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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/7702/2019

AARP/81/2022 du 24.03.2022 sur JTDP/935/2021 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 19.05.2022, rendu le 18.02.2025, REJETE, 6B_650/2022, 6B_664/2022
Recours TF déposé le 19.05.2022, rendu le 18.02.2025, ADMIS, 6B_664/2022, 6B_650/2022
Normes : LArm.33
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7702/2019 AARP/81/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 24 mars 2022

 

Entre

 

A______, domiciliée ______, FRANCE, comparant par Me B______, avocat, ______,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

 

appelants et intimés,

 

 

contre le jugement JTDP/935/2021 rendu le 9 juillet 2021 par le Tribunal de police,

 

 


EN FAIT :

A. a. En temps utile, le Ministère public (MP) et A______ appellent du jugement du 9 juillet 2021, par lequel le Tribunal de police (TP) a reconnu la seconde coupable d'infraction à la loi fédérale sur les armes s'agissant du transport d'un C______ le 1er avril 2019 et de la possession de cette arme postérieure à cette date (art. 33 al. 1 let. a LArm), tout en l'acquittant d'infraction à la loi fédérale sur les armes pour le surplus et en l'exemptant de toute peine (art. 52 du Code pénal [CP]). Le TP a, en outre, ordonné le séquestre, la confiscation et la destruction de l'arme figurant à l'inventaire, rejeté les conclusions en indemnisation de A______ et l'a condamnée aux frais de la procédure.

A______ conclut à son acquittement complet et à son indemnisation selon l'art. 429 du Code de procédure pénale (CPP).

Le MP conclut à un verdict de culpabilité pour l'ensemble des comportements décrits dans l'ordonnance pénale du 28 juillet 2020 et à la condamnation de A______ à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 100.- l'unité, avec un sursis de trois ans, ainsi qu'à une amende à titre de sanction immédiate de CHF 1'200.- (peine privative de liberté de substitution : 12 jours).

b. Selon l'ordonnance pénale du 28 juillet 2020, il est reproché à A______ d'avoir, à Genève, entre les 5 et 22 mars 2019, acquis et possédé une arme à feu C______ sans être titulaire des autorisations nécessaires, ainsi que d'avoir, le 1er avril 2019, effectué un aller-retour entre les locaux de D______ (D______) à Genève et l'Ecole E______ (E______) en transportant, sans droit, cette arme dans ses effets personnels.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. A______, journaliste auprès de la D______, a visionné, en février 2019, un reportage diffusé sur F______ au sujet de la commande sur Internet des pièces détachées du C______, de leur montage, puis de l'essai de cette arme à feu dans un stand de la police française. Les pièces du C______ sont imprimées au moyen d'une imprimante 3D et forment, une fois assemblées, une arme permettant le tir d'une cartouche de calibre 380 ACP. Le pistolet est composé de 19 pièces, soit 18 en plastique – et, de ce fait, indétectables par les systèmes de sécurité – et d'un simple clou servant de percuteur.

A______ a proposé d'effectuer un reportage similaire à la D______, afin de sensibiliser le public sur les dangers de cette arme et de vérifier si les imprimeurs 3D de Suisse romande étaient vigilants. Le sujet a été accepté quelques jours plus tard lors d'une séance de rédaction.

a.b. Le 15 février 2019, A______ a demandé un avis de droit au service juridique de la D______, notamment afin de savoir si la commande des pièces du C______ sur Internet, de même que leur impression, était légale ou non.

a.c. D'après la prise de position de ce service, transmise par courriel à A______ le 5 mars 2019, une arme imprimée en 3D relevait de la LArm. Ainsi, une autorisation préalable était nécessaire pour la commander et se la faire livrer, sans qu'il n'existe de faits justificatifs permettant de passer outre cette règlementation pour des raisons journalistiques. A défaut, la personne s'exposait à une sanction pénale. La demande d'autorisation devait être déposée auprès de la Brigade des armes, de la sécurité privée et des explosifs (BASPE).

b.a. A une date indéterminée, A______ a téléchargé sur Internet les plans de construction du C______.

b.b. Elle a ensuite contacté une vingtaine d'imprimeurs 3D établis en Suisse romande pour obtenir des devis pour l'impression des pièces en plastique du C______, en joignant les plans y relatifs, mais sans préciser qu'il s'agissait d'une arme. Seuls trois imprimeurs ont accepté cette commande, les autres ayant reconnu qu'il s'agissait d'une arme. Certains ont menacé d'avertir la police.

A______ a choisi l'imprimeur avec lequel il était possible de confirmer la commande en ligne et de payer au moyen d'une carte de crédit.

b.c. Le 19 mars 2019, la journaliste a reçu, sur son lieu de travail, les 18 pièces imprimées du C______, la commande ayant pris cinq jours.

b.d. Le 21 mars 2019, A______ a contacté le Service de presse de la police afin de solliciter la collaboration de la police dans le cadre du reportage prévu, sans détailler son projet.

b.e. Par la suite, A______ a assemblé les pièces du C______ avec un collègue dans les locaux de la D______. Elle n'a pas inséré le percuteur, afin de ne pas rendre l'arme totalement fonctionnelle, et y a ajouté une pièce métallique permettant de la rendre détectable.

c.a. Lors d'un entretien avec le Service de presse de la police le 26 mars 2019, A______, accompagnée de son collègue G______, a expliqué son projet de reportage. Ce service l'a invitée à formuler ses requêtes par écrit.

c.b. Le même jour, la journaliste a ainsi adressé audit service un courriel en ces termes :

"[ ] Comme convenu suite à notre rencontre de ce jour, je vous envoie toutes les informations concernant notre demande de collaboration avec la BASPE. Nous souhaiterions interviewer Madame H______ sur la question des armes imprimées en 3D (est-ce un défi pour la police cantonale? Rappel nécessaire sur la loi sur les armes et la nécessité de ne pas acheter n'importe quoi sur internet) avec si possible l'organisation de la manipulation en toute sécurité de cette arme imprimée en 3D dans un stand de tir. Le but de ce tournage serait de montrer la dangerosité de ces armes imprimées en 3D et de rappeler les sanctions qui s'appliquent pour les personnes qui en possèdent [ ]".

c.c. Le 28 mars 2019, le Service de presse de la police lui a répondu que la ______ [fonction] de la BASPE déclinait sa proposition d'interview, la brigade n'étant pas confrontée à la problématique en question, et lui a suggéré de s'adresser à l'E______.

d.a. A la même date, A______ a demandé à I______, doctorant à E______, si elle pouvait l'interviewer au sujet du C______ et s'il pourrait tester de manière sécurisée l'arme imprimée.

d.b. Le vendredi 29 mars 2019, I______ a répondu à A______ qu'il était disposé à donner suite à sa demande d'interview le lundi 1er avril 2019. S'agissant du tir avec l'arme, il souhaitait savoir quelles dispositions elle avait prises pour être en conformité avec la LArm, notamment si elle était au bénéfice d'une autorisation d'acquisition exceptionnelle pour la fabrication et la possession d'une telle arme.

d.c. Par retour de courriel, A______ a confirmé à I______ la date du 1er avril 2019 pour réaliser son interview. Elle n'avait pas formellement sollicité un permis d'acquisition de l'arme pour le moment, en concertation avec le service juridique de la D______, car ils souhaitaient initialement réaliser l'expérience avec la police cantonale. Elle allait essayer d'obtenir une autorisation exceptionnelle pour un tir le 1er avril 2019, sans quoi cette partie du tournage serait abandonnée.

d.d. Le 29 mars 2019 à 09h25, A______ a demandé au Service de presse de la police s'il était possible d'obtenir de la BASPE une autorisation exceptionnelle pour la fabrication et la possession d'un C______ pour le tournage du 1er avril 2019, même si elle se doutait que les délais étaient normalement plus importants.

Le même jour, à 17h52, elle a sollicité un extrait de son casier judiciaire français dans le but d'obtenir ladite autorisation.

Après avoir interpellé la BASPE au sujet de la demande de A______, le Service de presse de la police a répondu à cette dernière que le délai était trop bref pour que l'autorisation requise lui soit délivrée.

d.e. Le 1er avril 2019, A______ a transporté le C______ depuis les locaux de la D______ à Genève jusqu'à ceux de E______ à ______ [VD], en train, soit un trajet d'environ 65km et d'une durée minimale d'une heure. L'arme était alors dans son sac caméra, sans percuteur ni munitions. Elle a procédé à l'interview de I______, sans que l'arme ne soit testée, puis a effectué le trajet inverse.

e. Entre la construction de l'arme et ce déplacement du 1er avril, ainsi qu'au retour de celui-ci jusqu'à l'audition de A______ à la police le 4 avril 2019, le C______ est resté sous clé dans un tiroir du bureau de la journaliste, dans le bâtiment sécurisé de la D______ à Genève.

f. Le 4 avril 2019, A______ s'est présentée avec le C______ à la police et le lui a remis. Pour prouver ce qu'elle voulait démontrer dans son reportage, il fallait à tout le moins commander les pièces de l'arme. Elle refusait de communiquer le nom de l'imprimeur qui avait réalisé sa commande pour une question de protection des sources. Elle avait procédé au montage de l'arme le vendredi 22 mars 2019, le but étant de cerner la facilité de l'opération. Elle avait appris par la réponse de I______ du 29 mars 2019 qu'il était nécessaire d'obtenir un permis exceptionnel afin de fabriquer et de posséder le C______. Elle pensait, selon ce que lui avait dit le service juridique de la D______, qu'il serait impossible d'obtenir un permis d'acquisition, s'agissant d'une arme illégale.

Elle était consciente qu'en poursuivant ses démarches d'acquisition, elle prenait un risque au vu des informations reçues du service juridique. Elle l'avait toutefois fait dans un but de prévention et sans aucune intention d'utiliser l'arme. Elle se rendait compte qu'il aurait été préférable de contacter la police avant même de passer la commande, "afin de faire les choses complètement en règle".

g.a. Le reportage effectué par A______ a été diffusé le 7 avril 2019 lors du journal télévisé "19h30". Il contenait notamment des images du montage partiel de l'arme.

La journaliste a confirmé sur le plateau de l'émission que le C______ était une arme à feu et qu'il était interdit de l'imprimer, sauf pour un armurier disposant d'une patente ou un particulier bénéficiant d'une autorisation exceptionnelle. La fabrication et la détention d'un C______ étaient illégales et passibles d'une sanction pénale, avec inscription au casier judiciaire.

g.b. Selon un encadré publié sur le site de la D______ le même jour, dans le cadre d'une étude menée par E______ en collaboration avec la police cantonale, 11 C______ avaient été imprimés et testés dans un stand de tir sécurisé. Les résultats étaient formels : l'arme était très dangereuse, pouvant provoquer des blessures mortelles tant pour la cible que pour le tireur.

h. Devant le MP, revenant sur ses précédentes explications, A______ a affirmé qu'elle avait monté l'arme le 29 mars 2019. Lors de son échange avec le Service de presse de la police le 22 [recte : 21] mars 2019, elle n'avait pas mentionné avoir déjà reçu le colis contenant les pièces de l'arme, mais avait "tout expliqué" lors de l'entretien du 26 mars 2019. A cette occasion, deux des trois interlocuteurs du Service de presse rencontrés étaient intéressés à une collaboration – et il était déjà question de trouver un stand de tir tandis que le troisième interlocuteur était plus réservé sur le projet. Lorsque le Service de presse lui avait recommandé de contacter I______, il ne lui avait pas demandé de mettre fin à son projet, ni d'amener le colis à la police. Elle avait, dès le début, l'intention de remettre l'arme à la police ultérieurement, ce qu'elle avait précisé lors dudit entretien. Quand elle avait su que les délais étaient trop courts pour obtenir une autorisation exceptionnelle, elle avait demandé à son supérieur si le reportage pouvait être repoussé, mais il lui avait répondu par la négative.

i.a. En première instance, A______ a admis qu'une fois sa commande reçue, elle savait qu'elle possédait une arme. Lors de l'entretien du 26 mars 2019, elle avait indiqué ne pas avoir ouvert le colis et avait demandé à la police de monter l'arme, ne sachant pas comment y procéder. Lorsqu'elle avait sollicité l'autorisation exceptionnelle, il n'y avait pas seulement eu un problème de délai, mais également une incertitude au niveau de l'issue de sa démarche, dès lors qu'elle n'effectuait pas de travaux de recherches mais était journaliste. En raison de l'absence d'autorisation, elle n'avait jamais fait fonctionner l'arme, mais s'était contentée de la faire examiner par I______. Elle avait recontacté l'imprimeur auquel elle s'était adressée et ce dernier, ayant admis une erreur, avait promis de changer son processus de vérification. Cette piqûre de rappel aux imprimeurs avait été un effet bénéfique de son reportage.

i.b. Les deux témoins suivants ont été entendus :

i.b.a. Selon G______, lors de l'entretien du 26 mars, le sujet du reportage avait été exposé, le retour positif d'un imprimeur avait été mentionné et la collaboration de la police avait été requise. Il ne se souvenait pas que A______ eut alors dit à la police avoir reçu les pièces du C______, ni qu'elle lui eut demandé de participer au montage de l'arme, ni que le Service de presse les eut mis en garde sur le caractère illégal de leur démarche. Lors de ce rendez-vous, il ne s'agissait toutefois pas d'aller loin dans les explications, l'idée étant ensuite d'avoir accès au service compétent de la police en matière d'armes. Sa collègue était une journaliste qui ne recherchait pas le sensationnalisme, mais qui faisait preuve d'une grande rigueur dans son travail.

i.b.b. D'après J______, supérieur hiérarchique de A______, cette dernière avait agi avec l'accord de sa hiérarchie. Bien que le reportage pouvait poser problème en lien avec la LArm, ils avaient estimé que l'intérêt public était prépondérant, en prenant toutes les précautions pour éviter une mise en danger, et que leur devoir d'information l'emportait. Ils avaient décidé de faire le reportage en toute transparence et d'en informer, "à un moment donné", la police. L'étape du montage de l'arme était nécessaire au reportage, afin de démontrer que tout un chacun pouvait l'effectuer seul chez lui. Des précautions avaient été prises, en ce sens qu'une fois monté, le C______ devait rester constamment sous clé, qu'il avait été exclu d'y insérer un percuteur et de tirer avec. De plus, dans l'hypothèse "tout à fait improbable" où l'arme serait tombée en de mauvaises mains, une pièce en métal y avait été ajoutée pour la rendre détectable. A______ était une journaliste rigoureuse.

C. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

a.a. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions, chiffrant celles en indemnisation à un montant total de CHF 14'412.50, hors taxes.

