjectif, la calomnie implique que l'auteur ait agi avec l'intention de tenir des propos attentatoires à l'honneur d'autrui et de les communiquer à des tiers, le dol éventuel étant à cet égard suffisant, et qu'il ait en outre su que ses allégations étaient fausses, ce qui implique une connaissance stricte, de sorte que, sur ce point, le dol éventuel ne suffit pas (ATF 136 IV 170 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_ 676/2017 du 15 décembre 2017 consid. 3.1). Il ne suffit dès lors pas que l'auteur ait cru que ses allégations étaient peut-être fausses (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ, Commentaire romand, Code pénal II, Bâle 2017, n. 11 ad art. 174).

Le fait que l'auteur sait être faux est le fait attentatoire à l'honneur, c'est-à-dire la conduite contraire à l'honneur (B. CORBOZ, op. cit., n. 12 et 12 ad art. 174).

Alors qu'en cas de diffamation, il appartient à l'auteur de prouver que les allégations propagées sont conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies, les autorités pénales doivent prouver en cas de calomnie que le fait allégué est faux. La preuve de l'élément subjectif spécifique (la connaissance de la fausseté de l'allégation) incombe à l'accusation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_506/2010 du 21 octobre 2010, consid. 3.1.2 et 3.1.3).

Si la connaissance de la fausseté ne peut pas être prouvée, il faut examiner s'il y a lieu de retenir la diffamation (B. CORBOZ, op. cit., n. 14 ad art. 174).

2.3.1.8. L'art. 176 CP précise qu'à la diffamation et à la calomnie verbales sont assimilées la diffamation et la calomnie par l’écriture, l’image, le geste, ou par tout autre moyen.

2.3.2.1. Les passages incriminés figurant dans l'acte d'accusation seront repris ici dans l'ordre.

La procédure tend à établir que le titre "Le gouvernement genevois confirme les accusations portées contre A______" n'est pas le fait de l'intimé. Celui-ci s'est montré constant dans ses déclarations, en alléguant que tant le titre que le sous-titre de son article avaient été rédigés par un secrétaire de rédaction. Certes l'intimé est dans l'incapacité de nommer celui-ci, ce qui affaiblit quelque peu son propos. Mais son assertion ne peut être écartée pour autant ; un doute insurmontable subsiste quant à cet élément factuel (art. 10 al. 3 CPP). Seul le secrétaire de rédaction en question, auteur au sens de l'art. 28 al. 1 CP, est donc susceptible d'être punissable. Et à suivre l'intimé, on ne l'aurait pas consulté à ce sujet. Aussi, faute de concertation, de décision commune, la coactivité ne saurait-elle être retenue – elle n'est d'ailleurs pas plaidée. Ce d'autant moins que l'intimé ne s'est pas associé à cette phrase, semble-t-il, contrairement à ce que soutient la partie plaignante, C______ ayant expliqué, en effet, que le contenu du titre n'était pas totalement exact puisqu'il aurait fallu préciser que c'était le rapport commandé par le Conseil d'État, et non le gouvernement lui-même, qui confirmait les accusations litigieuses. Par conséquent, l'intimé sera acquitté de ce chef.

Le sous-titre est, lui aussi, l'œuvre du secrétaire de rédaction, si l'on en croit l'intimé. À la différence du titre, l'intimé le fait sien ; il s'y associe, précisant qu'il s'agit d'une phrase tirée de son article, ce qui est le cas, en effet, à peu de choses près. Le même raisonnement doit prévaloir toutefois : seul le secrétaire de rédaction, auteur au sens de l'art. 28 al. 1 CP, est punissable. Or faute de preuve de concertation ou de décision commune, la coactivité ne peut être retenue. Par conséquent, l'intimé sera acquitté de ce chef également.

L'intimé est bien l'auteur des propos figurant sous tirets trois, quatre et cinq de l'acte d'accusation pour le surplus. Il l'admet.

En écrivant, dans [le journal] E______, le ______ 2018, "On peut lire que A______ « aurait tenté de séduire sans succès l'une de ses élèves âgées de 14 ans et serait parvenu à entretenir des relations sexuelles avec certaines de ses élèves, âgées de 15 à 18 ans »", "« L'emprise psychologique et les menaces de l'homme charismatique reviennent également dans les différentes auditions », constate le rapport", "Quant à F______, ministre de l'Instruction publique à l'époque, elle reconnaît avoir menti à la presse en évoquant de « simples rumeurs ». En fait, elle aurait bien été informée que A______ entretenait des relations intimes avec certaines de ses élèves. Notamment par une enseignante à la retraite et « féministe »", l'intimé s'est adressé, par l'écriture, à des tiers, en l'occurrence à ses lecteurs, qui en ont pris connaissance. En leur communiquant, au sujet de l'appelant, reconnaissable pour avoir été désigné nommément, que celui-ci aurait cherché à séduire une élève de 14 ans, qu'il entretenait des relations sexuelles avec des élèves de 15 à 18 ans et qu'il recourait à l'emprise et à la menace, ce dont la ministre de tutelle de l'époque avait connaissance pour en avoir été informée et avait donc menti, l'intimé a exposé A______ au mépris en sa qualité d'enseignant et d'être humain. De tels propos sont propres à porter atteinte à la considération. Ils reviennent à reprocher à l'appelant d'avoir commis des actes pénalement répréhensibles (art. 187 CP (actes d'ordre sexuel avec des enfants), 188 CP (actes d'ordre sexuel avec des personnes dépendantes (rapports d'éducation)), voire, sous l'angle de l'emprise et de la menace, 189 CP (contrainte sexuelle) et 190 CP (viol). L'intimé ne conteste au demeurant pas le caractère attentatoire à l'honneur de ses propos.

Il convient de déterminer si les faits sur lesquels portent l'atteinte à l'honneur sont faux – l'intimé est poursuivi principalement pour calomnie.

Il n'est pas établi que l'appelant ait entretenu des relations sexuelles avec trois (autres) élèves de 15 à 18 ans. Etant relevé que, par "relations sexuelles", il faut entendre l'acte sexuel et que, par "âgées de 15 à 18 ans", il faut entendre pour certaines mineures – la majorité est fixée à 18 ans révolus (art. 14 CC). Lorsqu'il prête à ces termes une autre signification, l'intimé, soit en réalité son conseil, joue sur les mots. À cet égard, la délation de l'élève V______, à laquelle se réfère l'intimé ("A______ a eu des attouchements et des propositions à connotation sexuelle avec au moins trois de ses élèves mineures du CO"), est sujette à caution car cette élève, hormis une main sur sa propre cuisse, ne fait que répéter, vraisemblablement, des événements qu'on lui a rapportés ; surtout, l'élève V______ ne fait pas état de relations sexuelles avec les trois élèves en question. Par ailleurs, tant l'élève V______ que l'élève W______, mineures au moment des faits, ont assuré n'avoir jamais entretenu de relations sexuelles avec l'appelant. Il faut donc retenir que l'allégation de l'intimé, attentatoire à l'honneur, est fausse.

De même, si une "emprise psychologique" peut être prêtée à "l'homme charismatique", d'après les personnes entendues par J______, puis par les experts mandatés par l'État, de sorte que les propos de l'intimé n'apparaissent pas faux sur ce point, le fait que A______ se serait livré à des "menaces" n'est pas établi. En mettant en avant, par la voix de son conseil il est vrai, que l'appelant aurait fait comprendre au "petit-ami" (Z) qu'il aurait des problèmes s'il parlait et l'aurait donc menacé, l'intimé joue sur les mots une fois de plus. On sait ce que l'intimé entendait par "menaces" : il insinuait que A______ y recourait pour amener ses élèves à céder à ses avances. Or ces menaces-là ne sont absolument pas étayées par le dossier, ce qui tend à démontrer, partant, qu'elles sont fausses.

Enfin, l'allégation selon laquelle F______, bien qu'informée que A______ entretenait des relations intimes avec ses élèves, aurait menti à ce sujet, ce qu'elle aurait admis, est fausse également, ce fait ne ressortant nullement du dossier, des conclusions du rapport en particulier. À cet égard, contrairement à ce que soutient l'intimé, si une telle allégation écorne sans doute F______, c'est A______ qu'elle accable, lequel se voit reprocher, par ce biais, une conduite contraire à l'honneur, soit celle d'avoir entretenu des relations intimes avec ses élèves.

Les éléments constitutifs objectifs de l'art. 174 CP sont par conséquent réunis.

Subjectivement, l'intimé a, sinon voulu, accepté à tout le moins de tenir à l'attention de ses lecteurs des propos de nature à susciter le mépris à l'endroit de A______. Il a donc agi intentionnellement, le dol éventuel suffit (art. 12 al. 2 CP). Il reste cependant à déterminer s'il savait que ses allégations étaient fausses.

En 2017, dans le cadre de l'enquête journalistique de J______, des "révélations" ont eu lieu dans la presse. Des jeunes femmes, mineures et majeures, interviewées, s'y sont exprimées en expliquant, pour les deux anciennes mineures, avoir eu des "relations intimes", respectivement, pour les deux anciennes majeures, des "relations sexuelles", avec A______. Elles ont fourni des détails. À la même époque, d'autres médias s'en sont fait l'écho, en des termes plus ou moins similaires : "Un nouveau témoignage dénonce l'ascendant psychologique exercé par l'enseignant sur ses élèves au Collège de L______. Cette femme est ressortie brisée de quatre ans de relation" ; "A______ couchait avec mon amie. Je l'avais dénoncé à la direction de l'école" ; "A______ accusé d'avoir eu des relations sexuelles avec des élèves mineures". [Le journal] I______ titrait encore, toujours en novembre 2017, dans des articles postérieurs à celui de J______ : "La direction du Collège avait été alertée" ; "Un comité est lancé pour soutenir les anciennes élèves abusées". Sans doute l'intimé a-t-il eu connaissance de ces articles – il les a produits. Le rapport commandé par le Conseil d'État transcrit, quant à lui, le témoignage de quatre anciennes élèves, les mêmes élèves, vraisemblablement, que celles rencontrées par J______, lesquelles tiennent le même discours et lancent en substance les mêmes accusations que celles lancées précédemment contre A______. S'en est suivi l'article de AD______, qui contient les mêmes phrases que celles, incriminées, que reprendra C______ dans son propre article.

