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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/567/2024

JTAPI/577/2024 du 13.06.2024 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.64
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/567/2024

JTAPI/577/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 13 juin 2024

 

dans la cause

 

Madame A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1997, est ressortissante de Bolivie.

2.             Elle a été auditionnée par la police le 14 mai 2023 suite à un accident de la circulation qu’elle a provoqué le même jour.

Il ressortait de son audition qu’elle était arrivé en Suisse en 2001 avec ses parents et y avait suivi toute sa scolarité jusqu’à ses 18 ans. Elle était revenue en Suisse pour poursuivre ses études et travaillait depuis mi-avril 2023 comme jeune fille au pair ; elle ne cotisait pas à l’AVS ni aux assurances sociales, et n’était pas titulaire d’une autorisation de travail. Elle habitait chez sa tante, Madame B______.

Elle était titulaire d’un titre de séjour irlandais du fait qu’elle y avait étudié l’anglais. Son passeport se trouvait chez son père, au ______[GE].

3.             Mme B______ a également été entendue par la police, le 5 juillet 2023, et a notamment déclaré que Mme A______ n’avait jamais habité chez elle et qu’elle ne savait pas exactement où elle logeait.

4.             Mme A______ a été condamnée par ordonnance pénale du Ministère public du 20 décembre 2023 pour, notamment, avoir séjourné en Suisse sans autorisation à tout le moins du 1er février 2023, date de son retour en Suisse au 14 mai 2023, et avoir exercé une activité lucrative sans autorisation à tout le moins de mi-avril au 14 mai 2023.

5.             Cette ordonnance est entrée en force.

6.             Le 8 février 2024, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a rendu une décision de renvoi de Suisse et des territoires des Etat-membres de l’Union européenne et des Etats associés à Schengen à l’encontre de Mme A______, exécutoire nonobstant recours, en application de l’art. 64 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) avec un délai de départ au 8 mars 2024.

Cette décision retenait que Mme A______ n’était pas en possession d’un passeport, n’était titulaire d’aucune autorisation de séjour, reconnaissait séjourner en Suisse sans autorisation, et que le titre de séjour irlandais n’était plus valable et, de plus, ce pays ne faisant pas partie du territoire Schengen, elle était en situation irrégulière depuis son arrivée en Suisse.

7.             Mme A______ (ci-après : la recourante) a recouru, le 16 février 2024, contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à sa réintégration en Suisse en tenant compte des années qu’elle y avait vécues, un « retour » de la décision du 8 février 2024 à l’OCPM pour débuter ses démarches en vue de sa réintégration et la délivrance d’une autorisation de résidence et de travail pour pouvoir faire face à sa vie à Genève sans devoir recourir à l’aide sociale.

Elle était surprise du fait que l’OCPM ne l’eut pas convoquée afin qu’elle puisse se défendre ; lui donner un délai de 5 jours pour se défendre apparaissait comme un procès express.

Elle s’excusait de ne pas avoir entrepris les démarches pour s’annoncer en Suisse.

Elle était arrivée en Suisse en 2001 avec ses parents et ceux-ci s’étaient séparés en 2008. Elle avait un fils né à Genève le ______ 2015 qu’elle élevait toute seule. Le 11 décembre 2016, sa mère l’avait obligée à partir avec elle et son fils en Bolivie sans l’informer qu’il s’agissait d’un départ définitif ; elle avait vécu cela comme une séquestration et, aujourd’hui, sa mère empêchait son fils de la rejoindre en Suisse. Elle avait obtenu un Baccalauréat et débuté des études en Bolivie. En 2013, elle avait entrepris des recherches pour trouver un moyen de retourner en Suisse, se considérant comme suissesse. Elle avait trouvé un cours d’anglais en Irlande auquel elle s’était inscrite, ce qui lui avait permis d’avoir un permis étudiant irlandais avec lequel elle pouvait entrer en Suisse ; elle n’avait assisté à aucun cours en Irlande et, avec l’aide de sa famille, avait immédiatement pris l’avion pour Genève. Elle avait vécu auprès de nombreux membres de sa famille à Genève ; son père y habitait notamment.

Elle était ainsi arrivée en Suisse le 1er avril 2023 et avait travaillé jusqu’à présent comme femme de ménage et garde de personnes âgées.

Elle souhaitait pouvoir entreprendre les démarches pour que son fils puisse revenir auprès d’elle et de son père, qui habitait et travaillait à Genève – lequel n’avait toutefois pas reconnu son fils ni payé de pension alimentaire jusqu’à ce jour. Elle souhaitait que son fils connaisse le pays dans lequel il était né.

Elle était capable et travailleuse, et le plus important actuellement était d’avoir une assurance-maladie en cas de problème de santé ou d’accident.

8.             L’OCPM s’est déterminé sur le recours le 18 avril 2024, concluant à la confirmation de sa décision.

Il pouvait comprendre du recours que la recourante demandait un examen de sa situation sous l’angle « humanitaire ». Aussi, et compte tenu de l’argumentation exposée, il l’invitait à déposer une demande formelle d’octroi d’autorisation de séjour pour les motifs indiqués. A réception de cette demande, il ne manquerait pas de la transmettre au service compétent de l’office afin d’examen et de proposer ensuite la suppression de la présente procédure jusqu’à droit connu sur ses conditions de séjour en Suisse.

9.             La recourante n’a pas répliqué dans le délai imparti.

10.         Sur demande du tribunal, l’OCPM a indiqué, le 4 juin 2024, ne pas avoir réceptionné à ce jour de demande d’octroi d’autorisation de séjour en faveur de la recourante.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             Aux termes de l’art. 64 al. 1 LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu (lat. a), d'un étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée en Suisse (art. 5) (let. b) d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé (let. c).

Conformément à l'art. 64 al. 3 LEI, cette décision peut faire l'objet d'un recours dans les cinq jours ouvrables suivant sa notification.

6.             En l’espèce, la recourante reconnait séjourner illégalement en Suisse depuis son arrivée à Genève en avril 2023, n’ayant entrepris aucune démarche en vue d’obtenir une autorisation de séjour et régulariser sa situation. Dès lors, force est de constater que l’autorité n’avait d’autre choix que de prononcer son renvoi de Suisse et de l’espace Schengen en application de l’art. 64 LEI.

Comme indiqué par l’OCPM dans ses écritures, les arguments soulevés par la recourante en lien avec sa situation sont des éléments qui devraient être analysés dans le cadre d’une demande d’autorisation de séjour, particulièrement pour cas de rigueur, que la recourante était invitée par l’OCPM à déposer auprès de lui. Or, force est de constater que la recourante n’a pas déposé un telle demande, et séjourne donc toujours de matière totalement illégale en Suisse. Il lui appartient d’entamer ces démarches si elle estime pouvoir bénéficier d’une telle autorisation de séjour.

7.             Ainsi, le recours, en tous points mal fondé, sera rejeté.

8.             En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

9.             En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 16 février 2024 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 8 février 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière