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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3183/2023

JTAPI/565/2024 du 10.06.2024 ( ICCIFD ) , ADMIS PARTIELLEMENT

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3183/2023 ICCIFD

JTAPI/565/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 10 juin 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par LIAUDET & Associés - Jurisconsultes, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur B______ (ci-après : le contribuable ou le recourant) a exploité jusqu'en 2013 une entreprise individuelle dans le domaine du bâtiment, qui a été radiée du Registre du commerce le ______ 2013.

2.             Son activité a été transformée en Sàrl et reprise par la société qu'il a constituée le ______ 2013.

3.             Dans sa déclaration fiscale 2013, le contribuable a déclaré le résultat de son activité indépendante sur la base de comptes clôturés le 30 juin. Il mentionnait que celle-ci était terminée et que son activité était reprise. Etait également annexé à la déclaration un certificat de salaire de la contribuable pour l'activité accomplie dans l'entreprise individuelle de son mari du 1er janvier au 30 juin 2013. Pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2013, les deux époux ont déclaré le salaire versé par la Sàrl. Il en est de même, pour toute l'année 2014.

4.             Les bordereaux émis par l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) le 26 mai 2014 pour la période 2013 et 2 septembre 2015 pour la période 2014 n'ont pas fait l'objet d'une réclamation et sont entrés en force.

5.             Par un courrier recommandé du 12 août 2022, le service du contrôle de l'AFC-GE a informé les contribuables avoir reçu une information de la TVA selon laquelle du chiffre d'affaires de la Sàrl aurait été encaissé sur le compte bancaire privé du contribuable, son associé gérant. Elle indiquait envisager ajouter au revenu imposable un rendement de fortune mobilière de CHF 27'536.- en 2013 et CHF 80'840.- en 2014, imposés à 60%. Les contribuables étaient inviter à remettre les relevés de divers comptes bancaires et à formuler leurs observations.

6.             Par un courrier recommandé du 21 décembre 2022, l'AFC-GE a annoncé la clôture de la procédure ouverte et notifié les bordereaux de rappels d'impôts et amendes pour les années 2013 et 2014. Ces dernières, émises au nom du contribuable, s'élevaient à CHF 3'277.- (ICC 2013), CHF 10'755.- (ICC 2014) et CHF 1'010.- (IFD 2014). Aucune amende n'était infligée pour l'IFD 2013 et tous les bordereaux mentionnent qu'une quotité de une fois était retenue en raison d'un acte punissable commis intentionnellement.

7.             Les pièces versées à la procédure ne permettent pas d'établir à quelle date cette décision a été notifiée.

8.             Par un courrier du vendredi 3 février 2023, reçu par l'AFC-GE le 6 février 2023, les contribuables ont demandé une restitution du délai pour former une réclamation contre les décisions précitées, qui ne leur ont communiquées que par un courrier du 10 janvier 2023 lors de sa réexpédition. Indiquant avoir été en vacances de fin d'année à l'étranger et n'être rentrés que le 4 janvier 2023, ils indiquaient ne pas imaginer recevoir des décisions en pleine période de fêtes. Les contribuables reconnaissaient que le comptable de l'époque "un malandrin d'ailleurs incarcéré pour un temps depuis" n'avait pas déclaré les montants qu'ils avaient reçus à titre privé. Expliquant qu'il s'agit d'argent versé sur un compte personnel par des clients avec lesquels le contribuable travaillait avant la transformation de son entreprise individuelle en Sàrl, ils confirmaient que ceux-ci avaient continué à régler leurs factures sur l'ancien compte. Reconnaissant à titre personnel avoir été dans l'erreur et responsables de l'inaction de leur mandataire, ils indiquaient ne pas comprendre la double peine consistant à ce que la Sàrl soit également astreinte à des paiements.

9.             Un mandataire s'est constitué ultérieurement auprès de l'administration et, à sa demande, le dossier lui ait été transmis par voie électronique en lui fixant un délai au 31 avril 2023 pour compléter la réclamation.

10.         Aucune écriture n'est parvenue à l'AFC-GE dans ce délai.

11.         Par une décision notifiée par un courrier recommandé du 29 août 2023, l'AFC-GE a écarté la réclamation déposée et confirmé les amendes au motif, notamment, que le contribuable est responsable des éventuels manquements de ses mandataires.

12.         La date de notification de cette décision ne ressort pas des pièces versées à la procédure. L'AFC-GE mentionne toutefois qu'elle a eu lieu le 31 août 2023.

