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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/14881/2021

AARP/376/2022 du 19.12.2022 sur JTCO/78/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LSTUP;DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LARM;SÉJOUR ILLÉGAL;FIXATION DE LA PEINE;SURSIS PARTIEL À L'EXÉCUTION DE LA PEINE;EXPULSION(DROIT PÉNAL);RÈGLEMENT (CE) 1987/2006;ACQUIS DE SCHENGEN;BASE DE DONNÉES
Normes : LStup.19; LArm.33.al1.leta; LEI.115.al1.letb; CP.47; CP.43; CP.66a.al1.leto; N-SIS.20
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14881/2021 AARP/376/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 19 décembre 2022

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, ______, comparant par Me C______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTCO/78/2022 rendu le 27 juin 2022 par le Tribunal correctionnel,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 27 juin 2022, par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) l'a acquitté des chefs d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants pour les faits visés sous chiffre 1.1.3 de l'acte d'accusation (art. 19 al. 1 let. a, b, c, d et g et al. 2 let. a et b de la loi fédérale sur les stupéfiants [LStup]), d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration [LEI]) et de séjour illégal pour la période du 1er novembre 2020 au 30 juin 2021 (art. 115 al. 1 let. b LEI), mais l'a reconnu coupable d'infraction grave à la LStup pour les faits visés sous chiffres 1.1.1 et 1.1.2 de l'acte d'accusation (art. 19 al. 1 let. b, d et g et al. 2 let. a LStup), d'infraction à la loi fédérale sur les armes (art. 33 al. 1 let. a LArm) et de séjour illégal pour la période du 1er au 29 juillet 2021 (art. 115 al. 1 let. b LEI). Ce faisant, le TCO a condamné A______ à une peine privative de liberté de trois ans et neuf mois, sous déduction de 334 jours de détention avant jugement, et a ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de sept ans (art. 66a al. 1 let. o du Code pénal suisse [CP]), tout en ordonnant le signalement de celle-ci dans le système d'information Schengen (SIS ; art. 20 de l'ordonnance N-SIS). Le maintien en détention pour des motifs de sûreté du prévenu a été prononcé.

Diverses mesures de confiscation/destruction/dévolution/restitution ont été ordonnées en sus. Une quotité de 4/5ème des frais de la procédure (s'élevant à CHF 7'047.-, y compris un émolument de jugement de CHF 2'500.-) a été mise à la charge du prévenu.

A______ conclut au prononcé d'une peine privative de liberté d'au maximum trois ans, avec sursis partiel, la partie ferme n'excédant pas une année, et à la renonciation du signalement de son expulsion dans le SIS.

b. Selon l'acte d'accusation du Ministère public (MP) du 29 mars 2022, il est reproché à A______ d'avoir commis les faits suivants à Genève, lesquels ne sont plus contestés en appel :

b.a.a. En juillet 2021, depuis une date indéterminée mais au plus tard le 29 juillet 2021, A______ a, de concert avec D______ et E______, détenu et conditionné à tout le moins 3'138.2 grammes d'héroïne, ainsi que 1'858 grammes de produit de coupage, dans l'appartement sis avenue 1______ no. ______, à F______ [GE], où A______ et E______ logeaient, soit :

1'168.1 grammes nets conditionnés sous forme de 30 paquets d'héroïne, d'un taux de pureté de 16.7% ;

742.3 grammes nets conditionnés sous forme de caillou, d'un taux de pureté de 17.7% ;

1'127.1 grammes nets conditionnés sous forme de 250 sachets minigrips, d'un taux de pureté de 17.2 % ;

100.7 grammes nets conditionnés sous forme de caillou, d'un taux de pureté de 47.4%.

Cette drogue, destinée à être vendue ou remise à des tiers en Suisse, notamment à Genève, a été transportée par A______ à une date indéterminée et depuis un lieu inconnu jusqu'à l'appartement sis avenue 1______ no. ______, à F______ [GE] (ch. 1.1.1 de l'acte d'accusation).

b.a.b. À Genève, dans le cadre de leur trafic, A______, de concert avec E______ et D______, a transporté, tous les deux à trois jours, de l'héroïne conditionnée depuis l'appartement, sis avenue 1______ no. ______, à F______, jusqu'à la "planque" d'un balcon d'un appartement désaffecté sis rue 2______ no.______, à G______ [GE]. Il a en outre détenu, depuis une date indéterminée mais au plus tard le 29 juillet 2021, dans cette "planque", de l'héroïne cachée dans 10 à 12 boîtes de "H______ [marque de chips]", soit :

141.9 grammes nets conditionnés sous forme de 32 sachets minigrips, d'un taux de pureté de 17.2 % ;

46.1 grammes nets conditionnés sous forme de 10 sachets minigrips, d'un taux de pureté de 17.4% et 59.1 grammes net d'héroïne conditionnés sous forme de 13 sachets minigrips, d'un taux de pureté de 16.6%, qui furent récupérés par D______ sur lequel ils ont été retrouvés le 29 juillet 2021.

