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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/18112/2022

AARP/314/2023 du 24.08.2023 sur JTDP/207/2023 ( PENAL ) , ADMIS

Normes : LCR.90
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18112/2022 AARP/314/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 24 août 2023

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/207/2023 rendu le 16 février 2023 par le Tribunal de police,

 

et

C______, partie plaignante,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/207/2023 du 16 février 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 [LCR] en lien avec les art. 26 al. 1, 32 al. 1 et 35 al. 7 LCR), l'a acquitté des chefs d'accusation de menaces (art. 180 du Code pénal [CP]) et d'injure (art. 177 CP) et l'a condamné à une amende de CHF 500.-, ainsi qu'aux frais de la procédure préliminaire et de première instance qui s'élèvent à CHF 400.-.

b. A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à son acquittement et à la mise à charge de l'État des frais de la procédure préliminaire et de première instance. Il ne conclut en revanche pas à la réforme du jugement de première instance s'agissant de l'absence d'indemnité pour ladite procédure.

Le Ministère public (MP) conclut au rejet du recours. C______ n'a pas déposé d'observations.

c. Selon l'ordonnance pénale du 30 août 2022, maintenue sur opposition le 5 octobre 2022, il est reproché ce qui suit à A______ :

Alors qu'il circulait au volant de son automobile de marque E______, il s'est inséré sur la voie de circulation parallèle en coupant la route à un automobiliste qui se trouvait derrière lui, à savoir C______, chauffeur de taxi.

Il était également reproché à A______ d'avoir menacé et insulté le prénommé après le dépassement litigieux.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ est né le ______ 1974 et de nationalité suisse. C______, né le ______ 1965 et de nationalité suisse, est chauffeur de taxi. Le second a déposé une plainte pénale à l'encontre du premier le 16 août 2022 en lien avec les faits qui vont suivre.

b.a. L'avenue du Mail est une chaussée composée de trois voies unidirectionnelles, dont celle située la plus à droite est réservée aux bus et aux taxis. Dans sa section finale, la chaussée est composée de quatre voies, sans voie réservée aux bus et aux taxis, dont les deux de gauche font l'objet d'une présélection pour obliquer à gauche à la fin de l'avenue (sur le boulevard du pont d'Arve en direction du croisement de celui-ci avec la rue de Carouge), la seconde en partant de la droite d'une présélection pour se diriger tout droit à la fin de l'avenue (sur la rue Dancet) et la première en partant de la droite d'une présélection pour obliquer à droite (sur le boulevard du pont d'Arve en direction du pont des Acacias).

b.b. Le 16 août 2022, alors que C______, réalisait une course dans son taxi, transportant à l'occasion D______, et qu'il circulait sur l'avenue du Mail en direction de l'avenue Henri-Dunant et du boulevard du Pont d'Arve, un incident de la circulation impliquant le véhicule automobile que conduisait A______ s'est produit.

c.a. Selon les déclarations de C______, il circulait sur la voie réservée aux taxis et au bus sur la chaussée de l'avenue du Mail lorsqu'il avait voulu se rabattre à gauche (sur la voie centrale). Il avait alors vérifié dans son rétroviseur qu'une telle manœuvre était possible et avait actionné ses indicateurs de direction. À ce moment-là, le véhicule que conduisait A______, qui se trouvait à environ dix mètres derrière lui sur la voie sur laquelle C______ voulait s'insérer, avait brusquement accéléré. Il avait alors abandonné sa manœuvre pour éviter un accident. Les deux véhicules s'étaient ensuite retrouvés côte à côte à l'intersection entre le boulevard du pont d'Arve et la rue de Carouge. À ce moment, A______ l'avait interpellé en lui reprochant de s'être rabattu de manière dangereuse, ce à quoi il avait répondu que c'était bien plutôt son accélération qui avait causé le danger.

c.b. Selon les déclarations de A______, il circulait sur la voie centrale de l'avenue du mail lorsque le taxi de C______, situé sur la voie à sa droite réservée aux taxis, avait brusquement déboité sans que cette manœuvre ne fût précédée d'un signal avertisseur. A______ s'était alors déporté sur la voie de gauche pour éviter une collision. Les deux voitures s'étaient ensuite retrouvées côte à côte à l'intersection entre le boulevard du pont d'Arve et la rue de Carouge et C______ lui avait fait comprendre par des gestes qu'il considérait qu'il avait eu une conduite déplaisante, suite à quoi il avait répliqué que c'était bien plutôt le prénommé qui était fautif et avait presque causé un accident.

c.c. Selon les déclarations de D______, alors que son taxi circulait normalement, le véhicule de A______ l'avait dépassé pour se rabattre devant lui. Son chauffeur avait heureusement réussi à freiner à temps. Il s'était alors retrouvé derrière l'autre véhicule. Au feu rouge suivant, les protagonistes s'étaient retrouvés côte à côte et il s'en était suivi un échange, initié par C______, lors duquel celui-ci avait reproché poliment sa conduite à A______, qui s'était fâché.

c.d. À l'époque des faits, aucune caméra ne couvrait les sections routières où se sont produits les évènements susmentionnés.

C. a. La déclaration d'appel initiale de l'appelant datée du 20 mars 2023 se limitait à conclure à l'"appel du jugement motivé rendu par le Tribunal de police {…}". Interpellé par la Chambre de céans, l'appelant a précisé sa déclaration initiale par courrier du 27 mars 2023.

La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b.a. Dans son mémoire d'appel, A______ fait d'une part valoir que le TP aurait violé la maxime d'accusation en s'écartant du complexe de faits tel qu'arrêté par l'ordonnance pénale du MP. D'autre part, il invoque une constatation incorrecte des faits, dès lors que le témoignage de D______, sur lequel s'est basée le TP, ne correspondrait pas à celle ressortant des auditions de A______ et C______, alors même que la précitée n'était pas concentrée sur la route. En se fondant sur les versions largement concordantes des deux conducteurs et sur le principe in dubio pro reo pour le surplus, il conviendrait de conclure que A______ n'a pas commis l'infraction dont il est accusé.

b.b. Selon le MP, le TP n'aurait pas violé la maxime d'accusation. En outre, la culpabilité de A______ devrait de toute façon être retenue tant sur la base du complexe de faits retenu par le TP, que dans sa version faisant l'objet de l'acte d'accusation.

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

Selon l'art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l'objet de la procédure de première instance, l'appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné ou que l'état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. La notion "d'établissement manifestement inexacte du droit on en violation du droit des faits" de l'art. 398 al. 3 CPP fait référence à la notion d'arbitraire dans l'établissement des faits (arrêts du Tribunal fédéral 6B_217/2023 du 29 mars 2023 consid. 4 ; 6B_651/2020 du 17 décembre 2020 consid. 1.4 ; 6B_426/2019 du 31 juillet 2019 consid. 1.1 ; 6B_360/2017 du 9 octobre 2017 consid. 1.3).

En matière d'établissement des faits, une décision est arbitraire si elle tire des constatations factuelles insoutenables au vu des éléments de preuve disponibles à la procédure, notamment en se trompant manifestement sur le sens d'un élément de preuve, ou lorsqu'elle ne prend pas en compte sans raison sérieuse un élément de preuve valablement offert à la procédure (ATF 148 IV 356 consid. 2.1 ; 148 I 127 consid. 4.3 ; 148 IV 39 consid. 2.3.5 ; 146 IV 88 consid. 1.3.1). Pour considérer qu'une décision est arbitraire, il faut que le résultat auquel elle aboutit ait été influencé par la considération arbitraire de l'autorité ; autrement dit, la présence d'un vice caractéristique d'un cas d'arbitraire dans la motivation d'une décision ne suffit pas à considérer que celle-ci est arbitraire lorsque ce vice n'a pas d'influence sur son dispositif (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ; 148 I 145 consid. 6.1 ; 148 I 127 consid. 4.3 ; 147 I 241 consid. 6.2.1).