Il semble délicat, dans ces conditions, de retenir que l'intimé aurait connu la fausseté des propos poursuivis. Certes, dans la mise en forme de son article, il a fait mine de se référer au rapport, non seulement par l'ajout des mots "on peut lire" et "constate le rapport", mais encore par l'usage impropre des guillemets. Il savait donc qu'il reportait dans son article des phrases fausses d'un point de vue formel. Mais c'est le fait attentatoire à l'honneur que l'auteur doit savoir être faux. Or il n'est pas (encore) établi que l'intimé ait su que les propos étaient faux quant à leur contenu, c'est-à-dire au fond. Il s'en défend. Certains avaient rédigé des textes au contenu similaire avant lui – il en avait pris connaissance. D'autres le feront après lui. Il a certes admis avoir "peut-être exagéré" s'agissant du volet F______. Mais il ne suffirait pas qu'il ait cru que ses allégations puissent peut-être être fausses. Quoi qu'il en soit, le fait que le prévenu aurait eu une connaissance stricte de la fausseté des faits attentatoires à l'honneur qu'il énonce n'est pas rapportée. Il subsiste un doute, l'accusation échouant ainsi dans la preuve qui lui incombe.

On ne saurait retenir que l'intimé aurait été indirectement financé par un État étranger dans le but délibéré de ruiner la réputation de l'appelant. Il le conteste. Cette accusation, en mains du MPC, doit au demeurant être instruite par cette autorité. La CPAR ne peut donc en inférer quoi que ce soit en l'état.

L'un des éléments subjectifs de l'art. 174 ch. 1 CP n'étant pas réalisé, le prévenu ne peut être reconnu coupable de ce chef.

2.3.2.2. Il faut examiner s'il y a lieu de retenir la diffamation.

Comme relevé supra, les propos litigieux sont attentatoires à l'honneur. Les conditions d'application de l'art. 173 ch. 1 CP sont donc réunies.

L'intimé doit être admis à la preuve libératoire. Le rapport commandé par le Conseil d'État genevois était d'importance. Il s'agissait de déterminer si le DIP avait, face à des allégations d'atteinte à l'intégrité sexuelle de la part d'élèves, réagi correctement ou dysfonctionné. Des députés du Grand Conseil genevois s'en étaient inquiétés. Le rapport était donc attendu, par la presse en particulier ; ce d'autant plus que des affaires impliquant l'appelant, personnage public et médiatisé, étaient susceptibles d'apparaître au grand jour. Les experts invitaient en outre le Conseil d'État à rendre leur rapport public. Il existait donc un motif suffisant, relevant de l'intérêt public, pour l'intimé, de rédiger un article à ce sujet, sur la personne de A______ en particulier.

Il n'y a pas lieu, partant, à l'aune de l'art. 173 ch. 3 CP, de déterminer si C______ a agi principalement dans le but de dire du mal de l'appelant. Cette question peut rester ouverte.

Sous l'angle de l'art. 173 ch. 2 CP, C______ est dans l'impossibilité d'apporter la preuve, qui lui incombe, de la vérité. D'abord, ses allégations attentatoires à l'honneur sont pour l'essentiel fausses, comme relevé ci-dessus (cf. 2.3.2.1). Le rapport ne conclut pas que l'appelant aurait séduit sans succès une jeune fille de 14 ans, entretenu des relations sexuelles avec des élèves âgées de 15 à 18 ans, non sans les avoir menacées, et que F______, dans la confidence, aurait admis avoir menti à ce sujet. Ce n'est pas là la conclusion des experts. L'intimé lui-même concède que le rapport est "édulcoré". Il admet que ce sont des "soupçons" de relations sexuelles que l'enquête vient confirmer. À juste titre puisque le rapport n'établit nullement une quelconque vérité quant à ces faits. Les experts incitent d'ailleurs à la prudence, compte tenu du temps écoulé. Ensuite, l'intimé ne fait pas la preuve de ce qu'il avance par la condamnation pénale de A______. Et pour cause : non seulement aucune procédure judiciaire n'a été introduite contre celui-ci des chefs d'infractions aux art. 187 ss CP, mais encore aucune procédure judiciaire ne le sera jamais, puisque les conditions à l'ouverture d'une action publique ne sont plus données, pour cause de prescription. À cet égard, les auditions des anciennes élèves ne sont pas conformes au CPP (cf. art. 181 CPP) ; et l'appelant, qui conteste les accusations portées contre lui, n'a pas pu être entendu et faire valoir ses droits dans le cadre d'une procédure formelle (cf. art. 157 ss CPP).