Le TP avait ignoré certains faits importants. En particulier, il n'était pas établi qu'elle était initialement consciente qu'elle pouvait obtenir une autorisation exceptionnelle pour commander et acquérir les pièces du C______. Il n'était pas non plus acquis que la BASPE lui aurait octroyé une telle autorisation si elle l'avait sollicitée, celle-ci étant en principe octroyée à des fins éducatives, culturelles, historiques ou de recherches (art. 28c al. 2 let. e LArm). Lorsqu'elle avait appris de I______ qu'il était possible d'obtenir une autorisation exceptionnelle, elle avait tout de suite interpellé le Service de presse de la police, imprimé le formulaire requis et sollicité un extrait de son casier judiciaire en France à cet effet. Elle avait donc, de bonne foi, cherché à mener à bien sa mission journalistique en toute transparence avec les autorités, mais avait dû composer avec une situation juridique incertaine. Elle maintenait avoir monté le C______ le 29 mars 2019, s'étant rendue à Grenoble entre les 20 et 25 mars 2019 pour l'enterrement de sa grand-mère, acte de décès produit à l'appui.

Le TP n'avait par ailleurs pas pris en compte les précautions qu'elle avait prises lors du transport du C______ le 1er avril 2019. Celui-ci était alors dépourvu de percuteur et de munition, de sorte qu'il s'agissait en réalité d'un vulgaire objet en plastique ne présentant aucun danger. En outre, le sac caméra utilisé pour le transporter représentait un bien extrêmement précieux, qu'elle gardait sous surveillance constante. Il était faux d'affirmer qu'un voleur lambda qui aurait dérobé l'arme aurait pu la rendre fonctionnelle, dès lors qu'il aurait dû disposer de connaissance des armes au-dessus de la moyenne à ces fins. Un tel individu aurait bien plutôt pu commander l'arme auprès d'un imprimeur. N'ayant accepté ni le risque de se faire dérober le C______, ni celui de le perdre ou de l'oublier dans le train, elle n'avait pas franchi les limites du risque acceptable lors de ce transport.

S'agissant de la possession du C______ entre les 1er et 4 avril 2019, le TP avait également considéré de manière erronée qu'elle avait excédé le risque admissible. L'arme simple objet en plastique avait été conservée sous clé dans les locaux sécurisés de la D______, de sorte qu'aucun risque n'avait été engendré pour la société. Le TP l'avait du reste acquittée pour avoir conservé le C______ exactement de la même manière entre son montage et son transport à ______ [VD]. La possession de l'arme durant ce court intervalle découlait des besoins du reportage.

Elle n'avait jamais eu l'intention de violer la LArm, mais, au contraire, de contribuer à sa meilleure application. Le TP avait d'ailleurs admis qu'elle avait agi dans un but d'information et de protection du public. Or, il était contradictoire de reconnaître que ses agissements avaient pour vocation de sauvegarder le bien juridique protégé par la loi, tout en admettant qu'ils lui portaient simultanément atteinte. Le Tribunal fédéral avait du reste constaté, face à une contradiction similaire, que l'auteur devait être acquitté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_604/2017 du 18 avril 2018).

Informé du fait qu'elle avait reçu les pièces du C______, le Service de presse de la police ne lui avait d'ailleurs pas indiqué qu'elle commettait une infraction, ni lui avait fait injonction de lui remettre les pièces ou encore de mettre un terme à son projet, mais lui avait suggéré de contacter I______. Aussi, face à un tel blanc-seing de la police, elle ne pouvait que considérer qu'elle agissait en collaboration et en toute transparence avec les autorités.

Il était nécessaire pour son enquête journalistique d'aller au bout du processus consistant à acquérir et monter le C______, puis le présenter à un spécialiste tel que I______, afin de s'assurer que le matériel livré par l'imprimeur pouvait réellement conduire à la fabrication d'une arme fonctionnelle. Le but poursuivi répondait à un intérêt public important, tandis qu'elle avait pris toutes les précautions que l'on pouvait attendre d'elle pour que ses agissements ne présentent aucun danger pour la société. Aussi, sa condamnation violait l'art. 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH).

S'agissant de ses conclusions en indemnisation, en première instance, l'activité déployée par son conseil s'était élevée à 20h25, soit CHF 7'962.50. Il convenait d'y ajouter 5h00 de participation à l'audience de jugement (CHF 2'250.-). En appel, l'activité de son conseil représentait 9h20, soit CHF 4'200.-.

a.b. Aux termes de son mémoire d'appel, le MP persiste également dans ses conclusions.

Le TP avait considéré de manière erronée que le risque était resté admissible tant que le C______ était rangé sous clé dans un tiroir du bureau de A______, dans le bâtiment sécurisé de la D______, au vu du but d'information et de protection du public qu'elle cherchait à atteindre par son reportage. La théorie du risque admissible concernait au premier chef les infractions par négligence et était d'application rarissime en matière d'infractions intentionnelles. Le TP avait, de la sorte, écarté à tort le grief fait à la précitée d'avoir acquis sans autorisation et possédé illicitement ladite arme jusqu'au 1er avril 2019.

En outre, le TP avait omis de tenir compte du fait que, lorsque l'activité était soumise à autorisation, ce n'était pas à l'auteur de procéder à une pesée des intérêts, mais à l'autorité administrative compétente pour autoriser ou non l'activité envisagée et le risque qui en résulte. La théorie du risque admissible ne devait pas avoir pour effet d'autoriser tout un chacun à s'affranchir à discrétion du régime d'autorisation. Aussi, dans un tel cas, ce n'était pas la génération d'un risque jugé inadmissible qui était sanctionnée, mais le défaut d'autorisation.

En tout état de cause, le but du reportage de A______ était atteint au moment où elle avait obtenu une réponse positive de l'imprimeur et reçu les pièces détachées de l'arme. Elle avait, par simple curiosité, conservé l'arme, procédé à son montage, filmé et diffusé des séquences de celui-ci. Faute d'une quelconque utilité sociale, la pesée détaillée de tous les intérêts devait conduire à rejeter l'admissibilité du risque. Elle pouvait, au demeurant, parfaitement atteindre ses objectifs en respectant la loi.

Le fait d'avoir conservé l'arme dans un tiroir fermé à clé d'un bureau se trouvant dans un bâtiment sécurisé ne concrétisait pas les conditions du risque admissible. Un tel raisonnement revenait à acquitter toute personne qui acquérait une arme sans autorisation et la possédait en respectant les règles de sécurité de base, ce qui vidait de sa substance la norme pénale visée.

Le TP avait violé l'art. 52 CP en exemptant A______ de toute peine, sa faute n'étant pas faible. L'infraction qu'elle avait commise était grave, alors que les intérêts poursuivis n'étaient pas plus élevés que les biens juridiques protégés par la LArm. Elle savait qu'elle nécessitait une autorisation pour agir de la sorte. L'absence du vol de son sac dans le train n'était dû qu'à la chance. Il était facile de se procurer des munitions et un clou pouvant faire office de percuteur. Elle avait, avec conscience et volonté, conservé la maîtrise de fait de l'arme jusqu'à ce qu'elle soit convoquée par la police, alors qu'elle aurait pu l'apporter spontanément à la BASPE après son entretien avec I______.

A______ avait délibérément fait fi de la LArm. Son comportement, illicite et dangereux, dénotait un certain mépris pour l'ordre juridique. Contrairement à ce qu'avait retenu le TP, sa collaboration avait été mauvaise, dès lors qu'elle avait d'abord tu la commande et la réception des pièces de l'arme. Elle n'en avait informé le Service de presse de la police que plus tard, ce non pas pour solliciter une autorisation, mais pour tenter de faire usage de l'arme. Elle avait également menti au sujet des séquences filmées du montage de l'arme et n'avait pas dévoilé l'identité de l'imprimeur, qui n'avait ainsi pas pu être puni. La période pénale n'était pas négligeable. A l'époque des faits, le canton de Genève n'avait pas été confronté à la problématique des armes imprimées, de sorte que, si le but poursuivi était respectable, il ne s'agissait en aucun cas d'alerter la population sur un risque imminent. A______ n'avait pas amorcé une quelconque prise de conscience.

b.a. Dans son mémoire-réponse, A______ conclut au rejet de l'appel du MP et à l'octroi d'une indemnité supplémentaire de CHF 1'800.- (4h00 à CHF 450.-) pour ses frais d'avocat, hors taxes.

Contrairement à ce que soutenait le MP, elle avait mentionné au Service de presse de la police – autorité compétente pour les journalistes avoir commandé et reçu le C______ lors de leur entretien. Aucun élément ne le contredisait et il ne pouvait être déduit le contraire de l'inertie dudit service. Le montage du C______ n'avait pas été montré dans son reportage. Son travail n'étant pas de se substituer à la police et la loi accordant une protection large aux sources journalistiques, on ne pouvait lui reprocher de ne pas avoir divulgué l'identité de l'imprimeur. Le MP minimisait à tort l'intérêt public du reportage réalisé, un attentat ayant impliqué l'utilisation d'armes imprimées en 3D s'étant produit le 9 octobre 2019 en Allemagne. [L'école] E______ s'intéressait d'ailleurs à la question depuis 2017. Le rôle du journaliste était précisément d'alerter sur des dangers avant que ceux-ci survinssent. Si les pièces du C______ n'étaient pas facilement assemblables par un quidam ou si elles étaient de qualité médiocre, cela aurait signifié un risque moindre pour la population. Elle n'avait pas procédé au montage de l'arme par simple curiosité, mais dans un souci journalistique.

Le Tribunal fédéral n'avait pas voulu opérer de distinction entre l'infraction intentionnelle et celle commise par négligence dans l'application de la théorie du risque admissible. En outre, la thèse selon laquelle la théorie du risque admissible ne pourrait jamais s'appliquer dans le cas d'une activité soumise à autorisation ne reposait sur aucun fondement. Il ne pouvait être retenu qu'elle aurait pu mener à bien sa mission d'information en étant munie d'une autorisation. Ses actes répondaient à un intérêt public prépondérant et elle avait pris toutes les précautions nécessaires, de sorte qu'elle devait être mise au bénéfice de cette théorie.

Elle avait fait son devoir de journaliste et n'avait jamais estimée être au-dessus des lois, ce qui devait conduire à une exemption de peine.

b.b. Dans sa réponse, le MP conclut au rejet de l'appel de A______ et de ses conclusions en indemnisation.

L'acte de décès produit ne permettait pas d'exclure que A______ ait pu monter l'arme le 26 mars 2019, dès lors qu'elle avait eu un entretien avec le Service de presse de la police à cette date et qu'elle était donc à Genève. La date du montage importait toutefois peu, l'important étant que les pièces du C______ étaient assemblées lors du transport du 1er avril 2019, puis jusqu'au 4 avril 2019.

Le caractère exceptionnel de l'autorisation n'était pas non plus relevant, dès lors qu'il était incontesté que A______ n'avait même pas tenté d'approcher la BASPE pour demander une autorisation, quelle qu'elle soit, avant le 29 mars 2019. Ainsi, la position que cette brigade aurait adoptée face à sa demande demeurait purement hypothétique par sa seule faute. Il ressortait des déclarations de A______ qu'elle n'avait pas requis d'autorisation, non par méconnaissance mais par confort. En tout état de cause, elle avait adopté un comportement actif en montant l'arme sous l'objectif d'une caméra, puis en la transportant dans un simple sac caméra jusqu'à ______ [VD], sans attendre de décision. Le C______ n'était alors pas un objet en plastique anodin car il était monté et reconnaissable comme une arme par n'importe qui. Au surplus, Internet regorgeait de tutoriels au sujet du C______, accessibles à quiconque. A______ ne pouvait pas garantir l'absence du vol de son sac contenant sa caméra coûteuse – et donc susceptible d'attirer les convoitises pendant les transports effectués, qu'elle ne devait qu'à la chance.

Sous l'angle du droit, le MP maintenait que la théorie du risque admissible ne trouvait pas application en l'espèce. En tout état de cause, le risque avait été excédé, l'intérêt social étant nul.

A______ savait, dès la réception de la prise de position du service juridique de la D______ le 5 mars 2019, que le C______ relevait de la LArm et était soumis à une autorisation de la BASPE. Elle l'avait néanmoins commandé, acquis, payé, assemblé, possédé et transporté, sans autorisation, avec conscience et volonté. Contrairement à ce qui était le cas dans la jurisprudence invoquée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_604/2017), elle ne s'était pas retrouvée en possession du C______ indépendamment de sa volonté. Sa volonté de servir la loi n'était pas discernable, au contraire de celle de s'en affranchir. Elle avait demandé, le 29 mars 2019, au Service de presse de la police une autorisation pour la fabrication et la possession d'une arme qu'elle possédait déjà. La BASPE n'était pas au fait de l'acquisition et de la possession de l'arme par A______, de sorte qu'elle n'avait bénéficié d'aucun blanc-seing.

Les développements du TP en lien avec l'art. 10 CEDH ne prêtaient pas flanc à la critique. A la période des faits, le reportage de A______ ne répondait à aucun besoin de société, aucune arme imprimée n'ayant été répertoriée par les autorités. Les réponses positives d'imprimeurs pour la fabrication des pièces du C______ suffisaient à étayer le propos de la journaliste sur le manque de vigilance de ceux-ci et à en informer le public. Une condamnation de A______ était en phase avec la jurisprudence de la CEDH.

c. Le TP s'est intégralement référé à son jugement.

D. A______, née le ______ 1986 et de nationalité française, vit avec son compagnon et leurs deux enfants mineurs. Elle a suivi une formation à K______ avant d'intégrer l'Ecole supérieure de journalisme à L______. Elle exerce la profession de journaliste depuis janvier 2010. Elle travaille pour la D______ et perçoit un revenu annuel net de CHF 84'893.-. Ses charges mensuelles s'élèvent à CHF 400.- de primes d'assurance-maladie, CHF 1'060.- d'impôts et CHF 2'300.- au titre d'intérêts hypothécaires. Sa fortune s'élève à CHF 71'000.-.

Elle n'a aucun antécédent inscrit au casier judiciaire suisse.

EN DROIT :

1. Les appels sont recevables pour avoir été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 ; ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40).

2.1.2. L'art. 33 al. 1 let. a LArm réprime le comportement de la personne qui, intentionnellement, sans droit, offre, aliène, acquiert, possède, fabrique, modifie, transforme, porte, exporte vers un Etat Schengen ou introduit sur le territoire suisse des armes, des éléments essentiels d'armes, des composants d'armes spécialement conçus, des accessoires d'armes, des munitions ou des éléments de munitions, ou en fait le courtage.

Le comportement visé par cette disposition est appréhendé comme une mise en danger abstraite. Celle-ci suppose que l'acte lui-même est tenu pour dangereux et le punit comme tel, sans exiger que le danger se soit effectivement manifesté. Le juge n'a jamais à rechercher si le danger a effectivement existé, comme il doit le faire en cas de mise en danger concrète (ATF 97 IV 205 consid. 2).

Sont considérées comme des armes les engins permettant de lancer des projectiles au moyen d'une charge propulsive et peuvent être portés et utilisés par une seule personne, ou les objets susceptibles d'être transformés en de tels engins (armes à feu) (art. 4 al. 1 let. a LArm).

Par éléments essentiels d'armes, on entend, pour les pistolets, la carcasse, la culasse et le canon (art. 3 let. a ch. 1 à 3 de l'ordonnance sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions du 2 juillet 2008 [OArm]).

