Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/86/2025 du 20.02.2025 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/3815/2024-CS DCSO/86/25 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 20 FEVRIER 2025 |
Plainte 17 LP (A/3815/2024-CS) formée en date du ______ novembre 2024 par A______ [service de cautionnement], représentée par Me François MICHELI, avocat.
* * * * *
Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 20 février 2025
à :
- A______
c/o Me MICHELI François
Kellerhals Carrard Genève SNC
Rue François-Bellot 6
1206 Genève.
- Faillite de B______ Sàrl
c/o Office cantonal des faillites
Faillite 2024/1______.
A. a. Le 26 mars 2020, [la banque] C______ a accordé à la société B______ Sàrl, ayant son siège à Genève, un crédit COVID-19 de 208'000 fr. Selon la convention de crédit, le montant du crédit, majoré des intérêts effectivement échus au titre de la convention de crédit jusqu'à un taux d'intérêt annuel maximum, était garanti exclusivement par un cautionnement solidaire de A______, conformément à l'ordonnance sur les cautionnements solidaires liés au COVID-19.
b. Par jugement JTPI/1494/24 du 29 janvier 2024, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de la société B______ Sàrl.
Saisie du recours formé par B______ Sàrl contre le jugement de faillite, la Cour de justice a accordé l'effet suspensif par décision du 14 février 2024.
Par arrêt ACJC/445/2024 du 4 avril 2024, la Cour a rejeté le recours et prononcé la faillite de B______ Sàrl avec effet au 4 avril 2024.
c. Dans l'intervalle, le 15 février 2024, le compte courant de B______ Sàrl auprès de C______, IBAN 2______ (compte en francs suisses), a été crédité d'un montant de 5'000 fr versé par D______ Sàrl.
d. Le 4 mars 2024, C______ a débité les comptes de B______ Sàrl, IBAN 2______ (compte en francs suisses) et IBAN 3______ (compte en EUR), d'un montant de 1'757 fr. 53 et d'un montant de EUR 708.23, au titre de "droit de gage et compensation".
e. Le même jour, C______ a avisé A______ qu'elle faisait appel à la garantie, suite au prononcé de la faillite de B______ Sàrl, et ce à hauteur de 135'972 fr. 89 (soit 138'400 fr. sous déduction de 1'757 fr. 53 et de EUR 708.23).
f. Le 31 mai 2024, A______ a versé à C______ le montant de 135'972 fr. 89 réclamé.
g. Le 4 juin 2024, C______ a confirmé à A______ la bonne réception du montant de 135'972 fr. 89, pour solde de tout compte. A______ était légalement subrogée aux droits de C______ à l'égard de B______ Sàrl, à concurrence du montant versé.
h. Le 13 août 2024, A______ a produit auprès de l'Office cantonal des faillites (ci-après: l'Office) une créance de 135'972 fr. 89 dans la faillite de B______ Sàrl. Elle a indiqué qu'elle faisait valoir son droit de gage sur tout éventuel compte créancier détenu par la faillie auprès de C______, selon le ch. 3.23.3 de la directive de l'Office sur la vérification des créances et collocation, état au 2 janvier 2024.
i. Le ______ novembre 2024, l'Office a établi et fait publier dans la Feuille officielle suisse du commerce (ci-après : FOSC) l'état de collocation et l'inventaire dans la faillite de B______ Sàrl, enregistrée sous n° F2024/1______. Le dividende prévisible était de 12,70% pour les créanciers de 1ère classe et de 0% pour les autres. Aucune créance n'a été colloquée dans la rubrique relative aux gages mobiliers. La créance de A______ a été colloquée à hauteur de 135'972 fr. 89 en 3ème classe.
Ont par ailleurs été portées à l'inventaire, sous C4 et C5, les créances en 4'845 fr. 64 et 9'571 fr. 75 résultant de la clôture des comptes de la faillie auprès de C______, n° 2______ et n° 3______, soit les deux comptes susmentionnés.
B. a. Par acte déposé le ______ novembre 2024, A______ a formé plainte auprès de la Chambre de surveillance contre l'état de collocation et l'inventaire établis par l'Office dans la faillite de B______ Sàrl.
Il est reproché à l'Office de ne pas avoir colloqué la production de A______ en tant que détentrice d'un gage mobilier et d'avoir omis de mentionner à l'inventaire que les deux créances résultant de la clôture des comptes bancaires de la faillie auprès de C______ étaient grevés d'un droit de gage en sa faveur.
Elle a conclu à ce que sa créance contre la faillie soit admise en classe "mobilier" de l'état de collocation et non pas en 3ème classe et à ce que l'Office rectifie l'état de collocation en conséquence. Elle a également sollicité que l'Office rectifie l'inventaire, en mentionnant son droit de gage sur les créances nos C4 et C5.
b. Dans son rapport du 18 décembre 2024, l'Office a répondu que la plainte était irrecevable. La contestation du rang ou de la classe dans laquelle une prétention était colloquée relevait de l'action en justice et non pas de la plainte au sens de l'art. 17 LP. Quant à l'indication de la revendication ou d'un droit de gage mobilier sur un actif inventorié, elle n'avait pas de portée juridique et avait un rôle purement informatif.
c. Le rapport de l'Office a été communiqué à A______ le 19 décembre 2024. Sur ce l'instruction de la plainte a été close.
1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).
1.2. La plainte a en l'occurrence a été déposée en temps utile contre des mesures de l'Office des faillites – inventaire et état de collocation – pouvant – en principe et sous réserve des griefs invoqués – être contestées par cette voie. Elle respecte par ailleurs la forme écrite et comporte une motivation ainsi que des conclusions. Elle est donc formellement recevable.
2. 2.1.1 La qualité pour porter plainte, selon l'art. 17 LP, est reconnue à toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou à tout le moins atteinte dans ses intérêts de fait, par une mesure ou une omission d'un organe de la poursuite (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). Ainsi, les créanciers ont, de manière générale, le droit de se plaindre de ce que les actes de l'administration de la faillite n'ont pas été accomplis conformément à la loi (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 119 III 81 consid. 2). En revanche, les tiers à la procédure d'exécution forcée n'ont en principe pas la qualité pour former une plainte, à moins qu'un acte de poursuite ne leur soit directement préjudiciable (arrêt du Tribunal fédéral 5A_517/2012 du 24 août 2012 consid. 4.1.1). Le plaignant doit dans tous les cas poursuivre un but concret; il doit être matériellement lésé par les effets de la décision attaquée et avoir un intérêt digne de protection à sa modification ou à son annulation (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 120 II 5 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_517/2012 du 24 août 2012 précité).
2.1.2 Dès que l'office a reçu communication de l'ouverture de la faillite, il procède à l'inventaire des biens du failli et prend les mesures nécessaires pour leur conservation (art. 221 LP, art. 25 OAOF). L'inventaire donne une vision d'ensemble sur le patrimoine du failli et tend à assurer sa conservation. Il sert aussi de base à la décision déterminant la liquidation de la faillite : suspension faute d'actif, liquidation sommaire ou ordinaire (Vouilloz, CR LP, n. 2 ad art. 221 LP). Tous les droits patrimoniaux dont le failli est, ou peut-être, titulaire au moment où il a été déclaré en faillite doivent être portés à l'inventaire et estimés, sans tenir compte de la possibilité de les réaliser, qu'ils soient saisissables ou insaisissables (Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite : ci-après: Commentaire, n. 35 ad art. 221 LP). Il en va notamment ainsi des créances du failli, que celles-ci soient ou non contestées, exigibles ou liquides (Lustenberger, in BSK SchKG II, n. 21 ad art. 221 LP). Une fois le processus d'inventaire clos, celui-ci est soit présenté à la première assemblée des créanciers si la faillite est liquidée en la forme ordinaire soit, si – comme en l'espèce – la faillite est soumise à la forme sommaire, déposé à l'office en même temps que l'état de collocation (art. 231 al. 3 ch. 3 et 249 LP ; art. 32 al. 2 OAOF).
2.1.3 Il ne peut pas être déposé de plainte ou de recours aux autorités de surveillance LP (art. 17 ss LP) contre l'admission de biens à l'inventaire. L'établissement de l'inventaire est une mesure interne de l'administration de la faillite, qui n'a aucun effet sur la situation juridique des tiers (ATF 114 III 21 cons. 5b; 90 III 18 cons. 1). Il ne détermine pas l'appartenance d'un élément du patrimoine à la masse en faillite, ni n'entraîne le dessaisissement du failli. Les litiges relatifs à l'existence ou au montant d'un droit supposé tombé dans le patrimoine du failli ne relèvent pas de la compétence de l'administration de la faillite – ni de celle de l'autorité de surveillance – mais de celle du juge civil (Lustenberger, op. cit. n. 21a ad art. 221 LP).
2.2.1 Parallèlement à la formation de la masse active, l’administration de la faillite constate les dettes du failli. Cette procédure de collocation a pour but d'arrêter le passif et de fixer l'ordre de désintéressement des intervenants admis au passif selon le rang de leur droit de préférence ou la classe de leur privilège (Gilliéron, Commentaire, n. 24 ad art. 250 LP). L'administration de la faillite examine chaque production et fait les vérifications nécessaires; elle consulte le failli (art. 244 LP). Elle statue ensuite sur l'admission au passif; elle n'est pas liée par les déclarations du failli (art. 245 LP). Bien que l'administration ait l'obligation de vérifier précisément chaque créance produite, l'examen doit rester sommaire. L'état de collocation est déposé à l'office. L'administration en avise les créanciers par publication. Les créanciers dont les productions ont été écartées en tout ou en partie, ou qui n'ont pas été admis au rang auquel ils prétendaient, en sont informés directement (art. 249 LP).
