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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/794/2025

DCSO/499/2025 du 25.09.2025 ( PLAINT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/794/2025-CS DCSO/499/25

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 25 SEPTEMBRE 2025

 

Plainte 17 LP (A/794/2025-CS) formée en date du 3 mars 2025 par A______, représenté par Me Zoltan Szalai, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

- A______

c/o Me SZALAI Zoltan

EVIDENTIA AVOCATS

Rue Jacques-Grosselin 8

1227 Carouge GE.

- B______

c/o Me LORENTZ Sébastien

c/o Lawffice SA

Rue Général-Dufour 22

Case postale 315

1211 Genève 4.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. A______ et B______ se sont mariés le ______ 2017 aux Philippines. Ils se sont séparés en 2022. Ils ont déposé une requête commune en divorce le 13 octobre 2023 avec accord partiel, certains effets accessoires du divorce demeurant litigieux. La procédure est toujours en cours. Les conclusions des parties ont varié s'agissant de la liquidation du régime matrimonial.

En dernier lieu, B______ a déposé des conclusions écrites le 17 juin 2024 contenant les termes suivants : "… Sur la liquidation du régime matrimonial : 8) dire qu'aucune contribution d'entretien n'est due entre les parties; 9) Renoncer au partage de l'avoir de la prévoyance professionnelle; (…)". Dans le corps du texte de ces conclusions écrites, B______ a évoqué des charges et frais dont le règlement restait litigieux, sans toutefois prendre de conclusions chiffrées.

Lors de l'audience de débats d'instruction et de premières plaidoiries qui s'est tenue le 17 juin 2024, A______ a déclaré que "Si Monsieur ne prend aucune conclusion en liquidation du régime matrimonial, je n'ai pas de prétention à faire valoir". B______ a persisté dans ses conclusions sur effets accessoires du divorce.

Actuellement, la procédure de divorce porte essentiellement sur l'instruction de mesures provisionnelles concernant la prise en charge des enfants du couple.

b. B______ a requis la poursuite de A______, laquelle s'est vue notifier, le 19 février 2025, un commandement de payer, poursuite n° 1______, pour un montant de 250'000 fr. plus intérêt à 13 % l'an dès le 18 janvier 2025 à titre d' : "assurance [maladie] C______ et D______ depuis 2014; abonnement téléphone mobile chez E______ depuis 2015; frais de voyages en Hongrie (x 10) et aux Philippines (x 3); achats d'habits et sacs, voiture [de marque] F______ et locations avec dépôts d'une maison à G______ (FR); autres frais, inscriptions, formations, poursuites et amendes payés par M. B______".

A______ a formé opposition au commandement de payer.

B. a. Par acte expédié le 3 mars 2025 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a conclu à ce que la poursuite n° 1______ soit déclarée abusive et nulle. Elle portait en effet sur les frais et charges dont le règlement était évoqué par B______ dans la procédure de divorce; or, les parties étaient parvenues à des conclusions concordantes lors de l'audience du 17 juin 2024 tendant à la renonciation de part et d'autre à toute prétention en matière de liquidation du régime matrimonial; la poursuite était par conséquent constitutive d'une démarche contraire à cet engagement, partant abusive.

b. Bien qu'interpellé par la Chambre de surveillance, B______ n'a pas déposé de déterminations.

c. Dans ses observations du 1er avril 2015, l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) s'en est rapporté à justice, déclarant toutefois qu'il ne lui paraissait pas que les conditions de la nullité de la poursuite en raison de son caractère abusif étaient réunies.

d. Les parties ont été informées par avis du 9 avril 2025 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées par écrit dans les dix jours suivant la connaissance de l'acte entrepris en application de l'article 17 al. 1 et 2 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire. L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP).

1.2 En l'occurrence, la plaignante invoque le caractère abusif de la poursuite entreprise, grief conduisant au constat de la nullité de la poursuite, de sorte qu'il est recevable en tout temps et sans respect des formes requises pour une plainte, dans la mesure où l'abus est avéré. Il est dès lors inutile d'examiner la recevabilité formelle de la plainte : en cas d'abus, la plainte sera en tout état recevable; si l'abus ne devait pas être retenu, elle sera en tout état rejetée et la question de sa recevabilité sera sans intérêt.

2. 2.1 Sont nulles les poursuites introduites en violation du principe de l'interdiction de l'abus de droit, tel qu'il résulte de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1). La nullité doit être constatée en tout temps et indépendamment de toute plainte par l'autorité de surveillance (art. 22 al. 1 LP).

La nullité d'une poursuite pour abus de droit ne peut être admise par les autorités de surveillance que dans des cas exceptionnels, notamment lorsqu'il est manifeste que le poursuivant agit dans un but n'ayant pas le moindre rapport avec la procédure de poursuite ou pour tourmenter délibérément le poursuivi; une telle éventualité est, par exemple, réalisée lorsque le poursuivant fait notifier plusieurs commandements de payer fondés sur la même cause et pour des sommes importantes, sans jamais requérir la mainlevée de l'opposition, ni la reconnaissance judiciaire de sa prétention, lorsqu'il procède par voie de poursuite contre une personne dans l'unique but de détruire sa bonne réputation, lorsque par esprit de chicane il requiert une poursuite pour un montant manifestement trop élevé, lorsqu'il reconnaît, devant l'Office des poursuites ou le poursuivi lui-même, qu'il n'agit pas envers le véritable débiteur, ou encore lorsqu'il requiert la poursuite en contradiction avec des attentes suscitées chez l'autre partie, par exemple en introduisant une nouvelle poursuite alors que des pourparlers sont sur le point d'aboutir en vue du retrait d'une poursuite précédente portant sur la même créance (venire contra factum proprium). L'existence d'un abus ne peut donc être reconnue que sur la base d'éléments ou d'un ensemble d'indices démontrant de façon patente que l'institution du droit de l'exécution forcée est détournée de sa finalité (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1, JdT 2015 II 298; 130 II 270 consid. 3.2.2; 115 III 18 consid. 3b, JdT 1991 II 76; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1020/2018 du 11 février 2019, 5A_317/2015 du 13 octobre 2015 consid. 2.1, 5A_218/2015 du 30 novembre 2015 consid. 3; décision de la Chambre de surveillance DCSO/321/10 du 8 juillet 2010 consid. 3.b).

La procédure de plainte des art. 17 ss LP ne permet pas d'obtenir l'annulation de la poursuite en se prévalant de l'art. 2 al. 2 CC, dans la mesure où le grief pris de l'abus de droit est invoqué à l'encontre de la créance litigieuse. L'autorité de surveillance – tout comme l'office – n'est en effet pas compétente pour statuer sur le bienfondé matériel des prétentions du créancier déduites en poursuite qui relèvent de la compétence du juge ordinaire. Elle n'est notamment pas compétente pour déterminer si le poursuivi est bien le débiteur du montant qui lui est réclamé. Ce dernier doit utiliser les moyens que lui offre la procédure de poursuite, soit notamment l'opposition au commandement de payer, l'action en libération de dette, l'annulation de la poursuite, l'action en constatation de l'inexistence de la dette ou l'action en répétition de l'indu. Saisi d'une réquisition de poursuite répondant aux exigences de l'art. 67 LP, l'Office est tenu d'y donner suite par la notification d'un commandement de payer (art. 71 al. 1 LP), sans avoir à se soucier de la réalité de la créance indiquée dans la réquisition de poursuite. L'Office ne peut ainsi exiger des explications sur la nature de la prétention ni refuser d'émettre un commandement de payer, même si la cause de la créance semble peu plausible voire imaginaire. Il est donc pratiquement exclu que le créancier obtienne de manière abusive l'émission d'un commandement de payer (ATF 136 III 365 consid. 2.1, avec la jurisprudence citée; 115 III 18 consid. 3b, JdT 1991 II 76; 113 III 2 consid. 2b, JdT 1989 II 120; arrêts du Tribunal fédéral 5A_250-252/2015 du 10 septembre 2015 consid. 4.1, 5A_76/2013 du 15 mars 2013 consid. 3.1, 5A_890/2012 du 5 mars 2013 consid. 5.3, 5A_595/2012 du 24 octobre 2012 consid. 5).

2.2 En l'espèce, les prétendus débitrice et créancier s'opposent dans une procédure de divorce litigieuse dans laquelle les questions relatives aux rapports patrimoniaux entre les parties n'ont vraisemblablement pas encore été instruites. Contrairement à ce que soutient la plaignante, il n'existe pas de conclusions concordantes des parties s'agissant de la liquidation du régime matrimonial, les positions adoptées par les parties lors de l'audience du 17 juin 2024 ne permettant pas de retenir qu'elles auraient réciproquement renoncé à toute prétention à cet égard. Les conclusions écrites du prétendu créancier ne portent pas, contrairement à leur intitulé, sur liquidation du régime matrimonial et ne sont que partielles, de sorte qu'elles ne sauraient constituer un indice de la position de B______ sur cet objet. Quant à l'intervention orale de la prétendue débitrice à l'audience du 17 juin 2024, elles ne sont pas constitutives de conclusions; elles n'énoncent qu'une prise de position conditionnelle, dont rien ne permet de retenir que la condition serait réalisée. Rien ne permet par conséquent de soutenir que B______ aurait renoncé à des prétentions en liquidation du régime matrimonial et que la poursuite litigieuse s'inscrirait en faux avec une telle renonciation. Le caractère abusif de la poursuite entreprise n'est par conséquent pas établi sous l'angle d'un comportement contradictoire du prétendu créancier. Le fait que la désignation de la créance en poursuite puisse surprendre et ne soit pas limpide n'est pas non plus un élément suffisant pour conclure au caractère abusif de la poursuite.

Il résulte de ce qui précède que la poursuite litigieuse ne peut être qualifiée d'abusive et, partant, nulle, de sorte que la plainte sera rejetée.

3. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 3 mars 2025 par A______ contre la poursuite n° 1______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Monsieur Alexandre BÖHLER et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs ; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.