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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/186/2024

DCSO/253/2024 du 07.06.2024 ( PLAINT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/186/2024-CS DCSO/253/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 6 JUIN 2024

Plainte 17 LP (A/186/2024-CS) formée en date du 15 janvier 2024 par A______.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 10 juin 2024
à :

-       A______

______

______ [GE].

- B______

______

______ [GE].

- ETAT DE FRIBOURG

c/o SERVICE DE L'ACTION SOCIALE

Route des Cliniques 17

1701 Fribourg.

-       C______

______

______ [ZH].

-       D______ AG

______

______ [ZH].

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. B______, chauffeur de taxi indépendant, fait l'objet d'une saisie de ses gains d'indépendant, en ses mains, à hauteur de 1'471 fr. par mois du 28 septembre 2023 au 28 septembre 2024, dans le cadre de la série n° 1______, à laquelle participent quatre poursuites requises par A______, pour un montant de 4'087 fr. 05 (poursuite n° 2______), par l'ETAT DE FRIBOURG pour un montant de 60'150 fr. (poursuite n° 3______), par [l'assurance-maladie] C______ pour un montant de 3'353 fr. 40 (poursuite n° 4______) et par D______ AG pour un montant de 387 fr. 30 (poursuite n° 5______).

b. L'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a établi le 2 janvier 2024 le procès-verbal de cette saisie, lequel a été reçu le 4 janvier 2024 par A______.

Pour parvenir à la quotité saisissable des gains du débiteur de 1'471 fr., l'Office a retenu que le débiteur réalisait un gain mensuel net de 3'946 fr. et fixé les charges composant son minimum vital à 2'421 fr., soit le montant mensuel de base d'entretien pour un débiteur vivant seul de 1'200 fr., la moitié du montant de base d'entretien mensuel pour son fils E______, né le ______ 2006, dont il a la garde alternée, de 300 fr. et des frais de logement de 921 fr., allocation logement déduite (loyer de l'appartement et du garage de 1'271 fr. – 350 fr. d'allocation logement). Les primes d'assurance-maladie et la contribution d'entretien pour son fils due à la mère, non versées, n'étaient pas retenues dans le calcul du minimum vital.

B. a. Par acte expédié le 15 janvier 2024 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre ce procès-verbal de saisie concluant à son annulation, les revenus du débiteur ayant été mal estimés. Les statistiques genevoises et fédérales fixaient en effet le revenu mensuel moyen d'un chauffeur de taxi à 4'500 fr., montant généralement retenu par le Tribunal fédéral dans le cadre du droit de la famille comme revenu hypothétique pour les débiteurs de contribution d'entretien chauffeurs de taxi. C'était donc ce montant au minimum que l'Office aurait dû retenir. Par ailleurs, ce dernier n'avait pas requis du débiteur la production de pièces permettant d'établir ses revenus réels d'indépendant. Finalement, l'Office ne s'était pas rendu au domicile du débiteur pour y constater l'existence de biens saisissables.

b. Dans ses observations du 16 février 2024, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Il soutenait en substance qu'il n'était pas autorisé à retenir un revenu hypothétique du débiteur en matière de droit des poursuites, qu'il avait concrètement calculé le revenu justifiable net du débiteur en 3'892 fr. en se fondant sur sa consommation de carburant déclarée dans ses comptes d'indépendants 2022 (1'800 fr. par an, soit 150 fr. par mois, divisés par un prix moyen de l'essence de 1 fr. 95 par litre, alors que la consommation de son véhicule [de marque] F______ HYBRID de 2013 consommait 5 litres aux 100 km en moyenne). Il était parvenu à la conclusion que le débiteur avait parcouru 1'538,47 km par mois au moyen de 150 fr. de carburant, soit, au tarif de 3 fr. 50 le kilomètre pratiqué par les taxis genevois, un revenu mensuel de 5'384 fr. 65. Seuls deux tiers des trajets pouvant être considérés comme productifs de rémunération compte tenu des trajets à vide et de l'utilisation privée du véhicule, le revenu du débiteur pouvait être estimé à 3'589 fr. 74 au titre des kilomètres parcourus. Il fallait y ajouter les taxes de prises en charge de 6 fr. 30, pour des trajets de l'ordre de 10 km en moyenne, soit 153,84 courses par mois (1'538,47 km / 10 km), soit un montant total de prises en charge de 969 fr. 23 (153, 84 courses x 6 fr. 30). Le revenu brut du débiteur pouvait ainsi 4'558 fr. 97 (3'589 fr. 74 + 969 fr. 23), dont il fallait déduire les charges professionnelles pour obtenir le revenu net, soit, à teneur des comptes 2022, 611 fr. par mois (7'338 fr. 55 de charges annuelles : 12 mois).

