Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/944/2024 du 23.09.2024 ( ICCIFD ) , REJETE
REJETE par ATA/248/2025
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 23 septembre 2024
|
dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Damien BLANC, avocat, avec élection de domicile
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS
1. A teneur du registre du commerce de Genève, Monsieur A______ exerce une activité indépendante depuis le ______ 2008, en exploitant une « entreprise générale dans le bâtiment ».
2. Les taxations que l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a notifiées au contribuable pour les années 2012 à 2017 sont entrées en force.
3. Le 31 mars 2022, l'AFC-GE a informé le contribuable de l’ouverture à son encontre de procédures en rappel et en soustraction des impôts desdites années. L’administration fédérale des contributions (division de la TVA ; ci-après : AFC-CH) l’avait informée que son entreprise avait comptabilisé des charges injustifiées commercialement, sous forme de frais de véhicules, et que la société immobilière B______ SA (ci-après : la B______), dont il était l’actionnaire, lui avait octroyé des prestations appréciables en argent, sous forme d’un loyer relatif à un appartement situé à Genève. Il était invité à produire :
- une liste des véhicules qu’il détenait entre 2012 et 2016 ;
- le détail des comptes « véhicules », « frais de véhicules », « réparations véhicules », « leasing véhicules » et « amortissements », ainsi que les pièces comptables y relatives ;
- les contrats d’achat des véhicules Ferrari F430 et Maserati SQ4, acquis respectivement en février 2013 et février 2014 ;
- la date d’acquisition de sa participation dans la B______ ;
- le détail du compte courant-actionnaire relatif à l’appartement susmentionné et, le cas échéant, le bail y relatif ou l’identité de la personne qui en bénéficiait.
4. Le 24 mai 2022, le contribuable a fourni à l'AFC-GE une liste des véhicules qu’il détenait entre 2012 et 2016, les désignant comme « voiture de fonction », « voiture pour employé », « utilitaire » ou encore « utilitaire employé ». Il en ressortait qu’il détenait douze véhicule en 2012, dix en 2013, sept en 2014, huit en 2015 et sept en 2016 (dont notamment une Cadillac, une Chevrolet, une Maserati GT, une Porche, trois Mercedes et une Audi). Il a notamment expliqué que la Porche était une « voiture pour technicien leasing employé » et que seules « l’assurance et plaques » y relatives étaient « pris en charge » dans la comptabilité 2012. La Ford Galaxy appartenait à un architecte qui faisait la publicité avec le logo de son entreprise individuelle. Pour cette voiture également, seules « l’assurance et plaques » étaient « pris en charge » dans la comptabilité « en échange de la publicité ». L’achat et la vente de la Maserati GT représentaient un investissement en échange d’un appartement situé au Kosovo. L’acheteur avait repris ce véhicule, mais n’avait pas versé le prix de vente (CHF 95'000.-), ni fourni aucun appartement en échange. Cette perte n’avait pas été comptabilisé, ni provisionnée.
Dans le cadre de son activité, il devait régulièrement « faire affaire » avec ses clients, dont notamment la rénovation d’un garage C______, ce qui expliquait l’acquisition de véhicules de haut de gamme. Il avait acquis la Mercedes Benz 160 à titre privé et n’avait pas comptabilisé cette acquisition. Ses employés pouvaient utiliser les véhicules.
Il n’existait pas de facture concernant la Ferrari. La facture relative à l’acquisition de la Maserati datait de 2014, de sorte que l’amortissent y relatifs de CHF 44'444,45, comptabilisé en 2013, devait être corrigé. Durant cette année, il avait vendu la Mercedes Vito et la Cadillac, « en échange de travaux sur chantier avec D______ Sàrl ». Il avait vendu la Chevrolet Camaro pour CHF 38'000.- et inclus cette vente dans le chiffre d’affaires de son entreprise, alors qu’il s’agissait d’une vente privée. Il fallait donc corriger ce montant également.
La Ford Transit avait été acquise en 2014 pour son compte privé, sans être comptabilisée.
En 2015, il avait vendu la Maserati SQ4 pour CHF 100'000.-, mais l’acquéreur ne l’avait toujours pas payée et cette vente n’avait pas été comptabilisée.
En 2016, il avait mis à disposition de son entreprise plusieurs de ses véhicules privés, mais n’avait pas comptabilisé tous les frais y relatifs.
En conclusion, pour les années 2012 à 2016, trois corrections devaient être faites en sa faveur : les montants de CHF 50'000.-, CHF 38'000.- et CHF 100'000.- (comptabilisés comme produits de vente de la Maserati GT [2012], la Chevrolet Camaro [2013] et la Maserati SQ4 [2015]) devaient être exclus de son chiffre d’affaires.
Il a notamment produit les comptes de son entreprise individuelle pour les exercices 2012 à 2016 et une attestation de l’office cantonal des véhicules datée du 16 mai 2022, selon laquelle 40 véhicules avaient été immatriculés au nom de son entreprise entre 2012 et 2021.
5. Le 21 novembre 2022, l'AFC-GE a notifié au contribuable les bordereaux de rappel des ICC et IFD 2012 à 2017 et les bordereaux d’amende pour soustraction de ses impôts. La quotité des amendes était fixée à 3/4 des impôts soustraits, compte tenu de la faute intentionnelle et de la bonne collaboration.
6. Par réclamation du 26 novembre 2022, le contribuable a contesté ces bordereaux.
Pour l’exercice 2012, il fallait tenir compte d’un montant de CHF 0.- pour le « poste » relatif à Maserati. Il contestait les reprises y relatives de CHF 3'526,60 (assurance) et de CHF 45'000.-, ce dernier montant correspondant à la perte sur la vente de ce véhicule.