2.1.3. L'art. 8 al. 1 LArm dispose que toute personne qui acquiert une arme ou un élément essentiel d'arme doit être titulaire d'un permis d'acquisition d'armes.

Toute personne ayant acquis légalement une arme, un élément essentiel d'arme, un composant d'arme spécialement conçu ou un accessoire d'arme est autorisée à posséder l'objet ainsi acquis (art. 12 LArm).

Toute personne qui porte une arme dans un lieu accessible au public ou qui transporte une arme doit être titulaire d'un permis de port d'armes (art. 27 al. 1, 1ère phrase LArm).

La police cantonale est, sauf disposition contraire, l'autorité cantonale compétente au sens de la législation fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions (art. 3 al. 1 du Règlement d'application de la loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions [RaLArm]). A Genève, la BASPE est la section de la police cantonale compétente pour délivrer les permis d'acquisition et de port d'armes.

Selon l'art. 10 al. 1 LArm, certaines armes à un coup peuvent s'acquérir sans permis (armes de chasse, copies d'armes se chargeant par la bouche, fusils à répétition manuelle et pistolets à lapins). Dans un tel cas, l'aliénation d'une arme ou d'un élément essentiel d'arme ne nécessitant pas de permis d'acquisition d'armes doit être consignée dans un contrat écrit. Ce contrat doit être conservé par chaque partie pendant au moins dix ans (art. 11 al. 1 LArm).

2.2. En l’espèce, il est établi et non contesté qu’après en avoir téléchargé les plans sur Internet, l’appelante a fait imprimer en 3D, auprès d’un professionnel, les 18 pièces formant le C______, qu’elle a reçues par colis le 19 mars 2019. Elle les a ultérieurement assemblées sur son lieu de travail, sans y ajouter de clou constituant le percuteur, mais en y insérant une pièce métallique pour rendre l'arme détectable. 

Il est également constant que l’appelante a ensuite conservé le C______ monté dans un tiroir de son bureau fermé à clé, dans les locaux sécurisés de la D______, hormis le 1er avril 2019, date à laquelle elle a effectué un trajet aller/retour Genève-______ [VD] en train avec le C______ – dépourvu de percuteur et de munition – dans son sac caméra, avant de remettre l’objet à la police le 4 avril suivant. 

Les parties ne remettent, à juste titre, pas en cause la qualité d’arme du C______, ni l’exigence qui existait, de ce fait, d'obtenir une autorisation pour l’acquérir, le posséder et le transporter. 

Or, l’appelante n’a, à aucun moment, bénéficié d'un permis, voire du contrat requis.

Contrairement à ce qu’elle soutient, la situation juridique entourant l’acquisition, la possession et le transport d’une arme du type du C______ était parfaitement claire. 

En effet, l’avis de droit transmis par le service juridique de la D______ à l’appelante le 5 mars 2019 était sans équivoque quant au fait que le C______ constituait une arme, dont l’acquisition et la possession nécessitait une autorisation préalable de la BASPE et qu’il n’existait pas de motif journalistique permettant de passer outre cette exigence. Le fait que ce service aurait ensuite dit à l’appelante qu’il n’était pas possible d’obtenir une autorisation d’acquisition et de port du C______, s’agissant d’une arme illégale, n’est étayé par aucune pièce du dossier et est en porte-à-faux avec l’avis de droit précité. Quoi qu’il en soit, cela ne permettait pas à l’appelante de faire fi d’une demande d’autorisation auprès de la BASPE, fût-elle exceptionnelle. En cas de refus, elle aurait pu et dû trouver une alternative, telle que solliciter la collaboration de la police ou de la E______ pour le montage d’un C______ par leurs soins. Cela ne l'aurait pas empêchée d'estimer si un tel montage était à la portée de quiconque.

L’appelante ne saurait être suivie lorsqu’elle se prévaut désormais d’un blanc-seing de la police, soutenant que celle-ci avait été mise au courant de tous ses agissements le 26 mars 2019 et les avait cautionnés. D’une part, il est établi que l’appelante a acquis la possession des éléments essentiels de l’arme avant cette date, sans y être autorisée, ce qui réalise déjà l’infraction reprochée. D’autre part, l’appelante ne saurait en tout état substituer le fait d’avoir mis verbalement au courant le Service de presse de la police de sa commande et de la réception des pièces du C______ au dépôt d’une demande en bonne et due forme auprès de la BASPE, seul service compétent. Du reste, le témoin G______ a indiqué qu’il ne s’agissait pas de détailler le projet lors dudit entretien avec le Service de presse de la police, l’idée étant ensuite de s’adresser au service compétent à ce sujet, soit à la BASPE. 

Il est constant que ce n’est qu’en date du 29 mars 2019 que l’appelante s’est souciée d’obtenir une autorisation de la BASPE pour la fabrication et la possession du C______. A cet égard, elle ne saurait se retrancher derrière le fait qu’elle ignorait auparavant qu’une autorisation "exceptionnelle" aurait pu, cas échéant, lui être délivrée. Tel qu’exposé précédemment, au vu de l’avis de droit reçu plus tôt, elle ne pouvait qu’être consciente du fait qu’il lui fallait déposer une demande d’autorisation formelle auprès de la BASPE pour être en droit d’acquérir et de posséder le C______. En réalité, il apparaît que sa demande a davantage été motivée par le souci de l’appelante de pouvoir tester l’arme le 1er avril suivant que par celui d’acquérir les pièces du C______ et de les assembler en toute légalité. En effet, alors qu’elle ne pouvait s’attendre à recevoir l’autorisation requise le jour même de sa demande, ayant concédé qu’elle se doutait que les délais devaient être normalement beaucoup plus longs, elle n’a pas hésité à assembler les pièces du C______ elle-même. A cet égard, l’appelante n’est pas crédible lorsqu’elle soutient qu’elle avait sollicité la collaboration de la police pour assembler le C______. D’une part, cela ne ressort pas expressément de sa demande. D’autre part, elle souhaitait monter l’arme elle-même, afin de déterminer si cela était réalisable par tout un chacun. 

Sur le plan subjectif, de son propre aveu, l’appelante se savait en possession des éléments essentiels d’une arme à réception des pièces du C______. Elle les a sciemment assemblées, afin de démontrer que cela était à la portée de quiconque. Au vu de l’avis de droit qui lui avait été communiqué début mars 2019, elle ne pouvait pourtant ignorer qu’une autorisation préalable était nécessaire pour acquérir, détenir et transporter l’arme en question. L’appelante a ainsi commis l’ensemble des agissements reprochés avec conscience et volonté. Elle s’est, à tout le moins, accommodée du fait d’agir sans autorisation. Il n’importe pas, à ce stade, que l’appelante n’ait pas entendu faire mauvais usage de l’arme acquise, puisque la disposition enfreinte est une infraction de mise en danger abstraite. A défaut d’avoir obtenu les autorisations requises, elle ne pouvait en aucun cas "servir" la loi. C’est, du reste, l’exigence qu’elle a mise en exergue dans son reportage. Elle a, par ailleurs, reconnu devant la police qu’il aurait été préférable de contacter la police avant de passer la commande, afin d’agir en règle. La jurisprudence invoquée sur ce point (arrêt du Tribunal fédéral 6B_604/2017) ne lui est d’aucun secours, dans la mesure où, au contraire de celle-ci, elle ne s'est pas retrouvée en situation irrégulière indépendamment de sa volonté et a consommé l'infraction sur une période significative.

Par conséquent, c’est à juste titre que le TP a retenu que l’appelante a réalisé les éléments constitutifs de l’infraction à l’art. 33 al. 1 let. a LArm de manière intentionnelle, à tout le moins par dol éventuel, pour tous les agissements décrits dans l'ordonnance pénale.