S'agissant d'une visite domiciliaire afin de saisir des biens meubles appartenant au débiteur, l'Office soulignait que ce dernier était régulièrement saisi depuis 2013 et que des actes de défaut de biens étaient systématiquement émis à son encontre, de sorte qu'il pouvait être présumé qu'il ne possédait pas de biens réalisables.

c. Dans des observations du 7 février 2024, B______ a contesté devoir le montant en poursuite.

d. Les parties ont été informée par avis de la Chambre de surveillance du 20 février 2024 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte de A______ est recevable.

Le débiteur a déposé des observations qui contiennent des griefs à l'encontre de la créance en poursuite qui ne sont pas l'objet de la plainte. Ces griefs ne sont pas recevables car l'autorité de surveillance n'est pas compétente pour statuer sur les fondements de la créance en poursuite (parmi d'autres : ATF 136 III 365 consid. 2.1, avec la jurisprudence citée; 115 III 18 consid. 3b; 113 III 2 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_250-252/2015 du 10 septembre 2015 consid. 4.1; 5A_76/2013 du 15 mars 2013 consid. 3.1; 5A_890/2012 du 5 mars 2013 consid. 5.3). Seul le juge civil est autorisé à statuer sur cet objet suite à une opposition formée par le débiteur au commandement de payer, dans le cadre d'une action en libération ou encore dans le cadre d'une action en annulation ou suspension de la poursuite.

2. 2.1.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital).

Pour fixer le montant saisissable – en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 121 III 20 consid. 3; 115 III 103 consid. 1c; 112 III 79 consid. 2) – l'Office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (ci-après conférence des préposés; BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées chaque année par l'autorité de surveillance (ci-après : NI; publiées au recueil systématique des lois genevoises : RS/GE E.3.60.04; Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; Collaud, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

2.1.2 Les revenus pris en considération sont les revenus réels du débiteur. L'Office ne peut en effet fixer le montant saisissable en se fondant sur un revenu hypothétique (ATF 115 III 103 consid. 1.c = JdT 1991 II 108; arrêt du Tribunal fédéral 5A_490/2012 du 23 novembre 2012 consid. 3; Kren Kostkiewicz, in KUKO SchKG, n° 17 ad art. 93 LP).

. 2.1.3 Bien qu’à teneur de l'art. 91 al. 1 LP, le débiteur soit tenu d'indiquer tous les biens qui lui appartiennent, même ceux qui ne sont pas en sa possession, l'Office doit adopter un comportement actif et une position critique dans l'exécution de la saisie, de sorte qu'il ne peut s'en remettre, sans les vérifier, aux seules déclarations du débiteur quant à ses biens et revenus. Afin de pourvoir au meilleur désintéressement possible des créanciers, l'Office doit procéder avec diligence, autorité et souci de découvrir les droits patrimoniaux du poursuivi. Il est doté à cette fin de pouvoirs d'investigation et de coercition étendus (Gilliéron, Commentaire de la LP, n. 12 ad art. 91 LP). Il doit donc interroger le poursuivi sur la composition de son patrimoine, sans se contenter de vagues indications données par ce dernier, ni se borner à enregistrer ses déclarations. Il doit les vérifier en exigeant, et en obtenant, les justificatifs correspondants. Si le créancier mentionne des pistes concernant les biens saisissables du débiteur, l'Office doit les creuser. Les investigations doivent être particulièrement poussées lorsque le débiteur est indépendant; elles devront notamment porter sur le genre d'activité, la nature et le volume des affaires. Le revenu tiré d'une activité professionnelle indépendante comprend toutes les prestations que le débiteur reçoit en contrepartie de celles qu'il apporte dans le cadre de cette activité, que ces contreparties soient en argent ou en nature. Pour établir ce revenu brut, l'office doit interroger le débiteur sur le genre d'activité qu'il exerce ainsi que le volume et la nature de ses affaires; qu'il pourra se faire remettre par le débiteur, tenu de fournir les renseignements exigés (art. 91 al. 1 ch. 2 LP), la comptabilité et tous les documents utiles concernant l'exploitation de son activité. Lorsque l'instruction menée par l'office n'a révélé aucun élément certain, il faut tenir compte des indices à disposition. Si le débiteur ne tient pas de comptabilité régulière ou que les éléments comptables fournis ne sont pas fiables, le produit de son activité indépendante doit être déterminé par comparaison avec d'autres activités semblables, au besoin par appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 5A_976/2018 du 27 mars 2019; arrêt du Tribunal fédéral 7B.212/2002 du 27 novembre 2002; ATF 126 III 89; 121 III 20, JdT 1997 II 163; 120 III 16, JdT 1996 II 179; 83 III 63; Ochsner, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n. 25ss et 82 ss ad art. 93 LP et les références citées; Kren-Kotkiewicz, KUKO SchKG, 2ème éd., 2014, n. 10 ad art. 93 LP; Mathey, La saisie de salaire et de revenu, thèse Lausanne 1989, p. 188 ch. 394, p. 191 ch. 402 ss et p. 195 ch. 414 avec les références de jurisprudence).

2.2 En l'espèce, le plaignant conclu à ce que le revenu du débiteur soit fixé en référence au montant habituellement retenu dans les procédures civiles du droit de la famille pour les chauffeurs de taxi en référence à des statistiques fédérales et cantonales, afin de déterminer les revenus qu'ils seraient en mesure de réaliser, soit un revenu hypothétique. Un tel mode de fixation des ressources du débiteur en droit des poursuites n'est pas admissible, seul le revenu réel pouvant être admis.

Contrairement à ce que soutient le plaignant, l'Office a instruit la situation financière du débiteur et notamment obtenu ses comptes d'indépendants.

L'Office a ensuite effectué un calcul du revenu réel du débiteur en partant d'une donnée objective pertinente, soit sa consommation de carburant ressortant de ses comptes d'indépendant. Ce mode de procéder doit être validé, même si le calcul effectué contient quelques erreurs au détriment du débiteur (notamment, l'Office a calculé les prises en charge en relation avec le nombre total de kilomètres parcourus par le véhicule et non pas les deux tiers des trajets correspondant à des prises en charge de clients). Le débiteur n'ayant toutefois soulevé aucun grief contre ce calcul, dont il admet le résultat qui lui est apparemment défavorable, il n'appartient pas à la Chambre de céans de le relever d'office.

Les opérations conduites par l'Office pour déterminer les ressources du débiteur ne prêtent ainsi pas le flanc à la critique.

S'agissant finalement d'une visite au domicile du débiteur pour y effectuer une saisie de biens meubles, l'Office pouvait s'en dispenser dans le cadre de sa marge d'appréciation, eu égard au fait qu'un débiteur régulièrement saisi depuis plus de dix ans et au préjudice duquel des actes de défaut de biens sont régulièrement émis peut être raisonnablement présumé ne pas posséder de biens de valeur réalisables.

En définitive, les griefs adressés à l'Office par le plaignant ne sont pas fondés et la plainte sera rejetée.

3. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 15 janvier 2024 par A______ contre le procès-verbal de saisie du 4 janvier 2024, dans la série n° 1______ exécutée au préjudice de B______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur
Denis KELLER, juges assesseurs ; Madame Elise CAIRUS,

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.