Décisions | Tribunal pénal
JTDP/1276/2024 du 29.10.2024 sur OPMP/2269/2023 ( OPOP ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |
pouvoir judiciaire | ||
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE POLICE
Chambre 3
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MINISTÈRE PUBLIC
contre
Mme A______, née le ______ 1980, domiciliée ______ [GE], prévenue, assistée de Me B______
CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :
Le Ministère public conclut à un verdict de culpabilité du chef d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale (art. 148a al. 1 CP) pour les faits mentionnés dans son ordonnance pénale du 14 mars 2023, au prononcé d'une peine pécuniaire de 150 jours-amende à CHF 30.- le jour, assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de 3 ans, à ce qu'il soit renoncé à l'expulsion obligatoire de A______ (art. 66a al. 1 let. e et al. 2 CP) et à sa condamnation au paiement des frais de la procédure.
A______, par son conseil, conclut à son acquittement, faute de conscience et de volonté, en application des articles 19 al. 1 CP, 12 al. 1 CP et 21 CP. Subsidiairement, elle conclut à ce qu'il soit renoncé à toute sanction, en application de l'article 53 CP. Plus subsidiairement, elle conclut, en application de l'article 19 al. 2 CP, à une réduction de la peine pécuniaire et du montant du jour-amende.
*****
Vu l'opposition formée le 30 mars 2023 par A______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 14 mars 2023 ;
Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 25 mars 2024 ;
Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition ;
Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP ;
LE TRIBUNAL DE POLICE
statuant sur opposition :
Déclare valables l'ordonnance pénale du 14 mars 2023 et l'opposition formée contre celle-ci par A______ le 30 mars 2023 ;
et statuant à nouveau :
A. Par ordonnance pénale du 14 mars 2023, il est reproché à A______ d'avoir, à Genève, entre le 1er avril 2018 et le 31 juillet 2019, intentionnellement induit en erreur l'Hospice général, en dissimulant le fait qu'elle habitait en couple avec C______ depuis le mois d'avril 2018 et qu'elle s'était mariée avec celui-ci le 30 décembre 2017 en Macédoine, percevant de la sorte indûment des prestations sociales pour un montant total de CHF 37'875.30 pour la période pénale considérée, étant précisé que l'Hospice général a été partiellement remboursé par la suite, le solde restant s'élevant à CHF 36'275.30, faits qualifiés d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale au sens de l'art. 148a CP.
B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :
Dénonciation de l'Hospice général et documents y annexés
a. Par dénonciation du 23 décembre 2021, l'Hospice général a avisé le Ministère public de faits concernant A______, entre avril 2018 et juillet 2019. En annexe, figure une série de documents dont ressortent les éléments suivants.
a.a. A teneur de l'attestation d'aide financière établie par l'Hospice général en date du 23 juin 2020, A______ a bénéficié d'une aide financière à titre individuel au cours de diverses périodes, notamment entre le 1er mars 2017 et le 31 juillet 2019.
a.b. Le 9 août 2016, A______ a signé une demande de prestations d'aide sociale, déclarant être célibataire.
Le 22 août 2017, après avoir annoncé des problèmes de santé, elle a rempli et soumis une demande de prestations intitulée "réévaluation". À cette occasion, elle a également signé un document portant le titre "Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général". Il en ressort que le signataire s'engage, notamment, à informer immédiatement et spontanément l'Hospice général de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière, notamment de toute modification de sa situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu'à l'étranger.
a.c. Le 30 décembre 2017, A______ a épousé C______ en Macédoine. Ce dernier a déposé une demande de regroupement familial auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après OCPM) en avril 2018, date à laquelle il est arrivé en Suisse.
a.d. Par courriel du 22 juillet 2019, l'OCPM a interpellé l'Hospice général au sujet de la situation de C______ et du fait que ce dernier devait peut-être être inclus dans le calcul des prestations de A______, dans la mesure où ils étaient mariés.
a.e. Par décision du 11 septembre 2019, l'Hospice général a réclamé à A______ la restitution de CHF 37'875.30, montant perçu à titre de prestations d'aide financière.