2.3.1. Le fait justificatif extralégal de la sauvegarde d'intérêts légitimes doit être interprété restrictivement et est soumis à des exigences particulièrement sévères dans l'appréciation de la subsidiarité et de la proportionnalité. Les conditions en sont réunies uniquement lorsque l'acte illicite ne constitue pas seulement un moyen nécessaire et approprié pour la défense d'intérêts légitimes d'une importance nettement supérieure à celle des biens protégés par la disposition violée, mais que cet acte constitue encore le seul moyen possible pour cette défense. Ces conditions sont cumulatives. Afin d'éviter que la protection pénale des biens juridiques soit vidée de son sens ou contournée par l'invocation en bloc d'intérêts privés ou publics nécessitant une protection, le fait justificatif de la sauvegarde d'intérêts légitimes présuppose en principe que les moyens de droit aient été utilisés et les voies de droit épuisées préalablement (ATF 134 IV 216 consid. 6.1 p. 226 ; ATF 129 IV 6 consid. 3.3 p. 15 ; ATF 127 IV 166 consid. 2b p. 168 s. in SJ 2001 I p. 612 consid. 2b).

2.3.2. D'après la théorie dite du "risque admissible", exposer les biens juridiques de tiers à des risques déterminés est en soi permis dans le domaine des infractions par négligence et il ne doit pas en aller différemment de celui qui agit intentionnellement. Pour que l'auteur d'un délit de mise en danger abstraite soit punissable, il faut donc qu'il ait franchi les limites d'un risque acceptable. Le devoir de diligence n'est pas réduit pour autant. Ce n'est pas le fait qu'une erreur humaine est toujours possible que l'on entend ici privilégier. Ce dont on veut tenir compte, c'est du fait que l'acceptation d'un certain risque est inhérente à toute entreprise. Plus celle-ci est utile et plus difficile est la mise en œuvre des moyens permettant de parer à tout danger entrant dans les prévisions de la norme, moins le risque assumé apparaîtra répréhensible. Cela suppose une appréciation de l'ensemble des circonstances dans le cadre d'une pesée concrète mettant en balance l'intérêt et le risque de l'action (ATF 117 IV 58 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1111/2016 du 9 mai 2018, consid. 3.1).

Aussi, dans l'arrêt ATF 117 IV 58, le Tribunal fédéral a jugé que la libération de l'auteure d'infraction grave à la LStup n'apparaissait pas contraire au droit fédéral, car celle-ci avait transporté la drogue dans le seul but de la détruire, ce qu'elle avait effectivement fait. Au vu de la durée limitée du transport, rendant peu probable que des tiers entrent en possession des stupéfiants et les mettent sur le marché, il était clair que l'intérêt de la destruction l'emportait sur les risques du transport, lesquels étaient ainsi admissibles.

Dans l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_1111/2016 du 9 mai 2018, il était question de deux membres d'une faction politique qui voulaient démontrer qu'il était facile d'obtenir de la drogue dans les rues de Genève. Ils avaient acquis auprès d'un dealer, puis détenu deux boulettes de cocaïne, sans avoir l'intention de les consommer ou de les remettre à des tiers. Le Tribunal fédéral a confirmé le raisonnement de la cour cantonale, selon lequel, si le comportement adopté réalisait les éléments constitutifs d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. d LStup, le risque était resté admissible dès lors que l'acheteur était immédiatement retourné auprès de son groupe de militants situé à quelques mètres de lui et que la police, presqu'immédiatement contactée après la transaction, était intervenue rapidement, avait pris possession de la drogue acquise et interpellé puis arrêté le dealer dénoncé.

2.3.3. C’est à juste titre que l'autorité de première instance a écarté le fait justificatif de la sauvegarde d’intérêts légitimes, dans la mesure où, tel que relevé précédemment, il existait des alternatives aux agissements de l’appelante, comme celle de solliciter une autorisation de la BASPE ou, à défaut, la collaboration de cette brigade ou de la E______ pour le montage d'un C______ par leurs soins. Si on peut considérer que le sujet était d’intérêt public, il n’y avait néanmoins aucune urgence à agir en dehors du cadre légal. 

S’agissant de la théorie du risque admissible, il n’apparaît pas qu’elle soit inapplicable dans le cas d’une infraction de mise en danger abstraite intentionnelle, visant une activité soumise à autorisation, tel que le soutient le MP. En effet, il ressort de la jurisprudence qu’elle a déjà été appliquée dans un tel cas, soit notamment celui d’un transport de stupéfiants, infraction de mise en danger abstraite qui peut – dans certaines circonstances – faire également l’objet d’une autorisation (ATF 117 IV 58 et arrêt du Tribunal fédéral 6B_1111/2016). Du reste, le MP a lui-même envisagé l'application de la théorie du risque admissible dans son ordonnance pénale, avant de l'écarter pour d'autres motifs.

A cet égard, il convient d'observer que l'appelante ne cherchait à atteindre que des buts d'information et de protection du public. Si la problématique de l'acquisition du C______ ne représentait pas un risque imminent, la police ayant indiqué ne pas y être confrontée, on peut toutefois admettre que le sujet revêtait un intérêt public important.

Aussi, pour la période d'acquisition et de possession initiale de l'arme, dans la mesure où il est établi et non contesté que l’appelante a monté le C______ dans les locaux sécurisés de son employeur, puis l’a conservé dans un tiroir fermé de son bureau, le risque est resté admissible, au vu des buts poursuivis. Au contraire de ce qu'avance le MP, le fait que le motif justificatif de la défense d'intérêts légitimes doive être écarté n'entraîne pas le rejet de celui de la théorie du risque admissible, dont les conditions sont moins restrictives.

En revanche, s’agissant du déplacement en train du 1er avril 2019, l’appelante ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient que le C______ transporté dans son sac caméra n’était qu’un "vulgaire objet en plastique" ne présentant aucun danger, puisque dépourvu de percuteur et de munition. Tel que l’a remarqué le MP, l’objet était alors monté et reconnaissable en tant qu’arme. Or, on ne peut considérer que la surveillance exercée par l’appelante sur son sac durant le transport suffisait à pallier tout risque de vol inhérent à un déplacement dans l’espace public, lequel pouvait aussi se réaliser par la force et non seulement par l'inattention. Dans la mesure où le sac de l'appelante contenait un objet de valeur, soit sa caméra, il était par ailleurs d'autant plus susceptible d'attirer la convoitise. L’appelante a, du reste, elle-même expliqué avoir ajouté une pièce métallique à l’arme, afin que celle-ci soit détectable, ce qui démontre qu’elle n’était pas en mesure d'exclure totalement un risque de vol ou de perte, ce qui aurait pu représenter un danger considérable avant que l'arme ne soit retrouvée. L'appelante ne saurait être suivie lorsqu'elle soutient que la personne dérobant l'arme ou la retrouvant devait disposer de connaissances accrues en matière d'arme pour rendre fonctionnel le C______, puisqu'il est constant que des informations à ce sujet peuvent être facilement trouvées sur Internet et que le percuteur nécessaire à cet effet n'est pas une pièce à imprimer mais un simple clou. Le fait qu'un individu souhaitant entrer en possession d'un C______ aurait pu s'adresser à un imprimeur plutôt que de lui soustraire l'arme n'est pas relevant, étant observé que cette première alternative n'était pas si aisée, puisqu'il ressort du dossier que la majorité des imprimeurs contactés ont reconnu les plans de l'arme et refusé de procéder à son impression.  A cela s'ajoute que la durée passée par l'appelante dans le domaine public avec l'arme n'était pas négligeable, ses trajets avoisinant au total deux heures, ce qui distingue le cas d'espèce de celui faisant l'objet de l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_1111/2016, où le risque n'avait duré que quelques minutes. Par conséquent, le transport du C______ dans l'espace public le 1er avril 2019 ne représentait pas un risque admissible, au vu du potentiel danger pour la sécurité publique qu'il entraînait.

