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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/12078/2021

AARP/285/2023 du 16.08.2023 sur JTMI/10/2022 ( PENADO ) , REJETE

Descripteurs : IN DUBIO PRO REO
Normes : CP.179quater; CP.173
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/12078/2021 AARP/285/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 16 août 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], comparant par Me B______, avocat,

appelante,

 

contre le jugement JTMI/10/2022 rendu le 22 juin 2022 par le Tribunal des mineurs,

et

C______, domicilié c/o Mme D______, ______ [GE] comparant par Me E______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTMI/10/2022 du 22 juin 2022, par lequel le Tribunal des mineurs a constaté la prescription de l'action pénale et classé la procédure d'infraction d'injure (art. 177 du code pénal [CP]), tout en acquittant C______ de violation du domaine privé (art. 179quater CP), étant relevé que le premier juge avait informé les parties de ce que les faits retenus à l'acte d'accusation pour cette dernière infraction seraient également examinés sous l'angle d'une diffamation au sens de l'art. 173 CP. C______ a été condamné à verser CHF 3'735.65 à F______, soit, pour elle, à sa mère A______, à titre d'indemnité pour ses frais de défense (art. 433 al. 1 du code de procédure pénale [CPP] et art. 3 al. 1 Procédure pénale des mineurs [PPMin]), ses prétentions civiles étant rejetées.

A______ entreprend partiellement ce jugement et conclut à ce que C______ soit déclaré coupable de violation du domaine privé et de diffamation et à sa condamnation à payer à F______ CHF 3'368.- à titre de réparation du dommage matériel et CHF 5'000.- à titre de tort moral, le tout avec intérêts à 5% l'an dès le 18 février 2021.

Elle produit, à l'appui de sa déclaration d'appel, un bordereau de pièces complémentaires comprenant des captures d'écran Snapchat précédemment non versées à la procédure pour démontrer que, sitôt les photographies publiées, l'identité de F______ avait été connue de tous. L'une de ces captures mentionne un échange entre participants mentionnant "il n'y a pas de vidéos ou plus", C______ répondant "Nan" et un tiers ajoute "Quel vidéo ?".

b. Selon l'acte d'accusation du 16 mai 2022, il est reproché ce qui suit à C______ :

À Genève, le 18 février 2021, il a intentionnellement publié sur les réseaux sociaux Instagram et Snapchat, des photos des fesses dénudées de F______, née le ______ 2007, sans son consentement, photos qu'elle lui avait envoyées au mois de février 2021 de manière privée alors qu'ils étaient en couple, ainsi que deux photos des fesses dénudées de F______ qui se trouvaient dans son téléphone portable et qu'il s'était procuré indûment alors qu'elle lui avait prêté son téléphone, clichés qui ont circulé sur les réseaux sociaux et ont été vus par de nombreuses personnes.

Des faits qualifiés d'injures par l'acte d'accusation, ont, comme mentionné sous a. supra, été classés et ne sont plus litigieux.

 

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Le 21 février 2021, F______ a déposé plainte pénale à la police, en présence de A______. Elle avait fait la connaissance de C______ via les réseaux sociaux à fin janvier 2021 et l'avait rencontré pour la première fois, le 3 février suivant et, dans la foulée, ils s'étaient mis en couple. Ils s'étaient ensuite revus à deux reprises. Quelques jours après le 3 février 2021, C______ lui avait demandé de lui transmettre des photographies d'elle dénudée. Elle lui avait alors envoyé trois photos dont une de ses fesses. Le 18 février suivant, elle avait décidé de mettre un terme à leur relation, ce que C______ n'avait pas accepté. Pour se venger, le même jour, il avait publié sur sa story Instagram et Snapchat les photos qu'elle lui avait envoyées ainsi que deux autres qui se trouvaient dans son propre téléphone portable et dont elle ignorait comment il se les était procuré. Il avait pu se les transférer lorsqu'elle lui avait prêté son appareil. Suite à des insultes reçues de C______, elle lui avait envoyé une vidéo dans laquelle elle lui disait qu'étant maintenant célibataire, elle était libre d'embrasser et envoyer des photos de son "cul" à qui elle voulait. Une fille inconnue avait posté cette vidéo sur Instagram. Elle n'était plus en contact avec C______. Depuis le 18 février 2021, les photos précitées circulaient sur internet et passablement de ses camarades les avaient regardées. Elle recevait des messages de personnes l'insultant de "pute". C'était la première fois qu'elle envoyait des photos d'elle dénudée.