1.2.1. Selon l'art. 399 al. 3 CPP, la partie qui appelle d'un jugement pénal de première instance doit notamment indiquer dans sa déclaration d'appel si elle entend attaquer le jugement dans son ensemble ou seulement certaines parties de celui-ci ainsi que les modifications qu'elle demande. Selon l'art. 399 al. 4 CPP, quiconque attaque seulement certaines parties du jugement est tenu d'indiquer dans la déclaration d'appel, de manière définitive, sur quelles parties porte son appel. Selon l'art. 404 al. 1 CPP, l'autorité d'appel limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (sauf dans les cas exceptionnels prévus par l'art. 404 al. 2 CPP).

Il ressort de ces dispositions que, sous réserve de l'exception prévue à l'art. 404 al. 2 CPP, la portée d'un appel est déterminée par la déclaration d'appel et ne peut pas être élargie par la suite. En effet, l'appel pénal est soumis à la maxime de disposition (ATF 147 IV 167 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1299/2018 du 28 janvier 2019 consid. 2.3), même si ce sont les parties du jugement de première instance contestées en appel qui forment le cadre de l'objet d'une procédure appel, et pas la lettre des conclusions des appelants et appelant-joints (art. 391 al. 1 CPP), sauf lorsque le prévenu est le seul à interjeter appel (art. 391 al. 2 CPP "interdiction de la reformatio in pejus") ou s'agissant des conclusions civiles (art. 391 al. 3 CPP). L'objet d'une procédure d'appel ainsi déterminé s'étend également aux parties du jugement de première instance dont la modification s'impose impérativement suite à la réforme d'une partie du jugement de première instance contestée par un appel (ATF 147 IV 167 consid. 1.5.3 ; 144 IV 383 consid. 1.1 ; voir également : arrêt du Tribunal fédéral 6B_1160/2017 du 17 avril 2018 consid. 1.1), comme par exemple le réexamen de la sanction d'un prévenu en cas d'acquittement en appel.

L'indemnité éventuellement due à une partie en lien avec la procédure préliminaire et de première instance (cf. art. 429 et suivants CPP) doit être distinguée tant de la question de l'indemnité pour la procédure d'appel (cf. art. 436 CPP) que de celles des frais de la procédure préliminaire et de première instance (cf. art. 422 et suivants CPP) et des frais de la procédure d'appel (cf. art. 428 CPP). Elle n'est pas intrinsèquement liée à un acquittement, puisqu'elle peut notamment faire l'objet d'une réduction aux conditions de l'art. 430 CPP. Un appelant doit partant doit contester expressément cette partie du jugement de première instance dans sa déclaration d'appel s'il désire le faire examiner par la juridiction d'appel, en particulier lorsqu'il est assisté d'un conseil professionnel.

1.2.2. En l'espèce, la déclaration d'appel initiale de l'appelant, dument représenté par un conseil professionnel, se contentait de mentionner que l'appelant faisait "appel du jugement motivé rendu par le Tribunal de police {…}", et ne respectait donc manifestement pas les exigences de l'art. 399 al. 3 et 4 CPP. Interpellé par la Chambre de céans, l'appelant a ensuite précisé sa déclaration d'appel sans mentionner qu'il contestait l'absence d'octroi d'une indemnité à titre de dépens en première instance. On doit en conclure qu'il a renoncé à contester cet aspect du jugement de première instance.

En conséquence, la Chambre de céans n'examinera pas la question de l'absence d'indemnité octroyée à l'appelant au titre de la procédure préliminaire et de première instance. Cet aspect du jugement de première instance doit en effet être considéré comme étant entré en force.