Enfin, concernant la possession de l'arme, l'ordonnance pénale ne la couvre que jusqu'au 22 mars 2019, outre le transport du 1er avril 2019. S'il ressort de ces motifs que l'appelante a remis le C______ à la police le 4 avril 2019, la possession de l'arme jusqu'à cette date ne lui est pas expressément reprochée (art. 325 al. 1 let. f CPP). Aussi, le respect du principe d'accusation fait déjà obstacle à une condamnation de l'appelante pour cette période (art. 9 CPP). En tout état, tel que relevé précédemment, l'appelante a conservé le C______ sous clé et dans les locaux sécurisés de la D______ durant cette période également, aucun élément ne permettant d'en douter. Il sied d'admettre qu'elle l'a fait dans l'unique but de finaliser son reportage, dont la diffusion était prête le 7 avril suivant. Dès lors, les circonstances étaient similaires à celles prévalant avant le transport du 1er avril 2019, de sorte que le risque était au demeurant encore tout juste admissible durant cette période également.

Au vu de ce qui précède, il convient d'acquitter l'appelante des faits d'acquisition et de possession du C______, mais de retenir sa culpabilité pour le transport de l'arme le 1er avril 2019 (art. 33 al. 1 let. a LArm).

2.4.1. L'art. 10 § 1, 1ère phrase CEDH dispose que toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière.

L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire (art. 10 § 2 CEDH).

2.4.2. L'interprétation des normes et des principes applicables en matière pénale doit, dans la mesure du possible, être conforme au droit constitutionnel et au droit conventionnel. La presse a sans aucun doute le devoir d'informer sur des thèmes d'intérêt général, tel devoir correspondant au droit du public à être informé. Toutefois, cette mission fondamentale ne dispense pas chaque journaliste du devoir de se conformer à l'ordre juridique en vigueur et notamment aux règles du droit pénal ordinaire. Le devoir d'investigation des médias (fonction de "chiens de garde") ne suffit pas à justifier la commission de quelque acte illicite que ce soit. Un tel acte doit apparaître comme l'ultima ratio, le seul moyen disponible pour obtenir des informations "réellement de première importance" pour le public et impossibles à recueillir autrement (ATF 127 IV 166 in SJ 2001 I p. 612, consid. 2g).

2.4.3. Dans l'arrêt PENTIKÄINEN c. Finlande du 20 octobre 2015 (n° 11882/10), la Cour a validé la condamnation d'un journaliste qui avait participé à une manifestation devenue violente et n'avait pas obéi à des sommations de la police. Le comportement sanctionné n'était pas l'activité journalistique mais le refus du journaliste d'obéir à une sommation de la police. Le journaliste avait été exempté de peine et aucune mention n'avait été inscrite dans son casier judiciaire.

Dans l'arrêt ERDTMANN c. Allemagne du 5 janvier 2016 (n° 56328/10) concernant un journaliste qui avait voulu tester la sécurité des aéroports allemands en montant dans des avions en étant équipé d'un couteau papillon, la Cour a relevé qu'il fallait prendre en compte la nature et la sévérité de la peine au moment d'apprécier la proportionnalité de l'ingérence. La dernière instance nationale avait pris en compte le fait que le reportage du requérant avait permis d'améliorer la sécurité des aéroports, qu'il était journaliste, que son enquête portait sur une question d'intérêt public, que le couteau avait été placé en sécurité, hors de portée des autres passagers, et qu'il n'avait conduit à aucune menace concrète. Le requérant avait été condamné à une simple amende, peine qui ne risquait pas de décourager la presse d'investiguer certains sujets ou de s'exprimer dans le cadre de débats publics.

Dans l'arrêt MIKKELSEN et CHRISTENSEN c. Danemark du 24 mai 2011 (n° 22918/08), la Cour a été saisie du cas de deux journalistes condamnés pour avoir acheté des feux d'artifices illégaux, afin de démontrer dans un reportage que les autorités échouaient à identifier les achats faits sur le marché noir. Elle a répété que l'art. 10 § 1 CEDH n'équivalait pas à une exemption générale, pour les journalistes, d'observer le droit pénal applicable.

L'arrêt SALIHU et al. c. Suède du 10 mai 2016 (n° 33628/15) traitait d'un journaliste ayant acquis une arme sans autorisation pour un reportage. La Cour a insisté sur le fait qu'un journaliste ne pouvait pas prétendre à l'immunité pour la seule raison qu'il avait commis l'infraction en question dans le cadre de sa fonction. Elle a également relevé que la sanction ne portait pas sur le reportage lui-même, mais sur la violation par le requérant de la règlementation nationale sur les armes.

2.4.4. Tel que l'a constaté le TP, si la condamnation de l'appelante constitue une ingérence dans la liberté de la presse protégée par l'art. 10 CEDH, sa mission d'investigation et d'information ne pouvait pas pour autant justifier l'acte illicite commis. En effet, comme développé précédemment, l'appelante aurait pu et dû solliciter une autorisation auprès de la BASPE dès le début de ses démarches, ou, à défaut, requérir la collaboration de cette brigade, voire de la E______, pour le montage d'un C______ par leurs soins. Cela ne l'aurait pas empêchée de se faire une idée de la facilité du montage et de mener à bien son projet journalistique. Elle ne peut donc invoquer son rôle de "chien de garde" pour justifier la violation intentionnelle et non nécessaire de la LArm commise.

Enfin, contrairement à ce qu'elle soutient, les paramètres de son cas ne se distinguent pas fondamentalement de ceux des affaires ERDTMANN et SALIHU, de sorte que sa condamnation apparaît conforme à la jurisprudence de la CEDH.

3. 3.1.1. L'infraction à l'art. 33 al. 1 let. a LArm est, en principe, sanctionnée d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

3.1.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

3.1.3. Selon l'art. 52 CP, si la culpabilité de l'auteur et les conséquences de son acte – conditions cumulatives – sont peu importantes, l'autorité compétente renonce à lui infliger une peine. Si ces conditions sont réunies, l'exemption par le juge est de nature impérative (ATF 135 IV 130 consid. 5.3.2 p. 135). L'exemption de peine suppose que l'infraction soit de peu d'importance, tant au regard de la culpabilité de l'auteur que du résultat de l'acte. L'importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification (Message concernant la modification du code pénal suisse [dispositions générales, entrée en vigueur et application du code pénal] et du code pénal militaire ainsi qu'une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs du 21 septembre 1998, FF 1999 p. 1871).

3.1.4. Conformément à l'art. 48 let. a ch. 1 CP, le juge atténue la peine si l'auteur a agi en cédant à un mobile honorable.

Le caractère honorable des mobiles s'apprécie d'après l'échelle des valeurs éthiques reconnues par la collectivité dans son ensemble. Pour être qualifié d'honorable, il ne suffit pas que le mobile ne soit pas critiquable sur le plan moral, il faut encore qu'il se situe dans la partie supérieure des valeurs éthiques (ATF 101 IV 387 consid. 2b et arrêt du Tribunal fédéral 6B_713/2018 du 21 novembre 2018 consid. 5.4). L'atténuation de peine est obligatoire lorsque les conditions en sont remplies (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 1 ad art. 48).