Dans ces conditions, il faut retenir que l'intimé échoue dans la preuve de la vérité.

Sous l'angle de la preuve de la bonne foi, il faut relever ce qui suit. Compte tenu de l'enquête journalistique de J______, cristallisée par l'article du ______ novembre 2017, auquel ont immédiatement fait suite d'autres articles du même acabit, puis, plus tard, celui de AD______, on ne saurait retenir que les propos attentatoires à l'honneur tenus par C______ n'auraient pas eu de point d'ancrage. Ses allégations ne sortent pas de nulle part. La presse abordait le sujet depuis de nombreux mois. Il parait juste, dans ces circonstances, de concéder à l'intimé une certaine bonne foi. Certes, une soixantaine d'articles de même contenu viendront s'ajouter à celui de l'intimé, tout comme les propos du président du Conseil d'État semble-t-il, mais ces derniers ne sont d'aucun secours à l'intimé car il n'en avait pas connaissance en rédigeant son sujet, le ______ 2018.

Encore faut-il que l'intimé établisse qu'il avait des raisons sérieuses de croire à ce qu'il affirmait, la (seule) bonne foi ne suffisant pas.

On ignore si le prévenu est véritablement entré en possession du rapport des experts et, partant, s'il en a pris connaissance avant qu'il ne rédige son article. Certes, il le prétend, aux débats d'appel encore. Mais ses propos sont ambigus. L'intimé laisse entendre, répète qu'il se serait fié, pour le rédiger, à des personnes "connaissant mieux" le rapport que lui, ce qui suggère que son contenu lui aurait été rapporté. Il souligne qu'il aurait dû préciser que les phrases incriminées, mises entre guillemets, étaient tirées de l'article de AD______, ce qui donne à penser que c'est de cet article dont il s'est inspiré pour rédiger le sien, non du rapport. La phrase "L'emprise psychologique et les menaces de l'homme charismatique reviennent également dans les différentes auditions" figure d'ailleurs, au mot près, dans l'article de AD______ mais n'apparait pas dans le rapport ; tout comme celle concernant F______. Enfin, le fait que l'intimé fasse état d'un rapport de plus de trente-deux pages, alors qu'il n'en compte que trente-deux, laisse songeur. Autant d'éléments qui tendent à démontrer que C______ n'est sans doute pas entré en possession du rapport, ainsi qu'il le prétend, et qu'il n'y a, partant, pas fondé son article.

De deux choses l'une :

Dans l'hypothèse où C______ ne serait pas entré en possession du rapport et n'en aurait donc pas pris connaissance, il ne saurait exciper de raisons sérieuses de tenir de bonne foi pour vrai ce qu'il a écrit. En effet, son article se veut être un compte-rendu du rapport en question.

Dans l'hypothèse où C______ serait entré en possession du rapport et en aurait donc pris connaissance, hypothèse que l'on ne peut exclure il est vrai – il aurait rencontré un(e) journaliste la veille qui le lui aurait remis en mains propres (art. 10 al. 3 CPP) – il faudrait distinguer :

À teneur du rapport, les deux élèves alors mineures font état, respectivement, d'une main posée sur la cuisse (V______) et d'embrassement avec attouchements sexuels (V), en précisant toutefois n'avoir jamais entretenu de relations sexuelles avec l'appelant. Seules les deux étudiantes alors majeures allèguent avoir entretenu des relations sexuelles avec celui-ci. Les experts relèvent, quant à eux, en conclusion, dans le respect de l'"Objectif 1" qui leur a été fixé, qu'aucune élève supposée victime n'a formulé de critique ou de plainte, à l'époque, sur le comportement de A______, que les rumeurs à ce sujet – il faut entendre par-là celles au sein du corps enseignant – ne reposent sur aucun fondement sérieux et qu'il convient de rester prudent car les souvenirs de personnes susceptibles d'apporter des renseignements sont sujets à être d'autant plus dénaturés qu'ils sont très anciens. Ainsi, si, fort du rapport, l'intimé en a déduit, pour l'avoir écrit, que A______ "aurait tenté de séduire sans succès l'une de ses élèves âgée de 14 ans" (V______), il faut retenir qu'il avait sans doute des raisons suffisantes de tenir cette allégation pour établie, puisque la jeune femme, qui l'avait allégué à l'attention de J______ une première fois, le confirmait à présent à l'attention des experts. De même, si, fort du rapport, l'intimé en a déduit que A______ avait entretenu des relations sexuelles avec une élève âgée de 18 ans, il faut retenir, là aussi, qu'il pouvait sans doute avoir des raisons suffisantes de croire à ce qu'il écrivait, vu le témoignage de AA______. Le prévenu doit donc être libéré de ces chefs. Par contre, en prétendant, référence faite au rapport, que l'appelant "serait parvenu à entretenir des relations sexuelles avec [des] élèves âgées de 15 à 18 ans", c'est-à-dire notamment mineures, l'intimé s'est éloigné du rapport, les élèves V______ et W______ soutenant précisément le contraire. Cette phrase ne figurait que dans le préambule du rapport pour contextualiser la mission des experts, ce qui n'avait pu échapper à l'intimé.