a.b. À l'appui de sa plainte, F______ a versé trois captures d'écran, la première montrant deux photographies d'elle, soit l'une où elle est à genoux sur un lit, en slip, tronc basculé en avant face à l'objectif et mettant en évidence ses fesses et l'autre où elle est visible de dos, mains sur les hanches, vêtue d'un haut et postérieur nu. Cette dernière image, qui cadre depuis la hauteur de la poitrine jusqu'à mi-cuisses, porte en haut à droite un petit triangle blanc analogue à celui permettant de déclencher une vidéo. La seconde capture d'écran contient une reproduction de la première photo ainsi qu'une autre où F______ se tient au trois-quart de dos, debout en slip, ses fesses mises en évidence. La troisième contient deux des photographies présentes sur les deux premières capture d'écran ainsi qu'une photographie de F______ de dos, tirant sur son slip, mettant en évidence ses fesses.

Il est visible sur ces trois captures d'écran qu'elles reproduisent des conversations de personnes intervenant sur des réseaux sociaux.

b. Entendu sur ce qui précède, C______ a confirmé que F______ et lui s'étaient rencontrés sur Snapchat puis avaient communiqué par Instagram. Ils s'étaient vus une première fois au domicile de F______ et avaient échangé beaucoup de bisous, puis revus à deux ou trois reprises. Il lui avait demandé de lui envoyer des photos d'elle nue, ce qu'elle avait fait et il avait conservé ces photos sur son téléphone. Quelques jours après, elle ne l'avait plus trop aimé et avait voulu qu'ils se séparent. Cela l'avait rendu triste et il avait "les nerfs" de ne plus être en couple aussi il avait, sans réfléchir, publié sur Instagram toutes les photographies qu'elle lui avait envoyées au profit d'un groupe d'une dizaine de personnes qui les avaient vues. Il n'avait pas tout de suite réalisé avoir fait une bêtise. Les captures d'écran produites par F______ correspondaient bien aux photographies qu'elle lui avait envoyées.

c. Le 21 juin 2021, la Juge des mineurs a ordonné une médiation, laquelle n'a pas eu d'issue positive.

d. Devant la Juge des mineurs, et lors de l'audience de jugement, C______ a contesté s'être adressé des photographies F______ depuis le téléphone de celle-ci. Il n'avait fait que conserver celles qu'elle lui avait envoyées. Elle avait eu un contact avec un autre "gars" ce qui lui avait déplu. Parmi les personnes ayant consulté sa story, il y avait des inconnus et des connaissances de F______, ce qu'il ignorait. Au sujet de la médiation, elle avait parlé de lui à une amie alors qu'il trouvait que cette dernière n'avait rien à savoir. Il s'était ensuite moqué de F______ sur Instagram et elle avait menacé de le gazer s'il ne disait pas la vérité. Il n'avait pas voulu s'excuser à cause de ces messages. Au jour du jugement, il a déclaré savoir que des gens verraient les photos et penseraient du mal de F______, qu'il s'agissait d'une fille "légère". Il avait entendu qu'elle se faisait traiter de "pute" alors que ce n'était pas une fille facile. Il avait fait une bêtise dont il s'excuserait.

C. a. Pour satisfaire aux exigences de la procédure pénale des mineurs, la juridiction d'appel a d'abord ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite, avant de tenir une audience de comparution personnelle de C______.

b. L'ordonnance d'ouverture de la procédure écrite a été notifiée à A______ le 2 novembre 2022.

c. Selon son mémoire d'appel déposé au greffe de la Cour de céans le 23 novembre 2022, A______ persiste dans ses conclusions. S'il n'était juridiquement pas possible de retenir une infraction à l'art. 179quater CP pour les images remises volontairement par F______, il n'en allait pas de même pour celles subtilisées par C______ sans son consentement. F______ avait toujours soutenu n'avoir envoyé que trois photographies intimes d'elle qui avaient été transmises à la police lors du dépôt de la plainte. La plaignante avait mentionné que C______ avait publié deux autres photos qui se trouvaient dans son téléphone portable. Or, une vidéo figurait sur les pièces produites à l'appui de la plainte pénale, laquelle avait été publiée sur Snapchat. Le premier juge avait omis de tenir compte de cette circonstance. S'agissant de "déclarations contre déclarations", il fallait relever la constance de l'appelante, pour laquelle on ne discernait pas de bénéfice secondaire, contrairement à l'intérêt de l'appelant à nier. Ce dernier avait bien créé des groupes de discussion sur les réseaux sociaux, ce qui corroborait les dires de la plaignante.

Le Tribunal avait faussement constaté les faits en estimant que l'intimé n'avait pas rendu reconnaissable l'appelante. Les premiers juges ne pouvaient pas non plus être suivis dans leur appréciation selon laquelle en diffusant les images dénudées de son ex-petite amie, l'intimé n'avait pas rendu la plaignante méprisable en sa qualité d'être humain. F______ avait immédiatement été identifiée par les participants aux groupes de discussion, l'intimé confirmant son identité à ceux-ci. Suite à la publication des images dénudées, elle avait fait l'objet de nombreuses insultes, le lien de causalité étant établi entre la publication des images, l'identification de l'appelante et l'atteinte à son honneur. Les éléments constitutifs de l'infraction de diffamation étaient réalisés, l'intimé ayant admis qu'il allait ternir la réputation de l'appelante. L'intimé devait être condamné à payer une indemnité de CHF 5'477.30 à l'appelante au titre de ses frais de défense pour la procédure d'appel.

d. Dans son mémoire de réponse, C______ relève le dépôt hors délai du mémoire d'appel, ce qui devrait entraîner le retrait de l'appel et l'irrecevabilité du mémoire.

Il conclut au rejet de l'appel. De façon constante, C______ avait toujours fermement contesté avoir subtilisé des photographies à l'insu de l'appelante alors même qu'il avait admis avoir publié les photographies litigieuses sur internet. Ces premières déclarations avaient été faites hors la présence d'un conseil. F______ avait elle-même déclaré à la police avoir adressé trois photographies, dont une de ses fesses, qu'elle avait remises à la police. Or, les trois photographies produites étaient de ses fesses. Ses déclarations étaient donc inexactes. Elle avait également fait état de deux photographies subtilisées et publiées, or celles produites étaient au nombre de trois. F______ n'avait donné aucun autre détail, ni description des photographies prétendument volées. La référence à une vidéo était pour la première fois évoquée dans le mémoire d'appel. Des investigations plus poussées auraient pu être effectuées sur les téléphones portables. Faute de preuve attestant que des photographies auraient été subtilisées, les éléments constitutifs de 179quater CP n'étaient pas réalisés.

La seule publication de photographies intimes sur les réseaux sociaux sans l'accord de la personne concernée ne conduisait à aucune incrimination, étant pénalement atypique. Aucune disposition pénale n'était applicable. Un processus législatif était en cours pour appréhender de tels comportements mais il était loin d'être achevé. L'intimé s'étant borné à publier trois photographies des fesses de l'appelante sur les réseaux sociaux, sans nommer la jeune fille ni ajouter des commentaires particuliers, les éléments constitutifs de la diffamation n'étaient pas réalisés. L'intimé n'avait formulé aucune accusation d'un comportement désapprouvé socialement et moralement reprochable à l'encontre de F______.

Aucune infraction n'ayant été commise, la demande d'indemnisation pour tort moral devait être rejetée.

e. Dans sa réplique, citant une jurisprudence, A______ relève que dans les circonstances du dépôt d'un mémoire un jour après l'échéance du délai, et dans la mesure où la déclaration d'appel avait d'ores et déjà répondu aux exigences de l'art. 385 al. 1 let. a à c CPP, un tel dépassement ne saurait emporter retrait de l'appel sous peine d'emporter un formalisme excessif.

f. a. Devant la Chambre de céans, C______ confirme que les photographies litigieuses lui ont été volontairement remises par F______, au plus tard une semaine avant leur diffusion. De façon générale, il arrivait que certaines images comportent un triangle laissant entendre qu'il pouvait s'agir d'une vidéo sans que cela n'en soit une. Il n'avait reçu que des photographies dont celle de F______ apparaissant fesses nues. Préalablement à la diffusion des clichés, il avait annoncé sur internet aux intéressés qu'il s'agirait de F______ sans penser aux conséquences sur le moment. Les faits ne lui correspondaient pas réellement. Il en avait désormais compris les suites et s'excuserait certainement face à F______.

f.b. Le Ministère public conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement. Il s'en rapporte sur la recevabilité de l'appel.

C______ avait admis dès le début de la procédure avoir fauté, publié des photographies et contesté en avoir subtilisé, même non assisté d'un conseil. Il n'y avait pas d'élément objectif au dossier qui permette de privilégier une version des faits plutôt qu'une autre. Le doute n'autorisait pas une condamnation. Même si cela était choquant, le fait de transmettre sur les réseaux des photographies d'une tierce personne ne conduisait à aucune condamnation pénale. Le seul cliché d'un corps dénudé n'était pas attentatoire à l'honneur. Le visage de la mineure n'avait jamais été dévoilé et il n'y avait pas d'images pornographiques, ni d'écrit posté pour nuire à la probité de F______.

f.c. Pour la défense de C______, s'agissant de la date de dépôt du mémoire écrit, la jurisprudence citée par A______ ne devrait pas s'appliquer lorsqu'un conseil est constitué. Sur le fond, vu l'absence de vol d'images, l'art. 179quater CP était inapplicable. C'était toujours les mêmes images qui étaient reproduites et il n'y avait pas de vidéo comme cela ressortait des échanges figurant sur les captures d'écran. S'agissant de la diffamation, aucune mention de F______ n'était intervenue au moment de la diffusion des images mais uniquement après. Aucun commentaire constituant une allégation de fait n'avait été exprimé au sujet de F______. Le simple fait de poster des images n'en constituait pas une. Même si c'était choquant, il n'y avait pas en l'état de disposition légale permettant de réprimer ce type de comportement.

E. Me E______, défenseur d'office de C______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 10 heures d'activité de chef d'étude, hors débats d'appel lesquels ont duré une heure et dix minutes, dont deux conférences de 30 minutes chacune, 50 minutes de prise de connaissance et d'analyse de l'appel, six heures et 10 minutes de rédaction du mémoire réponse et deux heures de préparation d'audience, outre le déplacement à celle-ci.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. La direction de la procédure fixe à la partie qui a déclaré l'appel un délai pour motiver sa décision par écrit (art. 406 al. 3 CPP). La motivation écrite de l'appel selon l'art. 406 al. 3 CPP est une exigence de validité dans la procédure écrite. Elle remplace les plaidoiries des parties dans la procédure orale et doit comprendre les points énumérés à l'art. 385 al. 1 CPP.

L'art. 407 al. 1 CPP prescrit que l'appel est réputé retiré si la partie qui l'a déclaré omet de déposer un mémoire écrit (let. b).

Dans la mesure où la déclaration d'appel est déjà suffisamment motivée, il n'est pas nécessaire de déposer à nouveau les motifs. Dans ces conditions, la cour d'appel est sans autre en mesure de mener la procédure. Il convient néanmoins de fixer à la partie appelante un nouveau délai pour compléter la déclaration d'appel motivée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1430/2021 du 15 février 2023 consid. 1.2.2 et les références citées).

Le fait qu'une partie ne réitère pas dans le délai imparti, dans un mémoire écrit, les motifs déjà présentés avec sa déclaration d'appel peut ne pas être préjudiciable. La fiction de retrait selon l'art. 407 al. 1 let. b CPP sur la base d'un tel manquement équivaudrait à un formalisme excessif. Cette rigueur formelle procédurale ne serait pas objectivement justifiée, deviendrait une simple fin en soi et compliquerait de manière insoutenable la réalisation du droit matériel (arrêt du Tribunal fédéral 6B_684/2017 du 13 mars 2018 consid. 1.4.2)

2.2. En l'espèce, l'appelante a certes déposé son mémoire écrit un jour après l'échéance du délai. Cela étant, il n'apparaît pas nécessaire de se prononcer sur la question d'un formalisme excessif, la déclaration d'appel du 15 juillet 2022 apparaissant suffisamment explicite quant à ses motifs de contestation de l'acquittement de l'intimé, dans la mesure où l'appelante a versé de nouvelles captures d'écran par lesquelles elle entend prouver le fait que des images d'elle dénudée ont été subtilisées et publiées et qu'elles ont immédiatement été associées à son identité. L'appel est ainsi recevable.

3. 3.1.1. Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).

Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves
(ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Les preuves doivent être examinées dans leur ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_1183/2016 du 24 août 2017 consid. 1.1 ; 6B_445/2016 du 5 juillet 2017 consid. 5.1).

Les cas de "parole contre parole", dans lesquels les déclarations de la victime en tant que principal élément à charge et les déclarations contradictoires de la personne accusée s'opposent, ne doivent pas nécessairement conduire à un acquittement sur la base du principe in dubio pro reo. L'appréciation définitive de ces déclarations incombe au tribunal du fond (ATF 137 IV 122 consid. 3.3).

L'appréciation des preuves implique donc une appréciation d'ensemble. Le juge doit forger sa conviction sur la base de tous les éléments et indices du dossier. Le fait que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit insuffisant ne doit ainsi pas conduire systématiquement à un acquittement. La libre appréciation des preuves implique que l'état de fait retenu pour construire la solution doit être déduit des divers éléments et indices, qui doivent être examinés et évalués dans leur ensemble (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1169/2017 du 15 juin 2018 consid. 1.1 ; 6B_608/2017 du 12 avril 2018 consid. 3.1 et les références).

3.1.2. À teneur de l'art. 179quater CP est, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque, sans le consentement de la personne intéressée, observe avec un appareil de prise de vues ou fixe sur un porteur d’images un fait qui relève du domaine secret de cette personne ou un fait ne pouvant être perçu sans autre par chacun et qui relève du domaine privé de celle-ci (al. 1), quiconque tire profit ou donne connaissance à un tiers d’un fait qu’il sait ou doit présumer être parvenu à sa propre connaissance au moyen d’une infraction visée à l’al. 1 (al. 2) ou quiconque conserve une prise de vues ou la rend accessible à un tiers, alors qu’il sait ou doit présumer qu’elle a été obtenue au moyen d’une infraction visée à l’al. 1 (al. 3).

Le caractère répréhensible de l'acte réprimé par l'art. 179quater CP consiste ainsi dans l'absence de consentement de la part des personnes qui sont, dans des faits relevant du domaine secret ou du domaine privé, observées à l'aide d'un appareil de prise de vue ou dont l'image est fixée sur un support (arrêt du Tribunal fédéral 6B_630/2017 du 16 février 2018 consid. 1.2.1).

3.2. En l'espèce, les déclarations de la partie plaignante et celles de l'intimé s'opposent, sans qu'aucun élément objectif ne permette de battre en brèche l'une ou l'autre de leur version des faits. On notera cependant que, parmi les captures d'écran versées avec la plainte de l'appelante, une seule photographie la représente réellement fesses nues, soit celle comportant un triangle pouvant laisser penser à une vidéo. Or, non seulement à aucun moment l'appelante, qui admet avoir envoyé volontairement plusieurs photographies dont une de ses fesses, n'a évoqué l'existence d'une vidéo, ce qu'elle n'eût pas manqué de faire s'il en avait existé une, d'autant que le triangle précité était manifestement visible sur la photographie remise à la police. En toute logique, elle n'aurait pas manqué de relever ce fait dans le contexte de la plainte. Ainsi, il y a tout lieu de retenir que les images litigieuses ne concernent que des photographies et non une vidéo, ainsi que l'a soutenu l'intimé de façon constante. De plus, il faut souligner que, dans sa plainte, si l'appelante mentionne une photographie de ses fesses, soit l'unique ci-dessus évoquée, elle ne désigne aucune autre photographie comme faisant partie de celles qui lui auraient été subtilisées. Or, comme on l'a vu, les photographies apparaissant sur les trois captures d'écran sont groupées et sont reproduites successivement, de sorte qu'aucun élément ne permet d'envisager qu'il s'agirait de photographies soustraites séparément. Si la partie plaignante n'a été entendue qu'à une reprise, il faut de surcroît constater que l'intimé, entendu à quatre reprises sur les faits, est toujours resté particulièrement constant sur les circonstances dans lesquelles il avait posté les images, dont il a admis qu'il l'avait fait dans un mouvement de colère.

Rien ne permettant d'appuyer une subtilisation des images, l'état de fait le plus favorable à l'intimé doit être retenu, soit celui d'une remise consentie des images litigieuses par la partie plaignante, de sorte que l'art. 179quater CP ne peut trouver application, même si le comportement de l'intimé apparaît déplorable. Il sied toutefois d'attirer son attention sur le fait que, contrairement à ce que son entourage paraît penser, le comportement de F______ n'est nullement critiquable mais exclusivement le sien qui est seul responsable des troubles et des difficultés qui, pour F______, ont suivi la parution des images litigieuses sur internet. Il est d'ailleurs prévisible qu'à relativement court terme au vu des travaux législatifs, un comportement tel que celui adopté par l'intimé sera pénalement punissable.