A l'appui de sa décision, l'Hospice général a exposé que A______ n'avait jamais déclaré son changement de statut. Elle avait dissimulé l'information selon laquelle elle s'était mariée, le 30 décembre 2017, avec C______, lequel était arrivé en Suisse en avril 2018.
a.f. Par courrier du 11 octobre 2019, A______ a indiqué qu'elle ne contestait pas la demande de restitution précitée. Elle sollicitait en revanche une remise, en raison d'importants problèmes de santé dont elle souffrait depuis des années, de sa situation familiale compliquée, d'escroqueries dont elle avait été victime, de ses dettes lui causant des angoisses et de sa relation de couple.
Elle pensait par ailleurs sincèrement qu'elle ne devait informer l'Hospice général de la présence de son époux qu'une fois la situation de ce dernier stabilisée.
En annexe dudit courrier figure notamment une série de documents médicaux la concernant.
a.g. En date du 9 décembre 2019, D______ a adressé un courriel à l'Hospice général en qualité de mandataire de A______. Il a alors indiqué que cette dernière n'avait pas annoncé son mariage car l'Hospice général lui avait fourni l'information selon laquelle il convenait de le faire qu'une fois en possession du permis de séjour de son mari. Or, ce dernier était en situation illégale.
a.h. Par arrêt du 8 décembre 2020, la Chambre administrative de la Cour de justice a rejeté le recours formé par A______ à l'encontre de la décision de l'Hospice général précitée.
En substance, la Cour de justice a retenu que A______ ne s'était pas conformée à son obligation d'information de toute modification de sa situation personnelle, son état de santé n'étant au demeurant pas de nature à le justifier. Elle était tout à fait en mesure de se rendre régulièrement aux entretiens de suivi avec son assistante sociale et de faire parvenir les documents sollicités.
Par ailleurs, il ressort dudit arrêt que, lors d'entretiens des 26 juillet et 6 septembre 2019, A______ avait exposé que son assistante sociale lui avait expliqué qu'elle ne devrait signaler son mariage que lorsque son mari disposerait d'un titre de séjour. Aux yeux de la Cour de justice, cette allégation n'était pas crédible, l'assistance sociale en question ayant nié avoir tenu de tels propos et exposé que A______ lui avait dit avoir obtenu cette indication d'un avocat pratiquant le droit des étrangers.
a.i. En date du 14 septembre 2021, un arrangement de paiement a été conclu entre l'Hospice général et A______, selon lequel la seconde s'engageait à rembourser le premier à hauteur de CHF 100.- par mois.
Déclarations de A______
b.a. Entendue par la police le 8 août 2022, A______ a reconnu les faits reprochés. Elle a confirmé avoir perçu des prestations financières de l'Hospice général et s'être mariée, en 2017, à C______, information qu'elle n'avait pas communiquée à l'institution précitée.
Aux alentours de 2015-2017, son entreprise immobilière était tombée en faillite et elle avait alors souffert de dépression. Elle avait eu passablement de problèmes de santé ainsi que des différends avec une secte religieuse.
b.b. Entendue par le Ministère public le 15 septembre 2023 suite à son opposition, A______ a indiqué qu'elle avait été souffrante tant psychologiquement que physiquement depuis 2017 et l'était encore au jour de l'audience. Elle n'était alors pas capable de prendre en charge sa situation administrative.
Elle a ajouté qu'à chaque fois qu'elle sollicitait une aide financière, elle signait le formulaire intitulé "mon engagement". Elle n'était toutefois pas consciente du contenu de ce document. Elle n'avait pas demandé à son assistante sociale de le lui expliquer, ni de lui exposer l'incidence sur le droit aux prestations si elle se mettait en couple. D______ lui avait indiqué qu'elle devait attendre d'obtenir le permis de séjour de son conjoint pour annoncer ce dernier auprès de l'Hospice général.