S'agissant en revanche de la procédure d'appel, la production d'un état de frais détaillé et chiffré le 12 juin 2023 suffit à remplir les exigences de l'art. 436 al. 1 CPP en lien avec l'art. 429 al. 2 CPP, s'agissant d'un objet discuté pour la première fois à ce stade de la procédure.

2. L'appelant fait valoir une violation de la maxime d'accusation par le TP, question qu'il convient d'examiner avant d'éventuellement aborder le fond de la cause.

2.1. Selon l'art. 9 CPP, l'acte d'accusation définit l'objet du procès : une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits ; en outre, le prévenu doit connaître exactement les faits qui lui sont imputés et quelles sont les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (fonction de délimitation et d'information ; ATF 144 I 234 consid. 5.6.1 ; 143 IV 63 consid. 2.2).

La description des faits reprochés dans l'acte d'accusation doit être la plus brève possible (art. 325 al. 1 let. f CPP). Elle doit contenir les faits qui, de l'avis de l'accusation, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée au prévenu ; le ministère public doit ainsi décrire de manière précise les éléments nécessaires à la subsomption juridique, en y ajoutant éventuellement quelques éléments explicatifs nécessaires à la bonne compréhension de l'affaire (ATF 147 IV 439 consid. 7.2 ; 143 IV 63 consid. 2.2 ; 141 IV 132 consid. 3.4.1 ; 140 IV 188 consid. 1.3). Le degré de précision de l'acte d'accusation dépend des circonstances du cas d'espèce, en particulier de la gravité des infractions retenues et de la complexité de la subsomption ; il est conforme à la maxime d'accusation que certains éléments constitutifs de l'infraction ne ressortent qu'implicitement de l'état de fait compris dans l'acte d'accusation, pour autant que le prévenu puisse préparer efficacement sa défense (arrêt du Tribunal fédéral 6B_398/2022 du 22 mars 2023 consid. 1.1). Ainsi, des imprécisions relatives au lieu ou à la date sont sans portée, dans la mesure où le prévenu ne peut avoir de doute sur le comportement qui lui est reproché (arrêts du Tribunal fédéral 6B_978/2021 du 5 octobre 2022 consid. 2.2.1 ; 6B_979/2021 du 11 avril 2022 consid. 5.1 ; 6B_738/2021 du 18 mars 2022 consid. 2.2 ; 6B_215/2021 du 17 janvier 2022 consid. 3.1 ; 6B_1185/2018 du 14 janvier 2019 consid. 2.1).

Lorsque par la voie de l'opposition, l'affaire est transmise au tribunal de première instance, l'ordonnance pénale tient lieu d'acte d'accusation (art. 356 al. 1 CPP).

2.2. En l'occurrence, l'ordonnance pénale du 30 août 2022 mentionne ce qui suit à titre de complexe de faits encore pertinent en appel :

"Il est reproché à A______ de s'être, à Genève le 16 août 2022, alors qu'il circulait au volant de son automobile de marque E______ grise, immatriculée GE 1______, inséré sur la voie de circulation parallèle en coupant la route à l'automobiliste qui se trouvait derrière lui, soit C______, conducteur de taxi."

Quant au TP, il a retenu ce qui suit :

"Vu ce qui précède, le Tribunal de police est fondé à tenir pour établi que A______, voyant que C______ avait entamé une manœuvre pour se rabattre sur sa voie, a accéléré dans le but de lui interdire cette possibilité, ce qui a eu pour résultat d'obliger C______ à freiner et à abandonner sa manœuvre pour éviter l'accident."

Quoiqu'en dise l'appelant, le MP et le TP font ici référence à un complexe de faits unique. Le fait que le TP ait retenu pour établies des circonstances concrètes légèrement différentes de celles mentionnées dans l'acte d'accusation n'empêchait pas l'appelant de comprendre les faits qui lui étaient reprochés et de se défendre efficacement à leur encontre. On ne peut retenir que les autorités de poursuite auraient présenté à l'appelant le complexe de faits fondant sa condamnation pour la première fois lors de la procédure devant le TP.