En contrôlant ses comptes 2013, il avait constaté une erreur de sa part, à savoir qu’il n’avait pas acquis la Maserati lors de cette année, mais une Ferrari pour CHF 111'111,11, qu’il avait payée en cash. Le contrôleur de la TVA avait toutefois retenu que cette voiture avait été acquise pour CHF 120'000.-. Il contestait la reprise de l’amortissement y relatif de CHF 44'444,45 et celle du coût de la réparation de CHF 9'648,98. Par ailleurs, comme en 2012, le coût de l’assurance et des plaques de la Ford Galaxy - appartenant à un architecte faisant publicité pour son entreprise - aurait dû être comptabilisé dans le compte-publicité. Il contestait la reprise de CHF 1'096,60 pour cette assurance. La Chevrolet Kamaro ayant été son véhicule privé, le résultat de sa vente en 2013, soit CHF 38'000.-, avait été inclus dans son chiffre d’affaire par erreur.
Pour l’année 2014, il contestait la reprise de l’amortissement relatif à la Maserati. Celle-ci et la Ferrari précitée avaient été acquises dans le cadre de ses relations commerciales. Il obtenait en effet « des chantiers » s’il achetait en contrepartie des véhicules. Ces relations lui avait permis de réaliser un chiffre d’affaires deux fois supérieur à celui de 2022. Il contestait les reprises opérées pour les taxes des véhicules, soit CHF 2'472,60 et CHF 2'299,90. Les quatre contraventions de CHF 2'315.- chacune étaient « un arrangement de paiement pour des amendes de personnel payé au gris ». Il s’agissait des frais de personnel qu’il avait effectivement payés. Diverses autres amendes, totalisant CHF 1'985,50, concernaient les véhicules de son entreprise, si bien qu’il s’agissait de « charges d’amendes ». Il contestait ces reprises également.
Pour la période 2015, il contestait les reprises pour les amendes (CHF 951,11 et CHF 2'415,80), les taxes (CHF 2'999,40) et les assurances (CHF 3'690,60) relatives à ses véhicules professionnels. L’amortissement de CHF 44'444,45 relatif à la Maserati devait être admis. A ce jour, il n’avait pas comptabilisé la perte de CHF 100'000.- subie sur la vente du « dernier véhicule Maserati » en 2015.
Pour 2016, il contestait la reprise sur les amendes relatives à ses véhicules professionnels, soit CHF 2'500.-.
Pour l’année 2017, il contestait la reprise pour la part privée du véhicule Mazda (CHF 3'505.-), celui-ci ayant été utilisé exclusivement à des fins professionnelles.
S’agissant de sa participation dans la B______, il n’était pas d’accord avec les montants des « revenus locatifs » retenus par l'AFC-GE, car il ne disposait pas de documents permettant de les vérifier. Il y avait eu un souci avec la vente des actions de cette société, qui avait été contestée par l’E______, de sorte qu’il ne savait pas s’il en était propriétaire. Il avait même pensé être victime d’une arnaque de « Mr ______ » et ne connaissait pas l’issue du procès y relatif, raison pour laquelle il n’avait pas déclaré ces titres.
Enfin, il contestait les amendes pour soustraction d’impôt. Pendant toutes les années concernées, il s’était occupé uniquement du bon déroulement de son activité, et non de sa comptabilité. Il n’était pas comptable, mais carreleur. Après les demandes de l'AFC-GE, il s’était enfin impliqué et avait essayé de comprendre et de corriger ses erreurs. Il était d’accord de s’acquitter des impôts dus.
7. Le 17 mai 2023, l'AFC-GE a requis du contribuable la production des actes d’achat et de vente des véhicules Maserati Ghiblis SQ4, Maserati GTS et Ferrari F430, ainsi que des avis bancaires de débit et de crédit relatifs à ces acquisitions/ventes.
8. Le 24 mai 2023, le contribuable a notamment produit :
- un extrait du « compte 1530 véhicules » 2012, faisant état des postes « achat Maserati » pour CHF 87'962,96, « vente Maserati » pour CHF 46'296,30 et « perte s/vente Maserati » de CHF 45'000.- ;
- trois documents rédigés en langue albanaise (non traduits en français) ;
- un extrait de son compte bancaire auprès de l’UBS, pour la période du 1er janvier au 31 mars 2012, faisant notamment état d’onze retraits en espèces, s’élevant entre CHF 1'000.- et CHF 81'000.- ;
- une attestation de Monsieur F______, indiquant avoir reçu la somme de CHF 120'000.- pour la vente de la Ferrari F430 ;
- un extrait de son compte bancaire auprès de l’UBS, pour la période du 1er avril au 10 décembre 2013, faisant également état de nombreux retraits en espèces, se montant entre CHF 2'000.- et CHF 66'000.- ;
- un extrait dudit compte pour le mois de février 2014, indiquant un débit de CHF 139'000.-, par « ordre global e-banking » (à côté de cette mention, est inscrit à la main un montant de « 120'000.- »).
Dans la lettre accompagnant ces documents, il a expliqué avoir acquis la Maserati GTS en 2012 pour CHF 95'000.-, l’avoir payée « en cash », puis l’avoir vendue au Kosovo pour le prix de CHF 50'000.-. N’ayant pas encaissé ce prix, il avait subi une perte de CHF 45'000.-. Il avait acheté la Ferrari F430 en 2013 pour le prix de 120'000.-, l’avait également payée en cash, puis l’avait vendue « en cash » pour CHF 100'000.-. Il n’existait pas de contrat d’achat/vente y relatif, car il s’agissait d’une opération privée. Enfin, il avait acquis la Maserati Ghiblis SQ4 pour le prix de CHF 120'000.-, versé par « virement bancaire », puis l’avait vendue pour CHF 100'000.-, mais l’acheteur ne lui avait pas versé ce montant. Il n’y avait pas de contrat d’achat y relatif. Ce véhicule ne lui ayant pas été payé, il l’avait complètement amorti dans ses comptes 2016.
9. Par décision sur réclamation du 12 février 2024, l'AFC-GE a rectifié les bordereaux de rappel d’impôt 2012 et 2013 en faveur du contribuable, confirmé les bordereaux de rappel d’impôt 2014 et 2015, modifié les bordereaux de rappel d’impôt 2016 et 2017 en défaveur de ce dernier et ramené la quotité des amendes de 3/4 à 1/2 des impôts soustraits.