C.a. En marge de l'audience de jugement et par le biais de son conseil, A______ a déposé des réquisitions de preuves, lesquelles ont été rejetées par le Tribunal pour les motifs exposés dans son courrier du 30 septembre 2024.
b. A l'audience de jugement, A______ a produit un chargé de pièces, comprenant notamment :
¾ un décompte de remboursement de l'Hospice général actualisé ;
¾ un courrier adressé par E______, assistante sociale à l'Hospice général, au Docteur F______, le 9 octobre 2017, indiquant que des démarches allaient être entreprises afin de déposer une demande d'aide à l'Assurance-invalidité en faveur de A______ ;
¾ Un document intitulé "Votre prochain rendez-vous avec E______", mentionnant la date du 17 juillet 2018 et indiquant que la tâche à réaliser d'ici l'entretien suivant consiste en l'envoi de la demande à l'Assurance-invalidité ;
¾ Une série de documents médicaux, desquels il ressort que A______ avait été victime d'une crise de tétanie le 11 octobre 2019. Elle était connue pour un état anxio-dépressif ainsi que pour diverses pathologies.
c. Entendue par le Tribunal, A______ a admis les faits qui lui sont reprochés.
En substance, elle a confirmé avoir signé tant la demande de prestations d'aide sociale financière "réévaluation" que le document "mon engagement". Elle avait signé sans lire le contenu car elle faisait confiance aux gens.
Elle entretenait une bonne relation avec son assistante sociale, qu'elle voyait à raison d'une fois tous les mois et demi. Elle avait confiance en E______, qui était au courant de tout ce qu'elle vivait. Elle ne lui avait toutefois pas posé la question des conséquences financières en cas de modification de sa situation familiale. Elle pensait que tout allait bien dès lors que son mari suivait les conseils de D______.
Elle avait fait une dépression et n'était pas consciente de ce qu'elle faisait. Elle avait de nombreuses factures à payer à la suite de la faillite de sa société.
d. C______, époux de A______, entendu par le Tribunal, a déclaré que D______ leur avait expliqué qu'il convenait d'attendre la réponse de l'OCPM pour pouvoir annoncer la situation à l'Hospice général. Il a ajouté qu'il avait constaté que son épouse souffrait de troubles psychiques, perdant notamment rapidement le contrôle. Il lui arrivait de ne pas pouvoir la calmer.
D.a. A______ est née le ______ 1980 au Venezuela, pays dont elle est originaire et où elle a vécu jusqu'à ses 18 ans. Elle n'y est pas retournée depuis lors, bien que son père y réside encore.
Elle est au bénéfice d'un permis C. Elle fait ménage commun avec son époux, à qui elle est mariée depuis le 30 décembre 2017. Elle n'a pas d'enfants.
Elle a effectué des études techniques en électricité et obtenu un diplôme universitaire dans le domaine des affaires internationales. Elle est arrivée pour la première fois en Suisse en 2005 et y a vécu jusqu'en 2007, à l'exception de 6 mois passés aux Etats-Unis. Elle est ensuite partie à Montpellier avant de revenir définitivement sur le territoire helvétique en 2009. Elle y a travaillé en qualité de conseillère en assurances et a ensuite fondé son entreprise de courtage en immobilier et assurance-maladie. Ladite société a fait faillite en 2017.
Au jour du présent jugement, une demande d'aide en sa faveur est pendante auprès de l'Assurance-invalidité. Elle n'a pas d'activité professionnelle. Ses primes d'assurance-maladie s'élèvent à CHF 418.- et elle bénéficie à cet égard d'un subside de CHF 300.-. Elle a des dettes à hauteur de CHF 14'000.-. Son époux, qui est au chômage, perçoit entre CHF 2'800.- et CHF 3'000.- par mois d'indemnités, en partie saisies par l'Office des poursuites. Le loyer du couple s'élève à CHF 947.-.
b. A teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ n'a pas d'antécédent.
Culpabilité
1.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence garantie par l'art. 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH ; RS 0.101) et, sur le plan interne, par l'art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst. ; RS 101) et l'art. 10 du Code de procédure pénale (CPP ; RS 312.0), concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a ; 124 IV 86 consid. 2a ; 120 Ia 31 consid. 2c).
1.1.2. L'art. 148a al. 1 CP punit d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire, quiconque, par des déclarations fausses ou incomplètes, en passant des faits sous silence ou de toute autre façon, induit une personne en erreur ou la conforte dans son erreur, et obtient de la sorte pour lui-même ou pour un tiers des prestations indues d'une assurance sociale ou de l'aide sociale.
L'art. 148a CP constitue une clause générale par rapport à l'escroquerie au sens de l'art. 146 CP, qui est aussi susceptible de punir l'obtention illicite de prestations sociales (Message du 26 juin 2013, FF 2013 5373, p. 5431). Il trouve application lorsque l'élément d'astuce, typique de l'escroquerie, n'est pas réalisé. Cette différence qualitative se reflète au niveau du cadre de la peine qui est en l'occurrence plus bas, puisque l'art. 148a CP prévoit une peine maximale allant jusqu'à un an. L'infraction englobe toute tromperie. Elle peut être commise par le biais de déclarations fausses ou incomplètes ou en passant sous silence certains faits (arrêts du Tribunal fédéral 6B_104/2022 du 8 février 2023 consid. 2.1.2 ; 6B_797/2021 du 20 juillet 2022 consid. 2.1.1 ; 6B_1030/2020 du 30 novembre 2020 consid. 1.1.2).
La variante consistant à "passer des faits sous silence" englobe également le comportement passif consistant à omettre d'annoncer un changement ou une amélioration de sa situation. L'art. 148a CP vise, par conséquent, aussi bien un comportement actif (faire des déclarations fausses ou incomplètes) qu'un comportement passif (passer des faits sous silence). À la différence de ce qui prévaut pour l'escroquerie, le comportement passif en question est incriminé indépendamment d'une position de garant, telle qu'elle est requise dans le cadre des infractions de commission par omission. Selon les lois cantonales en matière d'aide sociale, les personnes requérant de l'aide sont tenues de fournir des renseignements complets et véridiques sur leur situation personnelle et économique. Elles doivent présenter les documents nécessaires et communiquer sans délai tout changement de leur situation. Si une personne simule un état de détresse par des indications fausses ou incomplètes, en taisant ou en dissimulant des faits, il s'agit d'un cas classique d'obtention illicite de prestations (Message du 26 juin 2013, FF 2013 5373, p. 5432). Cette variante consistant à "passer des faits sous silence" ne vise donc pas uniquement le fait de s'abstenir de répondre aux questions du prestataire (arrêts du Tribunal fédéral 6B_161/2022 du 15 février 2023 consid. 2.2 ; 6B_797/2021 précité consid. 2.1.1).
Sur le plan subjectif, l'infraction est intentionnelle. Il faut, d'une part, que l'auteur sache, au moment des faits, qu'il induit l'aide sociale en erreur ou la conforte dans son erreur et, d'autre part, qu'il ait l'intention d'obtenir une prestation sociale à laquelle lui-même ou le tiers auquel il la destine n'a pas droit (Message 26 juin 2013, FF 2013 5373, p. 5433).
1.1.3. A teneur de l'art. 13 al. 1 CP, quiconque agit sous l'influence d'une appréciation erronée des faits est jugé d'après cette appréciation si elle lui est favorable.
Il y a erreur sur les faits au sens de l'article 13 CP lorsque l'infraction est commise dans l'ignorance ou sous l'influence d'une appréciation incorrecte de l'un de ses éléments constitutifs. L'erreur de l'auteur peut porter sur un élément factuel ou juridique (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_63/2017 du 17 novembre 2017 consid. 3.2).
1.1.4. Aux termes de l'art. 21 CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d'agir que son comportement est illicite n'agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l'erreur était évitable.
Pour qu'il y ait erreur sur l'illicéité, il faut que l'auteur ne sache ni ne puisse savoir que son comportement est illicite. La jurisprudence est particulièrement restrictive à admettre l'existence d'une erreur sur l'illicéité, qui doit rester l'exception (ATF 129 IV 238 in JdT 2005 IV 87 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_77/2019 du 11 février 2019 consid. 2.1). L'auteur doit agir alors qu'il se croyait en droit de le faire. Il pense, à tort, que l'acte concret qu'il commet est conforme au droit (ATF 141 IV 336 consid. 2.4.3 ; 138 IV 13 consid. 8.2). Tel est le cas s'il a des raisons suffisantes de se croire en droit d'agir (ATF 128 IV 201 consid. 2), une raison de se croire en droit d'agir étant "suffisante" lorsqu'aucun reproche ne peut lui être adressé parce que son erreur provient de circonstances qui auraient pu induire en erreur tout homme consciencieux (ATF 98 IV 293 consid. 4a ; FF 1999 p. 1814).