Mal fondé, le grief de l'appelant lié à la violation de la maxime d'accusation doit être rejeté.

3. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ; 145 IV 154 consid. 1.1 ; 127 I 38 consid. 2a).

Le principe de la libre-appréciation des preuves implique qu'il revient au juge de décider ce qui doit être retenu comme résultat de l'administration des preuves en se fondant sur l'aptitude des éléments de preuve à prouver un fait au vu de principes scientifiques, du rapprochement des divers éléments de preuve ou indices disponibles à la procédure, et sa propre expérience (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1295/2021 du 16 juin 2022 consid. 1.2) ; lorsque les éléments de preuve sont contradictoires, le tribunal ne se fonde pas automatiquement sur celui qui est le plus favorable au prévenu (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1295/2021 du 16 juin 2022 consid. 1.2 ; 6B_477/2021 du 14 février 2022 consid. 3.1 ; 6B_1363/2019 du 19 novembre 2020 consid. 1.2.3). Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe de la présomption d'innocence interdit cependant au juge de se déclarer convaincu d'un fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence d'un tel fait ; des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent en revanche pas à exclure une condamnation (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ; 145 IV 154 consid. 1.1 ; 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 et 2.2.3.3 ; 138 V 74 consid. 7 ; 127 I 38 consid. 2a). Lorsque dans le cadre du complexe de faits établi suite à l'appréciation des preuves faite par le juge, il existe plusieurs hypothèses également probables, le juge pénal doit choisir la plus favorable au prévenu (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_477/2021 du 14 février 2022 consid. 3.2).

4. 4.1.1 Selon l'art. 26 al. 1 LCR, chacun doit se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies. Ce principe de confiance permet à l'usager d'attendre des autres usagers, aussi longtemps que des circonstances particulières ne doivent pas l'en dissuader, qu'ils se comportent également de manière conforme aux règles de la circulation, c'est-à-dire ne le gênent pas ni ne le mettent en danger (ATF 143 IV 500 consid. 1.2.4 ; 143 IV 138 consid.  2.1 ; 125 IV 83 consid. 2b ; 118 IV 277 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_239/2022 du 22 mars 2023 consid. 6.2.3). Seul celui qui s'est comporté réglementairement peut invoquer le principe de la confiance, celui qui viole des règles de la circulation, et crée ainsi une situation confuse ou dangereuse, ne peut pas attendre des autres qu'ils parent à ce danger par une attention accrue ; cette limitation n'est cependant plus applicable lorsque la question de savoir si l'usager a violé une règle de la circulation dépend précisément de la possibilité qu'il a d'invoquer le principe de confiance dans la circulation, en d'autres termes, si et dans quelle mesure il pouvait se fonder sur le comportement de l'autre usager (ATF 143 IV 500 consid. 1.2.4 ; 125 IV 83 consid. 2b ; 120 IV 252 conisd. 2d/aa ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_760/2021 du 8 octobre 2021 consid. 3.1 ; 6B_1002/2020 du 4 octobre 2021 consid. 3.4).

4.1.2. Selon l'art. 32 al. 1 LCR, la vitesse doit toujours être adaptée aux circonstances, notamment aux particularités du véhicule et du chargement, ainsi qu'aux conditions de la route, de la circulation et de la visibilité. Aux endroits où son véhicule pourrait gêner la circulation, le conducteur est tenu de circuler lentement et, s'il le faut, de s'arrêter, notamment aux endroits où la visibilité n'est pas bonne, aux intersections qu'il ne peut embrasser du regard, ainsi qu'aux passages à niveau.

Selon l'art. 35 al. 1 LCR, les dépassements se réalisent en principe par la gauche. Selon l'art. 35 al. 7 LCR, la chaussée doit être dégagée pour donner la possibilité de dépasser aux véhicules qui roulent plus rapidement et signalent leur approche et le conducteur n'accélérera pas son allure au moment où il est dépassé. Cette règle ne concerne que les véhicules situés l'un derrière l'autre sur la même voie, et pas les véhicules situés sur des voies parallèles de même direction (ATF 106 IV 61 consid. 2a ; P. WEISSENBERGER DIKE Kommentar SVG, 2015, n. 43 ad art. 35 LCR ; S. MAEDER, Basler Kommentar SVG, 2014, n. 93 ad art. 35 LCR).

Selon l'art. 44 al. 1 LCR, sur les routes marquées de plusieurs voies pour une même direction, le conducteur ne peut passer d'une voie à une autre que s'il n'en résulte pas de danger pour les autres usagers de la route. Cette norme consacre une règle de priorité en faveur du véhicule circulant sur une voie par rapport à un autre qui désire rejoindre ladite voie (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1190/2019 du 11 février 2020 consid. 1.2.1 ; 1C_403/2016 du 27 mars 2017 consid. 2.1 ; 6B_453/2012 du 19 février 2013 consid. 2.2.1 ; H. GIGER, Orell Füssli Kommentar SVG, 9ème éd. 2022, n. 2 ad art. 44 LCR ; P. WEISSENBERGER, DIKE Kommentar SVG, 2015, n. 3 ad art. 44 LCR ; N. RINDLISBACHER, Basler Kommentar SVG, 2014, n. 8 ad art. 44 LCR). Une exception aux règles de priorité dans des situations de dense trafic interurbain n'est possible lorsqu'elle sert la sécurité et la fluidité du trafic, et seulement avec grande réserve (ATF 105 IV 341 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_735/2020 du 18 août 2021 consid. 3.2.2 ; 1C_403/2016 du 27 mars 2017 consid. 2.1 ; 6B_453/2012 du 19 février 2013 consid. 2.2.2).

4.2.1. En l'occurrence, le TP affirme s'être principalement fondé sur le témoignage de la passagère du taxi, D______, pour retenir la version des faits décrites par C______ selon laquelle l'appelant avait brusquement accéléré afin d'empêcher le prénommé de changer de voie en passant de la voie réservée aux taxis sur la voie, située plus à gauche, où se trouvait le précité.

Comme le souligne à raison l'appelant, cette version ne correspond cependant pas aux déclarations du témoin D______. Celle-ci a en effet avancé que le véhicule de l'appelant avait dépassé son taxi avant de se rabattre devant lui, forçant un freinage soudain de C______ pour éviter l'accident.

Cette version ne correspond en outre pas aux éléments de preuve à la procédure puisqu'il est constant que les véhicules des deux protagonistes se sont retrouvés côte à côte à l'intersection entre le boulevard du pont d'Arve et la rue de Carouge, ce qui implique qu'ils s'étaient, selon toute vraisemblance, placés sur les voies de présélection prévues pour ce faire à la fin de l'avenue du Mail. Or, celles-ci sont situées sur la partie gauche de la route, soit dans la continuation directe de la voie sur laquelle se trouvait l'appelant au moment des évènements objets de la présente procédure, et non dans la continuation de la voie réservée aux taxis, laquelle aboutit sur des présélections destinées aux conducteurs se dirigeant en direction de la rue Dancet ou sur le boulevard du pont d'Arve en direction du pont des Acacias.

Il n'était donc pas possible se baser entièrement sur la version des faits avancée par C______ et d'indiquer qu'elle correspondait à celle de D______, comme l'a fait l'autorité précédente.