Mais C______ n'en est pas resté là. Il a fait précéder cette affirmation des mots "On peut lire que" et a usé de guillemets. Ce faisant, il a feint de citer le rapport. Il a laissé entendre que c'était là sa conclusion, ce qu'il fallait retenir s'agissant de A______. Un lecteur non prévenu devait induire des termes utilisés, non seulement que l'appelant avait eu des relations sexuelles avec des élèves mineures – et non qu'il se limitait à commettre sur elles des actes d'ordre sexuel – mais encore, et surtout, que c'était là la position étatique, la version officielle désormais.

Les guillemets légitiment, authentifient les mots qu'ils contiennent. Or l'intimé les prête faussement aux experts. Comme relevé par la Chambre pénale de recours (CPR) dans son arrêt du 2 novembre 2021, l'intimé devait prendre en considération les interrogations qui perduraient plutôt que de créer le sentiment que ces faits correspondaient à la réalité.

Il en résulte l'impossibilité de retenir l'existence de raisons sérieuses, pour l'intimé, de croire à ce qu'il affirmait.

La même conclusion s'impose pour la phrase "L'emprise psychologique et les menaces de l'homme charismatique reviennent également dans les différentes auditions". Cette phrase se veut tirée du rapport, à en croire le recours aux guillemets. Or il n'en est rien. Pire, elle suggère que l'appelant se livrait à la menace pour parvenir aux relations sexuelles dénoncées, ce dont ni le rapport ni même le témoignage de l'une ou l'autre jeune femme ne fait état.

Idem pour le volet F______. La citation, les guillemets sonnent comme l'aveu de celle-ci de n'avoir évoqué jusque-là que des rumeurs, alors que la vérité lui était connue : A______ entretenait des relations intimes avec ses élèves. Là non plus, le rapport de dit rien de cela.

Il s'ensuit que si, comme il le prétend, C______ a fondé son article sur le rapport commandé par le Conseil d'État, il ne pouvait avoir de raisons sérieuses de croire à ce qu'il écrivait. À supposer que son article ne fût qu'une "brève", il ne pouvait s'affranchir du devoir de prudence, un travail consciencieux consistant, en effet, à lire attentivement le rapport et à le retranscrire fidèlement, sans le déformer. Ce d'autant plus que l'intimé relayait des faits constitutifs d'un crime et que ses graves allégations, par la voie d'un média, allaient faire l'objet d'une large diffusion.

C______ est allé trop loin. Dans l'impossibilité d'appuyer ses affirmations sur une base suffisante, il devait s'abstenir. À supposer qu'il ait d'abord eu des motifs pour communiquer ainsi, il ne disposait plus, une fois le rapport officiel en main, d'éléments suffisants pour écrire ce qu'il a écrit, de raison sérieuse de tenir ses propos pour vrais. Il échoue dans la preuve qui lui incombe.

C______ sera par conséquent déclaré coupable de diffamation.

2.3.2.3. C______ n'a pas fait la preuve de la vérité de ses allégations. La CPAR doit le constater formellement. C'est chose faite ici. Il n'y a pas lieu de le constater dans le dispositif : d'abord, l'appelant n'indique pas qu'il entend obtenir un constat selon l'art. 173 ch. 5 CP, dans le dispositif en particulier ; ensuite, la constatation dans les motifs de l'arrêt suffit (ATF 80 IV 250).

3. 3.1. La peine sera fixée d'après la culpabilité de l'auteur. La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures. Il sera tenu compte des antécédents de l'auteur, de sa situation personnelle ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (art. 47 CP).

3.2. La faute de C______ n'est pas négligeable. Il s'en est pris à l'honneur de l'appelant, en lui prêtant un comportement pénalement répréhensible. Il a fait mine d'asseoir son propos sur un rapport officiel, commandé par l'État, tout en en tronquant le contenu. Ce faisant, il a trompé le lecteur, ce qui relève, au-delà de l'aspect pénal, de la faute professionnelle. Sa situation personnelle n'explique pas ses agissements. Au contraire. Il devait se conformer aux devoirs du journaliste, rapporter la vérité, dire ce qu'il en était vraiment du rapport en question, et ne pas dénaturer, ne pas travestir. Il s'obstine à contester toute responsabilité, toute faute. La prise de conscience de la gravité de ses actes fait donc défaut. Il n'exprime pas de regrets, ne présente pas d'excuses. L'intérêt à le punir a toutefois sensiblement diminué en raison du temps écoulé (les deux tiers du délai de prescription de l'action pénale sont écoulés (ATF 140 IV 145 consid. 3.1) et il s'est bien comporté dans l'intervalle, faute de nouvelle infraction) (art. 48 let. e CP), cette circonstance atténuante, bien que non plaidée, devant lui être accordée. Il n'a pas de condamnation inscrite au casier judiciaire pour le surplus.

Au vu de l'ensemble des circonstances, une peine pécuniaire – seul genre de peine entrant en considération – de 90 jours-amende sera prononcée (art. 34 al. 1 CP). Cette peine tient compte de la circonstance atténuante – il n'y a pas lieu d'exprimer en chiffre la portée accordée à celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 6B_252/2022 du 11 avril 2023 consid. 5.7). Le jour-amende sera arrêté à CHF 40.-, montant qui reflète correctement la situation personnelle et économique du condamné (art. 34 al. 2 CP). Le pronostic n'étant pas défavorable, le sursis sera accordé et un délai d'épreuve de trois ans fixé (art. 42 al. 1 et 44 al. 1 CP).

4. 4.1. Aux termes de l'art. 122 al. 1 CPP, en qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale. La plupart du temps, le fondement juridique des prétentions civiles réside dans les règles relatives à la responsabilité civile des art. 41 ss du code des obligations [CO]. La partie plaignante peut ainsi réclamer l'indemnisation de son tort moral (art. 47 et 49 CO), dans la mesure où celui-ci découle directement de la commission de l'infraction reprochée au prévenu (ATF 148 IV 432 consid. 3.1.2). La preuve du dommage incombe au demandeur (art. 42 al. 1 CO) (arrêt du Tribunal fédéral 6B_450/2022 du 29 mars 2023 consid. 3).

  L'art. 49 al. 1 CO prévoit que celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. 

L'allocation d'une indemnité pour tort moral fondée sur l'art. 49 al. 1 CO suppose que l'atteinte présente une certaine gravité objective et qu'elle ait été ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime qu'une personne dans ces circonstances s'adresse au juge pour obtenir réparation (Arrêt du Tribunal fédéral 6B_1259/2021 du 2 février 2023 consid. 3.2).

4.2. Il doit être admis que l'appelant a subi une atteinte illicite à sa personnalité. Celui-ci fonde le franc symbolique qu'il réclame sur le fait que l'intimé l'a accusé à tort d'avoir eu des relations sexuelles avec des mineures, ce qui constitue un crime. Cela l'aurait atteint "dans sa dignité, dans son honneur en tant que personne, et dans sa déontologie de professeur". Cela étant, si l'atteinte présente certes une certaine gravité objective, on ignore comment l'appelant l'a ressentie subjectivement, au-delà de ce qu'il exprime. Aucune pièce médicale n'a été produite. Aucun thérapeute n'a été consulté semble-t-il ; l'allégation même d'une telle consultation fait défaut. Il n'est pas démontré, partant, que l'appelant aurait ressenti une souffrance morale suffisamment forte pour qu'une réparation à ce titre lui soit consentie.

A______ sera débouté des fins de son action civile.

5. 5.1. L'intimé, qui succombe sur l'essentiel, supportera 4/5èmes des frais de la procédure d'appel envers l'État, qui comprennent un émolument de CHF 4'000.-. Le solde, soit 1/5ème des frais de la procédure d'appel, seront mis à la charge de l'appelant, qui succombe en partie (art. 428 al. 1 CPP et 14 al. 1 let. e RTFMP).

5.2. Compte tenu de l'issue de l'appel, les frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui comprennent un émolument de jugement de CHF 500.-, seront mis à la charge des parties dans la même proportion que ceux d'appel, soit 4/5èmes à la charge de l'intimé et 1/5ème à la charge de l'appelant (art. 426 al. 1, 427 al. 2 et 428 al. 3 CPP ; ATF 138 IV 248, consid. 4.2.2).

6. 6.1. La question de l'indemnisation doit être tranchée après la question des frais (arrêt du Tribunal fédéral 6B_548/2018 du 18 juillet 2018 consid. 1.1.2). Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2).

6.2. Selon les art. 429 al. 1 let. a et 433 al. 1 CPP, applicables à l’appel via le renvoi de l’art. 436 al. 1 CPP, le prévenu acquitté totalement ou en partie a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure, indemnité qui peut également être demandée par la partie plaignante au prévenu lorsqu'elle obtient gain de cause.