13.         Par un courrier recommandé du lundi 2 octobre 2023, le mandataire des contribuables a formé un recours contre cette décision devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal). Il conclut à l'annulation des bordereaux amendes notifiés et à l'exemption des recourants de toute peine. Rappelant le déroulement des faits et les raisons pour lesquelles certains anciens clients de l'entreprise individuelle avaient continué à régler leurs factures sur le compte personnel du recourant après la transformation de celle-ci en Sàrl, ils allèguent avoir informé leur ancienne fiduciaire de la situation et lui avoir demandé d'y remédier, soulignant que le recourant maîtrise mal le français écrit. Ils allèguent que l'animateur principal de leur fiduciaire s'était engagé à régler le problème et qu'ils ne devaient pas s'inquiéter. Toutefois, celui-ci a depuis fait l'objet de plusieurs procédures pénales pour diverses malversations comptables et faux dans les titres pour lesquels il a été condamné. Les recourants ont subi ses manquements notamment lors du contrôle de la TVA, qui a abouti à une irrecevabilité d'une contestation et ont décidé de mettre fin au mandat. Ils considèrent dans ces circonstances que la sanction qui leur a été infligée devra être atténuée, le montant de l'amende risquant de les plonger dans la gêne.

14.         Dans sa réponse du 29 novembre 2023, l'AFC-GE se rapporte à l'appréciation du tribunal s'agissant de la recevabilité du recours. Considérant que le principe des amendes est justifié mais, compte tenu des éléments allégués, elle a décidé de revoir son appréciation et de retenir que l'infraction a été commise par négligence. Tenant compte également du cumul des amendes entre la Sàrl et son associé, elle indique s'engager à ramener la quotité des amendes à la moitié des impôts soustraits et au rejet du recours pour le surplus.

15.         Par un jugement du 21 novembre 2023, le tribunal a déclaré irrecevable le recours formé simultanément par la Sàrl contre les amendes qui lui avaient été infligées au motif que l'avance de frais n'avait pas été réglée dans le délai imparti. La demande de restitution de délai a été rejetée par un nouveau jugement du 16 janvier 2024 entré en force.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Le tribunal relève en premier lieu que les rappels d'impôts et amendes infligés à la société du recourant sont entrés en force, le recours déposé par celle-ci ayant été définitivement déclaré irrecevable. Par ailleurs, les recourants ne contestent pas les rappels d'impôts qui leur ont été notifiés et ne concluent qu'à l'annulation des amendes pour soustraction. L'objet du recours se limite dès lors à celles-ci.

4.             Se pose en premier lieu la question de la prescription, qui doit être examinée d'office par le tribunal.

5.             En l'absence d'une réglementation expresse contraire, le droit applicable à la taxation est celui en vigueur pendant la période fiscale en cause. Le rappel d'impôt relevant du droit matériel, le droit applicable obéit aux mêmes règles (arrêts du Tribunal fédéral 9C_715/2022 du 19 juillet 2023 consid. 5 ; 2C_700/2022 du 25 novembre 2022 consid. 4.1 et la référence). En revanche, en ce qui concerne la poursuite pénale pour soustraction fiscale (consommée ou tentée), le nouveau droit, entré en vigueur le 1er janvier 2017 (RO 2015 779 ; FF 2012 2649), s'applique au jugement des infractions commises au cours de périodes fiscales précédant son entrée en vigueur s'il est plus favorable que le droit en vigueur au cours de ces périodes fiscales (principe de la lex mitior ; art. 205f de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 [LIFD - RS 642.11] et 78f de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 [LHID - RS 642.14 ]).

6.             L'art. 152 al. 1 LIFD prévoit que le droit d'introduire une procédure de rappel d'impôt s'éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète. Le droit de procéder au rappel d'impôt s'éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (art. 152 al. 3 LIFD ; cf. ATF 140 I 68 consid. 6.1). Les art. 61 al. 1 et 3 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) et 53 al. 2 et 3 LHID posent les mêmes principes. La problématique peut donc être examinée conjointement pour l'IFD et les ICC.

7.             Avant le 1er janvier 2017, la poursuite pénale de soustraction d'impôt consommée se prescrivait par dix ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’a pas été effectuée ou l’a été de façon incomplète (art. 184 al. 1 let. b aLIFD). La prescription était en outre interrompue par tout acte de procédure tendant à la poursuite du contribuable (art. 184 al. 2 aLIFD). Depuis le 1er janvier 2017, le délai de prescription est de dix ans et il ne court plus si une décision a été rendue par l'autorité cantonale compétente avant l'échéance dudit délai (art. 184 al. 1 let. b et al. 2 LIFD). L'art. 58 al. 1 et 3 LHID, en vigueur depuis le 1er janvier 2017, a un contenu identique à celui de l'art. 184 LIFD. Il a été repris en droit cantonal à l’art. 77 LPFisc, selon lequel la poursuite pénale pour soustraction d’impôt consommée se prescrit donc par dix ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’a pas été effectuée ou l’a été de façon incomplète (art. 77 al. 1 let. b LPFisc). La prescription ne court plus si une décision a été rendue par l’autorité compétente (art. 75) avant l’échéance du délai de prescription (art. 77 al. 2 LPFisc).