Selon l'appelant et C______, ce dernier circulait sur la voie réservée aux taxis et aux bus sur l'avenue du Mail lorsqu'il a voulu se rabattre sur la voie située à sa gauche, voie sur laquelle circulait l'appelant, et qui aboutit sur la présélection en direction de l'intersection entre le boulevard du pont d'Arve et la rue de Carouge, intersection devant laquelle les protagonistes se sont retrouvés un peu plus tard. Cette version des faits apparait clairement plus convaincante que celle décrite par le témoin D______. Cela vaut d'autant plus que l'expérience générale de la vie laisse penser que cette dernière, en tant que passagère, n'était pas particulièrement attentive au trafic jusqu'au brusque freinage de C______, contrairement aux deux conducteurs qui étaient au volant de leurs véhicules.

Le seul témoignage affirmant que l'appelant a brusquement accéléré est celui de C______. Sa seule qualité de chauffeur de taxi, habitué à la conduite sur le territoire genevois, ne suffit toutefois pas à emporter l'intime conviction de la Chambre de céans, d'autant qu'il s'agit de la personne ayant dénoncé les faits aux autorités de poursuite suite à un échange peu amène avec l'appelant.

Au vu de ce qui précède et du principe in dubio pro reo, il convient de retenir les faits qui suivent :

Le 16 août 2022, alors que C______, réalisait une course dans son taxi et qu'il circulait sur l'avenue du Mail en direction de l'avenue Henri-Dunant et du boulevard du Pont d'Arve, il a désiré quitter la voie réservée aux taxis sur laquelle il se trouvait pour s'insérer dans la voie située sur sa gauche qui aboutissait sur la présélection en direction de l'intersection entre le boulevard du pont d'Arve et la rue de Carouge. L'appelant circulait au même moment sur cette voie à une vitesse supérieure à celle du taxi qui préparait son insertion. Il s'en est suivi une incompatibilité spatiale obligeant les deux conducteurs à manœuvrer afin d'éviter une collision.

4.2.2. Au vu des faits tels qu'ils viennent d'être décrits, l'appelant bénéficiait clairement de la priorité sur la voie sur laquelle il circulait, en vertu de l'art. 44 al. 1 LCR. Il revenait donc à C______ d'attendre son passage pour effectuer son insertion sur ladite voie. En retenant la règle inverse, l'autorité précédente a méconnu la règle de priorité applicable dans le cas d'espèce.

S'agissant de la règle de l'art. 35 al. 7 LCR, invoquée par le TP, elle ne trouve pas à s'appliquer dans une situation comme celle du cas d'espèce où les véhicules impliqués sont situés sur des voies parallèles, ladite règle étant réservée au cas où deux véhicules sont situés l'un derrière l'autre et que celui situé à l'arrière manifeste son intention de procéder à un dépassement. Quant à l'application de l'art. 32 LCR, le complexe de faits arrêté plus haut ne permet pas de retenir que cette disposition ait été violée. S'agissant enfin de l'art. 26 LCR, c'est bien l'appelant qui bénéficiait du principe de la confiance dans la circulation dès lors qu'il était bénéficiaire de la priorité et qu'une exception aux règles de priorité ne doit être admise qu'avec grande réserve et a priori uniquement dans un cas où cela favorise celui qui ayant procédé à une telle pratique exceptionnelle, et pas au détriment d'un conducteur, qui, comme l'appelant dans le cas d'espèce, a suivi les règles légales en matière de circulation routière.

En conclusion, l'appelant doit être acquitté de l'accusation portée à son encontre, et le jugement entrepris réformé sur ce point.

5. 5.1.1. Selon l'art. 423 al. 1 CPP, les frais de procédure sont mis à la charge du canton qui a conduit la procédure, sous réserve d'une autre règle d'imputation prévue par le CPP. Lorsque le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent néanmoins être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile sa conduite (art. 426 al. 2 CPP).

5.1.2. En l'espèce, le comportement de l'appelant n'a pas provoqué l'ouverture de la procédure, celle-ci résultant de la plainte de C______, et aucun élément ne permet de retenir qu'il aurait rendu plus difficile la conduite de celle-ci.