De 2015 à 2017, la B______ avait loué au contribuable un appartement à G______ à un prix de faveur. Par courriel du 24 mars 2023, ce dernier avait indiqué ne pas s’opposer aux reprises concernant cette prestation, raison pour laquelle elle les maintenait [Ce courriel n’est pas versé au dossier]. Le 18 juillet 2023, elle l’avait informé de son intention de rectifier les taxations 2016 et 2017 en sa défaveur, en intégrant les prêts accordés à Monsieur H______ [Aucun document relatif à cette communication n’est versé au dossier]. Par courriel du 20 juillet 2023, il avait expliqué que « les prêts seraient inclus dans le compte privé de [son] activité indépendante » [Ce courriel n’est pas versé au dossier].
Des frais relatifs aux véhicules Maserati et Ferrari avaient été comptabilisés dans les charges de l'entreprise, soit notamment des frais d'entretien, des taxes, des assurances et des amortissements, ainsi qu’une perte sur la vente de la Maserati. Or, l'acquisition de véhicules de luxe n'était manifestement pas en adéquation avec le but de l’entreprise individuelle du contribuable. Celui-ci ne fournissait aucun élément concret démontrant un lien de connexité entre son activité et l'acquisition de ces véhicules. De plus, la Maserati n’appartenait pas au contribuable, mais à Monsieur I______. Dans ces conditions, ces frais devaient être repris.
Selon les informations parvenues de l'AFC-CH, le véhicule Mazda CX5 avait été utilisé également à titre privé par Madame J______ (née K______), actuelle épouse du contribuable. En conséquence, une reprise de CHF 3'505.- avait été opérée à ce titre.
Elle admettait les frais d'assurance et de plaques concernant le véhicule Ford, qui appartenait à M. H______, pour les périodes 2012 et 2013.
Les amendes relatives aux véhicules ne constituant pas des charges commerciales déductibles fiscalement, elles devaient être reprises. De plus, aucune preuve ne démontrait que les infractions avaient été commises par le personnel et que les montants des amendes avaient été refacturés aux employés fautifs.
La rectification du chiffre d'affaires 2013, requise à concurrence de CHF 38'000.-, était refusée, puisqu’elle n’était pas dans un rapport direct avec les rappels des impôts.
Le prêt octroyé à M. H______ ne figurait ni à l'actif des bilans 2016 et 2017 de l’entreprise individuelle, ni en fortune privée dans les déclarations d'impôt 2016 et 2017. En conséquence, les créances de respectivement CHF 125'590.- et CHF 164'790.- étaient rajoutées à la fortune imposable des années 2016 et 2017.
Le contribuable devant nécessairement avoir conscience que des charges non justifiées commercialement avait été comptabilisées et que le prêt à M. H______ n’était pas déclaré. S’agissant de ces deux éléments, sa faute était intentionnelle, à tous le moins sous forme de dol éventuel. La quotité des amendes relatives à ces deux éléments était toutefois ramenée 1/2 des impôts soustraits, compte tenu de la bonne collaboration et de l'impact de la peine sur l’avenir du contribuable, au vu de sa situation personnelle et économique. En ce qui concernait la prestation perçue sous forme de loyer, la soustraction avait été commise par négligence. La quotité des amendes y relatives était ramenée au minimum légal (1/3 des impôts soustraits).
10. Par acte du 13 mars 2024, sous la plume de son conseil, le contribuable a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et à celle des bordereaux y relatifs, sous suite des frais et dépens. Préalablement, il a requis l’audition des Mesdames L______, M______ et N______, à titre de témoins.
Il n'avait pas de formation professionnelle et, en particulier, n'avait jamais suivi de formation en comptabilité. Carreleur de profession, il ne disposait d’aucune expérience dans le domaine administratif. Afin de s'assurer de répondre correctement aux exigences administratives et fiscales, il avait confié la tenue de la comptabilité de son activité d'indépendant et de ses déclarations fiscales aux trois personnes précitées. Il avait utilisé un seul compte bancaire pour ses paiements et encaissements privés et pour ceux relatifs à son activité d'entrepreneur. Il payait ainsi les différentes factures, tant privées que professionnelles, et remettait « les pièces comptables aux comptables ». Pour ce faire, ces derniers se rendaient dans ses locaux et passaient les écritures comptables. Ils prenaient toutes les décisions sur la répartition des factures payées entre son activité d'entrepreneur et celle « strictement privée ». Ils l’avaient toujours assuré que tout était en ordre, sans le mettre en garde sur les différents problèmes comptables ayant abouti aux reprises litigieuses. Ils ne lui avaient jamais donné d'explication particulière sur les choix des écritures et sur les déclarations fiscales, ni attiré son attention sur les problèmes soulevés par l'AFC-GE. La preuve de ces allégués pouvait être apportée par les témoignages des trois personnes susmentionnées.
Au début de l'année 2012, et non au 31 octobre 2012 « comme faussement comptabilisé », il avait acquis, moyennant des fonds provenant de son « activité commerciale », une Maserati pour un prix de CHF 87'962,96 hors taxe. Hormis les « véhicules de chantier », il n'avait pas d'autres véhicules pour se déplacer. Il utilisait ainsi cette Maserati pour se rendre sur les chantiers, chez les clients et à des rendez-vous en rapport avec son activité commerciale, ainsi que pour ses déplacements privés. A fin 2012, il avait vendu ce véhicule à Monsieur O______, pour un montant de EUR 75'000.-, soit l'équivalent de CHF 87'962,96 au taux de change de l’époque. Au 31 décembre 2012, il pouvait considérer avoir perdu cette somme. Il avait introduit un procès au Kosovo contre cet acheteur et, pour ce faire, avait cédé, « le temps de la procédure », ses droits à l'encontre de ce dernier à son frère, M. I______. M. O______ avait reconnu devoir cette somme, mais ne l'avait jamais versée. En fin d'année, sa comptable avait passé une écriture de perte de CHF 45'000.- sur cette vente.