2.2.2 L'état de collocation dans la faillite peut être contesté par la voie de la plainte (art. 17 LP) ou par celle de l'action en contestation de l'état de collocation (art. 250 LP). La voie de la plainte ou du recours aux autorités de surveillance cantonale et fédérale est ainsi ouverte contre l'état de collocation, mais seulement pour violation des règles légales formelles gouvernant l'établissement de cet acte (arrêt du Tribunal fédéral 5A_822/2016 du 13 février 2017, consid. 3.1; Gilliéron, Commentaire, n. 29 ad art. 250 LP). Il ressort en effet de la compétence exclusive des autorités de surveillance de savoir si l'état de collocation a été régulièrement dressé (Gilliéron, Commentaire, n. 29 ad art. 250 LP). La voie de la plainte est en particulier ouverte lorsque l'état de collocation est imprécis, inintelligible ou entaché de vices de forme ou encore lorsque certaines prescriptions de procédure avec incidence de droit matériel n'ont pas été observées (arrêt du Tribunal fédéral 5A_709/2015 du 15 janvier 2015, consid. 4.1.2 et les références). En revanche, le créancier qui conteste l'état de collocation parce que sa production a été écartée en tout ou en partie ou parce qu'elle n'a pas été colloquée au rang qu'il revendique doit intenter action contre la masse, devant le juge du for de la faillite, dans les vingt jours qui suivent la publication du dépôt de l'état de collocation (art. 250 al. 1 LP). Ainsi, l'action porte sur le fond ; elle a pour but de déterminer si et dans quelle mesure la créance litigieuse doit participer à la liquidation de la faillite (arrêt du Tribunal fédéral 5A_709/2015 du 15 janvier 2015, consid. 4.1.2). En particulier, les litiges sur le montant d’une créance ou sur des privilèges, hypothèques ou autres droits de préférence ressortissent au juge civil saisi de l’action en contestation de l’état de collocation (ATF 106 III 24 consid. 2).
2.3.1 En l'espèce, l'inventaire et l'état de collocation ont été déposés le ______ novembre 2024, conformément à l'art. 231 al. 1 ch. 3 LP. Aucune créance n'a été admise dans la rubrique relative aux créances garanties par gage mobilier et la créance produite par la plaignante de 135'972 fr. 89 a été admise en 3ème classe. L'état de collocation n'apparaît ainsi pas imprécis, inintelligible ou entaché de vices de forme. La plaignante reproche à l'Office de ne pas avoir admis sa production dans la catégorie des créances garanties par gage mobilier, lesquelles ont la priorité sur les classes I à III. Il ne s'agit pas là d'un grief d'ordre formel mais d'une contestation relative à la manière dont la créance produite a été colloquée, soit d'un litige qui porte sur un privilège qui n'a pas été retenu. Une telle contestation relève du juge civil de sorte que la plainte est irrecevable sur ce point.
2.3.2 L'inventaire fait état d'actifs en 26'363 fr., composés de créances, dont les soldes de deux comptes bancaires de la faillie envers C______ à hauteur de 4'845 fr. 64 et 9'571 fr. 75. La plaignante soutient qu'en vertu de la subrogation intervenue le 4 juin 2024 en sa faveur, c'est elle qui bénéficie d'un droit de gage sur les comptes bancaires portés à l'inventaire et non pas la banque. Or, dans ce cadre, la plaignante intervient en tant que débitrice de la créance inventoriée et doit donc être considérée comme un tiers. La prise d'inventaire ne déploie aucun effet à son égard et elle n'a donc pas qualité pour former plainte. Il sera observé qu'en tant que créancière de la faillie, la plaignante n'est pas lésée par la décision de porter à l'inventaire les deux créances relatives aux comptes bancaires clôturés.
La plainte dirigée contre l'inventaire doit aussi être déclarée irrecevable.
3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).
* * * * *
La Chambre de surveillance :
Déclare irrecevable la plainte formée le ______ novembre 2024 par A______ contre l'inventaire et l'état de collocation établis le ______ novembre 2024 par l'Office cantonal des faillites dans la faillite de B______ Sàrl, n° F2024/1______.
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Messieurs Alexandre BÖHLER et Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.
La présidente : La greffière :
Verena PEDRAZZINI RIZZI Véronique AMAUDRY-PISCETTA
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.