1.2. Il est établi par la procédure, en particulier par les pièces produites par l'Hospice général, et non contesté, que la prévenue a complété et signé un formulaire de demande de prestations d'aide financière le 9 août 2016. Il est également établi que le 22 août 2017, elle a signé une demande de prestations d'aide sociale financière "réévaluation" après avoir annoncé des problèmes de santé et signé le document intitulé "mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général", à la même date soit en date du 22 août 2017. Par la signature de ce dernier document, elle s'engageait notamment à informer immédiatement et spontanément l'Hospice général de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant de ses prestations notamment de toute modification de sa situation économique personnelle et familiale. Or, elle ne s'est pas conformée à son obligation de renseigner en ne signalant pas à son assistante sociale qu'elle s'était mariée le 30 décembre 2017, que son mari l'avait rejointe en Suisse en avril 2018 et qu'il faisait ménage commun, ce qui a été découvert le 22 juillet 2019 par un examinateur de l'OCPM qui a interpellé l'Hospice général.
La prévenue soutient ne pas avoir eu l'intention de tromper l'Hospice général mais avoir agi de bonne foi conformément aux informations qui lui avaient été transmises, soit qu'elle n'avait pas à informer l'Hospice général de son mariage tant que son époux ne serait pas au bénéfice d'une autorisation de séjour.
Elle ne peut être suivie.
Tout d'abord, elle savait qu'elle devait annoncer tout changement de sa situation à l'Hospice général. Elle avait préalablement signé la demande et le formulaire "Mon engagement", s'étant engagé, à donner immédiatement et spontanément à l'Hospice général tout renseignement nécessaire à l'établissement de sa situation personnelle tant en Suisse qu'à l'étranger. Par sa signature, elle a confirmé être valablement informée de ses obligations d'annonce et il convient de retenir qu'elle était dûment informée des obligations auxquelles elle était tenue et des risques qu'elle encourait si elle ne les respectait pas.
Ensuite, elle a varié dans ses explications s'agissant de la personne qui lui aurait donné cette information, soit son assistante sociale ou D______, ce qui entache sa crédibilité. Enfin, elle s'est rendue aux entretiens avec son assistante sociale ce qu'elle ne conteste pas. Elle s'entendait bien avec elle. Elle a pu lui faire part d'autres changements dans sa situation personnelle sans aucun problème, comme ses problèmes de santé, et lui faire parvenir les documents sollicités. Elle dit elle-même aux débats que E______ était au courant de tout ce qu'elle vivait. La version soutenue par la prévenue est dès lors incompatible avec la notion d'erreur de droit et d'erreur de fait telle qu'alléguées.
La prévenue fait part du fait que ses problèmes de santé l'auraient empêchée d'informer l'Hospice général. Elle ne saurait non plus être suivie sur ce point. Il n'apparaît pas que son état de santé l'aurait empêchée d'informer l'Hospice général de son mariage et du fait qu'elle faisait ménage commun avec son mari, ce d'autant qu'elle rencontrait régulièrement son assistante sociale ainsi qu'au vu de la période de temps de plus d'une année. Par ailleurs, il ne s'agissait pas de faits compliqués et il était facile pour elle d'annoncer un ménage commun et un mariage à une personne qu'elle voyait régulièrement.
Le Tribunal considère ainsi que la prévenue a agi avec conscience et volonté dans le but d'obtenir des prestations de l'Hospice général et les faits sont constitutifs d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale au sens de l'art. 148a CP.
Peine
2.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 consid. 5 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1).
2.1.2. A teneur de l'art. 34 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende, le juge fixant leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). En règle générale, le jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus. Le juge peut exceptionnellement, lorsque la situation personnelle et économique de l'auteur le justifie, réduire le montant du jour-amende à concurrence d'un minimum de CHF 10.-. Il peut dépasser le montant maximal du jour-amende lorsque la loi le prévoit. Il fixe le montant du jour-amende selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).
2.1.3. Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP).
Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. Le sursis est la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 134 IV 1 consid. 4.2.2 p. 5). En d'autres termes, la loi présume l'existence d'un pronostic favorable et cette présomption doit être renversée par le juge pour exclure le sursis (arrêt du Tribunal fédéral 6B_978/2017 consid.3.2).
2.1.3. A teneur de l'art. 44 CP, si le juge suspend totalement ou partiellement l’exécution d’une peine, il impartit au condamné un délai d’épreuve de deux à cinq ans (al. 1). Le juge explique au condamné la portée et les conséquences du sursis ou du sursis partiel à l’exécution de la peine (al. 3).
2.1.4. Selon l'art. 19 al. 1 CP, l'auteur n'est pas punissable si, au moment d'agir, il ne possédait pas la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation. Le juge atténue la peine si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation (al. 2).
De même que la capacité de discernement est présumée en droit civil, s'il n'existe aucun motif de la mettre en doute (art. 16 CC ; ATF 134 II 235 consid. 4.3.3), la pleine responsabilité de l'auteur est présumée en droit pénal (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1129/2014 du 9 septembre 2015 consid. 4.2).
2.1.5. Aux termes de l'art. 53 CP, lorsque l'auteur a réparé le dommage ou accompli tous les efforts que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour compenser le tort qu'il a causé, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine s'il encourt une peine privative de liberté d'un an au plus avec sursis, une peine pécuniaire avec sursis ou une amende (let. a), si l'intérêt public et l'intérêt du lésé à poursuivre l'auteur pénalement sont peu importants (let. b) et si l'auteur a admis les faits (let. c).
2.2. La faute de la prévenue n'est pas négligeable. Elle n'a pas hésité à tromper l'Hospice général pendant plusieurs mois pour des mobiles égoïstes. La période pénale est relativement longue et ses agissements n'ont cessé que suite à l'intervention de l'OCPM auprès de l'Hospice général.
La collaboration est médiocre, puisque la prévenue reconnait la matérialité des faits mais conteste toujours son intention aux débats.
La prise de conscience est initiée puisque la prévenue a commencé à rembourser les sommes perçues au cours de la période pénale. À cet égard, il sera relevé que l'application de l'art. 53 CP plaidée n'entre pas en ligne de compte, l'important dommage causé au détriment du patrimoine de la collectivité et la relativement longue période pénale fondant un intérêt public certain à infliger une peine.
La situation personnelle de la prévenue n'explique pas et n'excuse nullement ses actes, même si elle traversait une période difficile.
Sa responsabilité, présumée, est pleine et entière. Les éléments médicaux produits ne permettent objectivement pas de retenir une diminution.
Son casier judiciaire est vierge.
A la lumière des éléments qui précèdent, la prévenue sera condamnée à une peine pécuniaire de 120 jours-amende. Le montant du jour-amende sera fixé à CHF 30.-, compte tenu de sa situation financière au moment du jugement. Il apparaît adéquat et proportionné.
Cette peine sera assortie du sursis, les conditions en étant réalisées, assortie d'un délai d'épreuve de 3 ans.
Expulsion
3.1.1. D'après l'art. 66a al. 1 let. e CP, le juge expulse de Suisse l'étranger qui est condamné pour obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale (art. 148a, al. 1), quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de cinq à quinze ans.
3.1.2. L'art. 66a al. 2 CP dispose que le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse.
En règle générale, il convient d'admettre l'existence d'un cas de rigueur au sens de l'art. 66a al. 2 CP lorsque l'expulsion constituerait, pour l'intéressé, une ingérence d'une certaine importance dans son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par la Constitution fédérale (art. 13 Cst.) et par le droit international, en particulier l'art. 8 CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 6B_364/2022 du 8 juin 2022 consid. 5.1).
3.2. En l'espèce, en application de l'art. 66a al. 1 let. e CP, le verdict de culpabilité à l'art. 148a al. 1 CP fonde un cas d'expulsion obligatoire. Le Ministère public conclut à ce qu'il soit renoncé à l'expulsion.
Il convient néanmoins de déterminer si les conditions du cas de rigueur au sens de l'art. 66a al. 2 CP sont réalisées.