Le 17 février 2014, il avait acheté une autre Maserati, pour le prix de CHF 111'111,11 versé « en cash ». Les fonds ayant permis cet achat provenaient également de son activité commerciale. Il s’agissait d’un véhicule professionnel. Tous ses autres « véhicules de chantier » étant utilisés par les ouvriers et ne disposant pas d’autres véhicules pour se déplacer, il utilisait cette Maserati pour ses déplacements privés. A fin 2014, sa comptable avait passé une écriture d'amortissement de CHF 44'444,45, soit 40 % de CHF 111'111,11.
En 2015, il n'avait pas acquis de véhicules. Au 1er janvier de cette année, « le solde initial du compte véhicule » était de CHF 121'650,94. En fin d'année, sa comptable avait passé une écriture d'amortissement de CHF 44'444,45.
Dans le cadre du contrôle TVA, l'AFC-CH avait considéré que la Ferrari, acquise et utilisée en 2013, n’était pas un véhicule professionnel. Pour l'année 2014 en revanche, elle avait admis que la Maserati était utilisée également à des fins professionnelles.
Il reconnaissait ne pas avoir déclaré les titres de la B______, ni les loyers de son appartement des années 2015 à 2017. Il ne contestait plus les reprises des amendes relatives à la circulation routière, l’inclusion du montant de CHF 38'000.- dans son chiffre d’affaire 2013 et l’imposition des prêts accordés à M. H______ dans sa fortune 2016 et 2017.
Il contestait en revanche vigoureusement le refus de l'AFC-GE d’admettre, pour les années 2012 et 2014 à 2017, « la part professionnelle des frais et charges » relatifs à ses deux Maseratis. La notion de voiture de luxe n'était pas définie dans la loi. Rien ne l'empêchait d'utiliser professionnellement un véhicule d'une valeur supérieure à CHF 100'000.-, pour autant qu'il respectât la répartition des frais et charges entre ses activités professionnelles et privées. Du reste, la Maserati achetée en 2012 ne pouvait être considérée comme un véhicule de luxe, au vu de son prix d’acquisition. Quant à la Maserati acquise en 2014, « seule une faible part, soit CHF 11'111,11, [était] totalement à [sa] charge ». La part professionnelle des amortissements et des frais relatifs à ces deux véhicules devait être déduite de son chiffre d'affaires. De même, à défaut de paiement par M. O______, la part professionnelle du prix de vente en 2012 de la Maserati devait être portée en « charge ».
S’agissant enfin des amendes, hormis les prestations reçues en lien avec les actions de la B______, il n’avait dissimulé aucun fait, pièce ou document qui aurait empêché l'AFC-GE de le taxer selon sa réelle capacité contributive. Cette dernière lui reprochait « de mauvaises appréciations » de la répartition entre la part privée et celle professionnelle de certaines charges et des amortissements pouvant être déduits de son chiffre d'affaires. Or, au vu de son ignorance et inexpérience dans ce domaine, il avait confié ces tâches à ses comptables. Résidant en Suisse seulement depuis 2008, de langue kosovare, sans études ou formations de type apprentissage et travaillant dans un domaine manuel, il ne pouvait qu'ignorer, sans sa faute, toutes les subtilités de la comptabilité et des déclarations d'impôt du canton de Genève. Pour pallier à « ses insuffisances », il avait pris le soin de s'entourer de professionnels, qui selon leurs propres affirmations offraient des services justement pour accompagner et aider les entrepreneurs en difficulté. Ainsi, lorsque ces experts en comptabilité lui avaient présenté des comptabilités et des déclarations fiscales réputées exactes à signer, il n'était absolument pas en mesure de reconnaître le caractère erroné de ces documents, puisqu'il n'avait simplement pas les connaissances nécessaires. Il n’était coupable que du fait de ne pas avoir déclaré les montants reçus en lien avec les titres de la SI, puisqu’il était en mesure de vérifier si ces encaissements avaient bien été comptabilisés. En conséquence, le dossier devait être renvoyé à l'AFC-GE pour qu’elle détermine l'amende due pour la dissimulation des montants encaissés dans le cadre de la détention des actions de la B______.
11. Dans sa réponse du 21 mai 2024, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.
La seule affirmation du recourant, non étayée et selon laquelle il aurait acquis ses deux Maserati afin d’entretenir des relations commerciales avec ses clients, ne suffisait pas à démontrer le caractère commercial des charges y relatives. Dans les comptes du recourant, il y avait une grande confusion entre frais privés et commerciaux et une absence d'indications précises quant à l'utilisation des véhicules. La démonstration du lien entre une charge portée en déduction et le revenu réalisé relevait de la responsabilité du recourant, qui aurait dû apporter des précisions sur l'utilité pour lui d'avoir des véhicules de luxe.
Les conditions d’une soustraction fiscale étaient réalisées, de sorte que les amendes étaient justifiées dans leur principe. Elles l’étaient également dans leur quotité. En fixant celle-ci à 0,5 du montant des impôts soustraits, elle n’avait pas outrepassé son pouvoir d'appréciation.
12. Dans sa réplique du 27 juin 2024, sous la plume de son conseil, le recourant a requis l’audition de M. H______, celui-ci pouvant confirmer que son chiffre d'affaires avait augmenté grâce à l’acquisition, auprès de P______ SA, et la possession d’une voiture Maserati. A suivre l'AFC-GE, il y aurait une impossibilité objective à ce qu’il puisse utiliser une voiture qu'elle qualifie de luxe dans le cadre de son travail. Il avait choisi d'utiliser une voiture pour son travail et pour ses activités privées et peu importait que l'AFC-GE la qualifiât de véhicule de luxe. Rien ne l’empêchait d’utiliser, à l'égal de tout autre véhicule, un véhicule qualifié de luxe.
Pour le surplus, il a repris en substance son argumentation précédente.