Cette drogue était destinée à être vendue ou remise à des tiers en Suisse, notamment à Genève, étant précisé que A______ a également récupéré dans cet appartement désaffecté, à quatre reprises à tout le moins, de l'argent provenant du trafic de stupéfiants qu'il a transporté jusqu'à l'appartement sis avenue 1______ no. ______, à F______, où CHF 4'480.- et EUR 3'470 ont notamment été retrouvés (ch. 1.1.2 de l'acte d'accusation).

b.a.c. L'activité de A______ a ainsi porté sur, à tout le moins, 3'385.3 grammes d'héroïne présentant un taux de pureté entre 16.6 % et 47.4%, soit entre 561.9 et 1'604.6 grammes d'héroïne pure. Il a agi avec la circonstance aggravante qu'il savait ou ne pouvait ignorer que les quantités susmentionnées constituent une quantité de stupéfiants pouvant mettre en danger la santé de nombreuses personnes (art. 19 al. 2 let. a LStup).

b.b. À tout le moins le 29 juillet 2021, dans l'appartement sis avenue 1______ no.______, à F______, dans lequel il logeait, A______ a, de concert avec E______ et D______, détenu sans droit et sans respecter les prescriptions légales, notamment de sécurité, de nombreuses armes et accessoires d'armes (50 cartouches usagées de 22 long rifle, 129 cartouches de 22 long rifle, deux cartouches de 38 special et trois douilles de 38 special percutées, un revolver de marque I______ SA et un pistolet de marque J______ ; ch. 1.2 de l'acte d'accusation)

b.c. Du 1er au 29 juillet 2021 (période pénale retenue définitivement par le TCO dans son dispositif), date de son interpellation, A______ a séjourné sur le territoire suisse en violation des prescriptions sur l'entrée fixées à l'art. 5 LEI, soit dans l'unique but de participer à un trafic de stupéfiants, de sorte qu'il présentait une menace pour l'ordre public et la sécurité en Suisse (ch. 1.4 de l'acte d'accusation).

B. Les faits encore pertinents sont les suivants :

a.a. En juillet 2021, A______, ressortissant albanais, a logé dans un appartement sis avenue 1______ no. ______ à F______ [GE] et a pris part à un important trafic de drogue dans le quartier des Libellules à Genève, notamment avec les dénommés D______ et E______. Ce dernier étant son ami, il l'hébergeait dans l'appartement précité.

a.b. La perquisition de l'appartement sis à F______ a permis la saisie des quantités d'héroïne et de produit de coupage décrites sous chiffre 1.1.1 de l'acte d'accusation (let. b.a.a supra), des sommes d'argent indiquées sous chiffre 1.1.2 (let. b.a.b supra) ainsi que des armes et des munitions mentionnées sous chiffre 1.2 dudit acte (let. b.b supra).

La perquisition de la "planque" sise rue 2______ no. ______, à G______ [GE], et la fouille de D______ ont par ailleurs permis la découverte des quantités d'héroïne indiquées sous chiffre 1.1.2 de l'acte d'accusation (let. b.a.b supra).

a.c. Selon les éléments du dossier, notamment les observations policières et les données contenues dans les téléphones de A______ et de E______, le premier n'était pas le responsable du plan, mais le plus "gradé", agissant comme "superviseur local". Le second n'était pas un vendeur mais un préparateur. A______ avait appris le "métier" à E______, en lui donnant des informations et en lui montrant des endroits, ce dernier recevant toutefois des instructions d'une autre personne. D______ n'était qu'un simple "ouvrier", qui se cantonnait à vendre des sachets d'héroïne aux toxicomanes et à rapporter de l'argent à la planque, sans même entrer en contact avec A______ et E______, qui ne semblaient pas le connaître. Il était possible que ceux-ci aient reçu des instructions de manière indépendante.

a.d. Grâce au dispositif de surveillance mis en place par la police, les trois protagonistes précités ont été interpellés le 29 juillet 2021. A______ détenait notamment les sommes de EUR 8'447.- et CHF 315.- sur lui.

b.a. Les profils ADN de A______ (sur les boîtes H______, à l'intérieur du zip d'un grand sachet minigrip contenant de l'héroïne, à l'intérieur d'un sachet caninette contenant de l'héroïne ainsi que dans la torsade de deux grands sachets contenant du produit de coupage) et de E______ ont été mis en évidence sur la drogue saisie.

b.b. Dans deux vidéos du 25 juillet 2021, retrouvées dans le téléphone de E______, on voyait un homme en train de préparer, sur une table, une poudre brune ressemblant fortement à de l'héroïne (première vidéo enregistrée à 19h56) et plusieurs dizaines de sachets conditionnés pour la vente (deuxième vidéo enregistrée à 23h55). La personne conditionnant la poudre, dans la première vidéo, semblait être A______, d'après sa corpulence et ses habits.

c.a. À la police, A______ a expliqué qu'après son bachelor en ______, il n'avait pas eu les moyens financiers de continuer ses études en Albanie et avait recherché du travail dans d'autres pays. Il était arrivé en Suisse à la fin du printemps 2021 et un inconnu lui avait proposé de loger dans l'appartement sis avenue 1______ no. ______ à F______. Il a d'abord indiqué tout ignorer du trafic d'héroïne opéré aux Libellules. Il ne connaissait pas D______.

Puis, confronté aux résultats de géolocalisation, aux données ADN et aux observations policières, il a admis avoir été contacté par un inconnu qui l'avait chargé d'aller récupérer de l'argent dans la cachette, rue 2______, et d'y déposer de l'héroïne tous les deux ou trois jours. Un autre inconnu lui avait indiqué la forêt où il devait aller chercher la drogue à acheminer dans cette cachette. Ce travail lui avait rapporté entre EUR 5'000.- et 10'000.-. Il s'était rétribué au moyen de l'argent pris dans la cachette. Il n'avait pas lui-même coupé et conditionné la drogue. E______ n'était pas impliqué dans ce trafic.

c.b. Devant le MP, A______ a ajouté avoir également amené des boulettes de drogue conditionnées dans du papier aluminium "à des endroits", tout en niant avoir lui-même conditionné les stupéfiants. Par la suite, il a concédé avoir touché les paquets de drogue sur lesquels la police avait retrouvé son ADN. Plus tard encore, il a reconnu qu'il était celui que l'on voyait préparer la drogue sur la vidéo précitée, E______ n'ayant toutefois rien à voir avec ce trafic. Il recevait les consignes par messages et ne connaissait personne du réseau, n'ayant agi que pour l'argent. À la planque, il récupérait en moyenne CHF 5'000.- par semaine. Tout l'argent qu'il avait ainsi récupéré avait été retrouvé chez lui. Il avait dépensé CHF 5'000.- à CHF 8'000.- pour ses besoins propres, alors que sa rémunération était de CHF 5'000.-, étant "dépensier". Les armes retrouvées ne lui appartenaient pas.

c.c. En première instance, A______ a, en substance, admis les faits reprochés en matière de LStup, reconnaissant avoir conditionné de la drogue dans son appartement. C'était bien lui sur la première vidéo retrouvée dans le téléphone de E______. Il avait détenu et transporté la drogue avec ce dernier. Il l'avait mélangée, selon les instructions reçues de l'inconnu. Il pensait bien que la drogue était destinée à la vente, même si on ne lui avait rien dit à ce sujet. Il ne pouvait rien dire concernant le taux de pureté de la drogue. Il se rendait compte que la quantité de drogue saisie était suffisante pour mettre en danger la santé de nombreuses personnes.

Il avait gagné la moitié de la somme de EUR 3'470.- retrouvée dans son appartement en travaillant au noir dans le domaine ______ en France, de novembre 2020 à février 2021, avant de venir en Suisse, et celle de EUR 8'275.- saisie sur lui en travaillant au noir comme ______ au Canada. Il aurait dû être payé avec l'argent saisi dans l'appartement, puis rentrer en Albanie et payer ses études. Il avait commis une erreur, mais c'était la dernière fois qu'il agissait ainsi. Il s'était lancé dans le trafic car il était dans une mauvaise situation financière. Il regrettait beaucoup ses actes.

Il a persisté à contester être le propriétaire des armes et des accessoires d'armes retrouvés dans l'appartement, ainsi que le séjour illégal. Il était venu en Suisse en novembre 2020, pour visiter, mais comptait retourner en France, où il vivait alors. Il n'avait pas eu pour but de venir en Suisse pour s'adonner au trafic de stupéfiants, mais on le lui avait proposé et cela lui avait semblé facile, tandis qu'il connaissait les difficultés du travail au noir. Il n'avait pas réfléchi, ayant besoin d'un revenu. Il ne comptait plus revenir en Suisse, mais souhaitait travailler dans l'espace Schengen. En Albanie, les salaires étaient très bas. Il ne voulait pas que son avenir soit compromis par une interdiction Schengen.

C. a. Devant la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR), A______ a expliqué s'opposer au signalement de son expulsion parce qu'il souhaitait notamment travailler en France. Il avait commencé à apprendre le français. Il pourrait trouver du travail également dans un autre pays de l'Union européenne, dans le domaine ______. Il avait fait une demande pour accéder au programme K______ de L______ [association caritative], proposé à [la prison] B______. En cas d'acceptation, il pourrait se faire aider pour financer ses études, même une aide modeste étant utile. Il pourra compter, par ailleurs, sur le soutien de sa famille. Son frère, M______, qui travaillait dans le secteur du bâtiment, et sa femme étaient prêts à l'héberger à leur domicile en France.

Il se rendait compte de l'erreur commise et ne la referait plus. Il était en train de la payer, mais souhaitait sortir de prison et reprendre une vie normale. Alors que son ego l'avait empêché de demander de l'aide à sa famille pour financer ses études, il avait eu affaire à de mauvaises personnes qui lui avaient suggéré de prendre ce chemin, en le lui présentant "comme étant trop facile". Il demandait pardon pour ses actes.

b.a. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions.

La quotité de la peine privative de liberté arrêtée par le TCO était excessive. Il n'avait pas joué un rôle déterminant, ni eu de pouvoir dans le trafic de stupéfiants incriminé, n'ayant été qu'un simple exécutant. Aucun élément ne permettait de retenir que les contacts dans son téléphone étaient des consommateurs. Il avait agi parce qu'il était dans la précarité et souhaitait financer ses études. Il avait collaboré à la procédure, en donnant les codes d'accès de son téléphone et en admettant les faits devant le MP. Il était admis que les contours du trafic étaient flous, de sorte qu'il n'avait pas été en mesure de fournir davantage de renseignements. Il avait reconnu que sa faute était grave. Il n'avait pas d'antécédent.

Il disposait d'une formation, avait élaboré un projet d'avenir et pouvait compter sur le soutien de proches en France, de sorte que le pronostic n'était pas défavorable, mais plutôt bon. Le sursis partiel devait ainsi, à tout le moins, lui être accordé. Dans un cas similaire (AARP/84/2017 du 9 mars 2017), une peine privative de liberté de 30 mois avec sursis, dont six mois fermes, avait été prononcée.

Le TCO n'avait pas suffisamment pris en compte sa situation personnelle et le principe de proportionnalité en décidant de signaler son expulsion dans le SIS. Il était un primo-délinquant et une telle inscription aurait des répercussions lourdes sur son avenir. Plusieurs membres de sa famille vivaient en effet dans l'espace Schengen. En particulier, son frère et sa belle-sœur résidaient en France et souhaitaient l'aider à se réinsérer dans ce pays. Il avait un projet structuré et il convenait de favoriser sa resocialisation. Dans un cas semblable, une inscription au SIS avait d'ailleurs été jugée disproportionnée (AARP/72/2021 du 9 mars 2021).

b.b. A______ dépose un chargé de pièces, comprenant notamment : une copie du bachelor en ______ qui lui a été délivré par une Université en Albanie en août 2018 ; une lettre rédigée le 16 novembre 2022 par son frère et sa belle-sœur tous deux travaillant et résidant en France, selon les contrats de travail et la déclaration d'impôts 2021 fournis et dans laquelle ils indiquent être prêts à l'héberger et à l'aider à se réinsérer.

c. Le MP conclut au rejet de l'appel.

Il était difficile de croire que l'appelant avait élaboré un projet sérieux depuis la procédure de première instance, où son attitude avait été diamétralement opposée. Le trafic incriminé avait impliqué des personnes organisées et rodées. Le lien entre les dealers de rue interpellés avait été l'appelant. Il tentait de faire croire qu'il était au même niveau qu'eux, mais il avait été l'interface du trafic et disposait des contacts téléphoniques utiles pour les ventes. L'appelant avait bénéficié de la confiance du réseau, avait initié E______ et agi comme grossiste. La période pénale était courte, mais il ressortait d'échanges recueillis que l'appelant agissait déjà dans le milieu en 2015. Le type de stupéfiants incriminé était dangereux, les quantités de drogue retrouvées et leurs taux de pureté importants et la nature du trafic en cause grave. L'intensité criminelle avait été forte, au vu des multiples transports de drogue opérés. Sans l'intervention de la police, la santé d'un grand nombre de personnes aurait pu être mise en danger. En dépit de ses dénégations, l'appelant avait fait preuve d'un mobile égoïste, motivé par l'appât d'un gain rapide. Sa collaboration à la procédure avait été médiocre. Il n'avait admis sa participation qu'une fois confronté aux éléments de l'enquête policière. Les contours du trafic demeuraient flous. Sa prise de conscience semblait toutefois à présent initiée. La peine privative de liberté fixée par le TCO était proportionnée.

L'expulsion prononcée en cas d'infraction grave à la LStup impliquait l'inscription dans le SIS. L'appelant avait causé un grand trouble à l'ordre public. Il n'avait fait jusqu'ici état que de points d'attache au Canada et en Albanie. Quand bien même il en aurait également dans des pays de l'Union européenne, il lui appartiendra de solliciter la levée de la mesure auprès du pays où il souhaitera se rendre.

D. a. A______, né le ______ 1991 en Albanie, est de nationalité albanaise, célibataire et sans enfant. Il a obtenu une maturité gymnasiale, puis un bachelor en ______ dans son pays. Selon ses explications, il a travaillé, en parallèle de ses études, en tant que ______ bénévolement, ainsi qu'en tant que ______ ou ______ pour gagner un peu d'argent, mais n'a pas eu les moyens financiers de poursuivre un master. Son père est décédé et sa maman vit au Canada. Il a une sœur en Albanie, un frère en France, qui bénéficie d'un statut régulier, des oncles paternels en Grèce, des cousins germains en Italie et un autre cousin en Allemagne.

En prison, il travaille à l'atelier reliure depuis une année et suit des cours de français. À sa sortie, il souhaiterait effectuer un master en ______ en Albanie et trouver un travail dans ce domaine.

b. A______ n'a pas d'antécédent inscrit au casier judiciaire suisse, ni d'antécédent connu à l'étranger.

E. Me C______, défenseur d'office d'A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 22 heures et 30 minutes d'activité de l'avocate-stagiaire, hors débats d'appel, lesquels ont duré 1h05, dont deux conférences de 1h30 avec le client à la prison au mois de novembre 2022, 15 minutes pour l'examen du dispositif du jugement du TCO, 15 minutes pour la rédaction de l'annonce d'appel et 2h00 pour celle de la déclaration d'appel. À cela s'ajoute CHF 500.- à titre de débours correspondant aux frais d'interprète, factures à l'appui.

En première instance, l'activité du conseil avait été indemnisée à hauteur de 42h45.


 

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]). La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

L'appel ne suspend la force de chose jugée du jugement attaqué que dans les limites des points contestés (art. 402 CPP).

1.2. L'appelant ne remettant en cause que la quotité de la peine privative de liberté prononcée à son encontre et le signalement de son expulsion dans le SIS, les autres points du jugement entrepris, non critiqués en appel, sont acquis.

2. 2.1. L'infraction grave à la LStup est sanctionnée d’une peine privative de liberté minimale d’un an et maximale de vingt ans (art. 19 al. 1 let. b, d et g et al. 2 let. a LStup, art. 40 CP).

L'infraction à la LArm (art. 33 al. 1 let. a LArm) est punie d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire, tandis que le séjour illégal est passible d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire (art. 115 al. 1 let. b LEI).

2.2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale. L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2 ; ATF
142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1).

Compte tenu des nombreux paramètres qui interviennent dans la fixation de la peine, une comparaison avec des affaires concernant d'autres accusés et des faits différents est d'emblée délicate (ATF 123 IV 49 consid. 2e ; ATF 120 IV 136 consid. 3a).

2.2.2. En matière de trafic de stupéfiants, il y a lieu de tenir compte plus spécifiquement des éléments suivants. Même si la quantité de drogue ne joue pas un rôle prépondérant, elle constitue sans conteste un élément important. Elle perd cependant de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 al. 2 let. a LStup, celle-ci étant de 12 grammes pour l'héroïne (ATF 145 IV 312 consid. 2.1.1 ; ATF
138 IV 100 consid. 3.2 ; ATF 121 IV 193 consid. 2b/aa). Le type de drogue et sa pureté doivent aussi être pris en considération (ATF 122 IV 299 consid. 2c ; ATF
121 IV 193 consid. 2b/aa).

Le type et la nature du trafic en cause sont aussi déterminants. L'appréciation est différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, il importera de déterminer la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation. Un simple passeur sera ainsi moins coupable que celui qui joue un rôle décisif dans la mise sur pied des opérations et qui participe de manière importante au bénéfice illicite (ATF 121 IV 202 consid. 2d/cc). L'étendue du trafic entrera également en considération. Un trafic purement local sera en règle générale considéré comme moins grave qu'un trafic avec des ramifications internationales. Le délinquant qui traverse les frontières (qui sont surveillées) doit en effet déployer une énergie criminelle plus grande que celui qui transporte des drogues à l'intérieur du pays et qui limite son risque à une arrestation fortuite lors d'un contrôle ; à cela s'ajoute que l'importation en Suisse de drogues a des répercussions plus graves que le seul transport à l'intérieur des frontières. Enfin, le nombre d'opérations constitue un indice pour mesurer l'intensité du comportement délictueux. Celui qui écoule une fois un kilo d'héroïne sera en principe moins sévèrement puni que celui qui vend cent grammes à dix reprises (arrêt du Tribunal fédéral 6B_189/2017 du 7 décembre 2017 consid. 5.1). Des comportements illicites variés en relation avec la même quantité de stupéfiants (par exemple se procurer des stupéfiants, les couper, les détailler, puis les revendre à des tiers) dénotent une implication plus intense de l'auteur dans le trafic, ce qui influe négativement sur sa culpabilité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_567/2012 du 18 décembre 2012 consid. 3.3.1).

S'agissant d'apprécier les mobiles qui ont poussé l'auteur à agir, le juge doit distinguer le cas de celui qui est lui-même toxicomane et agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1192/2018 du 23 janvier 2019 consid. 1.1).

2.2.3. Aux termes de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

2.2.4. Le juge suspend en règle générale l'exécution notamment d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP).

Dans le cas des peines privatives de liberté qui excèdent la limite fixée pour l'octroi du sursis (soit entre deux et trois ans), l'art. 43 CP s'applique de manière autonome. Le but de la prévention spéciale trouve alors ses limites dans les exigences de la loi qui prévoit dans ces cas qu'une partie au moins de la peine doit être exécutée en raison de la gravité de la faute commise (ATF 134 IV 1 consid. 5.5.1 p. 14). La partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (art. 43 al. 2 CP). Tant la partie suspendue que la partie à exécuter doivent être de six mois au moins (art. 43 al. 3 CP).

Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis – ou du sursis partiel –, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 185 ss ; ATF 134 IV 1 consid. 4.2.2 p. 5).

Pour formuler un pronostic sur l'amendement de l'auteur, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 185 s. ; 134 IV 1 consid. 4.2.1 p. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_584/2019 du 15 août 2019 consid. 3.1). Pour fixer dans ce cadre la durée de la partie ferme et avec sursis de la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Le rapport entre les deux parties de la peine doit être fixé de telle manière que la probabilité d'un comportement futur de l'auteur conforme à la loi et sa culpabilité soient équitablement prises en compte (ATF 134 IV 1 consid. 5.6 p. 15). 

2.2.5. Lorsque la peine entrant en considération se situe dans un intervalle dont les bornes comprennent la limite supérieure à l'octroi du sursis (24 mois), du sursis partiel (36 mois) ou de la semi-détention (1 an), le juge doit se demander si une peine inférieure à cette limite apparaît encore soutenable et, dans cette hypothèse, la prononcer (ATF 134 IV 17 consid. 3.5 s. p. 24 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_537/2020 du 29 septembre 2020 consid. 1.3).

2.3. En l’espèce, la faute de l'appelant est importante. Il a activement pris part à un trafic de drogue organisé, bien que local, durant le mois de juillet 2021. Dans ce cadre, il a entreposé, détenu, transporté, mélangé et conditionné une quantité considérable d'héroïne, dans le but de la vendre (jugement entrepris, consid. 1.2). Le trafic a porté sur environ 3,3 kg nets d'héroïne présentant un taux de pureté entre 16.6 % et 47.4%, soit entre 561.9 et 1'604.6 grammes d'héroïne pure. L'héroïne étant une drogue dure, aux effets dévastateurs, les actes de l'appelant avaient pour finalité de mettre en danger la santé, voire la vie, de nombreuses personnes. De son propre aveu, il en avait conscience. Seule l'intervention de la police a empêché que la drogue saisie ne soit écoulée auprès des consommateurs. Par ailleurs, l'appelant récoltait et conservait, sous sa propre responsabilité, le produit des ventes. En peu de temps, il a retiré de son activité un gain entre EUR 5'000.- et 10'000.-.

Dans ces circonstances, à l'instar de ce qu'a considéré le TCO, il sied de retenir que l'appelant n'avait pas un rôle de "grossiste", mais qu'il n'était pas non plus un simple ouvrier au bas de l'échelle, comme il le prétend. Il se situait, dans la hiérarchie du trafic, à un échelon intermédiaire, de sorte que la jurisprudence invoquée relative à un simple revendeur de rue ne lui est d'aucun secours.

En outre, l'appelant a possédé sans droit des armes et des munitions dans son logement et séjourné illégalement en Suisse, entre le 1er et le 29 juillet 2021.

Il a agi par appât du gain facile, n'étant pas toxicomane, et sans aucune considération pour les interdits en vigueur en Suisse. Certes, il explique avoir agi pour financer la suite de ses études. Cela étant, il ressort du dossier qu'il avait été en mesure de travailler en Albanie, durant le cursus de son bachelor, pour gagner un peu d'argent. L'appelant n'explique pas pour quelle raison il n'aurait pas pu financer son master de la même façon. Au demeurant, il apparaît qu'il a dépensé, en peu de temps, la somme conséquente de CHF 5'000.- à CHF 8'000.- retirée de son activité délictueuse pour divers besoins, se qualifiant lui-même de "dépensier", ce qui ne coïncide pas avec le profil d'un étudiant, dans le besoin, n'agissant que pour financer ses études. Aussi, sa situation personnelle ne saurait en aucun cas justifier ses agissements, ce d'autant qu'il pouvait également compter sur le soutien de proches.

Si l'appelant a commencé par nier et minimiser les faits, il les a ensuite reconnus pour l'essentiel, certes confronté aux éléments objectifs indiscutables de l'enquête, et ne les conteste désormais plus. Il a fourni des explications, bien que les contours du trafic demeurent flous. Sa collaboration s'est ainsi améliorée au fil de la procédure. Il a, en outre, exprimé des regrets et a formé le projet réalisable à court terme en Albanie de reprendre ses études, afin d'accéder à un emploi légal et régulier de ______, de sorte que sa prise de conscience apparaît bien amorcée.

L'appelant n'a pas antécédent judiciaire, élément toutefois neutre.

Aucune circonstance atténuante n'est plaidée, ni réalisée (art. 48 CP).

Il y a concours d'infractions, ce qui constitue un facteur aggravant (art. 49 CP).

Compte tenu de ces éléments, le prononcé d'une peine privative de liberté s'impose pour l'ensemble des actes de l'appelant. S'agissant de sa quotité, l'infraction la plus grave de la LStup justifie, à elle seule, le prononcé d'une peine privative de liberté de l'ordre de 39 mois, compte tenu de la position intermédiaire de l'appelant dans le trafic incriminé. Cette peine de base sera aggravée de deux mois (peine hypothétique : trois mois) pour sanctionner l'infraction à la LArm et d'un mois supplémentaire (peine hypothétique : deux mois) pour réprimer le séjour illégal. Aussi, le cadre de peine est de 42 mois, soit trois ans et six mois.

Au vu de l'amélioration de la prise de conscience de l'appelant et de son projet de formation dans son pays, permettant d'espérer qu'il se détourne de la récidive, le pronostic n'apparaît pas défavorable. Dans ces conditions, il se justifie de lui infliger une peine privative de liberté ramenée à trois ans, compatible avec un sursis partiel, et de fixer la part ferme à 18 mois. Une telle peine apparaît propre à sanctionner la faute de l'appelant et à le détourner de la récidive. Un délai d'épreuve de cinq ans sera fixé au vu de la nature du trafic auquel l'appelant s'est livré (art. 44 al. 1 CP).

La détention avant jugement sera imputée sur la peine prononcée (art. 51 CP), soit 509 jours, de son arrestation le 29 juillet 2021 à la date du présent arrêt.

L'appel est ainsi partiellement admis, dans la mesure qui précède.

3. 3.1.1. Selon l'art. 20 de l'Ordonnance sur la partie nationale du système d'information Schengen (N-SIS) et sur le bureau SIRENE (Ordonnance N-SIS), les ressortissants d'États tiers ne peuvent être signalés aux fins de non-admission ou d'interdiction de séjour que sur la base d'une décision prononcée par une autorité administrative ou judiciaire.

3.1.2. L'inscription de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) était jusqu'au 11 mai 2021 régie par le chapitre IV du règlement SIS II (règlement CE n° 1987/2006) relatif aux signalements de ressortissants de pays tiers aux fins de non-admission ou d'interdiction de séjour. Plusieurs arrêts publiés du Tribunal fédéral traitent des conditions de l'inscription de l'expulsion dans le SIS sur la base de ce règlement (ATF 147 II 408 ; 147 IV 340 ; 146 IV 172 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_628/2021 du 14 juillet 2022). La Suisse a repris le nouveau règlement (UE) 2018/1861 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du SIS dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen ainsi que modifiant et abrogeant le règlement (CE) n. 1987/2006. Il est entré en vigueur pour la Suisse le 11 mai 2021 (RS 0.362.380.085) et donc applicable à la présente procédure.

L'art. 21 du règlement se voit dans le nouveau règlement 2018/1861 agrémenté d'un chiffre supplémentaire. Sa teneur utile au cas d'espèce demeure cependant inchangée, en tant que l'art. 21 ch. 1 du règlement 2018/1861 prescrit comme l'ancien article que, avant d'introduire un signalement, l'État membre signalant vérifie si le cas est suffisamment approprié, pertinent et important pour justifier l'introduction du signalement dans le SIS.

Il ressort également du nouveau comme de l'ancien règlement que le signalement dans le SIS suppose que la présence de la personne concernée, ressortissante d'un pays tiers, sur le territoire d'un État membre constitue une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale. L'art. 24 ch. 2 précise que tel peut être notamment le cas lorsque l'intéressé a été condamné dans un État membre pour une infraction passible d’une peine privative de liberté d’au moins un an (let. a), qu'il existe des raisons sérieuses de croire qu'un ressortissant de pays tiers a commis une infraction pénale grave, y compris une infraction terroriste, ou il existe des indications claires de son intention de commettre une telle infraction sur le territoire d'un État membre (let. b) ou qu'un ressortissant de pays tiers a contourné ou tenté de contourner le droit national ou de l'Union relatif à l'entrée et au séjour sur le territoire des États membres (let. c).

3.1.3. Vu le contenu similaire entre les deux actes, la jurisprudence découlant du premier s'applique au second.

D'après le Tribunal fédéral, la mention d'une peine privative d'au moins un an fait référence à la peine-menace de l'infraction en cause et non à la peine prononcée concrètement dans un cas d'espèce. À cela s'ajoute, sous la forme d'une condition cumulative, que la personne concernée doit représenter une menace pour la sécurité ou l'ordre publics. Selon notre Haute Cour, il ne faut pas poser des exigences trop élevées en ce qui concerne l'hypothèse d'une "menace pour l'ordre public et la sécurité publique". En particulier, il n'est pas nécessaire que l'intéressé constitue une menace concrète, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société. Il suffit que la personne concernée ait été condamnée pour une ou plusieurs infractions qui menacent l'ordre public et la sécurité publique et qui, prises individuellement ou ensemble, présentent une certaine gravité. Ce n'est pas la quotité de la peine qui est décisive mais la nature et la fréquence des infractions, les circonstances concrètes de celles-ci ainsi que l'ensemble du comportement de la personne concernée. Par conséquent, une simple peine prononcée avec sursis ne s'oppose pas au signalement dans le SIS (ATF 147 IV 340 consid. 4.6 et 4.8 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_628/2021 du 14 juillet 2022 consid. 2.2.2 à 2.2.3 et 6B_834/2021 du 5 mai 2022 consid. 2.2.2).