8.             En l'espèce, un avis d’ouverture de la procédure de rappel d’impôt a été notifié aux recourants le 12 août 2022 pour l’IFD et les ICC des périodes fiscales 2013 et 2014. Le délai de prescription de dix ans des art. 152 al. 1 LIFD, 53 al. 2 LHID et 61 al. 1 LPFisc a ainsi été respecté. S’agissant du délai de quinze ans, il n'est pas encore atteint.

9.             En ce qui concerne la soustraction d’impôts, l’autorité fiscale a émis le 21 décembre 2022 un bordereau d’amende IFD et ICC pour les années 2013 et 2014, soit moins de dix ans avant la fin de ces années fiscales. En application du nouveau droit, qui prévoit que la prescription ne court plus si une décision a été rendue par l'autorité cantonale compétente avant l'échéance du délai de prescription de dix ans à compter de la fin de la période fiscale, la poursuite pénale n'est pas prescrite. Il en va de même en application de l'ancien droit, qui prévoyait un délai absolu de quinze ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'avait pas été effectuée.

10.         Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (art. 175 al. 1 LIFD ; art. 56 al. 1 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) ; art. 69 al. 1 LPFisc).

11.         Pour qu'une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent dès lors être réunis : la soustraction d'un montant d'impôt, la violation d'une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier. Les deux premières conditions sont des éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale, tandis que la faute en est un élément constitutif subjectif (arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1 et 11 ; 2C_874/2018 précité consid. 10.1 ; ATA/859/2018 du 21 août 2018 consid. 13b et la référence). La violation d'une obligation légale peut résulter d'une irrégularité dans la comptabilité ou du fait de remplir sa déclaration fiscale de manière non conforme à la vérité et non complète, en violation de l'art. 124 al. 2 LIFD (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1018/2015 précité consid. 9.4.2 et les références citées).

12.         La soustraction est punissable aussi bien intentionnellement que par négligence. La notion de négligence des art. 175 LIFD et 56 LHID est identique à celle de l'art. 12 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) : commet un crime ou un délit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle, par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle. Si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins, en informer l'autorité fiscale (ATF 135 II 86 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_874/2018 précité consid. 10.1.3 ; 2C_129/2018 précité consid. 9.1 et les références ; ATA/407/2022 du 12 avril 2022 consid. 6 a).

13.         La preuve d'un comportement intentionnel de la part du contribuable doit ainsi être considérée comme apportée lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante que celui-ci était conscient du caractère erroné ou incomplet des indications fournies. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu'il a voulu tromper les autorités fiscales, afin d'obtenir une taxation plus favorable (arrêts du Tribunal fédéral 2C_792/2021 du 14 mars 2022 consid. 6.4.1 ; 2C_1052/2019 du 18 mai 2020 consid. 3.7.1 ; 2C_184/2019 du 25 septembre 2019 consid. 3.2 et 2C_444/2018 du 31 mai 2019 consid. 10.4.1). Cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l'on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu'il sait incorrectes ou incomplètes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1066/2018 du 21 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_129/2018 précité consid. 9.1). Le dol éventuel suffit pour retenir l'intention (arrêts du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_444/2018 précité consid. 9.2) : il suppose que l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, parce qu'il s'en accommode au cas où il se produirait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 précité consid. 17.3.1 et les arrêts cités ; ATA/407/2022 précité consid. 6b). En revanche, agit par négligence celui qui, par une imprévoyance coupable, ne se rend pas compte ou ne tient pas compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable lorsque l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle, ce par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1052/2019 précité consid. 3.7.1 ; 2C_1066/2018 précité consid. 4.1 ; 2C_1018/2015 précité consid. 9.4.4).

14.         Lorsqu'il mandate une fiduciaire pour remplir sa déclaration d'impôts, le contribuable n'est pas déchargé de ses obligations et responsabilités fiscales, mais doit supporter les inconvénients d'une telle intervention ; il répond en particulier des erreurs de l'auxiliaire qu'il n'instruit pas correctement ou dont il ne contrôle pas l'activité, du moins s'il était en mesure de reconnaître ces erreurs (arrêts du Tribunal fédéral 2C_814/2017 du 17 septembre 2018 consid. 9.4 ; 2C_908/2011 du 23 avril 2012 consid. 3.5 et les références, in RDAF 2012 II 324). Lorsqu'un contribuable signe sa déclaration fiscale, conformément à l'art. 124 al. 2 LIFD, il endosse la responsabilité de la véracité des indications qui s'y trouvent ; il répond ainsi lui-même des infractions fiscales commises si une faute lui est imputable. Il ne faut pas que le contribuable qui se fait représenter soit favorisé par rapport au contribuable qui remplit sa déclaration fiscale lui- même, par la possibilité de se soustraire à sa responsabilité en se retranchant derrière son représentant pour des fautes qui lui sont imputables. Pour retenir l'intention, à tout le moins par dol éventuel, il faut toutefois que le contribuable ait pu reconnaître le caractère erroné de la déclaration fiscale s'il avait agi avec la diligence requise et qu'il ait ainsi été en mesure de la faire corriger (arrêts du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 3 et les références, in RF 75/2020 p. 71).