Ainsi, le législateur a conçu une réglementation prévoyant une possibilité d'indemniser le prévenu acquitté. Il se déduit de l'art. 429 al. 1 let. a CPP que les frais de défense relatifs à l'aspect pénal sont en principe mis à la charge de l'État. Il s'agit d'une conséquence du principe selon lequel c'est à l'État qu'incombe la responsabilité de l'action pénale. Le législateur a cependant prévu des correctifs pour des situations dans lesquelles la procédure est menée davantage dans l'intérêt de la partie plaignante ou lorsque cette dernière en a sciemment compliqué la mise en œuvre. S'agissant d'une indemnité allouée dans une procédure d'appel, les dispositions applicables doivent être interprétées à la lumière de cette situation spécifique. Ainsi, lorsque l'appel a été formé par la seule partie plaignante, on ne saurait perdre de vue le fait qu'il n'y a alors plus aucune intervention de l'État tendant à la poursuite de la procédure en instance de recours. On se trouve par conséquent dans une situation assimilable à celles prévues par l'art. 432 CPP dans la mesure où la poursuite de la procédure relève de la volonté exclusive de la partie plaignante. Il est donc conforme au système élaboré par le législateur que, dans un tel cas, ce soit cette dernière qui assume les frais de défense du prévenu devant l'instance d'appel (ATF 139 IV 45 consid. 1.2).

6.3. Les indemnités fondées sur les art. 429 al. 1 let. a et 433 al. 1 CPP concernent les dépenses du prévenu/de la partie plaignante pour un avocat de choix, dont les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates (ATF 139 IV 102 consid. 4.3 ; 138 IV 205 consid. 1).

Dans l'appréciation du caractère raisonnable, les autorités pénales disposent d'un pouvoir d'appréciation considérable (ATF 142 IV 163). Le recours à plusieurs avocats peut, en cas de procédure volumineuse et complexe, procéder d'un tel exercice (ATF 138 IV 197 consid. 2.3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_875/2013 du 7 avril 2014 consid. 4.3 et 4.5).

Savoir si l'intervention d'un second conseil de choix peut donner droit à une indemnité se détermine, mutatis mutandis, à l'aune des mêmes principes et critères que ceux qui président à l'indemnisation des frais d'intervention d'un premier conseil. Il convient donc d'examiner dans un premier temps, en tenant compte, outre de la gravité de l'infraction et de la complexité de l'affaire en fait ou en droit, de la durée de la procédure et de son impact sur la vie personnelle et professionnelle du prévenu, si le recours à un (second) conseil en tant que tel est justifié et, ensuite seulement, si l'activité déployée telle qu'elle ressort des différents postes de la liste des opérations présentée l'est également (arrêt du Tribunal fédéral 6B_865/2018 du 14 novembre 2019 consid. 13.3).

À titre d'exemple, dans l’affaire dite de la Banque cantonale de Genève, le Tribunal fédéral a retenu qu’il se justifiait d’indemniser deux avocats pour le prévenu et les parties plaignantes, dans la mesure où l’ampleur et la longueur de la procédure ont été jugées comme exceptionnelles et en raison du fait qu’au cours de celle-ci des problèmes complexes relatifs à la gestion des intérêts pécuniaires d’une banque ont été abordés (arrêt du Tribunal fédéral 6B_875/2013 du 7 avril 2014 consid. 4.5).

6.4. L'indemnité fondée sur l'art. 429 al. 1 let. a CPP pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure ne produit pas d'intérêts (ATF 143 IV 495 consid. 2.2.4).

6.5.1. En l'espèce, le recours de l'appelant à plusieurs conseils ne s'imposait pas, le dossier ne présentant pas de complexité particulière, ni du point de vue de son ampleur, ni des questions juridiques qu'il soulève. La médiatisation de cette affaire ne saurait justifier, à elle seule, l'intervention de pas moins de trois conseils. Le recours à un seul mandataire était ainsi suffisant pour assurer le soutien de l'appelant, étant relevé que les plaidoiries de ses conseils, au stade de l'audience d'appel, et les arguments avancés dans le cadre de celles-ci étaient substantiellement similaires, si bien qu'il n'en ressort pas que le traitement du dossier aurait nécessité un partage des tâches entre avocats.

Partant, l'activité d'un seul mandataire, sous réserve d'exceptions, sera prise en compte dans le calcul de l'indemnisation de l'appelant, soit celle du représentant principal (art. 127 al. 2 CPP), l'associé étant privilégié face au collaborateur, qui est privilégié face au stagiaire.

6.5.2. La préparation de l'audience au MP du 13 mars 2020, réalisée par un chef d'étude (24 minutes) et un collaborateur (30 minutes) sera indemnisée en totalité, le temps d'activité consacré à ce poste n'apparaissant pas déraisonnable. Par contre, seule la présence à l'audience du chef d'étude se justifiait au regard des motifs exposés supra, si bien que le temps consacré par le collaborateur à cet égard sera retranché de la note d'honoraires.

La préparation de l'audience de première instance sera indemnisée à hauteur de trois heures et 24 minutes d'activité de chef d'étude et la durée effective de celle-ci, soit quatre heures et 15 minutes, ne le sera que pour la présence d'un seul conseil au tarif horaire de CHF 450.-.

Les frais d'avocats de l'appelant s'agissant de la procédure préliminaire et de première instance s'élèvent ainsi à CHF 31'381.10, correspondant à 20 heures et trois minutes d'activité de chef d'étude au tarif horaire de CHF 450.- (CHF 9'022.50), 30 heures d'activité de collaborateur au tarif horaire de CHF 350.- (CHF 10'500.-) et
64 heures et six minutes d'activité d'avocat-stagiaire au tarif horaire de CHF 150.- (CHF 9'615.-), ainsi que la TVA au taux de 7.7% (CHF 2'243.60). Conformément à la jurisprudence, cette somme ne portera pas intérêts.