Si une expulsion est déjà ordonnée sur la base des conditions précitées, son signalement dans le SIS est en principe proportionné et doit par conséquent être effectué. Les autres États Schengen restent néanmoins libres d'autoriser l'entrée sur leur territoire au cas par cas pour des raisons humanitaires ou d'intérêt national ou en raison d'obligations internationales. Leur souveraineté n'est ainsi pas affectée par l'expulsion prononcée en Suisse, laquelle s'applique exclusivement à son territoire. Inversement, l'absence de signalement de l'expulsion dans le SIS ne garantit pas encore un droit de séjour dans les autres États Schengen (ATF 147 IV 340 consid. 4.8 ; arrêts du Tribunal 6B_628/2021 du 14 juillet 2022 consid. 2.2.3 et 6B_834/2021 du 5 mai 2022 consid. 2.2.3).

3.2. En l'occurrence, il est acquis que l'appelant fait l'objet d'une expulsion obligatoire de Suisse pour une durée de sept ans, en raison de l'infraction grave commise à la LStup (art. 66a al. 1 let. o CP).

Ayant été condamné à une peine privative de liberté de trois ans, il se trouve dans le cas où le signalement dans le SIS de cette mesure s'impose en principe, même si un sursis partiel lui a été accordé.

Vu la nature de l'infraction commise, la présence de l'appelant, ressortissant d'un pays tiers, sur le territoire d'un État membre constitue a priori une menace concrète, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société, étant rappelé que la Cour européenne des droits de l'Homme estime que, compte tenu des ravages de la drogue dans la population, les autorités sont fondées à faire preuve d'une grande fermeté à l'encontre de ceux qui contribuent à la propagation de ce fléau (arrêts CourEDH K.M. c. Suisse du 2 juin 2015 [requête no 6009/10] § 55 ; Dalia c. France du 19 février 1998, Recueil CourEDH 1998-I 76 § 54 ; arrêt 6B_1192/2018 du 23 janvier 2019 consid. 2.2.3 ; AARP/53/2022 du 28 février 2022, consid. 2.2).

Alors que l'intérêt public à l'inscription de l'expulsion de l'appelant au registre SIS est ainsi fort, il ne peut lui-même, pour l'heure, se prévaloir d'aucun projet sérieux de réinsertion en France ou dans un autre pays de l'Union européenne. Il n'a, du reste, fait état que d'une expérience de travail au noir durant quelques mois en France. L'aide que pourraient désormais lui fournir son frère et sa belle-sœur résidant en France, principalement pour se loger, apparaît insuffisante pour considérer que l'appelant aurait, à court terme, la possibilité de séjourner et de travailler légalement dans ce pays, et de se tenir ainsi à l'écart de toute récidive.

Au demeurant, l'expulsion prononcée en Suisse n'affecte pas la souveraineté des autres États Schengen, lesquels restent libres d'autoriser l'entrée sur leur territoire au cas par cas, notamment en raison d'obligations internationales (cf. art. 6 al. 5 let. c du code frontières Schengen), de sorte que l'intérêt privé de l'appelant ne paraît pas foncièrement entravé par une inscription au registre SIS (AARP/311/2022 du 13 octobre 2022 consid. 3.3.2).

Partant, l'inscription de l'expulsion de l'appelant au registre SIS apparaît pertinente et non disproportionnée, de sorte qu'elle doit être confirmée.

L'appel sera ainsi rejeté sur ce point.

4. Les motifs ayant conduit les premiers juges à prononcer, par ordonnance séparée du 27 juin 2022, le maintien de l'appelant en détention pour des motifs de sûreté sont toujours d'actualité, ce que celui-ci ne conteste au demeurant pas, de sorte que la mesure sera reconduite mutatis mutandis (ATF 139 IV 277 consid. 2.2 à 2.3).

5. L'appelant, qui obtient partiellement gain de cause, supportera la moitié des frais de la procédure d'appel, comprenant un émolument de CHF 1'500.-, sans qu'il ne se justifie de revoir sa condamnation aux frais de première instance (art. 428 CPP et art. 14 al. 1 let. e du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale).

6. 6.1.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. L'art. 16 al. 1 let. a du règlement genevois sur l'assistance juridique (RAJ) prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire de CHF 110.- pour l'avocat stagiaire, débours de l'étude inclus. En cas d'assujettissement, l'équivalent de la TVA est versé en sus. Seules les heures nécessaires sont retenues (art. 16 al. 2 RAJ).

6.1.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, de même que d'autres documents ne nécessitant pas ou peu de motivation ou autre investissement particulier en termes de travail juridique, telle la déclaration d'appel, ainsi que les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2).

6.1.3. Dans le cas des prévenus en détention provisoire, une visite par mois jusqu'au prononcé du jugement ou de l'arrêt cantonal est admise, indépendamment des besoins de la procédure, pour tenir compte de la situation particulière de la personne détenue (AARP/235/2015 du 18 mai 2015 ; AARP/480/2014 du 29 octobre 2014).

6.1.4. La rémunération forfaitaire de la vacation aller/retour au et du Palais de justice est arrêtée à CHF 55.- pour les stagiaires, dite rémunération étant allouée d'office par la juridiction d'appel pour les débats devant elle.