15.         Lorsque le contribuable qui ne dispose pas de connaissances fiscales particulières choisit un mandataire compétent et lui communique tous les documents et renseignements nécessaires à l’établissement d’une déclaration conforme à la vérité, on ne peut raisonnablement pas lui reprocher de signer sa déclaration sans la contrôler dans les moindres détails. Il y aurait plutôt lieu de déterminer si le contribuable a transmis des documents incomplets à son mandataire, s’il l’a correctement instruit ou s’il s’est entendu avec lui pour commettre l’infraction fiscale (ATA/1262/2015 précité consid. 7c ; ATA/370/2015 précité consid. 6c ; ATA/798/2014 du 14 octobre 2014 et les références citées).

16.         En l’espèce, le recourant ne conteste pas avoir encaissé sur son compte personnel des montants qui auraient dû être comptabilisés dans sa société, obtenant ainsi une prestation appréciable en argent qui n'avait été, ni régulièrement déclarée, ni taxée. Les éléments objectifs d'une soustraction consommée sont ainsi réunis.

17.         Le recourant invoque en revanche son absence de compétences et de connaissances en matière comptable et fiscale. Il s’en était remis au professionnel qu’il avait mandaté pour s’occuper du volet administratif de son entreprise. Il avait d’ailleurs changé de mandataire, après avoir constaté divers manquements de sa part. Or, même sans être au bénéfice d’une formation particulière en fiscalité, il convient de retenir que le recourant, de par son activité professionnelle à titre d’indépendant, disposait des capacités suffisantes pour se rendre compte des conséquences de l’absence d’enregistrement de certaines recettes dans les comptes de sa société. Il indique d'ailleurs avoir attiré l'attention de sa fiduciaire sur ce point. Le fait de ne pas avoir contrôlé son activité constitue un manquement qui peut lui être reproché. De toute manière, et conformément à la jurisprudence précitée, le fait d'avoir mandaté une fiduciaire ne permet pas de le décharger de ses obligations fiscales.

18.         C'est pour conclure à juste titre que l'AFC-GE a retenu en l'espèce que les éléments constitutifs d'une soustraction d'impôts sont réunis. Reste toutefois à examiner la quotité des amendes prononcées.

19.         En cas de soustraction consommée, l’amende est, en règle générale, fixée au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 2 LPFisc). Le montant de l’impôt soustrait constitue donc le premier critère de fixation de l’amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d’augmentation de sa quotité (ATA/407/2022 du 12 avril 2022 consid. 6c).

20.         La quotité précise de l’amende doit par ailleurs être fixée en tenant compte des dispositions de la partie générale du CP, les principes de l’art. 47 CP régissant la fixation de la peine s’appliquant. En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l’impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l’auteur. Les circonstances atténuantes de l’art. 48 CP sont aussi applicables par analogie (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1 s).

21.         Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi, disposent d’un large pouvoir d’appréciation lors de la fixation de l’amende, l’autorité de recours ne censurant que l’abus du pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 7.2.1 ; ATA/1002/2020 du 6 octobre 2020 consid. 9b et les références citées).

22.         En l'espèce, et devant le tribunal, l'AFC-GE propose de ramener la quotité des amendes litigieuses de une fois à 50%, considérant que le recourant a agi par négligence. Le tribunal estime que, ce faisant, elle fait preuve d'une très grande modération et tient compte de l'ensemble des circonstances, relevant que la quotité ainsi retenue est proche du minimum légal de un tiers. Il se ralliera à cette conclusion de l'intimée.

23.         Le recours sera admis dans cette mesure, et rejeté pour le surplus.

24.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 2 octobre 2023 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 29 août 2023 ;

2.             l'admet partiellement  ;

3.             renvoie le dossier à l’administration fiscale cantonale pour nouvelles décisions dans le sens des considérants ;

4.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Antoine BERTHOUD, président suppléant, Laurence DEMATRAZ et Jean-Marc WASEM, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président suppléant

Antoine BERTHOUD

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière