Skip to main content

Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

1 resultats
P/15518/2021

AARP/54/2023 du 20.02.2023 sur JTCO/81/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : BRIGANDAGE;CONTRAINTE(DROIT PÉNAL)
Normes : CP.139; CP.140; CP.66b; CPP.391
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15518/2021 AARP/54/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 16 février 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu à l'établissement fermé de B______, ______, comparant par Me C______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTCO/81/2022 rendu le 28 juin 2022 par le Tribunal correctionnel,

 

et

D______, partie plaignante,

E______, partie plaignante, comparant par Me Jean-Charles LOPEZ, avocat,
BUDIN & ASSOCIÉS, rue De-Candolle 17, case postale 166, 1211 Genève 12,

F______, partie plaignante,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTCO/81/2022 du 28 juin 2022 par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) l'a acquitté de faux dans les certificats étrangers (art. 252 cum art. 255 du Code pénal [CP]), a classé la procédure s'agissant des voies de faits et l’a déclaré coupable de vol (art. 139 al. 1 CP), de brigandages (art. 140 al. 1 CP), de tentative de brigandage (art. 22 CP cum 140 al. 1 CP), de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 ch. 1 CP), de rupture de ban (art. 291 CP) et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19a al. 1 LStup). Le TCO a révoqué le sursis octroyé le 8 novembre 2017 par le Tribunal de police de Genève (TP) à la peine privative de liberté de huit mois et condamné A______ à une peine privative de liberté d'ensemble de 36 mois, sous déduction de 406 jours de détention avant jugement ainsi qu’à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 20.- l’unité et à une amende de CHF 100.- (art. 106 CP). Il a également ordonné l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de dix ans et en a ordonné le signalement dans le système d'information Schengen (SIS).

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à la requalification des faits de brigandage et tentative de brigandage en vol et tentative de vol ainsi qu’à la réduction de la durée de l’expulsion et à ce qu’il soit renoncé à inscrire cette mesure dans le SIS.

b. Selon l'acte d'accusation du 1er février 2022, il est reproché ce qui suit à A______, faits commis à Genève :

Le 8 septembre 2020, aux alentours de 17h40, au niveau -4 du parking du Mont-Blanc, A______ s'est approché de D______, lequel se trouvait dans son véhicule, et lui a attrapé le bras avec violence pour lui dérober la montre qu'il portait, tout en se saisissant d'un portemonnaie et d'une pochette qui se trouvait dans l'habitacle et contenait une autre montre, dans le dessein de se les approprier et de s'enrichir illégitimement à concurrence de leur valeur.

A______ s'est notamment emparé d’une montre de marque "G______" (modèle "1______") d'une valeur de CHF 46'800.- et d’une montre de marque "H______" (modèle "2______"), d'une valeur de CHF 51'700.-.

Le 29 août 2021, aux alentours de 14h30, au niveau -4 du parking du Mont-Blanc, de concert avec I______, A______ a saisi avec violence le bras droit de E______ avant de lui dérober sa montre de marque "J______" (modèle "3______), d'une valeur de CHF 142'000.-, dans le dessein de se l'approprier et de s'enrichir illégitimement à concurrence de sa valeur.

Dans la nuit du 25 au 26 juillet 2021, à hauteur du n° ______ du quai 4______, de concert avec I______, A______ a saisi avec violence le bras de K______, lequel se trouvait dans son véhicule, avant de lui dérober sa montre, dans le dessein de se l'approprier et de s'enrichir illégitimement à concurrence de sa valeur.

K______ est parvenu à retenir le voleur et à récupérer sa montre, dont la valeur a été estimée à CHF 500'000.-.

c. L’acte d’accusation reprochait également à A______ les faits suivants, qui sont établis à teneur du dossier et pour lesquels l’appelant ne conteste pas le verdict de culpabilité prononcé par les premiers juges. Il est dès lors renvoyé à ce sujet au jugement de première instance (art. 82 al. 4 du code de procédure pénale suisse [CPP]) :

Le 28 juillet 2021, entre 13h10 et 14h15, de concert avec I______ et un tiers non identifié, A______ a pénétré dans le véhicule de F______, stationné à hauteur du n° ______ de la rue 5______ et y a dérobé des objets qui s'y trouvaient, d’une valeur totale d’un peu plus de CHF 3'000.-.

Le 8 novembre 2021, alors qu'il était détenu au sein de la Prison de L______, A______ a refusé d'obtempérer aux injonctions d’un agent de détention, avant de se diriger vers lui de manière agressive, le contraignant à devoir le repousser pour le faire reculer et rentrer dans sa cellule. Quelques instants plus tard, alors que l’agent avait rouvert la porte de la cellule de A______, celui-ci lui a assené un coup de pied au niveau des tibias. La peine pécuniaire prononcée par les premiers juges l’a été en lien avec ces faits et n’est pas contestée.

Du 24 au 25 août 2020, le 8 septembre 2020 et pendant les périodes du 25 au 29 juillet 2021 et du 9 et 11 septembre 2021 (période pénale définie par le TCO), A______ a pénétré sur le territoire suisse, en particulier à Genève, depuis la France et y a séjourné, alors qu'il fait l'objet d'une décision d'expulsion judiciaire d'une durée cinq ans, prononcée par jugement du TP du 8 novembre 2017, laquelle a été exécutée par renvoi le 16 novembre 2017.

A______ a régulièrement consommé des produits stupéfiants, soit en particulier du haschich, étant précisé que lors de la perquisition de la chambre qu'il occupait au sein de l'Hôtel M______ à N______ [GE] [le 11 septembre 2019], il a été trouvé en possession de 0.59 gramme de cette substance. L’amende prononcée par les premiers juges l’a été en lien avec ces faits et n’est pas contestée.

Le TCO a par ailleurs classé, en raison d’un retrait de plainte, les voies de fait reprochées à A______ pour avoir, dans la nuit du 25 juillet 2021 au 26 juillet 2021, lors des faits commis au préjudice de K______, violenté O______ (lequel se trouvait en compagnie du lésé), en le saisissant au niveau des épaules et en le tirant, faits non contestés par l’appelant.

B. Les faits encore pertinents suivants ressortent de la procédure.

a. D______ a déposé plainte pénale le 9 septembre 2020 pour un vol commis la veille au niveau -4 du parking du Mont-Blanc. Alors qu'il était dans sa voiture et avait baissé la vitre, A______ (identifié ultérieurement) s'était approché de lui, souriant, l'avait félicité pour sa voiture en parlant en anglais et lui avait fait un « high five ». Soudainement, l'individu lui avait saisi la main gauche au niveau du poignet où il portait sa montre, tout en saisissant simultanément son portemonnaie et une petite pochette noire qui se trouvait sur la console centrale et contenait une autre montre. D______ avait donné deux coups de poings sur le crâne du voleur, suite à quoi celui-ci lui avait dit en anglais qu'il avait un couteau. L'individu avait relâché le portemonnaie, mais avait réussi à arracher le bracelet de la montre qu’il portait au poignet en faisant tomber le fermoir dans la voiture et avait pris la fuite. La montre qu'il portait au bras était de marque G______ en or rose 18 carat, modèle 6______, d'une valeur d'environ CHF 46'000.-. La seconde montre volée était de marque H______, en acier, d'une valeur d'environ CHF 50'000.-. Il n'avait pas été blessé, mais avait eu sur le moment de légères rougeurs au niveau du poignet gauche qui n’étaient plus visibles lors de son dépôt de plainte.

Les images issues des caméras de vidéosurveillance du parking du Mont-Blanc permettent de constater que A______ a suivi D______ dès son arrivée dans le parking, jusqu'au niveau -4. Le vol n'a pas été filmé directement, mais on voit A______ courir peu après les faits en direction de la sortie du niveau -4 avec un objet dans les mains.

A______ a reconnu avoir arraché la montre de D______ ; il avait dû tirer à deux reprises sur son bras pour s’en emparer. Il l’avait ensuite vendue à P______ [France] pour EUR 7'000.-. Il n’avait pas volé de portemonnaie ni d’autre montre. Il avait agi seul.

D______ ne s'est pas présenté aux audiences du Ministère public (MP) ni à l’audience du TCO (pour laquelle il n’a pas retiré la convocation à la poste).

b. E______ a déposé plainte le 29 juillet 2021, suite au vol de sa montre J______ survenu le même jour, vers 14h30, au niveau -4 du parking du Mont-Blanc. Alors qu'il déposait deux sacs dans le coffre de sa voiture avec son bras gauche, un individu (identifié ultérieurement comme I______) avait surgi par derrière et saisi avec ses deux mains son avant-bras droit pour prendre sa montre avant de s'enfuir en courant, tandis qu’un second individu (identifié ultérieurement comme A______) l'attendait à proximité. E______ les avait poursuivis mais il était tombé et s'était blessé.

Le constat médical du 29 juillet 2021 fait état d’une dermabrasion de l'avant-bras droit, ainsi que d'autres lésions compatibles avec une agression physique. Le patient était également un peu choqué par l'agression.

La montre volée est une montre J______ (modèle 3______), d'une valeur de CHF 142'000.-. Selon des résultats de test, produits par le plaignant, dans la pratique, le type de bracelet en caoutchouc dont elle est équipée présente une résistance supérieure à 300N (30 kg).

E______ s’est présenté à l’audience du MP. Il était très choqué des faits. On lui avait saisi le bras à deux mains dans le dos. Il n’était pas en mesure d'expliquer comment on lui avait arraché la montre vu la rapidité avec laquelle les faits s'étaient déroulés, ajoutant qu'il ne savait pas s'il avait senti quelque chose au niveau de son poignet.

Les images issues des caméras de vidéosurveillance du parking du Mont-Blanc permettent de constater que I______ et A______ ont suivi à distance E______, depuis l’extérieur, alors qu’il arrivait en compagnie de sa femme et de leur petite-fille et jusqu’au niveau -4. I______ a continué de suivre les intéressés, alors que A______ restait à distance. I______ est arrivé rapidement derrière le plaignant, lequel se trouvait devant son véhicule, et lui a saisi l'avant-bras avec les deux mains, avant d'arracher la montre en faisant un grand geste de haut en bas. Pendant ce temps, A______ observait la scène à distance. Les deux comparses ont ensuite pris la fuite en direction de la sortie du parking poursuivis par E______.

La police a pu établir que le plaignant avait été suivi depuis la boutique J______ à la rue du Rhône, les comparses se trouvant déjà dans les alentours depuis environ 11h30.

A______ a reconnu avoir participé à ce vol de la montre J______ avec I______, qui avait arraché la montre alors que lui-même était resté à distance. Son comparse avait vendu la montre à P______, à Q______, et lui avait donné EUR 10'000.-. Il a admis avoir suivi la victime depuis la rue dans le parking.

c. O______ a déposé plainte pénale en lien avec la tentative de vol de la montre de son ami K______, d'une valeur d'environ CHF 500'000.-, commise dans la nuit du 25 au 26 juillet 2021 à proximité de l'Hôtel R______. Ils se trouvaient initialement à l’Hôtel S______, d’où ils s’étaient rendus à l’Hôtel R______. Ils étaient partis de celui-ci en voiture ; sur la rue Arnold Winkelried, à l'intersection avec la rue Kléberg, K______ avait dû s'arrêter pour laisser passer A______ (identifié ultérieurement) qui venait de la droite et qui s'était approché de la portière passager en disant à deux reprises « vous avez écrasé un chat sous la voiture ». A______ avait alors saisi O______, sur le siège passager, au niveau des épaules par la fenêtre ouverte pour le bloquer contre la portière. Au même moment, I______ (identifié ultérieurement) avait saisi la montre que K______ avait au poignet gauche et l'avait arrachée. K______ avait toutefois réagi très vite, réussissant à tirer I______ dans l'habitacle et à lui reprendre la montre des mains, avant qu'il ne prenne la fuite avec A______.

O______ avait eu des douleurs musculaires à l'épaule droite pendant environ 48 heures à la suite de cette agression.

Les images issues des caméras de vidéosurveillance de l'Hôtel S______ permettent de constater qu’entre 22h30 et 23h, I______ et A______ surveillaient K______ devant l'hôtel. Ils étaient sur le point de passer à l'action lorsqu'ils avaient été interrompus par l'arrivée d'un voiturier. Ils ont ensuite retrouvé le véhicule de K______ à l’Hôtel R______ et ont surveillé les deux hommes devant cet hôtel.

La police a été avisée des faits le 26 juillet 2021, à 00h17, par un appel de O______.

A______ a reconnu le déroulement des faits sus-décrits. Il avait suivi les instructions de I______. S’il a initialement nié avoir touché le passager, il a finalement admis avoir tiré celui-ci par sa veste afin de l'empêcher d'aider le conducteur lors de la tentative. Il a présenté ses excuses.

O______ et K______ ne se sont pas présentés à l'audience du MP. La plainte a été retirée au cours de la procédure de première instance.

C. a. Lors des débats d’appel, A______ a expliqué que c’était la première fois qu’il était incarcéré pour une aussi longue durée, ce qui était difficile notamment car il ne pouvait pas voir ses filles jumelles, âgées de quatre ans. Interrogé sur le déroulement des faits, il a relevé qu’il n’avait pas frappé. Il n’avait pas de document d’identité et n’avait pas sollicité sa famille pour un certificat de naissance, puisque cela ne servirait qu’à le renvoyer dans son pays. Il préférait attendre son retour en Espagne pour entreprendre les démarches en ce sens. Il a présenté ses excuses et renouvelé sa détresse de se trouver détenu depuis 17 mois.

b. Par la voix de son conseil A______ persiste dans ses conclusions. Les faits s’étaient déroulés sans violence, il ne s’agissait que de vols et tentative de vol et non de brigandages. L’appelant n’était pas violent, il commettait des vols par surprise. Dans le cas F______, l’appelant n’avait exercé aucune violence. Le seul fait d’avoir dû tirer à deux reprises sur le bras du plaignant D______ ne remplissait pas encore les éléments d’un brigandage, comme l’avait retenu l’ATF 81 IV 224. Le plaignant E______ n’avait subi aucune violence et ne savait même pas comment I______ s’y était pris pour voler. Les lésions présentées étaient la conséquence de la chute du plaignant qui avait voulu les poursuivre et non du vol en lui-même. Dans le cas K______, celui-ci n’avait jamais été entendu et n’avait même pas déposé plainte, laquelle, déposée par le passager, avait été retirée. Il n’y avait eu aucune lésion ni dommage et les protagonistes n’avaient jamais confirmé leurs propos en audience contradictoire.

Il devait assumer sa faute et avait pleinement collaboré en reconnaissant les vols commis. Il avait pris conscience et assumait ses responsabilités, dont il avait tiré un enseignement et projetait de mener une vie plus sereine, avec sa famille qui l’attendait. La peine, indépendamment de la qualification retenue, devait être réduite. Il avait des liens forts avec sa compagne et leurs filles en Espagne, qu’il voulait rejoindre dès sa sortie de prison. Le signalement de l’expulsion au SIS était disproportionné, tout comme la durée de la mesure, qui l’empêcherait de retrouver sa famille et de garder le lien avec celle-ci.

c. Le MP conclut à la confirmation du jugement entrepris. Les faits étaient suffisamment établis par les éléments du dossier. L’appelant avait soigneusement choisi ses cibles et les objets volés, en toute connaissance de cause. La peine était adéquate au vu de l’importance du butin, de la faute et de l’absence de prise de conscience. Les condamnations antérieures n’avaient eu aucun effet et il fallait donc révoquer le sursis accordé et prononcer une peine sévère et confirmer l’expulsion dans sa durée ainsi que l’inscription au SIS.

D. A______, se dit de nationalité algérienne et né le ______ 1997, à T______ [Algérie]. Il s'est marié à la mosquée avec U______ et est père de deux filles jumelles âgées de quatre ans. Sa compagne et leurs filles habitent à V______ [Espagne]; depuis son transfert à B______, il explique avoir un contact mensuel avec elles par vidéoconférence. Sa mère et sa sœur vivent en Algérie. Il dit avoir été scolarisé jusqu'à l'âge de 13 ans, puis avoir travaillé dans les marchés pour aider sa famille avant de quitter son pays à l'âge de 16 ans pour vivre à P______ [France]. Il n'a pas de papiers d'identité. Il n'a pas de famille en Suisse. A sa sortie de prison, il souhaite retourner à V______ auprès de sa famille.

A teneur de l'extrait du casier judiciaire suisse, A______ a été condamné le 8 novembre 2017, par le TP, à une peine privative de liberté de huit mois, avec sursis, sous déduction de 115 jours de détention avant jugement, délai d'épreuve de quatre ans et à l’expulsion pendant cinq ans, pour vol et tentative de vol en bande, entrée illégale et séjour illégal.

Selon le casier judiciaire français, A______ a été condamné à trois reprises, soit :

·      le 29 septembre 2014, par le Tribunal correctionnel de P______ à un an d'emprisonnement dont quatre mois avec sursis, pour vol aggravé ;

·      le 20 janvier 2017, par le Tribunal correctionnel de P______ à dix mois d'emprisonnement, pour vol aggravé ;

·      le 27 juin 2018, par le Tribunal de grande instance de W______ [France] à des amendes, pour conduite sans permis.

E. Me C______, défenseure d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 14 heures et 15 minutes d'activité de collaboratrice hors débats d'appel, lesquels ont duré 45 minutes, activité non soumise à la TVA. L'activité indemnisée en première instance totalise plus de 50 heures.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; ATF 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence.

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

2.2. L'article 140 ch. 1 CP punit d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins celui qui commet un vol en usant de violence à l'égard d'une personne, en la menaçant d'un danger imminent pour la vie ou l'intégrité corporelle ou en la mettant hors d'état de résister. Le moyen de contrainte (la violence, la menace ou la mise hors d'état de résister) doit être dirigé contre la personne qui est en situation de défendre la possession de la chose. Il peut s'agir du propriétaire, d'un possesseur, d'un auxiliaire de la possession ou d'une personne qui est chargée à un titre quelconque de veiller sur la chose (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, volume I, 3e édition, Berne 2010, n. 9 ad art. 140 CP).

Le brigandage est une forme aggravée du vol qui se caractérise par les moyens que l'auteur a employés (ATF 124 IV 102 consid. 2). Comme dans le cas du vol, l'auteur soustrait la chose, c'est-à-dire qu'il en prend la maîtrise sans le consentement de celui qui l'avait précédemment. A la différence du voleur, qui agit clandestinement ou par surprise, l'auteur recourt à la contrainte pour soustraire la chose d'autrui. Dès lors que la victime se trouve à même de réagir et d'opposer une résistance effective à l'auteur, que ce dernier doit briser pour s'emparer de la chose mobilière appartenant à la victime, il y a brigandage et non vol (ATF 133 IV 207 consid. 4.2, 4.4, 4.5 et 5).

La violence est toute action physique immédiate sur le corps de la personne, qui doit défendre la possession de la chose. Il importe peu que la victime ait été mise dans l'incapacité de se défendre ; il suffit que l'auteur ait recouru aux moyens indiqués et que le vol ait été consommé (ATF 133 IV 207 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_193/2021 du 30 septembre 2021 consid. 3.1.1). Il convient ensuite d'établir le rapport de cause à effet entre la violence, la mise hors d'état de résister et le vol (ATF 107 IV 107 consid. 3c). Celui qui passe outre avec violence à la résistance effective de la victime, afin de lui arracher son sac à main, commet un brigandage non pas un vol à l'arraché (ATF 133 IV 207 consid. 4 et 5 p. 211 ss). Dans ce dernier arrêt, le Tribunal fédéral est ainsi revenu en partie sur l’ATF 81 IV 224 p. 226 sv (cité par la défense de l’appelant), dans la mesure où, contrairement à l’ancien art. 139 CP, l’art. 140 CP dans sa teneur actuelle n’exige pas que l’auteur mette sa victime complètement hors d'état de résister (ATF 133 IV 207 consid. 4.3.1 p. 211).

Sur le plan subjectif, l'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction et donc notamment sur le moyen de contrainte utilisé, soit la violence ou la menace d'un danger imminent pour la vie ou l'intégrité corporelle à l'égard d'une personne ou le fait de la mettre hors d'état de résister. L'auteur doit également avoir le dessein de s'approprier la chose et de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (B. CORBOZ, op. cit., n. 1 à 11 ad art. 140 CP).

2.3. En l’espèce, l’appelant conteste toute violence, au motif qu’il « n’a pas tapé » les lésés.

2.3.1. Lors des faits du 8 septembre 2020, l’appelant admet avoir agi alors que le plaignant se trouvait assis dans son véhicule ; celui-ci n’a pas été blessé. Le fermoir de la montre s’est cassé et est tombé dans la voiture du plaignant. Sur les images de vidéosurveillance, immédiatement après les faits, l’appelant ne semble pas détenir d’autre objet que la montre arrachée du poignet du plaignant ; comme les premiers juges, à défaut de confrontation et au vu de ces images, la CPAR considère, au bénéfice du doute, que le vol d’autres biens du plaignant n’est pas suffisamment démontré. Cela étant, compte tenu de la position respective des parties et notamment du bris du fermoir, l’appelant a dû immobiliser la victime et l’empêcher de bouger son bras, pour ensuite manipuler le mécanisme de la montre afin de s’en emparer. Ce geste n’a pu que restreindre, même temporairement, la liberté d’action du plaignant qui n’a pas été seulement surpris mais bien contraint et forcé par son agresseur.

La qualification de brigandage doit dès lors être confirmée.

2.3.2. Les faits du 29 juillet 2021 ont été filmés. On y voit le comparse de l’appelant saisir et immobiliser, brièvement, avec ses deux mains, l’avant-bras droit du plaignant. A nouveau, ce geste a clairement restreint, certes brièvement, la liberté d’action du plaignant qui, même s’il a été surpris, ce qui a contribué au succès de ses agresseurs, a aussi bel et bien été contraint. Les pièces démontrant une résistance du bracelet à une force de l’ordre de 30 kg attestent de la violence du geste et de la force exercée pour l’arracher, qui constitue une atteinte à la libre détermination de la victime.

L’appelant a accompagné son comparse depuis l’extérieur du parking et ils se sont réparti les rôles. Il admet qu’ils avaient tous deux repéré la montre au poignet du lésé. Il ne fait dès lors pas de doute que l’appelant s’est pleinement associé aux gestes de son comparse et qu’il a acquiescé à la violence exercée.

La qualification de brigandage doit également être confirmée.

2.3.3. Les faits survenus dans la nuit du 25 au 26 juillet 2021 n’ont pas été filmés, et l’appelant n’a jamais été confronté aux plaignants. Cela étant, les agissements du prévenu et de son comparse, et notamment la surveillance qu’ils ont effectuée dès 22h30 sur le lésé et son compagnon, attestent de leur zèle et de la répartition des rôles. L’appelant admet que tandis que son comparse arrachait la montre du lésé il a saisi le passager de la voiture pour l’empêcher d’intervenir. Ce faisant, l’appelant a clairement exercé une contrainte sur une personne en situation de défendre la possession de la chose, soit un auxiliaire de la possession qui s’apprêtait à faire obstacle au vol. Compte tenu du déroulement – l’appelant et son comparse se trouvant chacun à hauteur de l’une des fenêtres ouvertes du véhicule, étant précisé qu’ils savaient pertinemment qu’il y avait deux personnes à bord de celui-ci, pour les avoir longuement observés – il s’agit clairement d’une action concertée des deux auteurs, l’un exerçant la contrainte sur le détenteur de l’objet convoité, l’autre bloquant le second protagoniste pour favoriser l’action du premier.

Le vol n’a pas abouti uniquement en raison de la réaction rapide et efficace du lésé, qui a réussi à récupérer sa montre qui lui avait été arrachée. Cela étant, la violence exercée conjointement par les deux auteurs a restreint de façon conséquente la liberté des deux passagers de la voiture, exerçant une violence qui a permis le vol. Il s’agit d’une tentative achevée, puisque l’auteur a réussi à s’emparer de la montre convoitée, qui a été immédiatement récupérée par le lésé.

La qualification de tentative de brigandage doit dès lors être confirmée et l’appel rejeté en tant qu’il porte sur la qualification juridique des faits.

3. 3.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

3.2. Bien que la récidive ne constitue plus un motif d'aggravation obligatoire de la peine (art. 67 aCP), les antécédents continuent de jouer un rôle très important dans la fixation de celle-ci (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht I : 1-110 StGB, Jugendstrafgesetz, Bâle 2019, n. 130 ad art. 47 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1202/2014 du 14 avril 2016 consid. 3.5). En général, la culpabilité de l'auteur est amplifiée du fait qu'il n'a pas tenu compte de l'avertissement constitué par la précédente condamnation, et sa rechute témoigne d'une énergie criminelle accrue (R. ROTH / L. MOREILLON (éds), Code pénal I : art. 1-100 CP, Bâle 2009, n. 55 ad art. 47). Il en va de même des antécédents étrangers (ATF 105 IV 225 consid. 2). Une série d'infractions semblables pèse plus lourd que des actes de nature différente. Les antécédents judiciaires ne sauraient toutefois conduire à une augmentation massive de la peine, parce que cela reviendrait à condamner une deuxième fois pour des actes déjà jugés (ATF 120 IV 136 consid. 3b). En outre, les condamnations passées perdent de leur importance avec l'écoulement du temps. Les condamnations qui ont été éliminées du casier judiciaire ne peuvent plus être utilisées pour l'appréciation de la peine ou l'octroi du sursis dans le cadre d'une nouvelle procédure pénale (ATF 135 IV 87 consid. 2 p. 89).

3.3. Aux termes de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine. Si les sanctions envisagées concrètement ne sont pas du même genre, elles doivent être prononcées cumulativement (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1 p. 316).

Pour satisfaire à cette règle, le juge, dans un premier temps, fixera la peine pour l'infraction la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il doit augmenter la peine de base pour tenir compte des autres infractions en application du principe de l'aggravation (Asperationsprinzip) (ATF 144 IV 217 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1216/2017 du 11 juin 2018 consid. 1.1.1), en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1175/2017 du 11 avril 2018 consid. 2.1 in medio ; 6B_688/2014 du 22 décembre 2017 consid. 27.2.1). Si la Haute Cour a initialement admis, en présence d'infractions étroitement liées sur les plans matériel et temporel, de sorte qu'elles ne peuvent pas être séparées et être jugées pour elles seules, la fixation d'une peine de manière globale, il est par la suite revenu sur cette jurisprudence en indiquant que le prononcé d'une peine unique dans le sens d'un examen global de tous les délits à juger n'était pas possible (ATF 144 IV 217 consid. 3.5). Le juge a l'obligation d'aggraver la peine en cas de concours d'infraction (ATF 103 IV 225 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1216/2017 du 11 juin 2018 consid. 1.1.1).

3.4. A teneur de l’art. 46 al. 1 CP, si, durant le délai d’épreuve du sursis, le condamné commet un crime ou un délit et qu’il y a dès lors lieu de prévoir qu’il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel.

La commission d'un crime ou d'un délit durant le délai d'épreuve n'entraîne pas nécessairement une révocation du sursis. Celle-ci ne se justifie qu'en cas de pronostic défavorable, à savoir lorsque la nouvelle infraction laisse entrevoir une réduction sensible des perspectives de succès de la mise à l'épreuve. Par analogie avec l'art. 42 al. 1 et 2 CP, le juge se fonde sur une appréciation globale des circonstances du cas d'espèce pour estimer le risque de récidive. En particulier, il doit prendre en considération l'effet dissuasif que la nouvelle peine peut exercer, si elle est exécutée. Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L'inverse est également admissible : si le sursis précédent est révoqué, l'exécution de la peine qui en était assortie peut conduire à nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis (ATF 134 IV 140 consid. 4.2 à 4.5 p. 142 s.).

L'existence d'un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné, bien qu'elle soit une condition aussi bien du sursis à la nouvelle peine que de la révocation d'un sursis antérieur, ne peut faire l'objet d'un unique examen, dont le résultat suffirait à sceller tant le sort de la décision sur le sursis à la nouvelle peine que celui de la décision sur la révocation du sursis antérieur. Le fait que le condamné devra exécuter une peine – celle qui lui est nouvellement infligée ou celle qui l'avait été antérieurement avec sursis – peut apparaître suffisant à le détourner de la récidive et, partant, doit être pris en considération pour décider de la nécessité ou non d'exécuter l'autre peine. Il constitue donc une circonstance nouvelle, appelant un réexamen du pronostic au stade de la décision d'ordonner ou non l'exécution de l'autre peine. Le juge doit motiver sa décision sur ce point, de manière à ce que l'intéressé puisse au besoin la contester utilement et l'autorité de recours exercer son contrôle (arrêt du Tribunal fédéral 6B_454/2021 du 4 octobre 2021 consid. 4.1).

Si la peine révoquée et la nouvelle peine sont du même genre, le juge fixe une peine d’ensemble en appliquant par analogie l’art. 49 CP.

3.5. En l'occurrence, la faute de l'appelant est lourde.

Il a d’abord commis un vol d’opportunité, dans un véhicule, s’emparant de biens de valeur qui venaient d’y être déposés. Surtout, il a participé comme co-auteur à trois brigandages – l’un seulement tenté – portant sur des montres de grand prix, après avoir soigneusement repéré ses cibles, choisi ses victimes et attendu le moment opportun, parfois en procédant à une longue surveillance pour pouvoir passer à l’action. A deux reprises, il a agi en coordonnant ses agissements avec ceux de son coauteur ; quand bien même la circonstance aggravante de la bande n’a pas été retenue, le fait d’agir à plusieurs augmente encore la menace pour les victimes, et le choc de l’agression s’en trouve amplifié. De même, il n’a pas hésité, dans l’un des cas, à agir en présence de la petite-fille du plaignant, ce qui a contribué au choc de sa victime.

L’appelant a également contrevenu à l’expulsion prononcée à son encontre en 2017, en revenant en Suisse dans le seul but d’y commettre des infractions graves, démontrant par là le plus complet mépris des autorités et de l’ordre public suisse. Une fois placé en détention, il n’a pas hésité à s’en prendre physiquement à un gardien de prison dans l’exercice de ses fonctions, pour des motifs futiles.

Il a agi par appât du gain facile, sans aucun respect pour le bien et la sécurité d’autrui ou les décisions de justice. Sa manière d’agir dénote un certain sang-froid, notamment du fait de la préparation, des repérages et de la fuite rapide après les faits, ainsi que par la revente à bon prix, à l’étranger, du butin de ses délits.

La situation personnelle de l'appelant ne justifie en rien son comportement. Il n’avait aucune raison, sinon l’appât du gain illicite facile, de venir à Genève et de s’en prendre aux victimes. Sa compagne et ses enfants se trouvaient alors en Espagne et il aurait pu rester à leurs côtés en prenant les dispositions nécessaires pour subvenir légalement aux besoins de sa famille dans ce pays.

Les excuses présentées par l’appelant semblent plus dictées par les circonstances et les difficultés liées à une détention relativement longue que par une réelle prise de conscience de la gravité de son comportement et de sa faute. Ses projets ne sont guère concrets, et, détenu depuis bientôt un an et demi, il n’a toujours rien entrepris pour régulariser sa situation en obtenant des documents attestant de son identité, laissant même entendre qu’il ne souhaite pas collaborer avec les autorités pour ce faire. Il n’a produit aucun document ou autre pièce attestant de la situation de sa famille en Espagne, seule la demande de visite de sa compagne et les messages de celle-ci permettant de tenir pour vraie leur existence. Il semble en effet entretenir un contact régulier avec sa famille par le biais des moyens de communication mis à sa disposition au sein de B______.

3.6. L’appelant ne remplit pas les conditions du sursis, ayant été condamné à une peine privative de liberté de huit mois dans les cinq ans précédant les faits de la présente cause ; il ne présente en effet, comme relevé ci-dessus, pas de circonstances particulièrement favorables (art. 42 al. 2 CP).

Par ailleurs, le pronostic quant au comportement futur de l’appelant est sombre. En effet, il a manifestement agi, dans la présente cause, pour subvenir facilement à ses besoins en dépouillant ses victimes et en se rendant à dessein et de façon organisée en région genevoise à ces fins. Manifestement, ni la condamnation à une peine avec un long délai d’épreuve en 2017, ni l’expulsion prononcée à cette occasion, ni les condamnations françaises en 2014, 2017 et 2018, ne l’ont dissuadé de récidiver.

Dans ces circonstances, il se justifie de révoquer le sursis accordé par le TP le 8 novembre 2017, ce que l’appelant ne conteste d’ailleurs pas, et de fixer une peine d’ensemble.

3.7. Le brigandage du 29 août 2021 constitue 1’infraction la plus grave et entraîne une peine de base de l’ordre de 15 mois, laquelle doit être portée à 24 mois pour les faits de la nuit du 8 septembre 2020 (peine de base de 12 mois), puis à 32 mois pour ceux commis dans la nuit du 25 au 26 juillet 2021 (peine de base de 11 mois, la réduction pour la tentative étant peu importante, l’infraction ayant été menée à son terme). Cette peine doit encore être aggravée pour tenir compte de la révocation du sursis (huit mois), ce qui la porte à 36 mois, sans compter la peine devant être infligée en raison du vol et de la rupture de ban. Toutefois la Cour de céans est liée par l’interdiction de la reformatio in peius (art. 391 al. 2 CPP) et ne peut donc pas aggraver la peine de 36 mois ; il n’y a dès lors pas lieu d’individualiser les peines pour ces dernières infractions, la peine d’ensemble théorique devant de toute manière être arrêtée à la quotité fixée par les premiers juges.

L’appel doit ainsi être rejeté en tant qu’il porte sur la peine prononcée.

4. 4.1. Conformément à l'art. 66a al. 1 let. c CP, le juge expulse de Suisse, pour une durée de cinq à quinze ans, un étranger qui est condamné pour brigandage. En cas de récidive, soit lorsqu’une personne contre qui une expulsion a été ordonnée commet une nouvelle infraction remplissant les conditions d’une expulsion au sens de l’art. 66a CP, une nouvelle expulsion est prononcée pour une durée de vingt ans. Elle peut être prononcée à vie si le nouvel acte a été commis alors que la première expulsion avait encore effet (art. 66b CP).

4.2. Le juge doit fixer la durée de l'expulsion dans la fourchette prévue de cinq à quinze ans, en tenant compte du principe de la proportionnalité. Le critère d'appréciation est la nécessité de protéger la société pendant un certain temps en fonction de la dangerosité de l'auteur, du risque qu'il récidive et de la gravité des infractions qu'il est susceptible de commettre à l'avenir, à l'exclusion de toute considération relative à la gravité de la faute commise. La durée de l'expulsion n'a pas à être symétrique à la durée de la peine prononcée (arrêts du Tribunal fédéral 6B_93/2021 du 6 octobre 2021 consid. 5.1).

4.3. L'inscription de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) était jusqu'au 11 mai 2021 régie par le chapitre IV du règlement SIS II (règlement CE n° 1987/2006) relatif aux signalements de ressortissants de pays tiers aux fins de non-admission ou d'interdiction de séjour. La Suisse a repris le 11 mai 2021 le nouveau règlement (UE) 2018/1861 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du SIS dans le domaine des vérifications aux frontières (RS 0.362.380.085). La question de savoir si c'est le règlement (UE) 2018/1861 ou le règlement SIS II qui s'applique à la présente procédure peut être laissée ouverte dans la mesure où les dispositions topiques sont, dans une large mesure, identiques. Les deux normes exigent que la présence du ressortissant d'un pays tiers constitue une « menace pour l'ordre public ou la sécurité nationale » ou "une menace pour l'ordre public ou la sécurité publique ou nationale", ce qui est le cas lorsque le ressortissant d'un pays tiers a été condamné dans un État membre pour une infraction passible d'une peine d'emprisonnement d'au moins un an. Selon les deux règlements, la décision d'inscription doit être prise dans le respect du principe de proportionnalité (individuelle) (cf. art. 21 du règlement SIS II ; art. 21, par. 1, du règlement [UE] 2018/1861, et arrêt du Tribunal fédéral 6B_932/2021 du 7 septembre 2022 consid. 1.8.1). Vu le contenu similaire des deux actes, la jurisprudence développée en lien avec le premier s'applique pleinement.

Il ne faut pas poser des exigences trop élevées en ce qui concerne l'hypothèse d'une « menace pour l'ordre public et la sécurité publique ». En particulier, il n'est pas nécessaire que la personne concernée constitue une menace concrète, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société. Il suffit que la personne concernée ait été condamnée pour une ou plusieurs infractions qui menacent l'ordre public et la sécurité publique et qui, prises individuellement ou ensemble, présentent une certaine gravité. Ce n'est pas la quotité de la peine qui est décisive mais la nature et la fréquence des infractions, les circonstances concrètes de celles-ci ainsi que l'ensemble du comportement de la personne concernée. Par conséquent, une simple peine prononcée avec sursis ne s'oppose pas au signalement dans le SIS. La mention d'une peine privative d'au moins un an fait référence à la peine-menace de l'infraction concernée et non à la peine prononcée concrètement dans un cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1178/2019 du 10 mars 2021 destiné à la publication consid. 4.6 et 4.8).

4.4.1. En l’espèce, compte tenu de la confirmation du verdict de culpabilité de l'appelant pour brigandages, son expulsion de Suisse doit être ordonnée. A raison, l’appelant ne le conteste pas, étant relevé qu’aucun élément de la procédure ne permet ne serait-ce que d’envisager l’application de la clause de rigueur au sens de l’art. 66a al. 2 CP.

Compte tenu de la récidive, l’expulsion aurait dû être prononcée pour une durée de vingt ans. En limitant la durée de l’expulsion à dix ans, soit la moitié de la durée légale, les premiers juges ont ainsi fait preuve d’une grande mansuétude ; à nouveau, le principe de l’interdiction de la reformatio in peius fait obstacle à une modification de cette durée qui sera confirmée.

4.4.2. La peine prononcée commande en principe l’inscription de l’expulsion au SIS. Cela étant, il apparaît que l’appelant a développé des liens avec ses filles qui vivent à V______. Leur mère compte sur son soutien pour l’éducation de leurs jumelles. Si l’inscription de l’expulsion au SIS n’est pas en tant que telle un obstacle à l’obtention d’un titre de séjour dans ce pays, elle la compliquera singulièrement. Dans ces circonstances, et essentiellement dans le souci de préserver le lien des enfants avec leur père et de permettre à celui-ci de régulariser sa situation en Espagne, la Cour renoncera exceptionnellement à inscrire l’expulsion au SIS, dans l’espoir que l’appelant mette à profit cette ultime chance qui lui est donnée de s’amender.

5. L'appelant, qui succombe sur l’essentiel, supportera 80% des frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP).

Le verdict de première instance étant intégralement confirmé, sous réserve d’un point mineur, il n’y a pas lieu de modifier la répartition des frais du TCO.

6. 6.1. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me C______, défenseure d'office de A______, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale. L’indemnité forfaitaire sera toutefois calculée à 10%, l’activité totale dépassant 30 heures.

6.2. La rémunération de Me C______ sera partant arrêtée à CHF 2'550.-, correspondant à 15 heures d'activité au tarif de CHF 150.-/heure, plus la majoration forfaitaire de 10% et une vacation pour les débats d’appel.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTCO/81/2022 rendu le 28 juin 2022 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/15518/2021.

L'admet très partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ de faux dans les certificats étrangers (art 252 CP cum 255 CP).

Classe la procédure s'agissant des voies de faits (art. 126 al. 1 CP; art. 329 al. 5 CPP).

Déclare A______ coupable de vol (art. 139 al. 1 CP), de brigandages (art. 140 al. 1 CP), de tentative de brigandage (art. 22 CP cum 140 al. 1 CP), de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 ch. 1 CP), de rupture de ban (art. 291 CP) et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19a al. 1 LStup).

Révoque le sursis octroyé le 8 novembre 2017 par le Tribunal de police de Genève à la peine privative de liberté de huit mois, sous déduction de 115 jours de détention avant jugement (art. 46 al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine privative de liberté d'ensemble de 36 mois, sous déduction de la détention avant jugement et en exécution anticipée de peine subie depuis le 11 septembre 2020 et de 115 jours de détention avant jugement subis dans la P/7______/2017 (art. 40 et 51 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 20.-.

Condamne A______ à une amende de CHF 100.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution d’un jour.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Ordonne l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de dix ans (art. 66a al. 1 let. c CP).

Dit que l'exécution de la peine prime celle de l'expulsion (art. 66c al. 2 CP).

Renonce à ordonner le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) (art. 20 de l'ordonnance N-SIS; RS 362.0).

Condamne A______ à payer à E______ CHF 71'351.25, avec intérêts à 5% dès le 29 juillet 2021, à titre de réparation du dommage matériel (art. 42 al. 2 CO).

Rejette les conclusions civiles de E______ pour le surplus.

Ordonne la confiscation et la destruction de la drogue et de la fausse carte d'identité française figurant sous chiffres 1 et 3 de l'inventaire n° 8______ du 11 septembre 2021 (art. 69 CP).

Ordonne la confiscation et la dévolution à l'Etat des valeurs patrimoniales figurant sous chiffre 2 de l'inventaire n° 8______ du 11 septembre 2021 et sous chiffre 1 de l'inventaire n° 9______ du 11 septembre 2021 (art. 70 CP).

Ordonne la restitution à A______ du téléphone figurant sous chiffre 2 de l'inventaire n° 9______ du 11 septembre 2021 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Condamne A______ à verser à E______ CHF 8'538.35, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 3'473.-, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.- (art. 426 al. 1 CPP).

Prend acte de ce que le Tribunal correctionnel a arrêté à CHF 8'995.- l'indemnité de procédure due à Me C______, défenseure d'office de A______ (art. 135 CPP) pour la procédure préliminaire et de première instance et arrête à CHF 2'550.- celle qui lui est due pour la procédure d’appel.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'865.-, comprenant un émolument de CHF 1'500.-.

Met 80 % de ces frais, soit CHF 1'492.- à la charge de A______ et laisse le solde de ces frais à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel, à l’Office fédéral de la police, à l'Office cantonal de la population et des migrations, au secrétariat d'Etat aux migrations, au Service de l'application des peines et mesures ainsi qu'à l'Etablissement fermé de B______ (art. 81 al. 4 let. f CPP).

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel :

CHF

3'473.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

240.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

50.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'865.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

5'338.00