A cet égard, le Tribunal relève que la prévenue est titulaire d'un permis C et vit en Suisse depuis de nombreuses années. Elle y a son centre de vie et fait ménage commun avec son époux. Depuis son départ à l'âge de 18 ans, elle n'est jamais retournée dans son pays d'origine.
A cela s'ajoute que la prévenue souffre d'importants problèmes de santé, lesquels sont démontrés par les différents certificats médicaux figurant à la procédure. Son état de santé nécessite une prise en charge et a justifié le dépôt d'une demande d'aide auprès de l'Assurance-invalidité.
Enfin, dans la pesée des intérêts, le Tribunal rappelle que la prévenue rembourse par des versements mensuels les sommes dues à l'Hospice général.
Dès lors, il y a lieu de considérer que l'intérêt privé de la prévenue à rester sur le territoire suisse revêt une intensité suffisante pour remplir les conditions du cas de rigueur. A l'aune du principe de proportionnalité, il sera donc exceptionnellement renoncé à ordonner une expulsion.
Frais et indemnité
4. Vu le verdict de culpabilité, la prévenue sera condamnée aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'069.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).
5. Le défenseur d'office de la prévenue sera indemnisé (art. 135 CPP).
LE TRIBUNAL DE POLICE
statuant contradictoirement :
Déclare A______ coupable d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale (art. 148a al. 1 CP).
Condamne A______ à une peine pécuniaire de 120 jours-amende (art. 34 CP).
Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.
Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).
Avertit A______ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).
Renonce à ordonner l'expulsion de Suisse de A______ (art. 66a al. 1 let. e et 66a al. 2 CP).
Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'069.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).
Fixe à CHF 5'761.75 l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP).
Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Office cantonal de la population et des migrations et Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).
Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).
La Greffière | La Présidente |
Vu l'annonce d'appel formée par A_______, laquelle entraîne la motivation écrite du jugement (art. 82 al. 2 lit. b CPP),
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE
Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.
Condamne A______ à payer à l'Etat de Genève l'émolument complémentaire fixé à CHF 600.-.
La Greffière | La Présidente |
Voies de recours
Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.
Le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit peut également contester son indemnisation en usant du moyen de droit permettant d'attaquer la décision finale, la présente décision étant motivée à cet égard (art. 135 al. 3 et 138 al. 1 CPP).
L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).
Etat de frais
Frais du Ministère public | CHF | 630.00 |
Convocations devant le Tribunal | CHF | 75.00 |
Frais postaux (convocation) | CHF | 14.00 |
Emolument de jugement | CHF | 300.00 |
Etat de frais | CHF | 50.00 |
Total | CHF | 1'069.00 |
========== | ||
Emolument de jugement complémentaire | CHF | 600.00 |
========== | ||
Total des frais | CHF | 1'669.00 |
|
| |
|
|
Indemnisation du défenseur d'office
Vu les art. 135 CPP et 16 RAJ et les directives y relatives ;
Bénéficiaire : | A______ |
Avocat : | B______ |
Etat de frais reçu le : | 28 octobre 2024 |
Indemnité : | CHF | 4'283.35 |
Forfait 20 % : | CHF | 856.65 |
Déplacements : | CHF | 200.00 |
Sous-total : | CHF | 5'340.00 |
TVA : | CHF | 421.75 |
Débours : | CHF | 0 |
Total : | CHF | 5'761.75 |
Observations :
- 10h25 * à CHF 200.00/h = CHF 2'083.35.
- 11h ** à CHF 200.00/h = CHF 2'200.–.
- Total : CHF 4'283.35 + forfait courriers/téléphones 20 % = CHF 5'140.–
- 2 déplacements A/R (***) à CHF 100.– = CHF 200.–
- TVA 7.7 % CHF 207.90
- TVA 8.1 % CHF 213.85
* Seules 04h00 sont nécessaires pour le poste Procédure vu la taille et la complexité du dossier.
** Seules 02h30 sont nécessaires pour préparer l'audience de jugement, le dossier étant connu de l'avocat.
*** Les vacations sont retenues de manière forfaitaire, soit 30 minutes.
Notification à/au :
- A______, soit pour elle son conseil Me B______
- Ministère public.
par voie postale