L'intimé sera condamné à s'acquitter, en faveur de l'appelant, de 4/5èmes de ce montant, soit CHF 25'104.88 à titre d'indemnité au sens de l'art. 433 al. 1 CPP.

6.5.3. L'activité réalisée par le second conseil de l'appelant au stade de la procédure d'appel sera retranchée à hauteur d'une heure pour le poste "Conférences, courriels, courriers" et de huit heures et 18 minutes pour le poste "Procédure", conformément aux considérations mentionnées supra et afin de ne tenir compte que de l'activité du conseil principal de l'appelant.

L'activité consacrée par le collaborateur à la préparation de l'audience, d'une durée de trois heures (estimation comprise) sera également évincée de la note d'honoraires et sa présence à l'audience d'appel ne sera pas indemnisée.

Une durée d'une heure et 30 minutes d'activité (estimation non comprise) de chef d'étude sera ainsi retenue s'agissant de la préparation de l'audience, étant relevé que le conseil de l'appelant maîtrisait déjà le dossier pour avoir plaidé dans cette cause un an auparavant. La durée effective de l'audience, soit quatre heures et 10 minutes, sera indemnisée à un tarif horaire de CHF 450.-/heure pour la présence, donc, d'un unique conseil.

Partant, les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable des droits de procédure de l'appelant au stade de l'appel s'élèvent à CHF 6'973.60, correspondant à huit heures et 28 minutes d'activité de chef d'étude au tarif horaire de CHF 450.- (CHF 3'810.-), cinq heures et 24 minutes d'activité de collaborateur au tarif horaire de CHF 350.- (CHF 2'065.-) et quatre heures d'activité d'avocate-stagiaire au tarif horaire de CHF 150.- (CHF 600.-), ainsi que la TVA au taux de 7.7% (CHF 498.60). Conformément à la jurisprudence, cette somme ne portera pas intérêts.

L'intimé sera condamné à s'acquitter en faveur de l'appelant de 4/5èmes de ce montant, soit CHF 5'578.88, à titre d'indemnité au sens de l'art. 433 al. 1 CPP.

6.6. Les notes d'honoraires déposées par l'intimé n'appellent pas de commentaire. Ses frais de défense s'élèvent à CHF 21'498.85 pour la procédure préliminaire et de première instance et à CHF 19'392.50 (CHF 4'173.75 + CHF 8'505.- + CHF 4'838.75 + CHF 1'875.- (correspondant à la durée effective de l'audience)) pour la procédure d'appel, au tarif horaire de CHF 450.-.

L'appelant sera condamné à verser le 1/5ème de chacun de ces montants à l'intimé, soit CHF 4'299.77 et CHF 3'878.50, à titre d'indemnité au sens de l'art. 432 al. 2 CPP.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement rendu le 1er novembre 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/5494/2019.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare C______ coupable de diffamation pour les faits visés sous chiffre 1.1. tirets 3 à 5 de l'acte d'accusation (art. 173 ch. 1 CP).

Acquitte C______ des chefs de calomnie (art. 174 CP) subsidiairement diffamation (art. 173 CP) pour les faits visés sous chiffre 1.1. tirets 1 et 2 et de diffamation (art. 173 CP) pour les faits visés sous chiffre 1.2.1..

Condamne C______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende (art. 34 al. 1 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 40.- (art. 34 al. 2 CP).

Met C______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 al. 1 et 44 al. 1 CP).

Avertit C______ que s'il devait commettre une nouvelle infraction durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne C______ aux 4/5èmes des frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à CHF 1'334.-, y compris un émolument de jugement de CHF 500.-, (art. 426 al. 1 et 428 al. 3 CPP).

Condamne A______ au 1/5ème de ces frais (art. 427 al. 2 et 428 al. 3 CPP).

Condamne C______ aux 4/5èmes des frais de la procédure d'appel, qui s'élèvent à CHF 4'395.-, y compris un émolument de CHF 4'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 14 al. 1 let. e RTFMP).

Condamne A______ au 1/5ème de ces frais (art. 428 al. 1 CPP).

Condamne C______ à verser à A______ 4/5èmes du total des dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure, soit CHF 25'104.88 pour la procédure préliminaire et de première instance et CHF 5'578.88 pour la procédure d'appel (art. 433 al. 1 let. a CPP).

Condamne A______ à verser à C______ 1/5ème du total des dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure, soit CHF 4'299.77 pour la procédure préliminaire et de première instance et CHF 3'878.50 pour la procédure d'appel (art. 432 al. 2 CPP).

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Fabrice ROCH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'334.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

220.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

100.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

4'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

4'395.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

5'729.00