Partant, les frais relatifs à la procédure préliminaire et de première instance imputés à l'appelant, soit CHF 400.-, seront laissés à la charge de l'État.

5.2. L'appel ayant été admis, il ne sera pas perçu de frais (art. 428 CPP a contrario).

6. 6.1. L'art. 436 al. 1 CPP prescrit que les règles relatives à la fixation de l'indemnité en relation avec la procédure de première instance, soit les art. 429 à 434 CPP, trouvent application à la procédure d'appel.

L'art. 429 al. 1 let. a CPP prévoit que s'il est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, le prévenu a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

L'État ne prend en charge les frais de défense que si l'assistance d'un avocat était nécessaire compte tenu de la complexité de l'affaire en fait ou en droit et que le volume de travail, et donc les honoraires, étaient ainsi justifiés (ATF 142 IV 45 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_380/2021 du 21 juin 2022 consid. 2.2.1 ; 6B_706/2021 du 20 décembre 2021 consid. 2.1.1 ; 6B_2/2021 du 25 juin 2021 consid. 1.1.2). L'État doit en principe indemniser la totalité des frais de défense, ceux-ci devant toutefois demeurer raisonnables compte tenu de la complexité et de la difficulté de l'affaire (ATF 142 IV 163 consid. 3.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_380/2021 du 21 juin 2022 consid. 2.2.2 ; 6B_706/2021 du 20 décembre 2021 consid. 2.1.1 ; 6B_230/2021 du 17 novembre 2021 consid. 1.1).

L'indemnité doit correspondre au tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule ; l'État n'est pas lié par une convention d'honoraires passée entre le prévenu et son avocat (ATF 142 IV 163 consid. 3.1.2). Bien que le canton de Genève ne connaisse pas de tarif officiel des avocats, il n'en a pas moins posé, à l'art. 34 de la loi sur la profession d'avocat (LPAv), les principes généraux devant présider à la fixation des honoraires, qui doivent en particulier être arrêtés compte tenu du travail effectué, de la complexité et de l'importance de l'affaire, de la responsabilité assumée, du résultat obtenu et de la situation du client. La Cour de justice applique ainsi un tarif horaire maximal de CHF 450.-, TVA comprise, pour les chefs d'étude (AARP/79/2023 du 15 mars 2023 consid. 4.1 ; AARP/357/2022 du 16 novembre 2022 consid. 6.1 ; AARP/347/2022 du 16 novembre 2022 consid. 2.1).

6.2. La note de frais complète actualisée fournie par l'appelant le 12 juin 2023 fait état d'un total de 445 minutes (sept heures et 25 minutes) de travail de son conseil, à CHF 400/h + TVA de 7.7%, postérieurement au jugement de première instance.

Ce total apparait légèrement excessif à l'aune du caractère simple de l'objet de la procédure d'appel, de la connaissance par Me B______ des problématiques de la cause avant le début de la procédure d'appel, dès lors qu'il a déjà représenté l'appelant en première instance, et au fait qu'une partie du mémoire d'appel est composée non de la présentation des griefs factuels ou juridiques, mais d'allégations de faits, lesquelles sont en tant que telles inutiles en procédure d'appel. En conséquence, il convient de réduire le total à indemniser à 360 minutes (six heures).

L'indemnisation de l'appelant en lien avec ses frais de défense en procédure d'appel doit donc être fixée à CHF 2'584.80, TVA incluse (6 {heures} x 430.80 {CHF/h}).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/207/2023 rendu le 16 février 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/18112/2022.

L'admet.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ de menaces (art. 180 al. 1 CP), d'injure (art. 177 CP) et de violation des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR en lien avec les art. 32 al. 1 et 35 al. 7 LCR).

Laisse l'ensemble des frais de procédure à charge de l'État.

Alloue à A______ un montant de CHF 2'584.80, TVA comprise, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure au cours de la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Gregory ORCI

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.