13. Dans sa duplique du 24 juillet 2024, l'AFC-GE a campé sur sa position, relevant notamment que l’échange de la Maserati contre un appartement au Kosovo n'était pas lié à l'activité ni au but social de l'entreprise du contribuable et, partant, excluait toutes les écritures comptables (produits ou charges) en lien avec ce véhicule. L'activité indépendante du contribuable avait pour but des travaux en lien avec le carrelage, la plâtrerie et toute activité dans le bâtiment. II n'était jamais question de vente/achat de véhicules. Il semblait pourtant qu’il avait utilisé son entreprise pour en faire le commerce (activité d'investissement). Elle partait du principe que cette activité n'était pas celle de l'entreprise du contribuable. Partant, toutes les transactions en lien avec des véhicules d'investissement/haut de gamme (Ferrari et Maserati) devaient être exclues de la comptabilité et considérées comme privées.
14. Par son écriture spontanée du 29 juillet 2024, le recourant a maintenu ses conclusions, relavant en particulier que s’il s’était adonné à un commerce de véhicules, comme le soutenait l'AFC-GE, il aurait alors été en droit de déduire toutes les charges y relatives.
1. Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.
3. Le recourant sollicite l’audition des Mmes Q______, R______ et N______ et de M. H______.
4. Aux termes des art. 115 LIFD et 18 al. 2 LPFisc, les offres de preuve du contribuable doivent être acceptées, à condition qu’elles soient propres à établir des faits pertinents pour la taxation.
Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend pour le justiciable le droit d'obtenir l’administration des preuves pertinentes et valablement offertes (cf. ATF 142 Il 218 consid. 2.3; 140 I 285 consid. 6.3.1). Cette garantie constitutionnelle n'empêche toutefois pas l’autorité de renoncer à procéder à des mesures d'instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l’amener à modifier son opinion (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). Il s’ensuit que le droit d'être entendu n'emporte avec lui aucun droit absolu d'obtenir l'audition de témoins ; l'autorité peut renoncer à les faire citer si, dans le cadre d'une appréciation anticipée non arbitraire des preuves, elle peut d'emblée dénier à ces témoignages une valeur probante décisive pour le jugement (ATF 130 II 425 consid. 21).
Selon l'art. 6 par. 3 let. d de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) - qui ne trouve application que dans la procédure de soustraction d’impôt, tout accusé a le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d'obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. Le droit d'obtenir l'audition de témoins à décharge est relatif. L'autorité peut y renoncer si, dans le cadre d'une appréciation anticipée des preuves dénuée d'arbitraire, elle peut dénier à ce témoignage une valeur probante décisive pour le jugement. L'art. 6 par. 3 let. d CEDH ne va à cet égard pas plus loin que l'art. 29 al. 2 Cst. (arrêt du Tribunal fédéral 9C_39/2023 du 20 juin 2023 consid. 6.2, 6.3 et les références).
5. En l’espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires pour statuer en toute connaissance de cause sur le litige, de sorte qu’il n’apparaît pas utile de procéder à l’audition des témoins cités. Les témoignages de ces personnes ne sauraient pallier l’absence de justificatifs comptables. Du reste, même si Mmes Q______, R______ et N______ confirmeraient, comme le souhaite le recourant, que c’est par leur faute que les comptes commerciaux de ce dernier incluaient ses frais privés, celle-ci devrait de toute façon être imputée au recourant (cf. not. arrêt du Tribunal fédéral 9C_257/2024 du 24 juin 2024 consid. 7.3 et les arrêts cités). De même, la confirmation par M. H______ que l’achat de la Maserati aurait amélioré le chiffre d’affaires du recourant ne serait pas non plus décisive, puisqu’une acquisition à titre privé pouvait avoir la même conséquence. En tout état, la déposition des témoins cités devrait être appréciée avec circonspection dès lors qu’ils ont des liens contractuels, d’affaires et/ou de subordination avec le recourant. Enfin, celui-ci n’explique pas ce qui l’aurait empêché de produire les témoignages écrits de ces personnes.
Partant, cet acte d’instruction, en soi non obligatoire, ne sera pas ordonné.
6. Au fond, comme l’a précisé le recourant dans son mémoire de recours, seules restent litigieuses les reprises des frais et amortissements liés aux deux véhicules de marque Maserati, ce pour les périodes 2012 et 2014 à 2017, et les amendes infligées pour la soustraction d’impôt.
7. Conformément aux art. 151 al. 1 LIFD et 59 al. 1 LPFisc, lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus de l’autorité fiscale lui permettent d’établir qu’une taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou qu’une taxation entrée en force est incomplète ou qu’une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l’autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts.
8. En l’occurrence, le recourant ne conteste pas que les conditions de ces dispositions sont remplies.
9. Les cantons doivent imposer l'ensemble du bénéfice net, dans lequel sont notamment inclus les charges non justifiées par l'usage commercial, portées au débit du compte de résultats, ainsi que les produits et les bénéfices en capital, de liquidation et de réévaluation, qui n'ont pas été portés au crédit du compte de résultats (art. 24 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14).
10. Aux termes des art. 18 al. 1 LIFD et 19 al. 1 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), tous les revenus provenant de l'exploitation d'une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, et de l'exercice d'une profession libérale ou de toute autre activité lucrative indépendante.
La détermination du bénéfice net imposable pour les contribuables tenant une comptabilité en bonne et due forme s'effectue selon les règles applicables aux personnes morales (art. 19 al. 4 LIPP et 18 al. 3 LIFD).
11. Sont déduits desdits revenus les frais qui sont justifiés par l'usage commercial ou professionnel, dont notamment les dépenses faites pour l'exploitation d'un commerce, d'une industrie ou d'une entreprise et celles qui sont nécessaires pour l'exercice d'une profession ou d'un métier (art. 27 al. 1 LIFD et 30 let. a LIPP).
Dans le cadre d’application de ces disposions légales, seules sont admises les déductions correspondant aux dépenses dont l’existence et la justification commerciale sont dûment prouvées par le contribuable, l'obligation de ne garder les pièces comptables que pendant dix ne jouant pas de rôle à cet égard, ce d’autant moins si ce délai n’est pas encore échu à la date de l'avis d'ouverture de la procédure de rappel d'impôt. Une telle application de ces dispositions ne viole pas le principe de l’imposition selon la capacité économique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_15/2021 du 27 mai 2021 consid. 5.2 s. et les arrêts cités).
La déductibilité des frais susmentionnés est donc conditionnée par la preuve de leur nécessité au regard de l'activité poursuivie. A cet égard, le renvoi du législateur à l'usage, commercial ou professionnel, donne à l'autorité de taxation un pouvoir d'appréciation important, renforcé par le fait qu'elle ne supporte pas le fardeau de la preuve du refus de déduction. La distinction entre frais professionnels, déductibles, et frais privés, non déductibles, peut être délicate chez l'indépendant. L'autorité de taxation doit notamment apprécier le caractère professionnellement usuel de la dépense (arrêt du Tribunal fédéral 2C_132/2010 du 17 août 2010 consid. 3.2).
Selon la jurisprudence, sont justifiées par l'usage commercial les dépenses qui apparaissent comme acceptables du point de vue commercial. La justification commerciale d'une dépense dépend de son contexte. Sa nécessité effective pour l'entreprise n'est pas déterminante. Il suffit qu'il existe un rapport de causalité objectif entre la dépense et le but économique de l'entreprise. Le lien de causalité existe lorsque la dépense aurait été consentie par un gestionnaire ordinaire faisant preuve de la diligence objective requise par le droit commercial. Tel n'est pas le cas des dépenses qui ne servent qu'à l'entretien ou au propre plaisir de l'actionnaire ou de l'entrepreneur. Dans ce cas, la société ou l'entreprise grève indûment son compte de résultats en prenant à sa charge des dépenses privées sous couvert de frais commerciaux (cf. arrêt Tribunal fédéral 2C_484/2019 du 6 novembre 2019 consid. 7.1 et les références citées).
Une dépense dûment comptabilisée est justifiée par l'usage commercial lorsqu'il existe entre celle-ci et l'activité commerciale exercée par l'entreprise une connexité objective, en ce sens qu'il doit s'agir de frais qui sont en relation immédiate et directe (organique) avec le bénéfice réalisé par cette dernière. Cette connexité existe lorsque la dépense aurait été consentie par un gestionnaire ordinaire faisant preuve de la diligence objective requise par le droit commercial (cf. Robert DANON in Yves NOËL, Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, 2ème édition, 2017, p. 1090 s n. 129 et 130).
12. Les personnes physiques dont le revenu provient d’une activité lucrative indépendante doivent joindre à leur déclaration, à chaque période fiscale, les extraits de comptes signés (bilan, compte de résultats et, le cas échéant, annexe) de la période concernée ou, à défaut d’une comptabilité tenue conformément à l’usage commercial, un état des actifs et des passifs, un relevé des recettes et des dépenses ainsi que des prélèvements et apports privés (art. 125 al 2 LIFD et 29 al. 2 LPFisc). Le contribuable doit faire tout ce qui est nécessaire pour assurer une taxation complète et exacte. Sur demande de l’autorité de taxation, il doit notamment fournir des renseignements oraux ou écrits, présenter ses livres comptables, les pièces justificatives et autres attestations ainsi que les pièces concernant ses relations d’affaires (art. 126 LIFD et 31 LPFisc).
Les exigences auxquelles doivent répondre les pièces comptables requises par les dispositions précitées dépendent des circonstances du cas d'espèce, en particulier du type d'activité et de l'ampleur de cette dernière. Dans tous les cas, elles doivent être propres à garantir une saisie complète et fiable du revenu et de la fortune liés à l'activité lucrative indépendante et pouvoir être contrôlées dans des conditions raisonnables par les autorités fiscales (arrêts 2C_189/2016 du 13 février 2017 consid. 6.4.4; 2C_87/2015 du 23 octobre 2015 consid. 6.5). Cette exigence est d'autant plus importante lorsque le contribuable entend alléguer des faits de nature à éteindre ou à diminuer sa dette fiscale (ATF 121 II 257 consid. 4c/aa p. 266), ce qu'il lui incombe de prouver (ATF 133 II 153 consid. 4.3).
La fonction première de la comptabilité commerciale est de fournir un système d’information fiable. Cette fiabilité intéresse en particulier les créanciers et les actionnaires de l’entreprise ou encore l’administration fiscale (déclaration d’impôt). Le principe d’intégralité (art. 957a al.2 ch.1 et 958c al.1 ch.1 de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse - CO - RS 220) exige que toutes les informations qui sont nécessaires à l’évaluation de la situation économique de l’entreprise (art. 957a al.1 CO) soient communiquées. Le principe de fiabilité, quant à lui, englobe les principes de l’exactitude des comptes, de la sincérité (fidélité) du bilan et de l’absence d’arbitraire. Selon ce principe, les informations fournies dans les comptes doivent être exemptes d’erreurs importantes et de distorsions. En particulier, les écritures ne doivent pas être falsifiées ou déformées. De plus, les transactions doivent être enregistrées chronologiquement et intégralement dans un journal, la comptabilité doit être tenue en partie double et les comptes doivent s’aligner sur une structure logique qui soit conforme à un plan comptable reconnu. Le principe de justification de chaque enregistrement par une pièce comptable, qui concerne l’établissement de la comptabilité (art.957a al.2 ch. 2 CO), commande de documenter chaque opération significative par une pièce comptable reflétant l’élément de fait concerné (MSA 2014, 33). La pièce justificative doit porter le libellé de l’écriture, son montant, les références de l’émetteur et la date de son établissement (Robert DANON in op. cit., p. 1059-1060).
13. Selon la jurisprudence, des explications générales et non étayées ne suffisent pas à établir que l'usage commercial justifie les frais comptabilisés. En effet, conformément à la répartition du fardeau de la preuve, il incombe au contribuable d'apporter la preuve que la totalité des dépenses comptabilisées est en relation directe avec l'acquisition ou le maintien du chiffre d'affaires (ATA/182/2024 du 6 février 2024 consid. 8.2 ; ATA/1218/2018 du 13 novembre 2018 consid. 2c).
14. En l’espèce, manifestement, le recourant n’a pas établi la nécessité pour son entreprise individuelle, active dans le bâtiment, d’utiliser des véhicules de très haut de gamme, tels que les deux Maserati en cause. La nécessité de disposer de ces deux voitures dans le cadre de son activité de carreleur parait d’autant plus invraisemblable qu’il disposait d’autres véhicules durant les années concernées. En effet, selon ses indications (cf. son courrier du 24 mai 2022), il détenait douze véhicules en 2012, dix en 2013, sept en 2014, huit en 2015 et sept en 2016 (dont notamment une Cadillac, une Chevrolet, une Porche, trois Mercedes et une Audi). Il prétend les avoir tous utilisés dans le cadre de son activité indépendante, ce pour ses propres déplacements professionnels ou ceux de ses employés. Or, on peine à voir la nécessité pour lui-même et/ou ses ouvriers de se déplacer sur des chantiers moyennant une Cadillac, une Chevrolet, une Porche ou encore une Maserati. Il était certes libre d’utiliser ces véhicules de luxe dans le cadre de son entreprise, mais ce seul fait est en soi insuffisant pour admettre les frais y relatifs, dans la mesure où cette nécessité n’est pas démontrée. De plus, l’acquisition en 2012 et 2014 des deux Maserati pour des prix très élevés (CHF 120'000.- et CHF 111'111,11), alors que ses revenus déclarés pour ces années ne s’élevaient qu’à respectivement CHF 63'094.- et CHF 97'395.-, paraît insensée du point de vue d’un gestionnaire diligent. Ainsi, il ne démontre pas que l'achat de tels véhicules est nécessaire à l'exercice de sa profession et qu’il ne relève pas de sa pure convenance personnelle, ou de son goût pour les voitures de luxe, alors que le fardeau de la preuve lui incombe.
Dans ces conditions, c’est à bon droit que l'AFC-GE a repris tous les frais et amortissements relatifs aux deux Maserati concernées.
15. Au vu de ce qui précède, les bordereaux de rappel d’impôt doivent être confirmés.
16. Le recourant conteste les amendes qui lui ont été infligées pour soustraction d’impôt.
17. Est notamment puni d’une amende le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu’une taxation ne soit pas effectuée, alors qu’elle devrait l’être, ou qu’une taxation entrée en force soit incomplète (art. 175 al. 1 LIFD et 69 al. 1 LPFisc).
18. Pour qu’une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent être réunis : la soustraction d’un montant d’impôt, la violation d’une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier. Les deux premières conditions sont des éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale, tandis que la faute en est un élément constitutif subjectif (ATA/919/2022 du 13 septembre 2022 consid. 28b et les références citées).
19. En l’occurrence, la réalisation des éléments objectifs de la soustraction fiscale, soit une perte pour la collectivité publique et la violation d’une obligation fiscale, n’est pas remise en cause en tant que telle, mais uniquement celle de la faute.
20. La soustraction consommée est punissable aussi bien intentionnellement que par négligence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_553/2018 du 17 juin 2019 consid. 4.2 et les références citées).
La preuve d’un comportement intentionnel de la part du contribuable doit être considérée comme apportée lorsqu’il est établi avec une sécurité suffisante que celui-ci était conscient du caractère erroné ou incomplet des indications fournies. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu’il a voulu tromper les autorités fiscales, afin d’obtenir une taxation plus favorable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_792/2021 du 14 mars 2022 consid. 6.4.1). Cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l’on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu’il sait incorrectes ou incomplètes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1066/2018 du 21 juin 2019 consid. 4.1). Le dol éventuel suffit pour retenir l’intention (arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.2) : il suppose que l’auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, parce qu’il s’en accommode au cas où il se produirait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 du 20 décembre 2019 consid. 17.3.1). En revanche, agit par négligence celui qui, par une imprévoyance coupable, ne se rend pas compte ou ne tient pas compte des conséquences de son acte. L’imprévoyance est coupable lorsque l’auteur n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle, ce par quoi l’on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1052/2019 du 18 mai 2020 consid. 3.7.1).
S'agissant de savoir si une soustraction est intentionnelle ou procède d'une négligence non punissable, l'importance des montants en cause joue un rôle non négligeable, dès lors que l'absence d'un montant sur la déclaration d'impôt peut d'autant plus difficilement échapper au contribuable que la somme est élevée
(cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_81/2022 du 25 novembre 2022 consid. 10.2 ; 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.2 et les références).
Selon la jurisprudence, la conformité du comportement du contribuable à ses obligations légales s'examine de manière objective, et non suivant la représentation subjective que celui-ci avait des événements à l'époque (ATA/203/2014 du 1er avril 2014 consid. 6c). En outre, les administrés ne sauraient se prévaloir de leur méconnaissance du droit (cf. not. ATF 126 V 308 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_716/2010 du 3 octobre 2011 consid. 6).
21. Lorsqu'un contribuable signe sa déclaration fiscale, il endosse la responsabilité de la véracité des indications qui s'y trouvent ; il répond ainsi lui-même des infractions fiscales commises si une faute lui est imputable ; il ne peut se libérer en faisant valoir qu'il s'est fait assister ou conseiller. Il ne faut en effet pas que le contribuable qui se fait représenter soit favorisé par rapport au contribuable qui remplit sa déclaration fiscale lui-même par la possibilité de se soustraire à sa responsabilité en se retranchant derrière son représentant pour des fautes qui lui sont imputables (arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.3 et les arrêts cités).
Le contribuable qui mandate une fiduciaire pour remplir sa déclaration d'impôt n'est pas déchargé de ses obligations et responsabilités fiscales, mais doit supporter les inconvénients d'une telle intervention ; il répond en particulier des erreurs de l'auxiliaire qu'il n'instruit pas correctement ou dont il ne contrôle pas l'activité, du moins s'il était en mesure de reconnaître ces erreurs. Lorsqu'un contribuable signe sa déclaration fiscale par avance, laissant à la fiduciaire la charge de l'envoyer sans effectuer aucun contrôle, il s'accommode de la réalisation d'une éventuelle infraction fiscale si la déclaration fournie est inexacte (ATA/1282/2018 du 27 novembre 2018 consid. 4a et la jurisprudence citée).