6.2. En l'occurrence, il sied de retrancher de l'état de frais du défenseur d'office de A______ le second entretien effectué auprès du client à la prison au mois de novembre 2022, seule une visite par mois étant admissible au titre de l'assistance juridique. Il convient en outre d'écarter les prestations pour l'examen du dispositif du jugement du TCO, pour la rédaction de l'annonce d'appel et pour celle de la déclaration d'appel (2h30 en tout), celles-ci étant comprises dans le forfait applicable pour l'activité diverse. Pour le reste, la présence de deux conseils ne se justifiait pas en appel. La durée de l'audience (1h05) sera ainsi indemnisée au seul tarif de l'avocate-stagiaire, qui a principalement plaidé le dossier devant la CPAR.

En conclusion, la rémunération due à Me C______ sera arrêtée à CHF 2'611.30, correspondant à 19 heures et 35 minutes d'activité au tarif horaire de CHF 110.- (CHF 2'154.20), plus la majoration forfaitaire de 10% l'activité globale décomptée excédant 30h00 (CHF 215.40), un forfait vacation de CHF 55.- et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% (CHF 186.70). À cela s'ajoute CHF 500.- à titre de débours correspondant aux frais d'interprète, portant le montant total alloué à CHF 3'111.30.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTCO/78/2022 rendu le 27 juin 2022 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/14881/2021.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants pour les faits visés sous chiffres 1.1.1 et 1.1.2 de l'acte d'accusation (art. 19 al. 1 let. b, d et g et al. 2 let. a LStup), d'infraction à la loi fédérale sur les armes (art. 33 al. 1 let. a LArm) et de séjour illégal pour la période du 1er au 29 juillet 2021 (art. 115 al. 1 let. b LEI).

Acquitte A______ des chefs d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants pour les faits visés sous chiffre 1.1.3 (art. 19 al. 1 let. a, b, c, d et g et al. 2 let. a et b LStup), d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI) et de séjour illégal pour la période du 1er novembre 2020 au 30 juin 2021 (art. 115 al. 1 let. b LEI).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de trois ans, sous déduction de 509 jours de détention avant jugement (art. 40 et 51 CP).

Dit que la peine est prononcée sans sursis à raison de 18 mois.

Met pour le surplus A______ au bénéfice du sursis partiel et fixe la durée du délai d'épreuve à cinq ans (art. 43 et 44 CP).

Ordonne l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de sept ans (art. 66a al. 1 let. o CP).

Dit que la peine doit être exécutée avant l'expulsion (art. 66c al. 2 CP).

Ordonne le signalement de l’expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) (art. 20 de l'ordonnance N-SIS).

Ordonne la confiscation et la destruction de la drogue (art. 69 CP).

Ordonne la confiscation des boîtes, cartouches, téléphones, sacoche, revolver, pistolet, chargeur et matériel de conditionnement figurant sous chiffes 1, 4, 6, 7, 10, 11, 12, 13, 14 et 21 de l'inventaire n° 3______ du 29 juillet 2021 au nom d'A______ (art. 69 CP).

Ordonne la confiscation des téléphone, carte sim et quittance figurant sous chiffes 4, 8 et 9 de l'inventaire n° 4______ du 29 juillet 2021 au nom d'A______ (art. 69 CP).

Ordonne la confiscation et la dévolution à l'État de l'argent (CHF 130.-, EUR 2'030.-, CHF 4'350.- et EUR 1'440.-) figurant sous chiffres 2 et 17 de l'inventaire n° 3______ du 29 juillet 2021 au nom d'A______ (art. 70 al. 1 CP).

Ordonne la confiscation et la dévolution à l'État de l'argent (EUR 8'275.-, CHF 275.15, EUR 172.70 et CHF 40.-) figurant sous chiffres 1, 2 et 3 de l'inventaire n° 4______ du 29 juillet 2021 au nom d'A______ (art. 70 al. 1 CP).

Ordonne la restitution à l'ayant droit des ticket, clefs et passeport figurant sous chiffres 3, 5, 8 et 19 de l'inventaire n° 3______ du 29 juillet 2021 au nom d'A______ (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Ordonne la restitution à l'ayant droit de la clef figurant sous chiffre 5 de l'inventaire n° 4______ du 29 juillet 2021 au nom d'A______ (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Ordonne la restitution à A______ de l'argent (LEK 8'700.-) et passeport figurant sous chiffres 17 et 18 de l'inventaire n° 3______ du 29 juillet 2021 à son nom (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Ordonne la restitution à A______ des collier, bague et argent (USD 200.-, CAD 100.- et GBP 5.-) figurant sous chiffres 2, 6 et 7 de l'inventaire n° 4______ du 29 juillet 2021 à son nom (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Condamne A______ aux 4/5 des frais de la procédure de première instance, qui s'élèvent dans leur globalité à CHF 7'047.-, y compris un émolument de jugement de CHF 2'500.- (art. 426 al. 1 CPP et 10 al. 1 let. e RTFMP).

Laisse le solde des frais de la procédure à la charge de l'État (art. 423 CPP).

Prend acte de ce que l'indemnité de procédure due à Me C______, défenseur d'office de A______, a été fixée à CHF 7'092.85 pour la procédure de première instance (art. 135 al. 2 CPP).

Ordonne le maintien de A______ en détention pour motifs de sûreté.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'725.-.

Met la moitié de ces frais, soit CHF 862.50, à la charge de A______ et en laisse le solde à la charge de l'État.

Arrête à CHF 3'111.30, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me C______, défenseur d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel, au Secrétariat d'État aux migrations, à l'Office fédéral de la police, à l'Office cantonal de la population et des migrations et au Service de l'application des peines et mesures et à la Brigade des armes, de la sécurité privée et des explosifs.

 

La greffière :

Dagmara MORARJEE

 

Le président :

Gregory ORCI

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel :

CHF

7'047.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

100.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

50.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'725.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

8'772.00