Le juge qui atténue la peine n'est pas lié par le minimum légal de la peine prévue pour l'infraction (art. 48a al. 1 CP). Il peut prononcer une peine d'un genre différent de celui qui est prévu pour l'infraction mais il reste lié par le maximum et par le minimum légal de chaque genre de peine (art. 48a al. 2 CP). Par la notion de "peine d'un genre différent", le législateur vise les trois types de peines du Code pénal, à savoir la peine privative de liberté, la peine pécuniaire ainsi que l'amende (M. DUPUIS et. al., op. cit., n. 4 ad art. 48a).

3.1.5. Selon l'art. 106 CP, sauf disposition contraire de la loi, le montant maximum de l’amende est de CHF 10'000.- (al. 1). Le juge prononce dans son jugement, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus (al. 2). Le juge fixe l’amende et la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l’auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (al. 3). Un jour de peine privative de liberté de substitution (art. 106 al. 2 CP) correspond schématiquement à CHF 100.- d'amende (R. ROTH / L. MOREILLON [éds], Code pénal I : art. 1-100 CP, Bâle 2009, n. 19 art. 106).

3.2. L'appelante n'a pas respecté les exigences de sécurité imposées par la LArm en transportant un C______ dans l'espace public, sans autorisation ni précautions suffisantes, franchissant ainsi les limites du risque admissible, tel que retenu précédemment. Si le sujet du reportage de l'appelante revêtait un intérêt public indéniable, il n'en demeure pas moins que la problématique du C______ ne représentait aucun danger imminent. L'appelante a ainsi pratiqué la politique du fait accompli, alors qu'elle aurait pu effectuer les démarches nécessaires pour agir légalement en amont, conformément à l'avis de droit reçu du service juridique de son propre employeur. Elle a agi avec désinvolture face aux interdits en vigueur. Dans ces conditions, la faute de l'appelante n'apparaît pas si légère qu'elle devrait être exemptée de toute peine. L'appel du MP doit ainsi être accueilli sur ce point.

Cela étant, la CPAR ne doute pas du fait que l'appelante, dont les qualités professionnelles sont unanimement reconnues, n'entendait pas concrètement compromettre la sécurité publique en agissant comme elle l'a fait, mais uniquement mener à bien son projet journalistique. Elle a agi dans le but respectable d'informer et d'alerter la population, les imprimeurs 3D et les autorités sur les risques que représente le C______ pour la sécurité publique. Son reportage a été diffusé dans cette optique. Dans ces circonstances, un caractère honorable doit être reconnu au mobile de l'appelante, ce qui commande une atténuation de peine.

La collaboration de l'appelante à la procédure a globalement été bonne. Elle n'a pas entendu garder l'arme montée au-delà de la période nécessaire pour la finalisation de son reportage et l'a spontanément remise à la police lorsque cette dernière l'a convoquée. Sa prise de conscience est à l'aune de sa conviction d'avoir agi de façon juste et nécessaire, également confortée par sa hiérarchie.

Elle n'a pas d'antécédent, ce qui constitue toutefois un facteur neutre sur la peine.

Rien dans la situation personnelle de l'appelante ne saurait justifier ses actes.

Au vu de la faute de l'appelante, de l'atténuation dont il y a lieu de tenir compte sur sa peine et de sa situation personnelle, il convient de lui infliger une amende de CHF 1'500.-. Une peine privative de liberté de substitution de 15 jours est, par ailleurs, adéquate.

4. En définitive, l'appelante, qui n'obtient que très partiellement gain de cause en appel, supportera trois quarts des frais de la procédure envers l'Etat, comprenant un émolument de CHF 1'500.-, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (art. 428 CPP et art. 14 al. 1 let. e du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale). Il n'y a pas lieu de revoir la condamnation de l'appelante aux frais de la procédure de première instance.

5. 5.1. L'art. 429 al. 1 let. a CPP, applicable en appel par le renvoi de l'art. 436 CPP, prévoit notamment que si le prévenu est acquitté totalement ou en partie, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu. Elle peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier (art. 429 al. 2 CPP).

La question de l'indemnisation doit être tranchée après la question des frais, la seconde préjugeant de la première (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2 p. 357 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_385/2017 du 5 décembre 2017 consid. 2.1). L'autorité pénale amenée à fixer une indemnité doit examiner, tout d'abord, si l'assistance d'un conseil était nécessaire, puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire, et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conformes au tarif pratiqué à Genève, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

5.2. L'appelante requiert une indemnité pour ses frais d'avocat à hauteur d'un montant total de 16'212.50 hors taxes, soit CHF 7'962.50 pour l'activité déployée par son conseil en première instance à hauteur de 20h25, CHF 2'250.- pour les 5h00 de participation de celui-ci à l'audience de jugement et CHF 6'000.- pour l'activité de son conseil en appel à raison de 13h20.

Compte tenu de la condamnation de l'appelante à l'ensemble des frais de la procédure de première instance, il n'y a pas lieu de lui octroyer une indemnité pour ses frais d'avocat à cet égard.

S'agissant de la procédure d'appel, dans la mesure où l'appelante doit supporter trois quarts des frais de la procédure, il convient de lui reconnaître, sur le principe, le droit à une indemnisation de ses frais d'avocat, raisonnables et nécessaires, à hauteur d'un quart.

À cet égard, les décomptes de prestations concernant la procédure d'appel sont quelque peu excessifs, le dossier étant au demeurant bien connu du conseil, et seront ramenées à une durée totale de 10h00 (CHF 4'500.-).

En conséquence, une indemnité de CHF 1'211.65 (CHF 4'500.- /4 + CHF 86.65 de TVA) sera allouée à l'appelante pour ses frais d'avocat dans la procédure d'appel.

Conformément à l'art. 442 al. 4 CPP, cette indemnité sera compensée, à due concurrence, avec les frais mis à sa charge.

 

*****


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit les appels formés par A______ et le Ministère public contre le jugement JTDP/935/2021 rendu le 9 juillet 2021 par le Tribunal de police dans la procédure P/7702/2019.

Les admet très partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable d'infraction à la loi fédérale sur les armes s'agissant du transport du 1er avril 2019 (art. 33 al. 1 let. a LArm).

Acquitte A______ d'infraction à la loi fédérale sur les armes pour le surplus (art. 33 al. 1 let. a LArm).

Condamne A______ à une amende de CHF 1'500.- (art. 48a et 106 al. 1 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 15 jours (art. 106 al. 2 CP).

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée (art. 106 al. 2 CP).

Ordonne le séquestre, la confiscation et la destruction de l'arme figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 1______ (art. 69 CP).

Condamne A______ à payer les frais de la procédure de première instance, qui s'élèvent à CHF 2'639.-, y compris un émolument de jugement de CHF 1'000.- et un émolument complémentaire de CHF 1'000.- (art. 426 al. 1 CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ pour la procédure de première instance (art. 429 CPP).

Arrête les frais de la procédure d'appel, comprenant un émolument de CHF 1'500.-, à CHF 1'675.-.

Met trois quarts de ces frais, soit CHF 1'256.25 à la charge de A______ et en laisse le solde à la charge de l'Etat.

Alloue à A______ une indemnité de CHF 1'211.65, TVA comprise, pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits en appel.

Compense, à due concurrence, l'indemnité octroyée à A______ avec les frais mis à sa charge.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police (Chambre 18), à l'Office fédéral de la police, à l'Office cantonal de la population et des migrations et à la Brigade des armes, de la sécurité privée et des explosifs.

 

La greffière :

Julia BARRY

 

La présidente :

Catherine GAVIN

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

2'639.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

100.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'675.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

4'314.00