Ainsi, il n’est pas déterminant sous l'angle des conditions d'une soustraction fiscale que le contribuable ait confié à une fiduciaire le soin d'effectuer sa comptabilité et ses déclarations fiscales (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_762/2023 du 26 juin 2024 consid. 10.2 ; 9C_257/2024 du 24 juin 2024 consid. 7.3 et les arrêts cités).
22. En l’espèce, c'est en vain que le recourant soutient qu'il n'avait ni conscience ni volonté d'éluder l'impôt, au motif qu'il n'aurait aucune connaissance ou expérience dans les domaines fiscal et comptable, et que c'est la raison pour laquelle il aurait fait appel à des fiduciaires. Il ne saurait davantage être suivi lorsqu'il affirme qu'il ne pouvait pas être attendu de lui qu'il vérifie sa comptabilité et ses déclarations fiscales dans les moindres détails, encore moins qu'il puisse déceler des erreurs et/ou irrégularités. En effet, le recourant ne pouvait pas ignorer que de nombreuses charges de nature privée étaient portées en déduction des bénéfices de son entreprise. C’était en effet lui seul qui pouvait connaitre, mieux que quiconque, la nature privée des frais comptabilisés. Que sa comptabilité et ses déclarations fiscales aient été établies par des « experts en comptabilité » n'est pas suffisant pour admettre qu'il aurait pris toutes les précautions nécessaires. Ce fait ne l'a en effet pas déchargé de ses obligations et responsabilités fiscales. Il ne peut au demeurant pas prétendre qu’il n’aurait pas pu déceler les prétendues erreurs de son ou ses mandataires, ne démontrant ni d’ailleurs n’alléguant, avoir effectivement contrôlé les déclarations établies par ces derniers. Du reste, il indique lui-même qu’en « contrôlant ses comptes 2013 », il avait constaté une erreur de sa part, à savoir qu’il n’avait pas acquis la Maserati lors de cette année, mais une Ferrari, ce qui signifie qu’il était bel et bien en mesure de déceler des erreurs dans sa comptabilité, quand bien même il n’aurait pas de connaissances dans ce domaine. Il ne démontre pas non plus avoir effectivement informé ses mandataires des éléments de revenu et fortune en cause. Au contraire, il apparait que c’est lui-même qui a indiqué à ses comptables que tous ses véhicules étaient professionnels, puisqu’il le soutient encore dans la présente procédure, en affirmant n’avoir disposé que des « véhicules de chantier ». De plus, il parait invraisemblable que l’existence d’un nombre aussi important de charges injustifiées aient pu échapper tant à la vigilance de sa fiduciaire, s’il elle en avait été informée, qu’à la sienne, s’il avait contrôlé les déclarations et comptes établis par cette dernière. Il faut aussi relever que le caractère inexact de ses déclarations a persisté malgré les changements de fiduciaires et de comptables entre 2012 et 2017. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir qu’il a agi fautivement, à tout le moins par dol éventuel.
Il en résulte que toutes les conditions de la soustraction fiscale sont remplies et que les amendes infligées sont justifiées dans leur principe.
23. Le recourant n’ayant formulé aucun grief, ni conclusion, concernant la quotité des amendes, il n’y a pas lieu d’examiner plus avant cette question.
Cela étant, il sera rappelé, à toutes fins utiles, qu’en règle générale, l'amende est fixée au montant de l'impôt soustrait. Si la faute est légère, l'amende peut être réduite jusqu'au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD et 69 al. 2 LPFisc). Il en découle qu'en présence d'une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l'amende équivaut en principe au montant de l'impôt soustrait. Ce dernier constitue donc le premier critère de fixation de l'amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d'augmentation de sa quotité (ATA/1427/2019 du 24 septembre 2019 consid. 4a).
En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l'impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l'auteur (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_180/2013 du 5 novembre 2013 consid. 9.1 ; 2C_851/2011 du 15 août 2012 consid. 3.3 et les références citées).
Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi, disposent d'un large pouvoir d'appréciation lors de la fixation de l'amende, l'autorité de recours ne censurant que l'abus du pouvoir d'appréciation (cf. ATF 144 IV 136 consid. 9.1 ; ATA/1002/2020 du 6 octobre 2020 consid. 9b et les références citées).
24. En l’espèce, l’on ne voit pas, compte tenu des éléments figurant au dossier, que la quotité des amendes infligées - correspondant 0,5 fois les impôts soustraits, respectivement à 1/3 des impôts s'agissant de la soustraction en lien avec la B______ - procéderait d'un abus du pouvoir d'appréciation de l'AFC-GE. En effet, celle-ci a tenu compte, à la décharge du recourant, de sa bonne collaboration et de sa situation personnelle et économique. Sous cet angle, les amendes respectent parfaitement le cadre fixé par la loi. Pour sa part, le recourant ne se prévaut d’aucune autre circonstance atténuante supplémentaire qui justifierait que sa peine soit encore diminuée. En particulier, il ne saurait se prévaloir de sa prétendue méconnaissance du droit fiscal et comptable (cf. not. ATF 126 V 308 consid. 2b) à titre de circonstance atténuante, puisqu’il est manifeste que tout contribuable sait - ou doit savoir - devoir déclarer l’entier de ses avoirs et des revenus découlant d’une activité lucrative. Dans ces conditions, les amendes doivent être confirmées également dans leur quotité.
25. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.
26. En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1’200.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 700.- versée à la suite du dépôt du recours.
27. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 13 mars 2024 par Monsieur A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 12 février 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1’200.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Pascal DE LUCIA et Jean-Marc WASEM, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Sophie CORNIOLEY BERGER
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| La greffière |