L'appel sera ainsi rejeté et le jugement confirmé.

4. 4.1.1. À teneur de l'art. 173 ch. 1 CP sera, sur plainte, puni d'une peine pécuniaire le comportement de celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, ou aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon. Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut se fonder non pas sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon le sens qu'un destinataire non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer. S'agissant d'un texte, il doit être analysé non seulement en fonction des expressions utilisées, prises séparément, mais aussi selon le sens général qui se dégage du texte dans son ensemble (ATF 128 IV 53 consid. 1a p. 58 et les arrêts cités).

4.1.2. Selon l'art. 36 al. 1 let. c de la loi régissant la condition pénale des mineurs (DPMin), l’action pénale se prescrit par un an si l'infraction est passible d'une autre peine en vertu du droit applicable aux adultes. Il s'agit ici de la peine pécuniaire.

4.2. En l'espèce, l'action pénale se prescrit par un an pour des faits commis le 18 février 2021. Or, le jugement est intervenu le 22 juin 2022, soit plus d'un an après la commission de l'infraction. En conséquence, il n'apparaît pas nécessaire d'examiner si les faits seraient susceptibles de tomber pour diffamation sous le coup de l'art. 173 ch. 1 CP, dans la mesure où l'action pénale était d'ores et déjà prescrite à la date du jugement.

L'appel est ainsi rejeté.

5. Vu l'issue de l'appel, les prétentions civiles et en indemnisation de l'appelante seront rejetées dans leur totalité.

6. 6.1. Selon l'art. 428 al. 1, première phrase, CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé. Pour déterminer si une partie succombe ou obtient gain de cause, il faut examiner dans quelle mesure ses conclusions sont admises en deuxième instance (arrêts du Tribunal fédéral 6B_136/2016 du 23 janvier 2017 consid. 4.1.2 ; 6B_1025/2014 du 9 février 2015 consid. 2.4.1 ; 6B_1046/2013 du 14 mai 2014 consid. 3.3 ; 6B_586/2013 du 1er mai 2014 consid. 3.2 ; 6B_438/2013 du 18 juillet 2013 consid. 2.4).

6.2. Il se justifie de mettre à la charge de A______, qui succombe, les frais de la procédure d'appel, qui comprennent un émolument global de CHF 1'500.-.

7. L'état de frais de Me E______, défenseur d'office de C______ apparaît globalement excessif. Si les deux conférences sont admises, les quelques six heures et 10 minutes de rédaction du mémoire réponse apparaissent trop importantes au vu de la solution juridique évidente et seront réduites à quatre heures, alors qu'une seule heure de préparation d'audience, mémoire réponse à l'appui, était largement suffisante. En outre, la prise de connaissance et l'analyse de l'appel sont inclues dans le forfait.

En conclusion, la rémunération sera arrêtée à CHF 1'852.45 correspondant à sept heures et 10 minutes d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 1'433.35) plus la majoration forfaitaire de 20% (CHF 286.65) et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 132.45.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTMI/10/2022 rendu le 22 juin 2022 par le Tribunal des mineurs dans la procédure P/12078/2021.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'775.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Arrête à CHF 1'852.45, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me E______, défenseur d'office de C______.

 

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"I. Constate la prescription de l'action pénale et classe en conséquence la procédure de l'infraction d'injure (art. 177 CP) visée sous chiffre 1.2 de l'acte d'accusation.

III. Acquitte C______ des chefs d'accusation de violation du domaine privé visée sous chiffre 1.1 de l'acte d'accusationde visée au chiffre 1.5 d

XII. Condamne C______ à payer à F______, partie plaignante, soit pour elle sa mère, A______, une indemnité de CHF 3'735.65, TVA comprise, à titre d'indemnité pour les frais d'avocat (art. 433 al. 1 CPP, art. 3 al. 1 PPMin).

XIII. Déboute F______, partie plaignante, soit pour elle sa mère, A______, de ses autres prétentions civiles."

Notifie le présent arrêt aux parties.

 

 

 

Le communique, pour information, au Tribunal des mineurs.

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Pierre BUNGENER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

140.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

60.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'775.00